Je vais te raconter une histoire.
Dans cette histoire, pas de princesse en détresse enfermée dans la plus haute chambre de la plus haute tour gardée par un féroce dragon.
Mais malheureusement, comme la plupart des histoires, elle commence par un événement des plus tragiques...
Nous sommes en novembre, dans un magnifique château regorgeant de merveilles.
La nuit est tombée depuis quelque temps déjà.
Dans un des nombreux couloirs, un jeune homme avance d'un pas gracieux mais néanmoins pressé. Il est grand et athlétique, quelques mèches d'un blond presque blanc s'échappent de la capuche de sa cape.
Sous les plis du vêtement, on pouvait voir qu'il serrait quelque chose contre son torse.
Ne regardant pas vraiment où il allait, gardant obstinément la tête baissée, il ne vit pas l'élève sortir d'un couloir attenant au sien. Ce dernier, le nez plongé dans un article du Chicaneur, ne prenait pas garde non plus à son environnement.
Alors ce qui devait arriver arriva : ils se percutèrent.
Le choc ne fut pas grand, juste assez pour les sortir tous les deux de leurs pensées où ils s'étaient plongés. Le jeune lecteur brun, d'environ la même taille son camarade, s'apprêta à s'excuser quand il se rendit compte de la personne qui lui faisait face.
- Malfoy ? Qu'es-tu fait là?
- Je pourrais te retourner la question, Potter. Répond-il calmement, en resserrant discrètement sa cape autour de lui.
Harry lui fit un grand sourire innocent.
- Moi ? Je me promène !
- Eh bien, figure-toi que moi aussi !
Le brun ne quitta pas son sourire et se planta en face de son camarade, l'empêchant ainsi d'avancer.
- Baladons-nous ensemble alors !
- Je préfère être seul. Répondit Draco, de plus en plus nerveux. Tu vois : tranquille.
- Comme c'est dommage : je n'ai aucune envie de te laisser tranquille !
Ce n'était pas qu'Harry ne lui faisait pas confiance, non ; depuis la fin de la guerre les rapports entre eux deux s'étaient grandement améliorés. Ce n'était pas encore l'amour fou, mais maintenant ils peuvent avoir une conversation sans se jeter à la gorge de l'autre.
Mais c'est surtout que le jeune brun était curieux, trop peut-être, et mourait d'envie de savoir ce que pouvait bien trafiquer son ex-ennemi.
Le Serpentard soupira avant de marmonner entre ses dents :
- Potter, vas-tu te décider à me laisser passer ?
- Euh... Non ! Pas tant que tu ne m'auras pas dit où tu comptes aller.
Rien n'est plus borné qu'un Gryffon, Draco le savait très bien. Et comme il n'avait pas toute la soirée à lui consacrer, il préféra rendre les armes tout de suite.
- Très bien, si tu veux tout savoir, je vais voir le directeur. Voilà, heureux ?
- Très! S'exclama-t-il, souriant encore plus largement.
Cela n'arrangea pas du tout la curiosité maladive de ce dernier : qu'y a-t-il de si important pour déranger le directeur à une heure si tardive ? Est-ce que ça avait un rapport avec ce que cachait Malfoy sous sa cape ?
Il voulait savoir. Il devait savoir !
- Mais dis-moi, tu as le mot de passe n'est-ce pas ?
Face au regard surpris et à la bouche béante de son camarade, il reprit rapidement :
- Visiblement, non, tu ne l'as pas. Reprit-il. Mais moi, si, alors je viens avec toi !
- Comment ça ce fait que tu l'as toi ?
Harry avait commencé à avancer sans l'attendre. Il sautillait presque.
Depuis la fin de la guerre, beaucoup avaient remarqué que le sauveur était beaucoup plus insouciant qu'avant. Parfois, il paressait presque...enfantin.
- Je suis son petit chouchou, tu sais bien ! Allez dépêche-toi, on n'a pas toute la nuit !
Au moment où le blond s'apprêtait à protester, un léger son s'éleva dans l'air. Un son reconnaissable entre mille.
Le Gryffondor se stoppa brutalement avant de se retourner lentement vers son acolyte.
- Malfoy ? M'expliquerais-tu pourquoi j'entends un bébé ?
- Un bébé ? Je n'entends rien moi !
- Tu n'entends pas le babillage d'un bébé ?
- Pas du tout !
Le brun s'avança à pas rapides pour planter ses yeux dans ceux de son condisciple.
- Dis-moi Malfoy, tu es payé combien pour te foutre de ma gueule ?!
Après quelques minutes de regards noirs, le blond finit par s'avouer vaincu, et c'est dans un soupir qu'il écarta sa cape pour montrer ce qu'il cachait si précieusement sous les yeux plus qu'étonnés d'un Harry béat... qui se repris bien vite !
- Mais voyons Malfoy ! S'écria-t-il.
- Oui, je sais, mais je peux tout expliquer, c'est...
- Tu as vu comment tu le tiens ! Le coupa brutalement le brun en lui prenant le bébé. Pas étonnant qu'il commence à protester, n'est-ce pas...Leslie !
- Comment peux-tu savoir son nom ? Demande le blond plus troublé que jamais par la réaction de son camarade.
- C'est écrit sur sa gourmette. Lui répondit ce dernier en remettant, correctement, l'enfant dans les bras du blond.
Le reste du trajet se fit dans le silence, si on exempte les babillages du bébé.
Le mot de passe prononcé et l'escalier monté, Harry se mis à frapper en espérant ne pas réveiller son directeur.
Quand la voix de ce dernier résonna en donnant la permission d'entrer, il ne s'attendit surement pas à la situation qui allait arriver.
Pour la première fois de toute leur scolarité, Harry et Draco purent voir un éclair de surprise dans le regard bleu qui leur fit face.
- Je pense qu'une explication ne serait pas de trop. Déclara le vieil homme en s'asseyant derrière son bureau.
Presque machinalement ses yeux se posèrent sur Harry, qui leva les bras en signe de défense :
- Non, cette fois je n'ai rien fait !
Un sourire doux éclaira le visage du directeur, les vieilles habitudes sont dures à perdre.
Il incita les deux jeunes hommes à s'asseoir et c'est sans tarder que le Serpentard commença son explication.
- En fait, vous n'êtes pas sans savoir, monsieur, que j'avais une autorisation exceptionnelle pour me rendre à Londres ce samedi. Et vous n'êtes pas sans savoir non plus que malgré la chute de Voldemort quelques Mangemorts en fuite continuent à attaquer les moldus.
- Où veux-tu en venir Draco ? Demanda le directeur, le visage grave.
- Eh bien, en chemin pour revenir ici, je suis passé par des chemins de campagne et suis tombé sur une maison qui venait visiblement d'être juste attaquée. Les cendres étaient encore fumantes... Après avoir vérifié que les environs étaient déserts, j'ai décidé d'entrer. Puis face au regard désapprobateur du vieil homme, il ajouta : juste pour être sûr, vous voyez ! Vérifier qu'il n'y avait vraiment plus personne à sauver.
- Malfoy, l'interrompit Harry, tu sais bien qu'ils ne laissent jamais personne en vie...
- Et bien cette fois, si. S'exclama Draco en plantant son regard dans les yeux émeraude. Au moment où je m'étais résigné à partir, je l'ai entendu. J'ai cru que c'était un animal au début, mais j'avais tort ! Finalement je l'ai trouvé : elle était cachée dans un placard...
- C'est impossible...Commença Harry.
- Dit celui qui a survécu à un sortilège de mort. Le coupa le directeur. Draco, as-tu une idée de pourquoi ils l'ont épargnée ?
- Ils sont moins puissants, moins nombreux et pourchassés de toute part. Ils ne peuvent pas s'empêcher d'attaquer, mais sont très vite repérés. Il reporta son regard sur l'enfant contre son torse. Et puis surtout, Leslie était très bien cachée, je l'ai à peine entendue alors que tout était silencieux. J'imagine qu'avec tout le bruit de l'attaque... Et ses parents ont dû les voir arriver et, bien que moldus, ont dû sentir le danger. Avec elle dans le placard, j'ai trouvé des photos qui devaient être accrochées aux murs. En entrant dans la maison, on ne se doutait pas qu'un enfant vivait là. Ils ont tout fait pour la protéger...
Il baissa à nouveau les yeux pour regarder cette vie miraculée qu'il tenait entre ses bras.
Celle-ci, loin de se douter d'être le centre de toute cette attention, se blotti un peu plus contre la poitrine chaude avant de s'endormir.
- Alors, je n'ai pas hésité un instant, je l'ai prise et suis parti avec elle ! reprit-il.
- Pourquoi ne pas vous être rendu au ministère ? demanda le vieil homme.
- Je ne leur fais pas confiance et c'est réciproque. Et puis, ils me l'auraient enlevée... Termina-t-il les yeux sur l'enfant, caressant machinalement la petite main qui serrait son pouce.
Les yeux du directeur se remirent à pétiller derrière ses lunettes. Si Harry l'avait vu, il aurait surement senti le coup foireux, seulement en l'instant il était obnubilé par Draco en adoration devant le bébé.
- Je vais envoyer une lettre à l'orphelinat, dit le directeur en saisissant sa plume, mais comme cet enfant n'est pas de notre monde, je doute qu'il l'accepte de notre côté.
Cette déclaration eut l'effet d'une bombe sur les deux jeunes gens.
- Non ! Pas l'orphelinat ! crièrent-ils d'une seule voix en sortant de leur contemplation.
- Malheureusement, nous n'avons pas vraiment le choix. Continua le directeur.
- Mais professeur ! Les orphelinats sont complètement débordés ! affirma Draco. Elle est si petite et calme, ils ne feront pas attention à elle !
- Et bien, trouvez une autre solution alors. Insista le vieil homme.
Le blond regarda à nouveau le bébé, qui se mit à bouger et gémir dans son sommeil.
Non, il ne pouvait pas l'abandonner, c'était au-dessus de ses forces. Décidé, il planta ses yeux dans ceux de son directeur.
- Je vais m'en occuper ! Ce sera difficile, mais je ne la laisserai pas se faire balloter d'une famille d'accueil à une autre !
- Tu penses pouvoir t'en sortir seul ? Lui demanda Dumbledore. Elle a l'air d'avoir environ six mois, je ne suis pas sûr que tu te rendes compte du boulot que ça représente.
- Alors, je l'aiderai ! Les interrompit Harry, à la surprise de tout le monde. Ça serait bien le diable si à nous deux nous n'arrivons pas à quelque chose !
Draco se tourna vers le brun. Forcément celui-ci avait encore parlé sans réfléchir, typiquement gryffondor. Mais il n'était pas vraiment en position de refuser de l'aide.
Les deux adolescents se tournèrent donc vers leur directeur, décidés et sûrs de leurs choix.
- Harry, tu es sur de ton choix ? demanda le directeur avec un sérieux sans faille. Prends-tu seulement la mesure de ton acte et les répercussions sur ta vie que cela entraînera ?
- Je sais ce que c'est de grandir dans l'indifférence, personne ne mérite ça ! Elle n'ira pas à l'orphelinat !
Le silence régna quelques minutes avant que le vieil homme ne repose sa plume et son parchemin :
- Et bien puisque vous en avez décidé ainsi. Leur dit ce dernier, le regard pétillant. Après tout, vous êtes légalement adultes à présent. Il se leva de son siège pour les accompagner vers la sortie. Je vais vous amener dans un appartement privé puis je demanderai aux elfes d'y déposer vos affaires.
Durant le trajet, les deux garçons se regardèrent en pensant exactement la même chose : ils avaient l'impression de s'être fait avoir par le vieil homme, encore. Ils se fesaient toujours avoir...
Au bout de quelques instants Dumbledore s'arrêta devant un tableau représentant une jeune femme allaitant son enfant.
- C'est ici que je vous laisse mes enfants. Le mot de passe est "Refuge". Termina-t-il en partant.
Les deux jeunes adultes rentrèrent alors dans un salon spacieux et chaleureux. Un feu ronronnait dans la cheminée et des affaires de puériculture étaient dispersées à travers la pièce.
Le Gryffondor allait visiter le reste de l'appartement quand il entendit son camarade l'appeler de ce qu'il devinait être la salle de bain :
- Potter ! Viens ici tout de suite !
- Qu'est-ce qui t'arrive ? Demanda ce dernier, passant outre la politesse toute relative de son camarade, en se dirigent vers la salle. Un problème ?
Il poussa la porte pour voir le blond en train de changer la couche de l'enfant.
Le blond se décala pour lui montrer la raison de son appel.
- Non, je n'appellerai pas ça exactement un "problème". Répondit Draco, une main toujours sur l'enfant pour éviter tout risque de chute. Tout au plus une méprise. Tu m'as dit que son prénom était Leslie !
- Mais c'est son prénom ! C'est écrit sur sa gourmette !
- Mais Leslie est un prénom féminin et le... "Petit oiseau" qui se trouve entre ses jambes n'a rien de féminin !
Les deux ados regardèrent le petit garçon, donc, qui abordait des yeux rieurs, les doigts dans la bouche.
- Ça devait dire quelque chose pour ses parents. Conclut Harry. Lui donner ce prénom, c'était surement très important pour eux...