Brian le tenait fermement dans ses bras, encore allongé sur lui. Il ne voulait pas se lever car il savait qu'en bougeant il partirait. Il sentait son cœur battre au même rythme que le sien. Il sentait sa chaleur, sa peau contre la sienne, son souffle contre son oreille, son odeur, ses cheveux, ses bras autour de lui. Il voulait fixer cette étreinte dans sa mémoire, comme si c'était la dernière. Justin remua. C'était l'heure de partir. Brian n'entendit pas ce qu'il disait. Il se leva tel un automate, enfila ses vêtements sans vraiment savoir ce qu'il faisait. Il était ailleurs comme sonné. Il regarda Justin faire un dernier tour dans le loft. Il n'arrivait plus à comprendre la situation : Justin partait, lui, restait.

Dans la voiture qui les conduisait à l'aéroport ils ne prononcèrent aucun mot. Brian était plus que jamais concentré sur la route, les mains crispées sur le volant. De son côté, Justin, n'osait pas regarder dans sa direction. Est-ce qu'il faisait une erreur ?

L'aéroport de Pittsburgh leur apparût dans la nuit, éclairé de milliers de lumières, prêt à les engloutir. Dans le hall ils tombèrent nez à nez avec Debbie.

-Maman Novotny ! Vous ne pouviez pas vous empêcher de venir, répliqua Brian avec un grand sourire.
-Je ne pouvais pas laisser partir ce petit ange sans lui dire au-revoir, répondit-elle avec ferveur.

Justin lui répondit par un sourire. Debbie le prit dans ses bras et le serra avec force contre elle. Elle avait la sensation de perdre un de ses enfants et avait horreur de ça. Elle se détacha de lui et pointa un doigt menaçant dans sa direction.

-Tu as intérêt à revenir nous voir et à être là pour les fêtes sinon tu auras à faire à moi !
-Je serais là Debbie, ne vous inquiétez pas, répondit-il avec un sourire.

« Les passagers du Vol A475 310 à destination de New-York sont invités à se présenter en porte 3 pour l'embarquement. »

Après une dernière étreinte il se dirigea vers la porte trois. Brian l'accompagna sur le tarmac au pied de l'appareil. Justin posa son sac et se retourna vers lui. Il voulait dire tant de choses mais le regard de Brian l'en empêchait : s'il commençait à parler il n'arriverait jamais à partir. Il était tétanisé sur place, les bras ballants, les yeux rivés sur cet homme qu'il aimait plus que tout au monde et qu'il était en train de quitter. Ses yeux s'embuèrent mais il se contrôla : il ne devait pas pleurer, pas maintenant, pas devant lui.

Brian le prit dans ses bras. Il ne pouvait plus voir ce visage qui se décomposait peu à peu. Justin entoura sa taille et nicha son visage au creux de son cou. Brian ferma les yeux le visage enfoui dans ses cheveux, ses bras autour de lui. Une dernière fois cette odeur sucrée, cette blondeur, cette chaleur. Il posa ses mains sur sa nuque et ramena son visage face à lui.

-Souris Sunshine, tu vas dans la ville la plus bandante du pays !

C'était tout Brian, lorsque l'émotion le submergeait, il la cachait derrière des phrases de sa fabrication personnelle. Justin lui répondit par une de ses sourires qui lui avait valu son surnom, trahis cependant par la tristesse de son regard. Brian l'embrassa légèrement effleurant ses lèvres comme s'il partait pour revenir dans quelques minutes.

-Tu me reverras dans tes rêves, ce n'est que du temps mon ange… termina Brian en le regardant avec une rare intensité.

En entendant cette phrase qui signifiait tellement pour eux, Justin pris sa bouche avec passion. Une dernière fois quitter la réalité, quitter la force de gravité dans ses bras, une dernière fois ne faire plus qu'un. Il déversa dans ce baiser tout son amour, sa tendresse, son désespoir. Les lèvres de Brian lui donnèrent ses dernières forces.

-Je t'aime Brian Kinney et tu peux me croire, tu ne te débarrasseras jamais de moi ! Que je sois à New-York, en Sibérie ou n'importe où sur cette planète je reviendrai ! murmura-t-il à son oreille.

Il se détacha de lui sentant son cœur se déchirer. Il se retourna et partit en courant vers la rampe d'accès. Il ne pouvait pas rester plus longtemps, il ne tenait plus. Il s'engouffra dans l'appareil avec une rapidité déconcertante. Il s'assit lourdement à sa place, essoufflé, la gorge sèche. A travers le hublot il voyait la silhouette de Brian qui n'avait pas bougé, qui le fixait.

Pitié reste pas là… ne reste pas là…

Les turbines se mirent à vrombir. L'avion se déplaça vers la piste de décollage. Brian n'avait pas bougé, immobile, le visage impassible, les mains enfoncées dans ses poches, le vent froid de novembre faisant voleter ses mèches brunes. Il suivit l'appareil des yeux. Justin ne cessa de le regarder avant de le voir disparaitre de son champ de vision. Il s'enfonça dans son siège et remonta ses genoux qu'il entoura de ses bras. Il sentit un vide immense, déchirant, brûlant, s'ouvrir en lui. De longues griffes lui enserraient la gorge l'empêchant de respirer. Une boule lui tenaillait le ventre. Sa vision se brouilla et tandis que l'avion décollait des larmes acides, glaciales roulèrent sur ses joues.

L'avion n'était plus qu'un point noir dans le ciel lorsque Brian se décida à partir. Il ramena Debbie chez elle.

Il arriva au loft, fit coulisser la lourde porte et la referma derrière lui. Tout était silencieux. L'appartement était plongé dans l'obscurité. Un silence de mort s'installa, brisé par le réfrigérateur qui se mettait en marche.

Là, la solitude, l'absence l'atteignirent de plein fouet. Sa tornade blonde avait disparue emportant tout avec lui. Il se retrouva seul, complètement et irrémédiablement seul.

Dehors, les premiers flocons de l'hiver commençaient à tomber.