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CONCLUSION : JIM

Il y a quelques concepts avec lesquels Jim a été en conflit au cours de sa vie mais aucun autant que celui de la famille. Il n'y a qu'à regarder son enfance. Son père a été un fantôme qu'il était prié de révérer sans éprouver la moindre rancœur. Sa mère a été absente physiquement et émotionnellement. Moins on parle de son beau-père, mieux il se porte. Son frère a fait de son mieux jusqu'à Tarsus, même si Jim ne l'a pas vraiment aidé et après Tarsus a été trop rongé par la culpabilité pour le regarder dans les yeux. Alors, non, il n'a jamais cru au concept de la famille en grandissant. C'était tout juste un mensonge qu'on vendait aux enfants qu'on croyait trop stupide pour comprendre les choses.

Pike a été le premier qui a fait comprendre à Jim ce que pouvait être une famille. Il aurait voulu pouvoir lui en vouloir. Il ne voulait pas d'une famille, que ce soit celle dans laquelle il était né ou une qui l'aurait choisi. Même appartenir à un groupe comme une classe ou une équipe lui répugnait. C'était dangereux, même s'il ne savait pas vraiment pourquoi. Bien sûr, il ne pouvait échapper à son identité, fils de George Kirk, le héros de la Fédération, survivant de Tarsus, mais il refusait avec véhémence tout le reste.

Maudit Pike. Jim ne pourrait jamais assez le remercier.

Il avait été tout ce que Jim imaginait être un père, attentif, patient mais exigeant. Jim espérait marcher sur ses traces comme capitaine. Il lui devait bien ça. Enfant, Jim avait choisi d'adopter à la suite plusieurs identités, celle de l'enfant qui gâchait son potentiel, du fils indigne du grand héros de la Starfleet, et du petit voyou. Ce n'étaient pas des rôles spécialement agréables à jouer, mais au moins on n'attendait rien de lui et il était libre de faire ce qu'il voulait. Quitte à ce qu'on lui renvoie le fantôme de son père dans la figure, qu'au moins ce soit pour de bonnes raisons. C'était une solution de facilité, et une solution idiote. Et puis Pike était venu et lui avait chamboulé la tête en lui disant que s'il devait être sans cesse comparé à son père, ce soit parce qu'il le mérite. Aujourd'hui, il n'y avait plus que sa mère pour le jauger à l'aune de son père. Les autres le jugeaient selon ses propres fautes et mérites ou en le comparant à Pike.

Jim s'était pris au jeu de prouver qu'il était plus que le fils de son père et avait même découvert qu'il aimait les défis que lui posait la Starfleet, même en temps que simple cadet cloué au sol. Très tôt, il avait découvert qu'il était doué pour ça et pour la première fois trouvé ce qu'il voulait faire de sa vie et, enfin, une identité qui lui était confortable à porter.

Seulement, il y avait quelque chose qu'il n'avait pas prévu. Par Pike, Jim avait trouvé une famille bien malgré lui, une famille exaspérante, éreintante, trop curieuse mais fantastique. C'était inattendu et cela c'était fait totalement malgré lui. Jim avait alors fait une découverte bien trop inconfortable à son goût.

Quand on s'ouvre aux autres, on leur laisse voir qui on est vraiment. Dès les premiers instants à la Starfleet, Jim avait baissé sa garde – maudit Pike, une fois de plus – et ceux qui le voulaient avaient pu déceler l'homme qu'il avait le potentiel de devenir.

Cela avait commencé avec Bones et Uhura, même si Jim avait réussi à corriger le tir avec le seconde très vite. Comme un idiot, il avait pensé que c'était mieux qu'elle continue de le sous-estimer et de le mépriser. Cela le faisait rire aujourd'hui. Pas elle, mais elle avait toujours eu plus de bon sens que lui.

Il n'avait pas réfléchi en se liant d'amitié avec Bones. Il s'était simplement dit que l'homme avait l'air intéressant. Le temps qu'il réalise ce qu'il faisait, il était déjà trop tard. Bones avait décidé que Jim avait grand besoin d'amis et qu'il ferait l'affaire. C'était la meilleure et la pire chose qui soit jamais arrivée à Jim. L'amitié... Il n'avait pas connu ça depuis Tarsus. Comment se lier à quelqu'un qui ne savait pas ce que c'était de ne pas manger pendant des jours et de dormir en se recouvrant de boue pour ne pas être remarqué par les hommes de Kodos ?

Facilement avait été la déconcertante réponse. Se faire des amis était facile. Bones l'avait prouvé, et Uhura, Scotty et tous les autres. Jim savait séduire les gens après tout. Cependant, si ceux là étaient devenus ses amis, c'était parce qu'ils ne s'étaient pas laissés séduire. Jim avait du lutter pour gagner d'abord leur respect puis leur amitié. Avec Bones, Scotty, Chekov et Sulu cela avait été simple. Avec Uhura et Spock, beaucoup moins.

Il y a eu des moments difficiles depuis qu'il est pour la première fois monté à bord de l'Enterprise mais il aura gagné au passage cette chose terrible et irremplaçable. Sa famille.

Seulement, fallait-il qu'elle soit si invasive ? Dès les premiers jours de son amitié avec Bones, Jim avait du être prudent. Son ami avait toujours respecté son silence quand on abordait les sujets douloureux de l'enfance et de la famille mais cela ne l'empêchait pas de se poser des questions. Jim s'était habitué aux regards inquisiteurs portés sur son assiette, aux conversations dans son dos de ses amis et aux regards qui cachaient difficilement leur inquiétude voire un sentiment de pitié.

Ne plus rien à avoir à leur cacher est déstabilisant. Surtout, peut être, parce qu'il ne s'attendait pas à être aussi soulagé. Ils savent tout de lui désormais et cela ne le gène même pas. Un capitaine de la Starfleet est toujours en représentation, c'est le rôle qui veut ça, mais il n'a pas à l'être avec eux, il n'est que Jim. C'est agréable, même s'il ne sait toujours pas très bien comment se confier. Heureusement, sa fantastique équipe a désormais décider de faire preuve d'une patience infinie face à ses moments de mutisme. Ils ne posent aucune question, sauf Bones et ils n'ont pas renouvelé leurs indiscrétions. Ils se contentent d'être là et d'être eux-mêmes. C'est à dire que Sulu l'invite à l'accompagner dans son laboratoire, que Chekov lui parle énigmes mathématiques, que Scotty sort une bouteille d'alcool parfaitement illégale et que Uhura l'invite d'un geste de la tête à manger avec elle au mess.

En ce jour, ils sont particulièrement attentifs à lui laisser de l'espace et Jim leur en sait gré. C'est une journée difficile qui s'annonce mais tant qu'il est sur le pont, il est plus facile de faire semblant de l'ignorer. L'équipage ignore ce qu'il en est et Jim tient à ce que cela ne change pas. Il agit comme à l'ordinaire et les autres lui emboîtent le pas. Il se conforme autant que possible à l'image du parfait capitaine qu'il espère être un jour, donne ses ordres, signe ses rapports, échange des plaisanteries avec son équipage.

À la fin de son quart, il est épuisé. Il salue distraitement l'équipage et appelle l'ascenseur. Spock s'y engouffre à sa suite juste avant que les portes se referment. Les bras croisés, l'air imperturbable, il fait des efforts considérables pour ne pas regarder Jim. C'est du Spock tout craché, de le suivre pour lui montrer son soutien qu'il le veuille ou non, mais tout en lui laissant la possibilité de refuser ce soutien.

Jim s'appuie contre la paroi, ferme les yeux et respire profondément.

-Je ne suis pas prêt, Spock.

-Je peux regarder pour vous.

-Je dois le faire moi même. Mais je m'étonne que vous ne l'ayez pas fait.

Spock fait passer son poids d'une jambe sur l'autre. Un signe d'incertitude qu'il laisse rarement paraître.

-Je ne sais qu'elle aurait pu être ma réaction sur le pont en cas d'une issue défavorable.

Jim non plus. Il a vingt fois pensé à prendre son pad et à regarder et il a renoncé à chaque fois. Il refuse de s'effondrer maintenant. Il a trop de choses à faire pour se le permettre et trop de personnes qui dépendent de lui.

Il doit être fort, mais comment l'être alors que le procès de Kodos s'est terminé depuis presque deux heures ?

Spock pose une main sur son épaule. Peu à peu, Jim se calme, suffisamment pour rouvrir les yeux et se redresser. L'inquiétude se lit dans le regard de Spock et, il n'y a pas si longtemps, Jim se serait braqué. Il aurait tenté de blesser Spock, d'une manière ou d'une autre, pour que celui-ci oublie qu'il avait pu voir un instant de faiblesse chez Jim.

Ce temps là est définitivement derrière lui. Avec un peu de chance. Il a appris à faire confiance à ses amis pour garder ses secrets et ne pas le juger. Il ne se sent plus en situation de faiblesse face à eux. Qu'ils regrettent leurs actions passées lui suffit. Il n'en aurait pas été de même, avant. Jim ne se sent pas en danger juste parce qu'ils savent. C'est agréable.

Oui, il espère vraiment ne jamais plus se sentir ainsi sur la défensive, mais cela arrivera tôt ou tard. C'est inévitable. Jim ne se fait aucune illusion. Sa mère n'a jamais guéri après la mort de son père, il ne pourrat jamais passer outre Tarsus et ses multiples traumatismes, jamais totalement du moins. Mais au moins, plus jamais il n'aura à les affronter totalement seul. Mais contrairement à ce qu'il a toujours pensé, que d'autres soient informés ne veut pas dire qu'il est trop faible pour y faire face par lui-même. Cela veut seulement dire qu'il n'a pas à le faire. Ils sont une équipe. Son équipe.

-Merci d'être là Spock, finit-il par murmurer.

Il est resté trop longtemps silencieux, mais la main de Spock n'a jamais lâché son épaule. Jim espère seulement que le ton de sa voix transmet convenablement toute sa reconnaissance, et tout le reste. Spock ne sourit pas, bien sûr, mais sa main reste à sa place jusqu'à ce que l'ascenseur arrive enfin à destination. Il se place entre son capitaine et la porte le plus naturellement du monde, laissant à Jim l'occasion de rectifier son uniforme, puis ils sortent ensemble.

-Rien d'autre qui ne réclame mon attention ?

-Rien qui ne puisse être géré par d'autres, capitaine.

-Et de votre côté ?

-Aucune obligation immédiate.

-Alors je veux bien de cette compagnie que vous m'offriez.

Spock incline légèrement la tête et ils se dirigent ensemble vers la chambre de Jim. Aux yeux de l'équipage, tout paraîtrait normal, le capitaine et son second vaquant à leurs occupations. Ils ne marchent pas plus près l'un de l'autre qu'avant, ne semblent pas plus intimes qu'auparavant. Ils ont pris grand soin de ne rien changer à leurs habitudes. Jim comme Spock tiennent trop à leur intimité, pour des raisons complètement opposés. Spock n'a jamais trompé Jim : il a toujours su que le Vulcain appréciait leur échanges furtifs de regards et le reste. Ils n'ont jamais agit parce qu'ils ne ressentaient pas la même chose ou par crainte d'une nouvelle intimité. Jim n'est pas trop sûr de la raison des réticences de Spock. Cela tient à son héritage principalement, mais pas uniquement et Jim restera dans l'ignorance parce qu'il ne compte pas dire à Spock que lui s'est retenu parce qu'il ne supportait pas l'idée de se mettre à nu métaphoriquement parlant devant lui. Quand l'autre Spock a débarqué pour la première fois dans son univers, Jim a senti confusément qu'il savait à propos de Tarsus et que ce vieux vulcain acceptait totalement Jim et ses défauts. Il n'a jamais été prêt à prendre le risque de vérifier si son Spock pouvait le faire aussi. Quand il a sauté le pas, c'était par instinct.

Un saut de foi.

Il ne regrette rien.

Une fois la porte de sa chambre refermée, Jim sent immédiatement Spock se détendre, imperceptiblement. Il sait qu'il en est de même pour lui. Cette fois, c'est lui qui cherche le contact de Spock, cherchant presque désespéramment ses lèvres pour se sentir glorieusement vivant quelques instants. Spock répond avec enthousiasme avant de se détacher à regrets. Il a raison de le faire. Jim cherche à être distrait même quelques secondes et ce n'est pas juste ni envers leur nouvelle relation. Il prend son pad, s'assoit sur le lit et l'allume. Spock le rejoint, mais ne regarde pas l'écran, lui laissant la primeur de la découverte.

Jim ne sait pas s'il supporterait un contact physique en cet instant. Il est terrorisé à l'idée que Kodos s'en sorte. Il a refusé de suivre le procès et les débats autour il pouvait soit le suivre, soit gérer son bateau et son équipage, mais pas les deux. Malgré sa détermination à s'en tenir éloigné, il a tout de même écouté cinq minutes du procès, le jour de son ouverture, juste le temps de s'assurer que c'était bien Kodos.

C'était lui, bien sûr. Son équipe était trop douée pour se tromper. Il n'en avait pas douté une seconde, mais il avait besoin de savoir. Dès qu'il avait eu sa preuve, il avait éteint le son et passé le reste de la soirée dans un état second, couvé par le regard attentif de Spock.

Depuis, il se tient à l'écart, trop à l'écart, peut-être, du procès. Maintenant, il ne peut s'empêcher de paniquer. Et si Kodos était parvenu à leur faire croire qu'il y avait méprise ? Si les preuves étaient insuffisantes ? Il s'en veut d'avoir refusé de témoigner. Combien d'autres survivants ont fait de même, pour ne pas revivre Tarsus une fois de plus ? Si la défense de Kodos peut utiliser ce manque de témoins pour faire douter le jury... Jim sent la bile remonter dans sa gorge.

-C'est illogique, non ? J'ai besoin de savoir le verdict, mais j'en ai tellement peur que je n'ose regarder ce qui bien sûr aggrave mon angoisse.

-Illogique pour un vulcain, peut être. Angoisser, gagner du temps, ce sont des réactions humaines. Elles ont leur propre logique et il serait absurde de les déprécier simplement parce qu'elles proviennent d'une autre race.

Jim rit doucement et s'appuie contre Spock, épaule contre épaule.

-Je crois qu'en fait j'ai peur d'être déçu par le résultat, quel qu'il soit. L'humanité a été barbare dans le passé, tu le sais. Tarsus n'est que la dernière des horreurs que nous avons perpétré.

-Oui.

-C'est pour ça que nous avons créé la Starfleet je crois, pour nous prouver que nous sommes capable du meilleur aussi, d'émerveillement et d'empathie. J'admire cet idéal et je veux le porter dans tous les recoins de la galaxie. Alors pourquoi je regrette qu'un tribunal de la Fédération soit incapable d'infliger la peine maximale ?

Spock ne dit rien. Il ne lui répond pas que c'est humain de souhaiter la mort de ses ennemis ou que c'est dans leur nature d'être violent. Il se contente de poser une main sur son genou et Jim peut la sentir trembler.

-J'ai failli tuer Khan après... Si Nyota ne m'avait pas arrêté, je l'aurais fait.

-Je sais.

-Elle en a parlé ?

-Jamais.

-Ce n'est pas la logique qui m'a arrêté, ni l'éthique ou la crainte de finir ma carrière devant un tribunal. Nyota m'a crié que le garder en vie était le seul moyen de préserver la tienne.

C'est le tour de Jim de se taire. Cela, il ne le savait pas.

-C'est également la seule raison que nous avons eu de ne pas traquer nous même Kodos, poursuit Spock. Je l'aurais tué. Je soupçonne que Nyota aurait fait de même.

Jim compris ce qu'il ne disait pas. Que sa crainte que ce geste sois abject aux yeux de Jim l'avait seul arrêté. Il n'en revenait toujours pas, même après toutes ces années, de compter autant aux yeux de Spock. Même maintenant qu'il était son amant. L'affreuse petite voix qui le suivait depuis Tarsus lui disait que cela ne durerait pas. Qu'ils se lasseraient, tous. Que Spock partirait. Jim la fait se taire, inspire et baisse les yeux.

-La réclusion à perpétuité, sans aucune possibilité d'aménagement de peine.

Sa voix tremblait à peine. Spock hocha la tête.

-C'était la seule option envisageable. Puis-je ?

Dans un état presque second, Jim lui tend le pad. Il a besoin de temps pour récupérer le souffle qu'il retenait sans le réaliser. C'est fini, et en même temps, ce ne sera jamais terminé. Jim sera toujours ce que Tarsus et Kodos ont fait de lui. Il aimerait juste se sentir un peu plus léger.

-Il a été reconnu coupable de tous les chefs d'accusation, explique Spock en parcourant l'article. Sa défense n'a pas convaincu le tribunal. Il purgera sa peine en isolement absolu sans possibilité de recevoir quiconque à part son docteur et l'amirauté. Un moyen de couper sous le pied aux journalistes qui réclament un entretien depuis des mois, j'imagine.

Jim frisonne de rage à l'idée que ce monstre obtienne une tribune pour ses discours abjects. Il a beau savoir que la presse est essentielle à toute démocratie, il a été suffisamment victime de certains de ces vautours pour vouloir les vouer tous aux gémonies.

Un ping retentit sur le pad. Spock renonce à sa lecture pour s'intéresser au message sans demander à Jim sa permission. Elle lui est accordée d'emblée, de toute manière.

-Le docteur McCoy vous ordonne vingt quatre heures de repos et demande s'il doit passer avec une bouteille de whisky dans la soirée, reprend Spock d'une voix professionnelle. Que dois-je lui répondre ?

-Je crois que j'ai besoin de rester seul.

La voix de Jim n'est qu'un coassement ridicule.

-Oh. Très bien.

Spock commence à se lever et le cœur de Jim se serre. Il saisit la manche de Spock.

-Non, ce n'est pas ce que je voulais dire. Je ne peux pas voir les autres maintenant, mais tu peux rester Spock, bien sûr.

Son compagnon reste silencieux et Jim a envie de jurer. C'est un désastre. Toute cette histoire est vouée à l'échec, il n'a aucune idée de ce qu'il fait la moitié du temps.

À sa grande surprise, Spock se rassoit et il parvient à le regarder dans les yeux quelques secondes avant de détourner le regard. Il ne peut pas faire face à ce qu'il voit dans ces yeux pour l'instant. Il ne peut pas faire face à quoi que ce soit.

Spock prend sa main dans la sienne et Jim s'autorise enfin à s'effondrer.

Quand il se réveille, il est enlacé avec Spock dans son lit. Leurs uniformes sont froissés et les cheveux de Spock sont dans un tel état que Jim éclaterait volontiers de rire si la situation était différente. Sentant son regard sur lui, Spock ouvre les yeux. Jim y lit la même chose qu'il a tenté d'ignorer la veille. Il a encore du mal à accepter cet amour et cette compassion que lui témoigne Spock mais aujourd'hui il ne se sent pas faible de reconnaître leur existence.

-J'ai mieux dormi que depuis une éternité et j'en suis le premier étonné.

-Moi de même. Il y a quelque chose de terriblement satisfaisant dans le fait de laisser ses ennemis coucher en prison.

Oui, c'est une idée qui laisse un goût agréable en bouche. Jim a toute une galaxie à portée de ses doigts et Kodos va moisir dans un étroit bocal. Il s'étire et s'allonge sur le dos, profitant de l'instant. Spock suit le moindre de ses mouvements du regard avec un air presque affamé.

Ils sont avides l'un de l'autre depuis qu'ils se sont enfin trouvés. Et si la veille Jim s'est refusé à tout geste envers Spock, il n'a pas envie de se retenir aujourd'hui. Hier, il n'aurait cherché qu'un moment d'oubli et ce n'aurait été juste ni pour l'un ni pour l'autre. Aujourd'hui, il se sent merveilleusement vivant et il invite Spock du regard.

-Je n'ai pas le droit de jouer au capitaine de la journée. Une idée sur comment meubler cette journée ?

-Ce serait avec plaisir capitaine, mais pour ma part j'ai encore tout mes devoirs du jour à accomplir. Je vous verrais au déjeuner.

-Bien sûr. Mais ce n'est que partie remise j'espère ?

Le regard que lui jette Spock tandis qu'il se lève à regret est la seule réponse dont il ait besoin. Jim reste couché tandis que son second part rectifier sa tenue et sa coupe de cheveux puis se lève à regret. S'il n'a pas Spock à ses côtés, il ne voit pas l'intérêt de rester là.

Une journée sans rien faire, c'est terriblement long, du moins pour Jim. Il a de l'énergie à revendre. Aussi triche-t-il avec les ordres du bon docteur McCoy. Il ne travaille pas à proprement dit, mais il en profite pour mener une inspection informelle des différents laboratoires et départements de l'Enterprise. Il discute des besoins avec chaque équipe et passe plus de temps à papoter qu'à vraiment travailler. Il apprend à mieux connaître son équipage et en profite pour réfléchir.

Bien sûr, Bones n'approuve pas quand Jim débarque à l'infirmerie avec un grand sourire, mais il l'entraîne sans trop protester dans son bureau pour sortir une bouteille prohibée de derrière celui-ci.

Ils boivent deux verres en silence, ils boivent à tout et à rien. Au temps qui passe, aux cheveux qui blanchissent, aux ennemis qui partent et aux amis qui restent. Ils échangent quelques souvenirs de l'Académie et des premiers mois sur l'Enterprise et se mettent à rire. Il y a tant de bons souvenirs et de grands moments. Ces derniers temps, Jim avait du mal à s'en souvenir.

Finalement, la faim force Jim à se lever et Bones lui embraye le pas. Jim prend le temps d'échanger quelques mots avec tous les membres de l'équipage qu'ils croisent.

-Il y a trop de cernes sous les yeux de ces gens, grogne Bones. Une journée de repos ferait du bien à tout le monde.

Jim lève ostensiblement les yeux au ciel.

-Si c'est un avis médical, je promet de laisser l'entièreté de l'équipage descendre se reposer sur la prochaine planète qui n'essaiera pas de nous manger ou de nous tuer.

Bones lève un sourcil dubitatif en le voyant acquiescer si vite, mais il a raison. Ils ont tous besoin de repos.

Une fois au mess des officiers, ils retrouvent Uhura, Chekov, Sulu et Scott en train de discuter au-dessus de leurs assiettes vides. Leurs sourires sont fatigués mais ravis. Ils ont remporté une victoire, mais sont à bout de nerfs. Une planète forestière, ou une plage de sable, décide Jim. Ce sera une bonne manière de les remercier de leur soutien. Il s'empare d'une chaise et s'installe à côté d'eux. Scott lui tape amicalement le dos avant de réclamer le droit de modifier les moteurs de l'Enterprise. Jim éclate de rire et détourne la conversation vers les recherches d'Uhura, pour le faire mariner un peu. Cette dernière entre dans son jeu et lui lance un petit clin d'œil. Il suffit de jeter un regard à Sulu pour savoir qu'il compte rebondir dès qu'elle aura terminé pour agacer Scott.

Jim les connaît par cœur.

Et maintenant, eux le connaissent par cœur aussi.

Il inspire une grande goulée d'air. Oui, il restera tout ce que Tarsus et Kodos ont fait de lui. Mais Jim a aussi été modelé par le sacrifice de son père, l'indifférence de sa mère et l'exemple de Pike. Il a été poussé dans la bonne direction par McCoy et Spock et tous les autres.

Spock se joint enfin à eux. Il glisse très naturellement sa chaise entre Scott et Jim, salue leurs camarades et glisse presque accidentellement ses doigts contre ceux de Jim. Tous les autres le remarquent, bien sûr, mais ils n'en ont cure.

-T'hy'la, murmure-t-il en mettant fin à ce trop court baiser qui laisse Jim sur sa faim.

Comme si de rien n'était, il apporte ensuite une rectification à la conférence improvisée d'Uhura.

-Alors il y avait bien un mot en vulcain, marmonne bruyamment Bones.

Jim éclate de rire. À son tour, il frôle les doigts de Spock. Par le hublot, il peut voir les étoiles.

Tout va bien.