Auteur : Ariani Lee

Bêta-lecture : Shangreela

Rating : T


Coups et Blessures

Chapitre 8, deuxième partie : K.O.

I need to hear it straight from you

If you want me to believe it's true

I've been waiting for so long, it hurts

I wanna hear you say the words, please

Don't, don't let me be the last to know

Don't hold back, just let it go

(Britney Spears, Don't let me be the last to know)


Toujours un peu hébété, Ichigo attrape le yukata plié posé près de lui et l'enfile précautionneusement. Faute d'avoir mieux à faire, il se rallonge sur le lit, consterné. Il ne rattrapera pas Renji en boitant et de toute façon, il a trop mal. Pas qu'il ait très envie d'essayer, cela dit – il ne saurait pas quoi lui dire. Pourquoi ça l'a mis à ce point en colère ? Après tout, c'est pas lui qui a douillé !

Je ferai de toute façon rien avancer en étant immobilisé.

Il rectifie un peu sa position pour être bien à plat dos, les membres étendus. Les yeux fermés, il fait monter sa pression spirituelle. Il a du mal, au début : il n'arrive pas à se concentrer. Mais il reprend graduellement le contrôle de son esprit, au fur et à mesure que sa puissance augmente, et parvient enfin à atteindre le pallier qui active sa régénération accélérée.

Une fois le processus déclenché, il maintient le niveau aussi longtemps qu'il le peut sans faiblir, mais il commence rapidement à fatiguer. Physiquement autant que psychologiquement, la journée a été dure. Quand il arrête, la douleur se réduit à une palpitation sourde nichée haut entre ses jambes, tout à fait supportable. Il n'a rien d'une petite nature, au contraire, mais il n'est pas habitué à avoir mal dans des endroits pareils.

Il peut enfin se redresser sans avoir l'impression d'être assis sur un cactus et, puisqu'il n'est plus distrait par la douleur, réfléchir. Y a du boulot, apparemment.

Pourtant, il ne comprend pas. Tout ce qu'il cherche à faire, depuis le début, c'est simplifier les choses. Éviter que ce qui se passe entre lui et Renji soit gâché par des complications. Et pas seulement pour lui, pour tous les deux. Pour que ça reste une source de plaisir sans devenir comme tout le reste sujet à longues discussions.

Il s'est planté dans les grandes largeurs. Il s'en rend bien compte, et pourtant ce n'est pas faute d'avoir voulu bien faire. Les choses simples trouvent toujours comment se compliquer, peu importe les moyens mis en œuvre pour les en empêcher. C'est peut être ça, la morale de l'histoire ?

Mais tout de même... Une réaction pareille ! Renji s'est senti insulté, et blessé, c'est clair, mais de quoi... ?

Ichigo n'a toujours pas réussi à trouver la réponse à cette question lorsque le Vice-Capitaine revient. Il entend des bruits de pas puis la porte s'ouvre et Renji est là, tout simplement. Ichigo est soulagé de le voir, même s'il n'a pas vraiment l'air de meilleure humeur. Il le regarde fermer la porte et aller s'assoir à la table basse sans un mot. Il ne tourne même pas la tête vers lui et Ichigo sent son soulagement se muer en angoisse et lui tomber lourdement dans l'estomac. Renji se sert un verre et Ichigo réalise qu'il n'y même pas une heure qu'ils étaient à cette table tous les deux à boire ensemble. Il a l'impression que c'était il y a trois jours.

Au bout d'un moment, comme Renji ne fait pas mine d'engager la conversation, Ichigo le rejoint et s'assied à côté de lui, accoudé.

- Je suis une déception ambulante, pas vrai ? Demande-t-il en essayant de ne pas avoir l'air trop minable.

Renji se tourne vers lui sans répondre et ils se regardent un moment. Le Vice-Capitaine a l'air de réfléchir sérieusement à la question. Ichigo se demande si ce n'est pas pire que pas de réponse du tout. Puis il remarque que Renji n'a pas rattaché ses cheveux. Il tend la main, mû par le désir de briser la glace et de s'assurer qu'il en a toujours le droit. Mais Renji l'arrête à mi-chemin et même si ça n'a rien de surprenant, il sent la poigne déjà dure de l'angoisse se resserrer dans son ventre.

Mais Renji garde sa main dans la sienne. Il ne la lâche pas, il noue ses doigts aux siens et continue de le fixer de cet air concentré, comme s'il essayait de lire quelque chose dans ses yeux ou sur son visage. Ichigo soutient son regard et se soumet à cet examen bizarre sans broncher jusqu'à ce qu'enfin, Renji lui demande :

- Pourquoi, Ichigo ?

L'adolescent baisse la tête, embarrassé.

- Je suis désolé, répond-t-il, à côté de la question, mais sincèrement.

- Est-ce que tu sais pourquoi tu t'excuses, au moins ? !

Ichigo hésite avant de répondre et décide d'être honnête. Il secoue la tête.

- Je suis pas sûr. Mais je le suis vraiment – désolé. J'ai merdé, j'aurais pas dû te cacher que c'était la première fois, je le reconnais. Mais je comprends pas pourquoi ça te va aussi loin.

Il guette le moindre mouvement, la moindre contraction musculaire, mais la main de Renji reste nouée à la sienne. C'est rassurant. Parce que ça ressemble à une rupture, et tant qu'il maintient un lien physique comme celui-là, ils ne sont probablement pas en train de rompre.

Mais ce sont les couples qui rompent.

- Tu comprends pas ? Vraiment ? Demande Renji.

Ichigo voudrait pouvoir lui dire que si, parce qu'il a l'air triste maintenant. Mais il ne peut pas sans mentir. Alors il ne dit rien, et Renji secoue la tête.

- Je voudrais savoir à quel moment je me suis planté, finit-il par dire d'une voix lasse.

C'est de très loin ce qu'Ichigo a entendu de pire de la soirée. Il sent son cœur qui s'affole, et il est mortifié d'avoir cette réaction.

- Qu'est ce que tu veux dire ? Demande-t-il d'une voix anxieuse tout aussi affligeante.

- Je croyais qu'on s'était compris. Qu'on avait quelque chose.

- Mais on a quelque chose !

Ichigo voudrait que sa voix sorte sans cette octave supplémentaire qui la rend plus aiguë. Renji lui jette un regard dubitatif.

- Ah bon ? On dirait que rien de tout ça n'a d'importance, pour toi.

L'adolescent hausse des sourcils stupéfaits.

- Quoi ? Mais… Non ! C'est pas vrai ! Pourquoi tu dis ça ?

Il serre la main de Renji dans la sienne et se rapproche, oubliant le malaise ainsi que la distance que Renji semble vouloir maintenir. Renji a d'abord un mouvement de recul, puis son regard se réchauffe imperceptiblement et il reste où il est. Pour autant, ça ne le rend pas plus avenant.

- Pourquoi ? Demande-t-il. Parce que la première fois que je t'ai demandé ce que ça représentait pour toi, tu m'as dit « un agréable passe-temps ».

- Mais je t'ai dit –

Renji lève une main pour l'interrompre.

- Je sais, d'accord ? Laisse-moi parler, s'il te plait.

Ichigo hoche la tête et se tait.

- Même si t'es revenu dessus après, t'as continué à flipper et à freiner des quatre fers dès que j'essayais de te parler sérieusement. Depuis que ça a commencé, le seul moment où tu m'as donné l'impression d'avoir des sentiments pour moi, c'est le soir où on s'est expliqués au sujet de Rukia. J'arrive pas à savoir ce qu'il y a entre nous, et franchement, j'ai passé l'âge de ce genre de jeu. Je vais pas te courir après pour que tu m'attrapes.

Mais c'est pas ce que je veux !

Ça fait plus mal que tout le reste, la remarque sur son âge, parce qu'Ichigo y a déjà pensé et parce que c'est ce qu'il redoutait le plus – il ne peut pas vieillir sur commande, il n'y a rien qu'il puisse faire pour arranger ça.

Et si c'était foutu d'avance ?

- C'est pas un reproche, poursuit Renji. Peut-être que t'avais raison quand tu parlais de notre différence d'âge, même si c'est pas dans le sens où tu l'entendais. Peut être qu'on a juste pas les mêmes attentes. Je fais pas ça pour m'amuser, ça compte pour moi.

- Pour moi aussi, répond quand même Ichigo – la boucler, ça n'a jamais été son fort.

- Alors pourquoi ? S'exaspère Renji. Pourquoi tu m'as laissé croire que tu savais ce que tu faisais, pourquoi tu m'as laissé être aussi brutal sans me dire que c'était pas ce que tu voulais ?

Visiblement, le Vice-Capitaine a fini de parler et attend une réponse. Ichigo croit qu'il commence à comprendre où se trouve le nœud du problème et d'un coup, il se demande s'il a pas fait quelque chose de vraiment moche. Il détourne le regard.

- Je te l'ai pas dit parce que je voulais pas qu'on en fasse une affaire d'état. Je croyais que ça simplifierait les choses. Que c'était juste un mauvais moment à passer.

La main de Renji disparaît soudain.

- Ça n'avait pas à être un mauvais moment ! Proteste-t-il.

Et cette fois, Ichigo comprend où il veut en venir avant qu'il le dise.

- J'aurais pu faire en sorte que ça le soit pas ! Si tu m'avais fait suffisamment confiance pour dire la vérité au lieu de croire que j'allais te juger – merde, Ichigo, tu vas encore au lycée, c'est pas une honte d'être puceau à ton âge ! – j'aurais pu faire de ça un souvenir agréable.

- J'ai confiance en toi, proteste faiblement l'adolescent – il le pense mais Renji a raison. Il a agi comme si ce n'était pas le cas, comment lui prouver le contraire ? Comment l'en convaincre ? Ça paraît d'autant plus compliqué que Renji lui lance un regard dubitatif et blessé.

- Alors pourquoi ? Répète-t-il. Pourquoi tu te fermes à ce point ? Pourquoi tu m'as laissé te faire ça ? Est-ce que t'as la moindre idée de comment je me sens, maintenant ? On peut pas défaire ça, et j'ai l'impression de t'avoir violé.

Celle-là, Ichigo ne l'a tellement pas vue venir qu'il en reste bouche bée, muet de stupéfaction. Renji le regarde, comme s'il avait prévu sa réaction.

- T'y avais pas pensé, hein ?

Ichigo secoue la tête.

- T'as rien à te reprocher. C'est ma faute, pas la tienne.

Il force les mots à sortir, même si sa gorge n'a pas du tout envie de parler. Renji hausse les épaules et boit avant de lui répondre.

- Ça change rien à ce que j'ai fait. Sérieusement, Ichigo, je peux pas continuer comme ça.

BANG !

C'est comme de recevoir un coup de poing dans l'estomac. Ichigo en a le vertige.

Comment il peut avoir l'impression que c'est pas important pour moi alors que l'idée que ça se termine me fait un effet pareil ?

- Qu'est-ce que je peux faire ? Demande-t-il finalement. Je suis tellement, tellement désolé, Renji, j'ai jamais voulu qu'on en arrive là..

- Mais tu voulais quoi, alors ? Tu veux quoi ?

Ichigo hésite un bon moment. Puis il reprend la main du Shinigami, s'attendant à moitié à ce qu'il la lui retire, mais il ne le fait pas.

Est-ce que c'est encore rattrapable, alors ?

Quand il répond, il le fait sans regarder Renji.

- Je voulais que pour une fois dans ma vie quelque chose ne soit pas lourd de conséquences et compliqué. Je sais que c'est pas la bonne façon de réfléchir, et que j'ai été égoïste mais… Quand on a commencé à se voir, tous les deux, c'était… unique. C'était spécial, et tout nouveau et pour la première fois de ma vie quelque chose était super sans qu'il y ait de revers à la médaille. J'ai juste voulu que ça change pas.

Il s'arrête, le ventre et la gorge de plus en plus noués. Il a encore quelque chose à dire – le plus difficile à avouer, en fait – et comme si Renji avait senti son appréhension, il serre un peu sa main.

Il cherche à me réconforter ou à m'encourager à parler ?

Il déglutit, et prend une grande inspiration.

- Maintenant je me demande si j'ai pas toujours su qu'il y a un revers à toutes les médailles. Je crois que j'avais surtout pas envie de voir celui-ci et que j'ai fait comme s'il n'existait pas. C'est une première, pour moi, ce qu'il y a entre nous, et peut-être aussi que ça m'a fait flipper, les proportions que ça prenait. On vit des vies dangereuses, et toi peut-être plus que moi. Plus fréquemment, en tout cas. C'est ton quotidien, tout ça – les missions, les Hollows, les obligations de service… Et je…

À sa grande surprise – et horreur, il faut bien l'admettre – il sent ses yeux se remplir de larmes brûlantes. Il ne s'en détourne que plus, mais il continue à parler. Si Renji a besoin de l'entendre, il faut qu'il le dise, et s'il s'arrête maintenant, il n'y arrivera peut être pas.

- Je voulais pas tomber amoureux de toi. Pas en sachant que si jour Byakuya a besoin d'un homme de confiance pour une mission suicide ou d'un bouclier humain, tu arriveras en tête de liste et tu t'y colleras avec le sourire. Et le pire c'est que j'ai pas réussi à m'en empêcher, au final.

Il a le souffle court. Ça lui a demandé un tel effort, de simplement prononcer ces quelques mots, qu'il ne se sent même plus capable de parler. Il risque un coup d'œil à Renji, qui le regarde avec des yeux ronds.

- Tu…

Rien d'autre ne vient. On dirait que toute sa colère lui a échappé. Mais rien que ce petit mot suffit. Les larmes se sont taries avant de déborder, mais en contrepartie, Ichigo se tape le fard de sa vie. Ses joues deviennent écarlates, il les sent chauffer si fort qu'il jurerait pouvoir faire cuire un œuf dessus. Il retire sa main à Renji pour pouvoir se cacher le visage avec les deux, et jure grossièrement. Il reste comme ça un moment puis il sent les mains de Renji sur lui. Elles sont plus douces que jamais sur ses cheveux, ses épaules, ses poignets qu'elles écartent de son visage, sans forcer. Ichigo s'astreint à se laisser faire, il n'a pas envie de montrer son visage mais il ne peut pas rester comme ça. Surtout après ce qu'il vient de dire. Il ne peut pas fuir encore.

Mais il ne reste pas exposé longtemps – même pas du tout. À peine a-t-il suffisamment écarté ses mains pour avoir un accès suffisant que Renji l'embrasse, doucement, sur les lèvres. Les bras lui en tombent, et il n'accorde soudain plus aucune importance à son teint de homard ébouillanté. Il se détend lentement, son cœur se calme. Les mains de Renji caressent son dos en gestes circulaires jusqu'à ce qu'il se soit décrispé, puis il les ramène sur son visage, sur ses joues encore chaudes. Et il continue de l'embrasser comme ça, tendrement, attentivement, en le tenant comme s'il était une petite chose fragile et délicate. Ce qu'Ichigo a l'impression de se sentir devenir, entre ses mains. Si c'était possible, il fondrait. Il sent les lèvres de Renji s'arquer contre les siennes. Il est mort de honte, et il n'a pas non plus souvenir d'avoir été un jour plus heureux que ça. C'est assez bizarre à ressentir simultanément.

Quand Renji s'écarte de lui, Ichigo ne se sent pas encore prêt à le regarder en face alors il se penche et pose son front sur son torse. Renji appuie son menton sur le haut de son crâne, et d'une main posée à l'arrière de sa tête, l'invite à s'installer là s'il le veut. Comme le Shinigami suppléant s'y trouve bien, il ne bouge pas. Il attend que Renji parle – lui, il a donné. Chacun son tour.

- Alors c'est ça le problème ? T'oses pas t'exposer parce que tu penses que je vais te claquer entre les pattes ?

- Pas seulement. Et puis c'est pas comme si c'était totalement improbable ! Quand c'est toi qui le dis, ça a l'air ridicule...

- C'est pas ridicule du tout. C'est la réalité et tu ne peux pas lui tourner le dos. C'est pas une façon de vivre, Ichigo. Pas pour nous. Nous sommes de soldats, même si tu ne l'es que par intermittence. Le risque existe et on peut rien y faire. Il faut que tu décides de quelle manière tu vas le gérer. Soit tu peux pas vivre avec, et dans ce cas on ferait peut-être mieux d'arrêter ici...

Sa main pressée fermement dans les cheveux d'Ichigo souligne la réticence perceptible dans sa voix. Ichigo ne répond pas, il attend la suite. Cette option-là ne l'intéresse pas, il ne veut même pas en parler.

- Soit, poursuit Renji, et cette fois il y a l'ombre d'un sourire dans sa voix, on assume tous les deux ce risque et on continue. Tu sais que je peux pas soustraire à mes obligations. Toi non plus, même si c'est moins fréquent. Et tu t'es retrouvé dans des situations dans lesquelles j'aurais laissé ma peau, à ta place. Moi non plus, je fais pas un investissement intelligent en m'attachant à toi.

Ichigo ricane. Renji tourne la tête et une joue vient remplacer le menton dans ses cheveux.

- Même si c'est un pari risqué pour nous deux, je trouve que ça vaut le coup. Je ne peux te promettre que de redoubler de prudence. J'ai aucune envie de mourir, de toute façon, alors ça me fera qu'une raison de plus de faire gaffe. Une bonne raison. Si tu veux... on peut essayer.

- À quelles conditions ? Demande Ichigo, à qui la brève hésitation n'a pas échappé.

- Hé bien, commence Renji alors qu'Ichigo, qui se sent moins rouge, se redresse, ça vaut pour toi aussi. Sois prudent. Arrête de te fourrer tout seul dans des guêpiers trop gros pour toi. Je comprends enfin comment utiliser les fonctions téléphoniques du radar...

- Tu veux dire du téléphone qui a une fonction radar ? Le taquine l'adolescent, pour voir si ça passe.

Renji laisse courir la vanne sans la relever.

- … donc préviens-moi si t'as une tuile.

- On a toujours compté l'un sur l'autre, y a pas grand-chose à dire de ça, proteste Ichigo.

Renji lui lance un regard un coin.

- Oui, mais ton talent pour t'attirer des emmerdes et des attentions indésirables est trop énorme pour qu'on le prenne pas en compte.

Ichigo lève les mains et les yeux au ciel.

- Okay. Je serai sage. Pas de risques inconsidérés et je te préviens s'il m'arrive un truc.

- Voilà. Et je te promets d'en faire autant. Et puis rappelle-toi qu'on travaille rarement seuls, ici. Mes chances de survie sont au moins aussi bonnes que les tiennes.

Le jeune homme soupire.

- D'accord. Quoi d'autre ?

- Seulement deux choses, assure Renji, mais c'est important. D'abord, j'en ai marre de « ça ».

- Quoi, ça ? Demande Ichigo sans comprendre.

- Précisément ! Répond Renji, visiblement satisfait. Je veux pas avoir à dire « ça » pour parler de ce qu'il y a entre nous. Tu vas peut-être me trouver vieux-jeu, mais j'aime bien les étiquettes, et j'en veux une. Qu'on soit un couple, ou partenaires, ce que tu voudras, ça m'est égal. Je veux qu'on soit ensemble, savoir où on se situe et quoi dire.

- Mais... Tu veux en parler ? S'étonne Ichigo, pris de court. Aux autres, je veux dire.

Renji hausse les épaules.

- Pas ici. Enfin, pas à n'importe qui, parce que c'est quand même assez mal vu, mais à une ou deux personnes. Et je suis obligé de le signaler au Capitaine Kuchiki, si je suis impliqué dans une relation à long terme, mais pas de lui dire qu'il s'agit de toi puisque tu ne fais pas partie de la Sixième Division. Et à tes amis, sur Terre.

Ichigo lève un sourcil. L'envie d'asticoter Renji lui revient en même temps que son assurance.

- Mes amis ? Ou une en particulier ?

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

- J'ai l'impression que tu veux surtout marquer ton territoire. Tu serais pas jaloux d'Orihime, des fois ?

Renji se renfrogne mais ne lâche rien, et Ichigo lui sourit, un peu attendri.

- Oui, dit-il enfin. Je sais pas trop comment ça marche, ici, et je crois que ça va faire pas mal de vagues, sur Terre. Mon père va hurler, et peut être même faire un infar', quand je te présenterai, mais allons-y. Je te suis.

Renji hausse les sourcils.

- Tu vas me présenter à ton père ? Demande-t-il, étonné.

- Ben… Techniquement, il te connaît déjà, mais formellement parlant, oui, je suppose. Ce serait bien. Et puis, c'est pas ce que tu veux ?

- C'est plus que je n'en demandais, répond modestement Renji.

- Tant mieux. Partenaire, ajoute Ichigo et son visage chauffe de nouveau, mais pas aussi honteusement fort. Ça lui plait bien.

Partenaires...

Renji semble réfléchir un instant, sans le quitter des yeux, comme s'il essayait de se décider.

- Partenaire, répète-t-il avec un sourire, et Ichigo sent un frisson lui remonter l'épine dorsale. Son sourire, son regard qui recommence à ressembler à celui qu'il connaît maintenant – chaud et provocant, qui donne envie de lui grimper dessus comme sur un arbre – et ses cheveux, toujours lâchés...

- Et la dernière condition ? Demande-t-il après s'être raclé la gorge, sous le regard amusé de son compagnon – partenaire. Le sourire de ce dernier s'élargit.

- Si tu voulais te plier à un caprice... j'aimerais que tu me dises ce que tu as presque failli me dire tout à l'heure.

Le fard remonte en flèche pour aller explorer les nuances de rouge les plus aiguës que le visage humain soit capable d'afficher. La déconfiture d'Ichigo est telle que Renji fait la grimace.

- Pardon. Je devrais peut-être pas pousser le bouchon trop loin.

Ichigo secoue la tête.

- Non, c'est pas ça. Je sais pas pourquoi j'ai tant de mal à le dire, ce sont que des mots, et rien que tu sais pas déjà. Et tu as dit que c'était important, alors si tu as vraiment besoin de les entendre…

Il essaye, vraiment. Mais rien n'y fait, il n'arrive pas à articuler, sa langue ne lui obéit pas. Il doit avoir l'air d'un poisson hors de l'eau, la bouche ouverte, les yeux à demi exorbités sous la pression. Il y a bien une syllabe qui arrive à se frayer un chemin, ici et là, mais rien d'intelligible.

Je le pense, pourquoi j'arrive pas à le dire ?

- Arrête, finit par dire Renji. J'ai même pas envie de te charrier, tu me fais de la peine. C'est pas grave.

- Mais…

- Laisse, je te dis. Ça a pas de sens, si tu dois te forcer à ce point-là. J'attendrai que tu sois prêt.

L'adolescent secoue la tête.

Mais je suis prêt... Je flippe juste tellement, j'ai fait que ça toute la soirée. Si au réveil je découvre que je me suis transformé en meuf je file chez Urahara, ça m'étonnerait même pas qu'il m'ait fait un truc.

- Je veux pas te faire attendre. J'ai pas vraiment envie d'attendre non plus, mais... J'ai l'impression de tout faire foirer, avec toi, avoue-t-il piteusement.

- On peut toujours rattraper le coup, promet Renji en guise d'encouragement.

Le jeune homme hésite un moment avant de lui répondre, parce qu'il s'apprête plus ou moins à jeter de l'huile sur un feu qui s'éteint.

- Pas toujours, dit-il enfin. Pas ce qui s'est passé ce soir, en tout cas. Une première fois, c'est une seule fois. J'aurais dû te le dire, plutôt qu'essayer d'en finir rapidement. Ça t'aurait fait plaisir, non ?

- Bien sûr.

Ichigo soupire.

- Mais c'est trop tard. C'est gâché pour toi et pour moi, et c'est ma faute. Je me sens tellement nul, t'as pas idée.

- Déride-toi, va, c'est pas la fin du monde ! Et puis, tu sais, j'ai pas vraiment terminé, tout à l'heure. Alors on à qu'a compter ça comme une tentative avortée et repartir de zéro. Je reste le premier, et ça, y a rien qui me l'enlèvera. T'en penses quoi ?

- Euh... Ce soir ? Demande Ichigo, partant mais pas tout de suite.

- Je crois pas, non. Ça va, d'ailleurs ? Depuis tout à l'heure, j'ose pas te demander...

- Je me suis soigné. C'est mieux mais ça fait quand même mal.

- Je suis désolé. Faut pas te braquer là-dessus, c'est pas censé être douloureux à ce point.

- Je sais, je me braque pas. C'est juste que j'aimerais autant laisser ça tranquille un jour ou deux avant de remettre le couvert.

Il a à peine le temps de voir Renji lui lancer un regard de biais et un petit sourire, puis il sent sa main sur sa nuque, qui le tire en avant.

Le baiser le prend par surprise, mais il s'y abandonne avec une ardeur renouvelée, plongeant des doigts avides dans la longue chevelure. Il est passé si près de ne plus jamais pouvoir faire ça ! Puis Renji laisse sa bouche, descend sur sa gorge et lui fait oublier un par un tout les moments pénibles de la soirée. Quand il le lâche, à bout de souffle et très manifestement dans un état que la morale réprouverait, il le regarde d'un air mi-amusé mi-content.

- Prends tout ton temps, lui dit-il. Je vais te traiter exactement comme si tu étais vierge, comme je l'aurais fait si j'avais su que tu l'étais. Et crois-moi, c'est toi qui me demanderas de « remettre le couvert »...

Tout en parlant, il tire sur le yukata et dépose baiser après baiser sur l'épaule ainsi dénudée. Ichigo frissonne et gémit en sentant des dents se refermer sur sa peau, fort, presque trop. Puis c'est sa gorge à nouveau et avant qu'il ait eu le temps de comprendre ce qui se passait, les mains de Renji sont partout sur lui. Le yukata est tellement plus pratique que l'uniforme qu'il a l'impression d'être nu. Il attire Renji en tirant sur ses cheveux pour l'embrasser, gémissant sous ses caresses - sur son ventre, son dos, sur la chair sensible de ses côtes, juste sous les bras, et à l'intérieur de ses cuisses. Puis elles vont se fixer sur sa taille, sagement, et Renji lui mordille la lèvre avant de s'écarter.

- Ça te va, comme ça ?

Ichigo a oublié de quoi il parle. Il répond la première chose qui lui passe par la tête.

- Je suis amoureux de toi.

- Oh.

Renji n'est plus qu'un « oh ». Il a les yeux ronds, sa bouche forme un O parfait. Les ondulations des tatouages sur son front renforcent l'effet comique. Ichigo a la satisfaction de lui avoir coupé le sifflet – il a un sérieux retard à rattraper – mais ça ne dure pas. Renji reprend rapidement contenance et le serre dans ses bras. C'est presque bizarre, cette simple étreinte, ni baiser ni caresse, mais Ichigo la lui rend et se rend compte qu'il se sent étonnamment bien.

- Moi aussi, je suis amoureux de toi. Même si t'es con.

- Pédale.

- Puceau.

Plus tard cette nuit-là, Ichigo émerge à moitié et, ne reconnaissant pas sa chambre, se réveille complètement. Ça lui fait un drôle d'effet, de trouver Renji endormi à côté de lui. Il respire paisiblement. Ichigo regrette qu'il ne fasse pas plus clair, il ne peut pas vraiment le regarder. Il a envie de le toucher, mais s'il le réveillait ? Après un instant de réflexion, il trouve une parade et se couche comme Renji, à plat dos. Il déplie son bras pour poser comme par hasard sa main retournée sur son torse – comme ça, il pourra toujours faire mine de ne pas l'avoir fait exprès.

Mais Renji ne se réveille pas. Comme tout naturellement, une de ses mains trouve celle d'Ichigo, noue ses doigts aux siens et l'attire sur son cœur. Ce geste spontané, endormi, lui chavire l'estomac.

Pressant doucement la main de Renji, Ichigo se laisse dériver lentement vers le sommeil. Oui, il a été nul, et Renji d'une patience stupéfiante. Alors qu'il croyait devoir se retenir de prendre les choses au sérieux pour être crédible, il n'a réussi qu'à gâcher des opportunités précieuses. Mais à partir de maintenant, ce sera différent.

C'est plus qu'une promesse. C'est un serment.


Your body language says so much

Yeah, I feel it in the way you touch

Until you say the words it's not enough

Come on and tell me you're in love, please

Don't, dont let me be the last to know

I need to hear you say you need me all the way

Oh if you love me so, don't let me be the last to know...


Et voilà! J'espère que cette histoire vous aura plu, au moins autant que j'ai pris plaisir à l'écrire ! Je ne pense pas écrire une autre fic BLEACH (mon fandom de prédilection est Kingdom Hearts, et en général j'écris une fic par autre fandom (j'en ai écrit une pour Saint Seiya, une pour Kyou Kara Maoh!, je raconte comment mon OTP se retrouve ensemble et puis je retourne sur un de mes (trop nombreux) projets KH). Cette fic vient s'ajouter à cette liste, et je me suis vraiment bien amusée dessus, même si elle a été longue à écrire vu sa taille modeste. Ichigo et Renji sont des personnages très agréables à manier (je trouve) et l'IchiRen est tristement sous-représenté, donc je pense que je n'en ai pas tout à fait fini avec eux. Et je m'amuse aussi beaucoup à imaginer tout ce qui va se passer après ça, j'ai plein d'idées marrantes et sexy (parce que je sais que certaines d'entre vous m'en veulent à mort d'avoir monté tout ce soufflé autour du lemon pour le laisser retomber - je vous jure que c'était prévu comme ça dès le départ!). Donc je vais sans doute écrire une suite, mais pas sous cette entrée-ci. Je vous invite donc à m'ajouter sur Facebook si vous voubliez savoir quoi et quand, et si la lecture en avant-première vous intéresse. Je vais lancer un système de prépublication sur Facebook car la plupart de mes délais de publications sont dûs au fait que ma bêtalectrice mets parfois des mois à me renvoyer mes chapitres (l'inverse est aussi vrai, donc on mord sur notre chique toutes les deux). Donc je posterai sur Facebook en attendant la version définitive, à charger ici. Le lien vers ma page Facebook est sur mon profil, et vous pouvez me suivre sans vous inquiéter de qui pourrait regarder par-dessus votre épaule, elle est visible pour mon mari et même pour ma fille, y a aucun contenu tape-à-l'œil, surtout du texte et de la musique).

Quoi qu'il en soit, merci de m'avoir suivie jusqu'ici. Je ferai les remerciements personnels plus tard, sur Facebook, sinon je posterai pas ce chapitre avant trois jours et je vous ai assez fait attendre !