~ Pardonne-moi ~

§ Chapitre 01 : Retour au pays §

O

- Bienvenue dans la ville de Tokyo ! Nous sommes le jeudi 24 février, il est 09h52, heure locale, et la température extérieure est de 9° Celsius. La compagnie vous remercie d'avoir choisi « Japan Airlines » et vous souhaite un agréable séjour.

Dès que la voix de l'hôtesse de l'air ne résonna plus dans les haut-parleurs, certains passagers laissèrent échapper des exclamations de joie suite à l'annonce donnée tandis que d'autres poussaient des soupirs de soulagement. Un certain jeune homme faisait partie de cette seconde catégorie. Il était habitué aux voyages en avion mais honnêtement, il détestait ça même si ça restait un moyen de transport sûr. Pour lui, il n'en demeurait pas moins que rester assis durant des heures avec rien d'autre pour se distraire que des films pas terrible ou de la nourriture laissant à désirer, c'était presque de la torture.

Bon, en même temps, c'est lui qui avait décidé de prendre cet avion alors il souffrait en silence.

Toujours assis sur son siège, il baissa sa capuche plus bas sur son front afin de bien dissimuler sa crinière orange et ajusta ses lunettes de soleil. La météo ne s'y prêtait franchement pas, mais il s'en fichait. Avant qu'il ne s'en rende compte, près de la moitié des passagers avait déjà quitté l'avion. Lorsque la file diminua encore, il se leva, attrapa l'un de ses bagages au-dessus de sa tête et s'avança vers la sortie.

Un grand homme brun en costume, les yeux bleus ainsi qu'une femme mince à lunettes aux épais cheveux blonds et à l'air sévère dans son tailleur parfait, qui guettaient ses mouvements, marchèrent dans son sillage. Quel soulagement de ne plus être confiné dans ce maudit avion avec des enfants bruyants, des gens qui ronflent comme pas possible ou encore des vieilles femmes qui parlaient non-stop de leur très longue vie vécue.

L'immense aéroport aux vitres démesurées éclairées par les timides rayons du soleil transperçant les nuages gris était bien plus agréable que l'intérieur de l'appareil. Même si les quelques personnes armées d'appareils photos, de dictaphones et de caméras qu'ils croisèrent avait quelque chose d'irritant.

- Patron, je vais récupérer vos bagages, l'informa l'homme brun.

La femme à la chevelure dorée fronça les sourcils au-dessus de ses lunettes comme s'il venait de prononcer un juron monstrueux.

- Quant à moi, je vais vérifier que les voitures sont bien là, Monsieur, dit-elle en tournant le dos au brun pour faire face elle aussi à son patron.

- Entendu, Lee et Christie, répondit Ichigo dans un soupir en prenant place sur le siège le plus proche. Je vous attends ici.

Franchement, il aurait pu les dissuader comme il en avait l'habitude -même s'ils ne l'écoutaient quasiment jamais- mais le décalage horaire ajouté à la fatigue ne lui en donnèrent pas la force.

- Bien !

Les deux concernés s'échangèrent un regard de défi, puis s'éloignèrent dans des directions opposées. Le roux qui se demandait quoi faire en attendant regardait distraitement la foule de voyageurs grouillant ici et là quand son portable vibra dans sa poche. Il s'agissait d'un texto.

* Tu es arrivé, ça y est ? *

Ichigo sourit légèrement et répondit par SMS également.

* Ouais j'ai atterri à l'instant, enfin. *

La réponse ne se fit guère attendre.

* Tu seras là dans combien de temps ? *

Il réfléchit un instant, il avait des petites choses à régler une fois loin d'ici.

* Dans environ une heure trente. *, envoya-t-il.

Une minute s'écoula avant que son téléphone ne vibre à nouveau.

* OK alors à tout à l'heure ! J'ai pris ma journée pour toi donc ne me fais pas regretter ! *

Ichigo remit son portable dans sa poche, son faible sourire toujours présent : elle n'avait pas changé. Avant qu'il ne puisse s'éterniser davantage dans ses pensées, un bruit métallique se rapprochant de lui attira son attention : il s'agissait de Lee qui poussait un charriot contenant tous ses bagages.

- Et tes bagages ? s'étonna le fils Kurosaki en se mettant debout pour l'aider. Ceux de Christie ?

Celle-ci revint justement vers eux de sa démarche rapide, un téléphone collé à l'oreille. Peu importe avec qui elle s'entretenait, elle mit sèchement son correspondant en attente pour mieux s'adresser à Ichigo.

- Les miens et ceux de Lee ont déjà été chargés dans le coffre par un agent, Monsieur, lui annonça-t-elle.

- Christie, je t'ai déjà dit d'arrêter de m'appeler « monsieur », soupira Ichigo en roulant les yeux derrière ses lunettes. J'ai à peine deux ans de plus que toi. Quant à toi, Lee, je peux parfaitement m'occuper de mes bagages.

- Allons, je vous dois le respect ! répliqua Christie, limite insultée.

- Et une personne de votre rang ne devrait pas se charger des tâches ingrates, Patron, ajouta Lee en serrant le charriot à bagages comme s'il s'agissait de son doudou le plus précieux.

- De toute façon, nous n'avons pas le temps de discuter sur des broutilles, déclara la seule femme. Sortons d'ici, nous avons beaucoup à faire !

Sur ces mots, elle ouvrit la marche tout en reprenant sa conversation téléphonique.

- Elle est effrayante parfois.

- A qui le dites-vous, Patron, approuva le brun en levant les yeux au ciel. Mais euh… ne lui dites pas que je vous ai dit ça.

- Ouais, t'inquiète.

Les deux hommes alignèrent un pas devant l'autre et sortirent finalement du terminal. Ils trouvèrent sans surprise une armada de journalistes massée devant, à croire que l'empereur en personne allait faire une apparition publique. Ignorant cela, Ichigo, Lee et Christie longèrent le parking. Après environ deux minutes, ils virent deux véhicules noirs aux vitres teintées garés l'un derrière l'autre. Le chauffeur de la première voiture les salua et s'empressa de mettre les bagages d'Ichigo dans son coffre vide avant d'aller ranger le charriot.

- Patron !

Ce dernier tourna la tête et vit ses deux amis prêts à monter dans la seconde auto.

- On se retrouve à 15 heures, n'oubliez pas ! cria Lee alors que moins de trois mètres les séparaient.

- Et prenez le temps de vous reposer si vous en avez l'occasion, lui conseilla Christie avec un froncement de sourcils. J'ai fait transférer tous vos appels professionnels sur nos portables de sorte que vous n'ayez pas à vous en soucier pour le moment.

Le roux hocha la tête et leur adressa une vague de la main. Ses deux assistants s'installèrent dans la voiture qui démarra et disparut vite après un virage.

- Monsieur, si vous voulez bien vous donner la peine, l'invita son chauffeur en lui ouvrant la portière.

Ichigo occupa la banquette arrière et laissa l'homme le conduire vers sa destination. Dès que la voiture s'ébranla, il expira et se sentit vraiment « libre » au fur et à mesure qu'ils s'éloignaient enfin de cet aéroport. Un coin de sa tête songea néanmoins aux gros titres qui feraient la une le lendemain : « Kurosaki Ichigo, le célèbre homme d'affaires de 23 ans de retour au Japon ! » ou encore « Kurosaki, l'un des plus jeunes et plus riches hommes d'affaires de sa génération impose son célèbre empire ici ! Et qu'en est-il côté cœur ? » ou même « Le pays se réjouit du retour de l'un de ses citoyens les plus influents, puissants et séduisants ! Mais fait-il toujours partie de la liste des célibataires les plus convoités ? ».

Tch, la presse et son tissu de conneries…

Eh oui, il n'avait pas gardé sa capuche durant tout le vol et choisi un avion « normal » pour rien. C'était pour se fondre dans la masse même si Ichigo savait que ce serait de courte durée. En général, il ne se cachait pas et faisait face -avec mauvaise humeur- aux journalistes et photographes mais là, pour son retour, il voulait un peu de tranquillité (même s'il y avait eu de toute évidence des fuites d'après l'armada traversée tout à l'heure). Il espérait toutefois que cette foule de paparazzis ameutée devant l'aéroport à son intention y resterait un moment histoire de le laisser prendre de la distance.

Ichigo fit glisser sa capuche, démêla sa touffe orange avec ses doigts, ôta ses lunettes de soleil et regarda l'environnement typique de son pays défiler à travers la fenêtre.

Cinq ans. Cinq longues années qu'il n'avait pas remis les pieds au Japon. Après l'obtention de son diplôme en dernière année de lycée, il partit étudier aux États-Unis. De là, un homme, Jack Evinson, le forma intensivement au métier que lui-même exerçait, PDG d'une grande entreprise. Il avait été très impressionné par les notes du roux à la fac et insista lourdement pour le prendre sous son aile. Après quelques réticences en raison de cette proposition presque trop belle pour être vraie, Ichigo avait fini par céder. C'est durant son long apprentissage rigoureux qu'il fit la connaissance puis embaucha ses deux amis et assistants Christie Thomas -américaine parlant couramment anglais, japonais et espagnol-, et Kurama Lee -originaire d'Osaka parlant couramment japonais, anglais, français et italien.

Aujourd'hui, grâce à Evinson et des années d'études plutôt éprouvantes, plus la pratique sur le terrain, Ichigo était devenu le PDG d'une société spécialisée dans le commerce international qui se faisait progressivement connaître hors des frontières. En ce qui concernait le Japon, Ichigo avait participé et veillé de loin à la construction de la tour de quarante-cinq étages qui abriterait son nouveau bureau et ceux de ses futurs employés. A présent que les affaires étaient bel et bien lancées, il jugea temps de revenir ici et prendre les commandes sur place.

Seule une personne dans son entourage était au courant de sa venue, le fils Kurosaki espérait bien faire la surprise aux autres…

Évidemment, sa réussite professionnelle n'était pas sans conséquences. La pire et la plus emmerdante de toutes n'était autre que la jalousie qu'il inspirait à certains et pas seulement dans le monde des affaires. Avoir obtenu son diplôme deux ans avant les autres n'était pas du goût de tout le monde, le sien y compris. Du moins, au début. Ichigo ne désirait aucun traitement de faveur, préférant trimer comme les autres. Mais en y réfléchissant, à quoi bon passer deux années à apprendre ce qu'il maîtrisait déjà parfaitement grâce à ses nombreux stages dont quelques uns à l'étranger ? N'était-ce pas une perte de temps ridicule ? Et puis être diplômé plus tôt signifiait surtout pour lui retrouver enfin ses proches.

- Vous voilà arrivé, Kurosaki san, l'informa le chauffeur.

Ichigo émergea de ses pensées et remarqua à cet instant que le moteur était à l'arrêt devant l'imposant bâtiment qui serait désormais chez lui.

- Merci, dit-il en tendant un généreux billet au chauffeur, les sourcils froncés sur le bâtiment en question.

Bordel de merde. Il aurait dû se douter que confier à Lee de lui trouver un endroit où loger déboucherait à ça.

- Oh, ce n'est pas la peine ! refusa l'homme. Tous les frais ont déjà été…

- J'insiste, persista-t-il, son air renfrogné s'approfondissant.

- Euh…

Le chauffeur de taxi rougit. Kurosaki Ichigo était bien connu pour son tempérament de feu et sa patience très limitée. Il valait mieux ne pas le contrarier surtout après des heures de vol et les journalistes qui lui avaient sûrement tapé sur les nerfs.

- Bien, Kurosaki san, se résigna-t-il, prenant finalement l'argent.

Le frère de Karin et Yuzu cacha de nouveau sa véritable identité derrière ses lunettes, sa capuche bien sur sa tête et sortit du véhicule. Deux jeunes hommes en uniforme le saluèrent et se chargèrent tout de suite de ses bagages. Les laissant faire leur travail, il monta les marches recouvertes d'un élégant tapis rouge sang, poussa les portes tournantes et s'engouffra à l'intérieur de sa nouvelle adresse.

Ichigo devina sans mal qu'il vivrait dans un penthouse. N'importe qui ne pouvait pas entrer ici et il gémit intérieurement en se demandant pourquoi diable Lee ne lui avait pas choisi un appartement dans un quartier plus discret, bordel. La responsable de l'immeuble, après avoir vérifié son identité, lui donna toutes sortes d'informations utiles et lui remit les clefs donnant accès à son appartement situé au dix-septième. Elle s'empourpra en le reconnaissant mais parvint à se contrôler du début à la fin en s'abstenant de lui demander de prendre une photo ou pire lui faire des avances, ce dont Ichigo lui était extrêmement reconnaissant parce que cette femme avait l'âge d'être sa mère.

Bon sang, il ne comptait plus les folles hystériques qui avaient essayé de lui sauter dessus -pas seulement au sens figuré- ces dernières années. Adolescent, il tenait à maintenir une certaine barrière entre lui et les autres et ça n'avait pas changé au fil du temps.

Quoi qu'il en soit, il ne savait pas comment mais le peu de temps qu'il mit à s'entretenir avec cette femme suffit aux deux jeunes hommes pour monter ses bagages. Indifférent à la beauté du hall et la propreté presque surnaturelle de son environnement, Ichigo se dirigea vers l'ascenseur. Moins d'une minute plus tard, les portes s'ouvrirent à nouveau directement sur le palier donnant accès à son appartement qu'il ne tarda pas à déverrouiller. S'offraient à sa vue un salon immense ultra-moderne meublé, un bar sur la gauche et une porte à l'autre bout donnait sur un couloir.

Ichigo entra, ferma derrière lui en se pinçant l'arête du nez. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le mobilier était luxueux comme en témoignaient le canapé à angle rembourré d'un blanc immaculé, le tapis de même couleur, les tableaux aux cadres magnifiques, la table basse en verre, les objets en porcelaine…

- Tch, j'ai vraiment pas besoin de tout ça, grogna-t-il en retirant sa capuche et ses lunettes devenues encombrantes. Je savais que j'aurais dû gérer moi-même mon appart'…

Lee savait pourtant qu'il détestait les trucs tape à l'œil, putain. Aussi riche que pouvait l'être Ichigo, il n'aimait pas dépenser n'importe comment, inutilement et s'encombrer de choses dont il n'avait pas besoin. L'une des seules folies qu'il s'était autorisé était l'achat de sa belle voiture de sport gris métallisé de marque étrangère avec laquelle il roulait depuis trois ans maintenant.

Pff, il était préférable de ne pas péter un câble pour ça. De toute manière, il passait toujours plus de temps au bureau que chez lui alors peu importe où il habiterait en fin de compte. Bien qu'une partie de lui pensait justement qu'un appartement moins grand et moins coûteux ferait précisément l'affaire pour cette raison.

Tout en passant une nouvelle fois sa main dans sa crinière indisciplinée, il s'avança vers l'une des portes-fenêtres permettant d'accéder à la terrasse et découvrit le panorama qui était à couper le souffle. C'était un bon point ça par contre. La ville de Tokyo s'étendant sous lui était vraiment superbe, surtout la nuit d'après ses souvenirs. Merde, que ça faisait du bien de remettre les pieds dans son pays natal.

Ichigo avait tant de choses à faire au lieu de rester là à profiter de la nature, comme défaire ses bagages probablement entassés dans sa chambre, appeler ses associés, se renseigner sur l'heure à laquelle sa voiture lui serait amenée, se préparer pour son rendez-vous prévu dans moins d'une heure. Pourtant, il demeura immobile, accoudé en laissant le vent matinal ébouriffer ses cheveux, picoter sa peau et le réveiller doucement. Les yeux clos, il formula l'unique pensée tournoyant dans sa tête.

- Je suis enfin de retour au pays.

Il souleva ses paupières. Sous sa frange orange régulièrement taquinée par la brise, ses orbes bruns s'illuminèrent d'une lueur à la fois vive et familière que peu de personnes pouvaient se vanter d'avoir vue. Il se décala, ouvrit le sac qu'il portait à la main et en sortit un joli cadre de taille moyenne.

- Mais je serai véritablement à la maison dès que je poserai les pieds à Karakura, acheva-t-il, ses iris rivés sur la photo qui ne le quittait jamais.

{…}

Quelques minutes plus tard, Ichigo se garait devant la maison de Tatsuki, bien immobilier offert par ses parents. Le pavillon se situait dans un quartier tranquille, bien entretenu et rassemblant essentiellement des personnes plutôt aisées.

L'estomac noué, Ichigo admira brièvement la vue, claqua sa portière et traversa le jardin. Bon sang, respirer l'air frais et unique de Karakura lui avait vraiment manqué au point d'en frissonner. Ici, dans cette ville, il se sentait vraiment chez lui.

- Salut, Ichigo ! l'accueillit Tatsuki à peine eut-il frappé. Wow, sacrée voiture que tu as là... Pour une fois que t'es à l'heure, je n'aurais pas cru ça possible.

Il grimaça mais sentit son estomac se détendre grâce à cet accueil. Car la dernière fois que Tatsuki et lui s'étaient parlés, les mots polis ne chargeaient pas leurs phrases.

- Ouais, content de te revoir aussi, bougonna-t-il, retrouvant ses habitudes.

- Toujours aussi grincheux, hein, constata-t-elle, une main sur la taille. Allez, entre.

Elle s'écarta et l'incita à la suivre dans le salon, ce qu'il fit une fois ses chaussures et sa veste ôtées.

- Je vais nous chercher à boire.

Le roux hocha la tête, les mains dans ses poches, ses yeux balayant la pièce. L'intérieur était moderne et aussi beau que l'extérieur bien que décoré sobrement à l'image de Tatsuki. Quelques photos étaient accrochées ou disposées ici et là dont certaines lui rappelaient tant de souvenirs…

- Tiens, dit Tatsuki en revenant avec deux verres contenant un liquide brun.

Le fils Kurosaki en prit un et avala une gorgée qui le fit frissonner. C'était fort comme alcool.

- Alors, tu deviens quoi, Tatsuki ?

En dehors de ses cheveux suffisamment longs pour en faire une queue-de-cheval et de son visage plus mûr, elle n'avait pas changé. Si elle était devenue plus féminine, ça ne se voyait pas davantage avec son pantalon de jogging et son débardeur imprimé dans le style rock.

- Je rentre du sport, lança-t-elle sèchement comme si elle lisait dans ses pensées avant de boire une gorgée également. Je pratique toujours le karaté.

Elle lui fit signe de s'asseoir sur le canapé avec elle.

- Je suis prof de sport dans le collège voisin, la formation que j'ai suivie m'a permis d'entrer assez vite dans la vie active. Certains élèves ne sont vraiment pas des cadeaux mais je fais avec. J'ai pas à me plaindre dans l'ensemble surtout avec cette maison offerte par mes parents, termina la karatéka avec un haussement d'épaules, le bas du dos contre l'accoudoir. Et toi ? J'ai entendu aux infos que les travaux de construction de la tour abritant ta société s'achèvent la semaine prochaine ?

Observant les photos jusque-là, Ichigo mit un certain temps à répondre.

- Oui, je suis là pour cette raison.

- Je suis impressionnée, siffla son amie avec un sourire en coin. Presque vingt-quatre ans et déjà PDG... Si on m'avait dit ça il y a cinq ans, j'aurais explosé de rire. Qui aurait cru ça de toi, un ancien lycéen bagarreur doublé d'un Shinigami doué pour s'attirer des merdes !

Le concerné se renfrogna.

- Dis pas ça comme si c'était un miracle, j'ai vraiment bossé dur pour en arriver où j'en suis ! Suivre mes études tout en bossant parallèlement sur le terrain m'a aidé à progresser, c'est tout.

- Ouais, ouais, relax, l'apaisa le garçon manqué en levant la main tout en posant son verre à moitié plein sur la table. Tu as cloué le bec de beaucoup de personnes ne croyant pas en toi et tu peux être fier de ça.

- Comment vont papa, Yuzu et Karin ? demanda-t-il plus calmement sans cesser de fixer les photos.

Tatsuki suivit son regard avant de parler. Après tout, elle seule était au courant de son retour.

- Ils vont bien, je leur rends visite régulièrement et parfois tes sœurs viennent me voir. Yuzu se plaît dans son école de cuisine tandis que Karin ne tarit pas d'éloges sur le club qu'elle a intégré. Ton père est égal à lui-même, lui apprit-elle en se grattant la tête avec un sourire. Ils ont énormément apprécié l'argent que tu leur as donné pour rénover la clinique, financer l'équipement de foot de Karin et les frais d'inscription, sans oublier acheter une voiture à Yuzu afin qu'elle puisse effectuer son stage sans perdre un temps fou dans les transports.

La jeune femme regarda plus sérieusement Ichigo.

- Mais sous leurs sourires, il est évident que tu leur manques beaucoup. Ton souvenir flotte chez toi et leurs yeux brillent différemment lorsqu'ils t'évoquent.

Ichigo ferma brièvement ses paupières, ses doigts entourant fortement son verre reposant sur sa cuisse.

- Je sais, ils m'ont manqué aussi.

Il y eut un instant de silence.

- Je pensais que tu m'accueillerais avec tes poings, je suis étonné d'être encore entier.

Tatsuki attrapa son verre et se blottit contre son canapé, les genoux repliés contre sa poitrine. Ella avala deux gorgées et reprit la parole sans le regarder directement, son esprit visiblement assez loin d'ici.

- Il y a quelques années, je l'aurais fait, admit-elle à mi-voix. Mais j'ai une part de responsabilité moi aussi alors il ne serait pas juste que je m'en prenne à toi, ajouta-t-elle, le regard voilé.

Nouveau silence pendant lequel ils laissèrent le même souvenir inonder leur mémoire.

- Et Orihime ? questionna finalement le jeune homme en s'efforçant d'adopter un ton détaché tout en regardant une photo de la beauté auburn posée sur une petite table.

La championne d'arts martiaux changea d'expression et tenta de dévier le sujet.

- Je ne t'ai pas dit qui sera présent ce soir au fait…

- Tatsuki, insista-t-il.

Cette dernière soupira.

- Tu n'as décidément pas changé d'un iota, Ichigo.

- Tout dépend à quelle partie de ma personnalité tu fais référence. Je sais qu'elle ne vit plus dans son ancien appartement.

- Non, c'est vrai, approuva-t-elle prudemment. Elle étudie la médecine comme tu le sais. A la Faculté de Tokyo, elle suit des cours pour se spécialiser dans la néonatalogie.

- La néonatalogie ? s'étonna Ichigo en haussant un sourcil et arrachant enfin ses yeux du cliché.

- Oui, sur les conseils d'Ana, elle a fait du bénévolat dans un foyer en dehors de la ville pour se changer les idées après… ce qui s'est passé.

Ichigo se tendit un bref moment mais ne desserra pas les dents. La meilleure amie de la princesse remarqua cela mais ne fit aucun commentaire.

- De cette expérience, Orihime en est revenue différente, réalisant que sa vie n'était pas aussi difficile comparée à celle d'autres personnes en situation délicate, lui expliqua Tatsuki d'un air sombre, la lèvre prise entre les dents. Surtout quand ces personnes sont des enfants parfois sans famille, et je pense qu'elle s'est vue en eux.

S'installant finalement en tailleur, elle avala le reste de sa boisson et laissa le verre contre sa lèvre inférieure, ses yeux dans le vague.

- A partir de là, elle a laissé tomber la neurologie et a hésité entre étudier la néonatalogie et la pédiatrie pure et simple.

- Je vois.

La brune lui jeta un coup d'œil furtif avant d'enchaîner.

- Et elle n'est plus célibataire.

Le cœur d'Ichigo eut un raté. Son visage devint presque pâle. Il serrait son verre si fort que la sportive songea qu'il allait le briser. Mais, à son plus grand étonnement, son ami impulsif se ressaisit, but une nouvelle -longue- gorgée puis glissa vivement une main dans ses cheveux hérissés, geste trahissant sa nervosité -ou sa colère.

- Orihime possède des mains et un cœur faits pour guérir alors je ne suis pas surpris qu'elle se soit tournée vers la médecine ou même spécialisée dans cette branche. Aider les autres fait tout simplement partie d'elle. Quant à son copain…

Son regard marron s'assombrit et sa mâchoire se crispa fortement mais il garda contenance.

- Une fille avec autant de qualités qu'elle ne peut définitivement pas rester seule, déclara difficilement le roux.

Tatsuki se mordit douloureusement la lèvre. Elle possédait elle-même un fort tempérament, mais annoncer des nouvelles de ce genre ce n'était vraiment pas sa tasse de thé.

- Non, tu ne comprends pas.

Le fils d'Isshin se tourna vers elle, intrigué.

- Il ne s'agit pas d'un « copain » comme tu le dis.

Elle inspira avant de poursuivre sur sa lancée.

- Orihime est mariée depuis un an.

{…}

Plus tard ce même jour, Orihime fermait le coffre de sa voiture après y avoir versé tous ses bouquins.

- A lundi, Ana chan ~ ! salua-t-elle son amie qui rejoignait sa propre voiture.

- A lundi, Orihime, répondit la dénommée Ana, ses cheveux blonds s'agitant au gré du vent.

Ana était une jeune fille d'origine irlandaise venue étudier au Japon. Orihime et elle s'étaient très bien entendues et ce, dès la rentrée.

- Bon week-end d'avance !

- Merci, à toi aussi ~ !

Rayonnante, la princesse s'installa au volant et quitta le parking de la fac. En route, elle alluma la radio et tomba sur l'une de ses chansons préférées qui l'incita à chantonner joyeusement durant une partie du trajet la menant jusqu'à son domicile. Bientôt, elle arriva à destination. En garant son véhicule, elle remarqua que celui de son mari, Jin, n'était pas là. Ça n'avait rien de surprenant car son métier lui prenait beaucoup de temps. La sœur de Sora s'avança vers la porte d'entrée tout en cherchant ses clefs.

- Pas un Hollow sur le chemin aujourd'hui, ça change. Peut-être que Urahara san s'en est chargé…

Oui car cette semaine, des Hollows prenaient un malin plaisir à se manifester à des moments de la journée où elle était particulièrement occupée, comme conduire, assister à un cours ou encore faire ses courses. Certes un Shinigami était assigné ici mais il n'arrivait pas toujours à temps.

- Ah, vous voilà ! dit-elle en sortant ses clefs de son sac à main.

Elle ouvrit la porte et enleva ses chaussures. En réalité, elle vivait dans une villa avec son mari et c'était sans aucun doute l'une des plus belles -si ce n'est LA plus belle- habitations des environs avec sa piscine, son jacuzzi, ses nombreux jardins et ses deux étages. Honnêtement, la belle se sentait encore perdue dans tant d'espace mais Jin était un homme exigent qui ne voulait que le meilleur. Alors il n'avait pas hésité une seconde en achetant ce terrain avant de faire construire cette charmante et imposante demeure.

Ses longs cheveux flottant dans son sillage, Orihime se précipita dans la cuisine pour se désaltérer puis se décida à finir son ménage qu'elle n'avait pu achever ce matin sous peine d'arriver en retard à l'université. Jin avait insisté pour engager une cuisinière ainsi qu'une personne pour le ménage, mais la guérisseuse s'y était formellement opposé. Impossible pour elle de donner des ordres à quelqu'un ou se faire servir, en particulier pour faire des choses dont elle pouvait très bien se charger elle-même.

Sa chevelure nouée à l'aide d'un bandana rose et blanc, Orihime attrapa le balai et s'apprêta à se mettre au travail avec la radio comme bruit de fond en attendant son émission favorite, "L'heure du rire" quand le téléphone sonna.

- Allô ?

- Salut, Orihime !

- Tatsuki chan ! s'excita la beauté auburn en sautillant sur place et lâchant le manche à balai.

Voilà quelques jours qu'elle n'avait pas parlé à sa meilleure amie, toutes deux avaient été si occupées dernièrement.

- Comment tu vas ?

- Je vais très bien, affirma l'interrogée sur un ton indiquant qu'elle souriait. Et toi ?

- La super forme ~ ! gazouilla-t-elle. C'est bientôt le week-end en plus, tu as prévu quelque chose ?

- Non, mais on peut se voir si tu veux. Je ne t'appelle pas pour ça.

La déesse fronça ses sourcils fins.

- Je t'écoute. Que se passe-t-il ?

- C'est au sujet de la soirée que j'organise chez moi ce soir, répondit sérieusement Tatsuki. Tu viens toujours avec Jin ?

- Ah oui, la soirée…

En toute honnêteté, Orihime trouvait étrange que sa meilleure amie organise une fête, en pleine semaine en plus. D'accord, elle l'avait planifiée il y a un moment mais ça ne lui ressemblait décidément pas.

- Orihime ?

Cette dernière secoua la tête et balaya d'un geste de la main des franges égarées sur son visage.

- Oui, je suis toujours là. Um… il y aura qui ?

- Oh. Eh bien, tu sais, nos amis..., répliqua évasivement la brune, et Orihime jurerait qu'elle était mal à l'aise. Je veux dire, Kuchiki et Abarai qui viennent spécialement de la Soul Society, Ishida, Chad, Keigo… enfin, tu vois le genre. Donc ?

- Je viendrai avec Jin, assura la princesse.

- Super alors rendez-vous à 19h30 !

- Oui, à plus tard Tatsuki chan.

Elle raccrocha, ne lâcha pas le combiné et se mordilla la lèvre. Oui, sortir lui fera du bien. La dernière fois que tous ses amis avaient été réunis au même endroit remontait au jour où ils avaient obtenu leur diplôme au lycée. Ce souvenir et bien d'autres serrèrent le cœur de la jeune femme.

Elle avait rencontré Jin à l'âge de vingt et un ans en faisant du bénévolat dans un foyer et ils s'étaient mariés un an plus tard… Le couple qu'ils formaient était en apparence solide et on pouvait dire qu'ils allaient bien ensemble. Orihime nota néanmoins que seules les personnes ne l'ayant pas connue à l'époque du lycée pensaient cela. Les personnes ne connaissant pas Kurosaki Ichigo en dehors du journal télévisé et de la couverture de certains magazines people.

Avec un soupir, elle ramassa son balai et continua son ménage. Elle avait vraiment besoin de prendre l'air et de s'aérer les idées. La fête de Tatsuki n'était peut-être pas une mauvaise idée en fin de compte.

{…}

- Saloperie de Shinigami, tu me déranges !

- La ferme, c'est à moi de dire ça ! s'irrita Ichigo, Zangetsu en travers de ses épaules, sa main libre dans la poche de son hakama. Sérieux, vous ne pourriez pas prendre des jours de repos ? Je viens à peine de rentrer, bordel.

Il faisait face au Hollow qui flottait dans les airs et poursuivait une pauvre âme avant son arrivée.

- Je ne t'ai pas appelé ! rétorqua le monstre, furieux que son dîner se soit échappé.

- Tout juste mais je vais quand même te buter. T'as l'honneur d'être le premier tué par ma main depuis cinq ans.

Avant que l'erreur de la nature ne puisse articuler un mot de plus, le zanpakuto fendit son masque en deux et il s'évapora sans comprendre ce qui lui arrivait.

- Bon sang, la Soul Society ne perd pas de temps, râla le roux en se grattant la tête. Me revoilà Shinigami remplaçant quelques heures à peine après mon atterrissage, pff…

Il avait beau grommeler, il ne pouvait nier que retrouver sa forme d'âme ainsi que la puissance de Zangetsu lui faisait plaisir et le rendait fier.

- Bon, à nous deux maintenant.

Le fils Kurosaki descendit sur le trottoir à la recherche du Plus qui avait failli servir de casse-croûte. Lorsqu'il le trouva recroquevillé à proximité d'une benne à ordures, il pratiqua sa première cérémonie du konso depuis bien longtemps et retourna chez Tatsuki profiter de la fête en son honneur.

{…}

Ichigo avait retrouvé son corps là où il l'avait laissé, c'est-à-dire assis sur une chaise. A son retour, Rukia se disputait avec Renji au sujet de la nourriture (certaines choses ne changent pas), Ishida bavardait avec Tatsuki près de la porte-fenêtre, Isshin taquinait ses filles adorées, et Chad parlait avec Mizuiro. Keigo, lui, n'était étonnamment pas en vue.

Adossé au mur entre deux tableaux, Ichigo eut un sourire en coin en observant ses amis et sa famille qui interagissaient, avec de la musique s'échappant de l'ordinateur portable de Tatsuki en bruit de fond. Les retrouvailles furent particulièrement émouvantes et bien qu'il n'ait pas pleuré, Ichigo avaient senti sa gorge le brûler et le coin de ses yeux le piquer quand il avait retrouvé ses proches après toutes ces années.

Yuzu lui avait littéralement sauté dessus aussi bien pour s'assurer qu'il était bel et bien là que sous le coup du bonheur tout en sanglotant, son paternel l'avait aussi étreint avec force sans décocher un coup violent pour une fois, et Karin, les yeux humides, avait également serré son grand frère contre elle mais de manière moins bruyante et plus discrète.

Du côté de ses amis, Ichigo se souvint qu'Ishida l'avait gratifié d'un « Bon retour » en remontant -inutilement- ses lunettes étincelantes de propreté, Yoruichi lui avait donné un coup sur la tête avec un sourire, Kisuke avait déployé son éventail devant son visage en déclarant « Je vais pouvoir décharger les Hollows sur toi très bientôt ! » (ce qui lui valut un regard noir de la part du roux), Chad avait levé les deux pouces en souriant, et Mizuiro l'avait félicité pour sa réussite professionnelle à l'image de Rukia et Renji avec qui Ichigo ne tarda guère à se chamailler. Quant à Keigo, il l'avait carrément renversé net en libérant des larmes semblables à des cascades tellement il était heureux de revoir son « vieux pote ».

Toujours appuyé contre le mur, le Shinigami suppléant poussa un soupir. Son entourage était comme toujours mais c'était bon de tous les revoir. La sonnette le tira de ses pensées.

- Je vais ouvrir ! se chargea Keigo en émergeant de la cuisine. Jin san ! s'écria-t-il en saluant chaleureusement l'homme sur le perron. Comment vas-tu mon pote ?!

- Bonsoir, Asano san, répondit le mari d'Orihime avec un sourire.

- Entre, entre ! Il faut que je te présente un de mes plus vieux amis ! s'excita l'extraverti.

Il autorisa Jin à saluer presque tous ceux présents puis l'entraîna vers Ichigo qui s'était tendu dès qu'il avait entendu son prénom. Enfin, il le voyait ce fameux Jin dont Tatsuki lui avait parlé tantôt. Ichigo se rappelait encore comment son sang avait cessé de circuler dans ses veines avant de reprendre sa folle course pour inonder son cerveau de l'information inattendue : Orihime, mariée. Voir ce gars ne rendait la nouvelle difficile à digérer que plus vraie.

En plus d'être grand, Jin avait une carrure solide sans être imposante, les cheveux courts ondulés d'un noir d'encre, une mâchoire carrée, un nez légèrement pointu et des yeux d'un vert perçant, presque irréel, hypnotique. Bien que vêtu d'un pantalon décontracté et d'une chemise à manches longues, il y avait quelque chose dans sa manière de se tenir qui inspirait un certain respect. A vue d'œil, il devait avoir dans les trente ans.

- Où est Orihime chan ? se renseigna Asano en la cherchant du regard.

- Elle échange quelques mots avec la voisine, répondit Jin. Elle ne va pas tarder.

- Oh, d'accord. Jin san, reprit Keigo, je te présente Kurosaki Ichigo, on était potes au lycée avec Arisawa, Orihime chan et les autres ! Ichigo, voici Ashimura Jin, le… mari d'Orihime chan, acheva-t-il dans un murmure comme s'il réalisait faire une gaffe monumentale.

A distance, Tatsuki se frappa le front et surveilla attentivement la réaction d'Ichigo qui affichait son légendaire air renfrogné. La karatéka réagissait ainsi car elle était loin d'être stupide et connaissait par coeur son ami d'enfance. Il était certes au courant pour Orihime & Jin, mais cela ne signifiait pas pour autant qu'il ferait ami-ami avec ce dernier. Et elle n'était pas la seule à penser ça : Isshin et Chad suivaient également la scène.

Dès que Keigo acheva les présentations, Jin arqua un sourcil, visiblement surpris. De son côté, inconscient des regards inquiets de ses amis et de son père braqués sur lui, Ichigo, ses yeux plissés ne cillant pas une seconde, se concentra sur ce qu'il venait d'entendre. Le nom de ce type ne lui était pas étranger... mais impossible actuellement de se souvenir où, quand et dans quelle circonstance il lui était tombé dans l'oreille.

- Kurosaki Ichigo ? LE Kurosaki Ichigo ? L'un des plus jeunes PDG du pays ? lança Jin, bouche bée.

- En personne, répliqua l'intéressé, impassible.

- Je vois. J'ai beaucoup entendu parler de vous, continua Ashimura en lui tendant la main et le scrutant de ses yeux émeraude.

- Je ne peux pas en dire autant, balança le fils Kurosaki en serrant sa main. Entendu parler de moi par Orihime ?

Jin pencha la tête, intrigué.

- Vous êtes célèbre grâce à votre impressionnant parcours. Pourquoi devrais-je avoir eu des informations particulières sur vous par le biais de ma femme ?

Le dernier mot hérissa Ichigo qui s'efforça de garder le contrôle. Ainsi donc, Orihime n'avait pas parlé de lui à son cher mari. Pourquoi ?

- A vrai dire, c'est surtout Asano san qui m'a parlé de vous mais je ne vous apprends rien en disant que vous passez souvent dans l'actualité, déclara Jin.

Le roux jeta un coup d'oeil curieux à Keigo qui fixait le sol en se tortillant sur place, et il lâcha la main de Jin qu'il avait serrée à contrecœur.

- Et toi, Jin, tu travailles dans quoi ?

Le brun cligna des yeux comme choqué par la familiarité avec laquelle cet homme qu'il connaissait à peine -voire pas du tout- s'adressait à lui.

- Ha… haha, rit nerveusement Asano qui avait saisi le malaise de Jin. Ichigo tutoie souvent les gens dès la première approche, ne le prends pas personnellement, Jin san !

- Ah oui ? Je me disais aussi, il a appelé ma femme par son prénom tout à l'heure...

Le poing serré, Ichigo ne capta pas le changement pas rassurant dans son reiatsu, le signe que sa tension augmentait sensiblement. Mais encore une fois, son ami sentit le danger et le devança dans le but de le rasséréner avant qu'il ne crache une diatribe brûlante.

- Je te l'ai dit, Jin san ! sourit Keigo, les traits crispés et suppliant silencieusement Ichigo de se maîtriser. Nous étions amis au lycée, on se connait bien !

- Mais un homme d'affaires n'est-il pas supposé respecter les personnes qu'il ne…

- Je ne suis pas en train de travailler en ce moment, fit remarquer Ichigo sans dissimuler son agacement, sa tension diminuant juste un peu. Je n'ai donc pas à m'encombrer des exigences attachées à mon métier, et ainsi être juste moi en m'adressant à toi de cette façon.

Jin ne répliqua pas cette fois, ayant bien sûr eu vent du caractère de feu, de la tête brûlée et du sang chaud qui caractérisaient Kurosaki Ichigo -du moins fut-il décrit ainsi par ses amis et dans les journaux lorsqu'il était adolescent, et il semblait qu'il n'avait guère changé depuis. Il se contenta de sourire avec indulgence.

- Pour vous répondre, je suis avocat, mon cabinet est l'un des plus réputés du pays sans me vanter. Mais j'espère que vous n'aurez jamais besoin de mes services ou que vous ne me retrouverez jamais contre vous car dans ce cas, vous n'auriez aucune chance, Kurosaki san ! plaisanta-t-il.

Le frère des jumelles plissa encore les yeux sans l'ombre d'un sourire mais ne dit rien. Pour ce premier contact, on pouvait affirmer que ça s'était relativement bien passé, seulement l'ambiance entre eux était… électrique. Comme si chacun des deux cherchait à montrer sa supériorité à l'autre. Conclusion : ça aurait pu être pire.

Arrivant à cette même conclusion, Keigo essuya du dos de la main de la sueur imaginaire sur son front et soupira de soulagement. Si Ichigo et Jin en étaient venus aux mains, Tatsuki l'aurait tenu pour responsable, l'aurait charcuté, jeté les restes de son corps dans les toilettes et tiré la chasse. Ce scénario gore fit trembler le pauvre Keigo de la tête aux pieds avec une grimace, cela le poussant à séparer les deux hommes pouvant douloureusement changer son destin.

- Euh… bon ! Et si tu venais boire quelque chose, Jin san ? proposa-t-il en lui montrant la table des boissons.

- Volontiers. Eh bien, peut-être pourrions-nous parler plus longuement au cours de la soirée, Kurosaki san.

Ce dernier hocha simplement la tête sans conviction et ignora le regard désolé de Keigo.

- Ça va ? se renseigna Tatsuki en le rejoignant dès que Jin se fut éloigné.

- Je ne l'aime pas, grogna-t-il.

- Le contraire m'aurait étonnée venant de toi, Ichigo, expira-t-elle en roulant les yeux, les bras croisés. Mais il traite bien Hime, si tu voyais les cadeaux qu'il lui offre.

- Et alors, il a plutôt intérêt, non ? Ça ne veut rien dire de toute façon, Orihime n'est pas quelqu'un de matériel. D'ailleurs, elle est où ? s'impatienta-t-il en la cherchant du regard tout en se laissant tomber sur une chaise.

A cet instant, sa douce voix retentit. Chad venait de lui ouvrir et Orihime entra, semblant illuminer la pièce avec son sourire éblouissant. Elle salua tout le monde sans s'apercevoir de la présence d'Ichigo qui était légèrement caché de par sa position assise. Le cœur du jeune Shinigami se compressa à sa vue pendant que la karatéka marchait vers sa meilleure amie. Bon sang, Ichigo fut carrément incapable de détacher ses iris de la beauté venant d'arriver. Sa fraîcheur, l'élégance de ses mouvements, la grâce avec laquelle ses magnifiques cheveux bougeaient sur son dos et ses épaules, son visage devenu celui d'une femme, son sourire lumineux, ses grands yeux gris pétillants, son teint délicat et naturel, son aura réchauffant la pièce…

Elle portait une tenue simple composée d'un pantalon noir fluide et d'un pull rose moulant sans manches à col roulé, mais n'en demeurait pas moins très jolie et son corps encore plus en courbes que dans ses souvenirs était mis en valeur. Notamment sa poitrine, sa taille fine et ses hanches évasées. L'espace d'un moment, le roux dut se rappeler comment respirer.

Orihime sentit finalement qu'elle était observée et tourna la tête dans sa direction. Lorsque leurs regards se croisèrent, son souffle se coupa visiblement et ses perles argentées s'écarquillèrent sous le choc, la stupeur et la… colère mêlée à de la crainte ? Avant qu'Ichigo n'ait pu analyser plus en détail ses sentiments mitigés, elle lui montra son dos, s'excusa auprès de Tatsuki et Rukia avec qui elle parlait et s'éclipsa dehors par la porte-fenêtre ouverte, alors que tout le monde s'apprêtait à dîner.

Ichigo se mit debout rapidement et la suivit. A mi-chemin, une personne lui attrapa le coude.

- Chad ?

- Tu comptes faire quoi ? lui demanda son meilleur ami avec un immense sérieux.

- Je…

Ses orbes bruns alternèrent de la fenêtre à Sado.

- Je vais faire ce que j'aurais dû faire il y a longtemps, dit-il enfin.

Chad le fixa sans ciller comme pour lire en lui et le libéra avec un léger soupir.

- Sois prudent, Ichigo. Les choses ne sont plus comme tu les as laissées avant ton départ et après. Tu ne peux pas débarquer et tout chambouler.

- J'en suis conscient, répliqua le concerné en serrant le poing. Mais tu me connais suffisamment pour savoir que je ne renonce pas facilement, je dois essayer. C'est… C'est en grande partie pour cette raison que je suis revenu et tu le sais.

Sado hocha la tête avant de jeter un bref coup d'oeil par-dessus son épaule massive pour regarder Jin bavardant avec Uryuu.

- Oui, je le sais. Fais attention, le mit-il en garde de sa grosse voix grave, tu n'es plus tout seul dans la cour.

Ichigo saisit immédiatement où il voulait en venir et répondit par l'affirmative.

- Merci, Chad.

- Mmh.

Le jeune Shinigami prit la direction du jardin mais remarqua qu'Orihime ne s'y trouvait plus. D'après sa visite de ce matin chez Tatsuki, il dirait en se fiant à son doux reiatsu qu'elle se trouvait à présent dans la salle de bain. Dommage, il aurait bien aimé prendre l'air à cause de la chaleur étouffante ici ou juste dans son corps depuis qu'il avait rencontré Jin super-avocat. Ichigo secoua la tête, vérifia que personne ne lui prêtait de l'attention et fila dans le couloir plutôt sombre en comparaison au salon.

Après plusieurs pas, il constata vite qu'il avait raison : du bruit provenait de la salle d'eau. Il s'appuya nonchalamment contre le mur, les bras croisés, la tête un peu penchée. Dans quelques instants, il pourrait enfin discuter face à face avec elle.

Juste à côté, enfermée dans la salle de bain et prenant appui sur le lavabo, Orihime fixait son reflet presque blême, coloré uniquement par ses joues roses. Si son cœur ne martelait pas contre ses côtes à un rythme démentiel, elle penserait qu'elle était une sorte de mort vivant.

Tout s'expliquait à présent, voilà pourquoi Tatsuki chan avait soudainement eu l'idée d'organiser une telle fête : pour célébrer le retour d'Ichigo ! Depuis quand savait-elle qu'il revenait ? Pourquoi ne lui avait-elle rien dit ?!

La princesse n'était pas ignorante, elle avait entendu aux informations du soir qu'il rentrait au Japon, seulement elle avait zappé avant que le présentateur ne dise à peu près quand d'après les rumeurs, et elle évitait soigneusement de passer devant le gratte-ciel en construction.

Et là, sans qu'elle s'y attende vraiment, elle s'était retrouvée face à lui. Sous le même toit. Dans la même pièce avec les autres pour une soirée en son honneur.

Le cœur tambourinant toujours contre sa cage thoracique, la guérisseuse choisit de se rincer à nouveau le visage. En le séchant avec une serviette, elle décida d'étouffer tous les sentiments qui cherchaient à l'envahir et la submerger depuis qu'elle avait croisé ses yeux ambrés qu'elle n'avait pas vus depuis si longtemps…

- Non, non ! Ça suffit, Orihime ! s'admonesta-t-elle à voix basse. Tu ne sais pas comment te comporter avec lui alors tu as juste à l'ignorer ! Oui, voilà ! Manger puis partir en prétextant la fatigue…

Quelque part au-dessus de sa tête extraordinairement dure, elle crut entendre Kami sama se moquer ouvertement d'elle. Ignorer Ichigo était aussi simple que de traverser un blizzard et d'en revenir sec. Les épaules tombantes et le cœur à présent serré, elle déverrouilla la porte avec un faible gémissement et sortit dans le couloir. La vie était si cruelle parfois…

- Bonsoir, Orihime.

Elle entendit cette voix en même temps qu'elle rebondissait contre quelque chose de dur, chaud et à l'odeur trop familière.

Oh mon Dieu…

La belle leva les yeux en se frottant le front, cligna deux fois des paupières pour être certaine de ne pas être victime d'hallucinations, son souffle coincé quelque part entre sa gorge et ses poumons.

Ce n'était pas une hallucination.

- … Ichigo.

Elle avala péniblement sa salive et lécha ses lèvres devenues soudainement aussi sèches qu'un désert. Elle était fichue. Cuite. Coincée. Impossible de l'éviter à présent. Pas quand il avait ce regard-là. Un maigre espoir de se débarrasser de lui demeurait en elle cependant. Il fallait juste trouver comment.

- Q-Qu'est-ce que tu fais là ?

- Tu as l'air surprise alors que je n'ai fait aucun effort pour dissimuler ma présence.

Orihime songea qu'il marquait un point. Eh bien, il semblerait qu'elle ait oublié à quel point son reiatsu rugueux mais rassurant -du moins autrefois- était facilement perceptible, ou bien ses pensées confuses avaient tout simplement étouffé ses sens. Plus important encore : depuis combien de temps n'avait-elle pas prononcé son prénom ou entendu le sien franchir ses lèvres ?

- Je t'attendais, répondit-il tranquillement mais ses yeux brillaient d'une lueur presque… sauvage.

Une chaleur prit forme dans l'estomac de la sœur de Sora qui déglutit avec difficulté. Depuis quand n'avait-elle pas entendu sa voix et plongé dans ses yeux marron uniques ? Lorsqu'il décroisa les bras pour s'approcher, elle recula instinctivement avec des pas incertains. Ichigo se déplaçait de sorte qu'elle bute contre le mur d'en face, juste à côté d'une autre porte et ça fonctionna. Dès qu'Orihime cilla pour réaliser qu'elle était piégée, il accéléra et se retrouva devant elle avant qu'elle ne puisse réagir.

- Ichigo, tu es trop près, articula-t-elle tant bien que mal en se tortillant.

Son odeur corporelle qu'elle avait tant aimée associée à celle de son déodorant ou de son gel douche pour homme l'enveloppaient comme une aura. Et bon Dieu, elle n'avait vraiment pas besoin de ça. Encore moins maintenant.

- Je ne te touche pas, fit-il simplement sans bouger un muscle.

- Ne joue pas sur les mots, tu...

- Tu ne m'as pas salué, lâcha Ichigo dans un souffle, mettant un terme à cette argumentation.

- Quoi ? laissa échapper Orihime, émergeant d'une sorte de bulle.

Il devait plaisanter. En tout cas, c'est ce qu'elle aurait pensé si il n'était pas connu pour ne pas posséder un gramme d'humour dans les veines. Par conséquent, il se moquait d'elle. Ça ne pouvait être que ça, ce qui l'agaçait.

- Tu n'as pas réagi à mon retour alors qu'on ne s'est pas vus depuis des années, poursuivit le frère des jumelles, immergé dans ses iris gris perle.

La jeune femme resta sans voix et fronça les sourcils pour cacher autant que possible que son ton de reproche l'atteignait.

- Tu ne t'attendais tout de même pas à ce que je te saute dans les bras ?

- Non. Je n'aurais pas été contre mais je ne suis pas assez stupide pour avoir espéré pareille réaction venant de toi, avoua Ichigo, la voix quelque peu tremblante, ses poings serrés sur le mur de chaque côté de ses frêles épaules. Seulement, je ne m'attendais pas non plus à ce que tu m'esquives complètement.

- Je dois retourner dans le salon avant que mon mari ne se demande où je suis passée, marmonna Orihime comme si elle ne l'avait pas écouté.

Elle vit son corps toujours aussi musclé se tendre, mais ne s'y arrêta pas.

- Je crois plutôt que tu veux me fuir, Orihime.

- Crois ce que tu veux, répliqua-t-elle sèchement.

Le fils Kurosaki inspira pour garder son calme. Il ne pouvait prétendre ne pas s'être attendu à cette réaction. Orihime profita de son attention détournée pour s'esquiver mais il avait conservé ses réflexes puisqu'il la bloqua en maintenant ses bras le long de son corps mince dès qu'elle amorça un geste pour partir. Sentir ses mains sur ses bras nus fit frissonner la beauté auburn qui essaya de se dégager.

- Lâche-moi.

- Dès que tu es sortie de cette salle de bain, tu savais que tu ne pourrais pas m'échapper comme tout à l'heure dans le salon, lui fit-il calmement prendre conscience sans lui faire mal.

- Arrête de faire comme si tu me connaissais, s'exaspéra la belle qui luttait dans ses bras.

- C'est le cas.

- Non ! Tu ne me connais pas, Ichigo, tu croyais me connaître. C'est là toute la différence.

Celui-ci écarquilla brièvement les yeux et ramollit sa prise qui demeurait pourtant toujours ferme.

- Ne me rejette pas avant d'avoir entendu ce que j'ai à te dire, la supplia-t-il presque, le cœur compressé. Je veux juste…

- Moi, je veux juste me libérer de toi ! l'interrompit la princesse.

Ichigo se mordit la lèvre inférieure, ses iris brillant d'une étrange lueur.

- Te libérer de moi physiquement ou émotionnellement ? risqua-t-il.

Orihime cessa de s'agiter trois secondes, ses paroles semblant l'électriser avant que sa colère ne reprenne le dessus.

- Me libérer de toi tout court.

Te libérer de lui ? la railla une petite voix dans sa tête qu'elle associait à Kami sama. Entre son torse de marbre, sa poigne de fer et sa présence imposante autant affronter un blizzard et en revenir sec. Bon sang mais pourquoi était-elle venue à cette maudite soirée déjà !? Si elle avait su… si seulement elle avait su…

Orihime abandonna sa lutte ridicule, inspira pour se détendre autant que possible et regarda partout sauf son visage planant au-dessus du sien. Ichigo voulait de toute évidence discuter alors autant vite en finir parce qu'il ne lâcherait pas l'affaire, et elle n'avait aucune envie qu'il la harcèle toute la soirée. Surtout avec Jin dans les parages.

Toutefois, c'était plus facile à dire qu'à faire. Le peu de lumière dans le couloir rendait la scène plus intime qu'elle ne devrait l'être, la proximité d'Ichigo la troublait au point que ça en soit presque douloureux et son regard pénétrant ne faisait qu'accroître la chaleur née en elle. Par un quelconque miracle, il libéra ses bras et elle remercia le ciel : dix secondes de plus à son contact et c'était la crise cardiaque assurée.

- Regarde-moi, dit-il à voix basse.

Elle n'en fit rien.

- S'il te plaît, Orihime.

Elle n'esquissa toujours aucun geste pour accéder à sa demande, mais se mordit le coin de la lèvre.

- Très bien, expira le roux.

Doucement, il plaça son index sous son menton et la força à le regarder pour se noyer dans ses océans cendrés. Orihime retira immédiatement ses remerciements à l'adresse de Kami sama. Cet homme devant elle lui faisait de l'effet, c'était un fait. Mais sa colère était bien réelle aussi. Elle serra ses petits poings près de ses hanches. Se disputer avec lui le jour de son retour n'était pas une idée reluisante et elle ne désirait pas gâcher la fête.

- Il y a un temps où tu aurais insisté pour je te lâche afin que tu puisses partir, m'obligeant ainsi à te courir après, lança Ichigo avec un petit sourire.

- Ce temps-là est révolu. Je ne suis plus la même.

- … Je sais, reconnut-il avec une pointe de tristesse, son sourire disparaissant.

Ils restèrent là à s'observer mais la princesse ne le supporta pas bien longtemps. La simple présence d'Ichigo l'étouffait presque, lui faisait mal, la blessait. Le pouce qu'il passa sur sa joue n'arrangea rien, au contraire. N'en pouvant plus, elle dégagea son visage de sa main en tentant d'ignorer l'air blessé que lui-même affichait.

- Qu'est-ce que tu veux exactement, Ichigo ? Pourquoi es-tu revenu après toutes ces années ? le questionna-t-elle d'une voix instable et pas sûre de vouloir connaître la réponse.

Oh, elle voulait tellement s'éloigner de lui et courir, courir, courir pour fuir tout ce qui sommeillait en elle…

- Tu ne crois pas que je suis revenu pour le travail ?

- Non, pas seulement, répondit-elle sans hésiter. Tu as forcément quelque chose derrière la tête, j'en suis persuadée.

- Tu me connais bien, murmura Ichigo avec un petit sourire sans joie.

- Je croyais te connaitre, rectifia Orihime, ses émotions contradictoires se livrant toujours bataille dans son coeur.

Un tourbillon de sentiments dansant dans ses yeux ambre foncé, le fils d'Isshin se contenta de continuer à la fixer, les doigts de sa main droite se pliant et se dépliant comme s'il mourrait d'envie de la toucher à nouveau. Avec un effort, il se retint en les fourrant dans sa poche.

- Je suis là pour toi, dévoila-t-il après au moins une minute.

Il marqua une légère pause.

- Je suis revenu pour nous.

La déesse songea avoir un sérieux dysfonctionnement de l'oreille interne.

- Nous ? répéta-t-elle, incrédule. Je suis mariée aujourd'hui et…

- Je suis au courant, merci, siffla-t-il avec une grimace. Tatsuki me l'a annoncé puisque tu n'as apparemment pas eu le courage de le faire toi-même.

La colère de Hime grimpa.

- N'emploie pas ce ton, Ichigo, l'avertit-elle avec une tonalité qui surprit ce dernier. Je ne vois pas pourquoi je te l'aurais dit, je te rappelle que tu ne m'as pas non plus tenue informée des changements survenus dans ta vie. J'ai appris le peu que je sais par les médias.

- Développer une entreprise n'a rien à voir avec planifier un mariage, rétorqua le fils Kurosaki, piqué au vif.

- Bien, alors qu'aurais-tu fait si je te l'avais dit moi-même ? voulut-elle savoir, la peine s'ajoutant à sa colère. M'aurais-tu félicitée ? Aurais-tu pris ton jet privé pour y assister de près ou à distance ? Ou m'aurais-tu fait envoyer un cadeau ? Ou bien peut-être aurais-tu tout simplement interrompu la cérémonie ?

Ichigo poussa un grognement frustré mais ne trouva rien à répliquer. La belle expira.

- Écoute, avec ce que je viens de te dire, tu comprends qu'il n'y a aucun espoir et que tu perds ton temps. Allons manger maintenant, termina-t-elle plus calmement.

Elle se détourna mais une fois encore, il l'en empêcha. Ichigo maintint ses poignets le long de son corps tout en la plaquant au mur. Sans prévenir, il se pencha à son oreille droite, son souffle chaud envoyant un frisson depuis sa nuque jusqu'au bas de son échine. Orihime se tortilla un peu pour atténuer cette sensation qu'elle ne devrait plus ressentir, surtout dans sa condition actuelle de femme mariée et ce qu'elle lui reprochait. Son premier réflexe était de le repousser, seulement sa prochaine phrase la cloua sur place.

- Ce que je comprends, Hime, c'est que ça ne change rien, lui chuchota-t-il.

- Q-Que veux-tu dire ? demanda-t-elle avec crainte.

- Ce que je viens de dire. Que tu sois mariée ou non, j'ai bien l'intention de te récupérer. Jin ne m'effraie pas du tout et ce ne serait pas la première fois que je devrais me battre pour obtenir ce que je veux.

- Ichigo, tu n'es pas…

- Je le suis, jura-t-il en plaçant doucement une mèche auburn derrière son oreille. La réaction de ton corps en réponse à ma proximité me montre déjà que j'ai une chance alors arrête de chercher des arguments pour te convaincre du contraire.

Les yeux de la meilleure amie de Tatsuki s'élargirent, la bouffée de chaleur qu'elle tentait de réprimer l'envahissant totalement. Aller jusque-là ? Non, il n'était pas sérieux. N'est-ce pas ?

- Aussi déterminé et têtu que tu puisses l'être, je refuse de te croire.

- Rien que ma présence te fait de l'effet, Orihime, souffla-t-il en laissant ses pouces jouer avec les os de ses poignets et ignorant ce qu'elle venait de dire.

- Difficile de rester insensible quand ton souffle me chatouille le cou, répliqua-t-elle d'un ton assez sec.

- Ce n'est pas ce que je veux dire et tu le sais, continua Ichigo, sa tempe contre la sienne et respirant l'odeur de son shampooing. Ce que je veux dire…

- Peu importe ce que tu veux dire, le coupa la jeune femme en fermant brièvement les yeux pour diminuer son rythme cardiaque encore emballé. Ça ne change rien au fait qu'il n'y a plus de « nous ».

- Ne me mets pas au défi, Orihime, parce que je te promets que tu perdras, la prévint-il en reculant, leurs nez se touchant presque, ses yeux marron remplis de détermination.

Les prunelles de la sœur de Sora scintillèrent étrangement.

- Ce à quoi je tenais, je l'ai perdu il y a trois ans parce que tu m'en as privé, lui reprocha-t-elle d'une voix aigüe, signe que les larmes n'étaient pas loin.

Le corps légèrement tremblant, elle renifla. Elle voulait marteler son torse avec ses poings, mais avec ses mains prisonnières, c'était impossible. En désespoir de cause, elle le cogna avec son front à trois reprises, ce qui eut le même effet que de rencontrer un mur. Le front entre ses pectoraux, une unique larme échappant à son contrôle, Orihime acheva d'évacuer avec une respiration irrégulière ce qu'il avait de toute évidence encore besoin d'entendre.

- Je me fiche de tes raisons, tu sais que ça m'a blessée au plus profond de mon âme. Tu le savais, Ichigo ! Tu le savais et ça ne t'a pas arrêté pour autant.

Touché par ce qu'il venait d'entendre, le Shinigami suppléant leva sa paume pour lui caresser le visage mais percevant son mouvement du coin de l'oeil, Orihime se décolla de lui et le repoussa en mordillant sa lèvre instable.

- Et tu en souffres encore aujourd'hui, n'est-ce pas ? demanda-t-il avec juste le timbre de voix nécessaire, son souffle chaud s'écrasant sur son joli visage.

La princesse cilla, refusant de prononcer un mot. Maintenant, elle avait l'impression d'en avoir beaucoup trop dit. Oh, comme elle se sentait faible et misérable. Elle avait gardé tous ses sentiments en bouteille durant des années et il suffisait qu'il réapparaisse du jour au lendemain pour en extraire certains sans mal.

Quelle était cette espèce de pouvoir unique et perturbant qu'Ichigo exerçait toujours sur elle ? N'y avait-il vraiment rien sur cette terre qu'elle puisse faire pour se défaire de l'emprise de cet homme qu'elle avait follement aimé par le passé ?

- Orihime, moi aussi je...

- Arrête, je t'en prie ! le stoppa-t-elle plus fort qu'elle ne l'aurait voulu.

Ichigo recula un peu son visage, choqué par sa vive réaction qu'il n'avait pas vue venir cette fois. S'en rendant compte, Orihime inspira pour apaiser la tension crépitant entre eux. Mais c'était si dur de faire en sorte de ne rien ressentir durant des années puis d'être soudain rattrapée par une flopée de sentiments lui tombant dessus comme un raz-de-marée.

- Ne nous inflige pas ça, s'il te plaît. On ne retrouve pas toujours les choses telles qu'on les a laissées, Ichigo.

- Peut-être.

Il passa une main dans ses cheveux orange, le regard lointain.

- Ouais, c'est peut-être vrai. Mais ça ne veut pas dire que je suis dans l'obligation de les accepter sans essayer de les arranger, même si ça risque de me prendre du temps, déclara-t-il, troublé par la distance qu'elle mettait entre eux.

- Tu es si obstiné, dit-elle à mi-voix, mi-exaspérée mi-effrayée. Te battre est inutile cette fois, ne comprends-tu donc vraiment pas ?

Ichigo posa son bras au-dessus de sa tête sur le mur afin de mieux se pencher vers elle et qu'elle enregistre bien ses paroles.

- Je me bats pour ce qui en vaut la peine. Et j'ai enfin compris que tu en vaux la peine aujourd'hui, Hime.

Seigneur, ce surnom… Orihime battit des cils pour lutter contre ses larmes gagnant du terrain.

- Abandonne, c'est ta meilleure option et ce ne serait pas la première fois que tu optes pour cette voie.

Le roux ne bougea pas, la fin de sa phrase le tuant presque littéralement. Sa fréquence cardiaque doubla et quelque chose comme une main de glace serra son coeur. Il cacha ces phénomènes déroutants.

- Tu considères que je t'ai blessée en abandonnant ?

- Je considère que tu as détruit mes rêves en même temps que mon coeur, l'éclaira presque aussitôt la soeur de Sora.

Ses grands bassins gris étaient si embués qu'il suffisait de quelques clignements de paupières pour que son visage se retrouve tâché par des traînées salées.

De son côté, le jeune PDG assimila ses douloureuses paroles à un violent coup de poignard en plein coeur. Ce putain de poignard, il le sentait chaque jour depuis trois ans, se réveillait, vivait, se couchait avec. Sauf que là, c'est comme si il s'enfonçait inlassablement dans sa chair, approfondissant la blessure, augmentant la douleur dont il pensait avoir atteint le seuil le plus insupportable il y a fort longtemps.

Ichigo n'ignorait pas qu'il avait profondément blessé Orihime, seulement le savoir, le voir et surtout l'entendre sont des choses tellement différentes. Ils souffraient tous les deux par sa propre faute, la situation en elle-même faisait terriblement mal.

Et pourtant... pourtant...

- Je suis désolé, Orihime, chuchota-t-il, sa voix lacérée de regrets et de dégoût de soi, son poing droit serré.

Plongée dans ses orbes incandescents, la jeune femme décrypta ces sentiments. Cela ne rendit pas sa souffrance plus supportable puisqu'elle détestait toujours voir quelqu'un dans la douleur. Même si ce quelqu'un était Ichigo. Surtout si ce quelqu'un était Ichigo.

- Mais je maintiens toutes les paroles que je t'ai dites tout à l'heure, renforça celui-ci sur un ton d'acier.

... pourtant il refusait de renoncer à elle.

Il la fixa d'un regard, intense, si sûr de lui, animé d'une lueur vive à laquelle Orihime préféra -difficilement- rester insensible.

- Tout comme moi je maintiens les miennes, murmura la guérisseuse en le regardant droit dans les yeux. Félicitations pour ta réussite professionnelle, ajouta-t-elle avec plus de peine que d'enthousiasme, le coeur affreusement lourd.

Là-dessus, elle parvint à lui échapper en passant sous son bras et alla retrouver les autres, parfaitement consciente de ses iris bruns brûlants rivés sur son dos. Ne se préoccupant pas de cela, elle sécha ses joues, inspira et plaqua un sourire de façade sur son visage en entrant dans la salle à manger où les convives s'attablaient. Au milieu de ses amis, Orihime réussit à retrouver sa bonne humeur en chassant temporairement la conversation troublante et éprouvante dans un coin de sa tête.

Cependant, sous-estimer le poids des paroles d'Ichigo fut sans doute sa première erreur.

O


Hello, hello ~ Me revoilà embarquée dans une nouvelle fic où tout n'est pas rose. J'ignore le nombre de chapitres exact, mais elle ne devrait pas être très longue. Je ne sais pas quand sera posté le chapitre 2 car j'ai l'intention de faire une pause quelque temps. Merci à ceux qui ont lu, à la prochaine et n'oubliez pas de donner votre avis, ça fait toujours plaisir ^^