Wakfu
Digne de la Couronne
Chapitre Un
Être un Roi
a/n Cette histoire se déroule après la fin de la deuxième saison. Si vous n'avez pas encore regardé tous les épisodes, vous devriez commencer par là, car vous allez rencontrer une foultitude de spoilers alors que la série en vaut vraiment la peine.
Les nombreux peuples du Monde des Douze labouraient leurs champs, chassaient dans leurs forêts, et construisaient leurs villes sur des roches solides, à peine conscients du fait que leur monde n'était pas fait de terre, mais d'eau, quelques pics isolés perçants ça et là à travers une mer infinie.
Cela n'avait pas toujours été le cas. Il fut un temps, avant qu'Ogrest n'inonde la planète entière de ses larmes, où le monde était un endroit plus sec et plus clément sur lequel les adeptes des Douze Dieux, de la féroce Sacrieur à l'avare Enutrof, se sentaient responsables de leurs malheurs au lieu de les mettre sur le compte d'une calamité légendaire. A cette époque l'on pouvait marcher ou chevaucher vers n'importe quelle ville. Mais à présent, il fallait naviguer sur l'immensité bleue. Ou dans le cas de Yugo, zaaper.
Yugo l'Eliatrope tombait et remontait, mais toujours vers l'avant. Il dessinait de petits portails bleus, la signature de sa race, et les jetait sur sa trajectoire, redirigeant ainsi son inertie sans jamais la perdre. Son frère jumeau, Adamaï le dragon blanc, volait à ses côtés.
« Regarde Yugo, terre droit devant ! » lança Adamaï. « J'arrive pas à croire que t'as réussi à zaaper sur tout le chemin. »
« J'arrive pas à croire que tu m'as pas laissé—monter sur ton dos, » répliqua Yugo, ses paroles interrompues par ses portails.
« C'est un bon entraînement, ça te fait travailler ton endurance, » répondit Adamaï sur un ton léger alors que lui-même défiait la gravité avec une aisance presque surnaturelle. Il pouvait se métamorphoser en différentes créatures, la plupart d'entre elles capables de voler sans même avoir besoin d'ailes.
Yugo resta silencieux, préférant se concentrer sur son objectif : le littoral qui marquait la frontière de son deuxième endroit préféré parmi tous. Adamaï avait raison, comme d'habitude. Yugo était le seul Eliatrope au monde, et il avait un destin dont il ne comptait pas se cacher. Personne, pas même Yugo lui-même, ne savait de quoi il était capable. Alors un moment où personne n'essayait activement de le tuer faisait parfaitement l'affaire pour tester ses limites. Si pour cela il fallait rendre un simple voyage presque insurmontable, ainsi soit-il.
Yugo atteignit la côte plus rapidement qu'aucun navire ou qu'aucun oiseau n'aurait pu le faire. Il s'écroula sur la plage, épuisé. « Ouais ! » lança-t-il triomphalement, le poing en l'air. « Je l'ai fait ! »
Adamaï continua de voler à une dizaine de mètres au dessus de son frère, scrutant l'horizon. Un gigantesque arbre solitaire se tenait tout au milieu du royaume Sadida, surplombant la forêt comme un arbre normal aurait dominé les coquelicots alentour. L'Arbre de Vie avait été quasiment détruit, ainsi que tout le peuple Sadida, par un Xélor utilisant un artefact ancien du peuple Eliatrope. Adamaï sourit ironiquement. Bientôt le Monde des Douze aurait encore bien davantage de 'reliques' du peuple Eliatrope à gérer. Le dragonnet vint se poser à côté de Yugo.
« J'aurais jamais dû douter de toi, » dit Adamaï.
« Ça m'a pas dérangé, tu râles tout le temps de toute façon, » répliqua Yugo. « Combien de temps ça nous a pris ? »
« Une éternité, » répondit le dragon avec un soupir exaspéré. « Phaeris aurait mis quoi, une demie heure ? »
« En dormant, » rit Yugo. « On a encore du boulot avant d'arriver à son niveau. »
« Bon eh ben, on repart quand tu veux frérot. »
« T'as raison, on peut pas s'arrêter maintenant. On est presque arrivés ! »
'Presque' était un terme bien relatif, car l'Arbre de vie était visible de très loin, et ils avaient encore la moitié du royaume à traverser.
Yugo se releva plus vite qu'il n'aurait dû et son sang se précipita hors de sa tête. Zaaper sur des dizaines de lieues à travers la mer l'avait laissé complètement sec. Il n'était pas habitué à utiliser autant de Wakfu d'un coup en dehors d'un combat.
En voyant la figure pâle de son frère, Adamaï soupira et se transforma en scarafeuille. « Allez, grimpe sur mon dos. Je t'emmène pour le reste du chemin. »
Yugo haussa un sourcil. « Vraiment ? »
« Bien sûr. Et puis, tu es un Eliatrope. Les gens s'attendent à te voir arriver sur le dos d'un dragon. Tout ce que je demande en échange, c'est que tu me laisses me moquer de ton poids. »
Yugo ouvrit un portail pour atterrir sur le dos de son frère. « Marché conclu ! »
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Au fil de leurs nombreuses aventures, la légendaire Confrérie du Tofu n'avait jamais dédaigné ceux qui avaient eu besoin de leur aide. Les boulangers, les marchands, les paysans, personne n'était jamais trop petit pour être remarqué, ou trop important pour être ignoré. Souvent ceux qu'ils aidaient ne pouvaient rien leur offrir d'autre en retour que leur gratitude. Quand la Confrérie du Tofu avait sauvé leur royaume entier, les Sadida n'avaient jamais oublié.
« Regarde ! Là-haut ! »
« C'est Yugo ? »
« Avec ce chapeau ? Bien sûr ! »
Yugo fit un geste de la main vers les enfants Sadida qui le regardaient avec admiration, s'agrippant de justesse à l'une des cornes d'Adamaï lorsque son frère s'amusa à voler sur le dos pour épater les badauds. Cependant ils n'avaient pas le temps de s'arrêter pour discuter avec les habitants du coin. Ils étaient venus voir quelqu'un en particulier.
Les deux jumeaux volèrent à travers une des fenêtres du Palais, et Yugo sauta du dos de son frère. Complètement par hasard, ils avaient atterri dans la salle du conseil. Le Prince Armand et le Roi Sheran Sharm étaient penchés sur une carte au milieu de la pièce. Aucun d'entre eux n'eut l'air surpris à la vue du garçon et du dragon.
« Tu de retour Yugo, » nota Armand poliment. « Il me semblait bien que les choses étaient légèrement trop calmes ces temps-ci. Adamaï, toujours un plaisir. »
Az s'extirpa de la poche de Yugo et commença à voleter dans la pièce. « On n'interrompt rien j'espère ? » s'enquit le garçon.
Le Roi soupira et s'étira dans son fauteuil immense. « J'avais besoin d'une pause de toute façon. » Il se tourna vers son fils. « Pour conclure, nous n'avons jamais vraiment eu de forces maritimes, et s'ils se montrent hostiles, nous nous occuperons d'eux une fois qu'ils auront débarqué. »
« Ainsi soit-il, » conclut Armand. Il se tourna vers Yugo. « Tu es venu pour voir Amalia je présume ? »
« Oui, est-ce qu'elle est là ? »
« Il y a de bonnes chances. Je vais lui dire que tu es arrivé. »
Armand sortit de la pièce, sa posture voûtée de façon inhabituelle. Yugo fronça les sourcils. Armand lui avait toujours paru fier et confiant, mais là il semblait juste fatigué. « Tout va bien, votre Majesté ? »
« Oui oui, » assura le Roi. « La diplomatie et la politique sont des choses éreintantes, tout simplement. Le seul attrait de la guerre est d'être plus directe que les droits de douane ou les embargos. Mais un Roi ne peut pas toujours prendre la route la plus simple, et il ne le doit pas. Mais assez de tout cela Yugo. Quel bon vent t'amène par ici ? Et comment se porte ce vieil Alibert ? »
Yugo sourit largement. « Mieux que jamais ! Il sait même faire du pain maintenant ! »
Le Roi Sheran Sharm haussa un sourcil. « Oh. Je suppose donc qu'il ne le pouvait pas avant ? »
Yugo secoua la tête. « Non, mais entre temps on a croisé le meilleur boulanger d'Amakna, et quand je suis rentré à la maison j'ai tout expliqué à Papa Alibert. Il a plus rien fait brûler depuis ! » Il sourit fièrement. « Même si ça change pas grand chose, maintenant c'est Grougal qui fait tout brûler. »
Quitter le royaume Sadida n'avait rien fait pour calmer le bébé dragon, et il ne fallait pas moins que Phaeris le Puissant pour lui imposer un semblant d'autorité.
Yugo s'assit sur une chaise bien trop grande pour lui. « Tout à l'heure vous avez parlé de ce que c'est d'être un Roi … vous pensez qu'Armand sera un bon Roi ? »
« Armand ? Oui, je le crois. Il a beaucoup à apprendre, mais aussi beaucoup de temps pour cela. » Le roi sourit avec ironie. « Je n'ai aucune intention de mourir rapidement. »
Yugo sourit, mais purement par politesse. Il avait tellement de questions à l'esprit, et l'occasion était trop belle. « Qu'est-ce qu'il faut pour faire un bon Roi ? » demanda-t-il, la curiosité marquée sur tous les traits de son visage. Adamaï croisa son regard, mais ne dit rien.
Le Roi haussa les épaules. « Eh bien … le Roi doit s'occuper de tout, tout le monde vient le voir pour lui parler des problèmes du quotidien, en s'attendant à ce qu'il trouve une solution à tout. Donc pour être un bon Roi, il faut être compétent dans un peu tous les domaines. »
Yugo fit la moue. Ce n'était pas vraiment le genre de réponse qu'il espérait.
« Mais ça n'est pas très utile comme réponse, » continua le Roi en grattant son épaisse barbe verte tandis qu'il réfléchissait. « Il y a eu un sommet diplomatique il y a quelques mois de cela, pendant que tu étais parti chercher le dofus de Shinonome. Les dirigeants du Monde des Douze se sont réunis, absolument tous, de la Matriarche des Cra jusqu'au Seigneur du Temps des Xélor. Ce sont tous des chefs efficaces, même si je ne tournerais pas le dos à certains d'entre eux. Cela peut sembler important qu'un Roi soit intelligent, et pourtant le Roi des Iops se débrouille plutôt bien. »
Le Roi s'arrêta un instant, amusé de voir comment Yugo buvait ses paroles alors qu'Adamaï avait l'air de s'en moquer complètement.
« Les Rois sont généralement forts, mais en temps de paix, ça ne présente pas vraiment d'intérêt. La plupart des faiblesses d'un Roi peuvent être comblées par celles et ceux qui lui sont loyaux, donc dans un sens la seule faiblesse qui ne peut être rattrapée est la capacité à déterminer qui est digne de confiance. Le Roi doit être capable de réaliser quand il a besoin d'aide, et il doit aussi comprendre les besoins de son peuple. »
Il fit une pause, réfléchissant encore davantage. « Oui, c'est bien ça. Ce dont un Roi a le plus besoin, c'est d'être compréhensif. Pour cela, il n'y a pas de substitut possible. »
Yugo fronça les sourcils. Il s'était plutôt attendu à du courage ou à un esprit vif. « Vraiment ? »
Le Roi hocha la tête. « Mais l'on ne peut pas choisir ses propres qualités. Donc le mieux est encore de faire tout son possible, d'y mettre tout son cœur et toute sa volonté, et d'espérer que cela fonctionne au final. »
Yugo lui sourit. « Si mon avis a la moindre valeur, je pense que vous êtes un très bon Roi. » Le meilleur qu'il ait jamais rencontré, et de loin. C'est pour cela que Qilby n'aurait jamais pu être le Roi dont les Eliatropes avaient réellement besoin. Pour lui les personnes, les vies, les mondes entiers étaient insignifiants. Malgré son immense savoir, il ne comprenait rien.
« Eh bien, mon royaume m'a survécu jusqu'à maintenant, » lança le Roi en riant. « Sa vraie épreuve sera de voir s'il survit à mon héritier ... »
La porte s'ouvrit brusquement et Amalia fit irruption dans la pièce. « Si c'est encore pour me parler des plantes carnivores— » Elle s'arrêta net en voyant le garçon au chapeau bleu. « Yugo ! Depuis quand es-tu là ? »
Yugo sourit jusqu'aux oreilles, heureux de la revoir. Elle n'avait absolument pas changé. « Je suis à peine arrivé. Je viens pour réunir la Confrérie du Tofu. »
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a/n Cela faisait longtemps que je voulais faire une fanfiction sur Wakfu. Je ne suis pas trop emballé par ce premier chapitre, mais il faut bien démarrer quelque part, et j'aime autant qu'il ait du sens plutôt que de débuter au beau milieu d'une scène d'action. Il y aura plus de détails sur le contexte et les événements survenus depuis la fin de la série plus tard. Dans tous les cas, n'hésitez pas à me dire ce que vous en pensez. (Ndt : si vous ne parlez pas anglais, dites-le quand même, et je traduirai vos commentaires)