_ DEAN ! hurla Sam lorsqu'il aperçu la forme noire fondre sur son frère.
Un bruit d'éclaboussures retentit quasi-immédiatement.
Sam, lampe-torche au poing, se rua hors de la maison pour apercevoir Dean émerger de l'eau croupie de la piscine, un flot de jurons sortant de sa bouche.
_ Ca va ? demanda Sam, visiblement soulagé de voir son frère vivant et en un seul morceau.
_ Quelle merde !
Dean se força un passage jusqu'aux rebords de la piscine, évitant autant que possible les feuilles moisies et les matières non-identifiables qui flottaient autour de lui, ainsi que ce qui aurait pu un jour être un oiseau. Visiblement, elle n'avait pas été utilisée depuis des années.
Sam l'aida à se hisser hors de l'eau stagnante.
_ Ces riches ! ragea Dean. Ils peuvent acheter une maison de 350m² mais sont trop radins pour engager un gars pour nettoyer leur foutue piscine ! Sérieusement ?!
_ Ouais… heu, au fait, c'était quoi ça ? Tu as pu voir ce qui t'a attaqué ?
_ Non. Rien vu. J'ai été poussé dans… urgh, je veux oublier ça au plus vite.
Dean, détrempé, grognant entre ses dents, tentait d'éviter les racines et plantes du jardin. Aidés de la lueur des lampes-torches, ils contournèrent l'immense maison pour rejoindre l'Impala garée quelques mètres plus loin.
_ Mec, sérieux, tu es dégoutant, railla Sam avec un sourire. C'est quand la dernière fois que tu as pris une douche ?
_ Ha. Ha. Très drôle.
Quelques jours auparavant, les frères avaient remarqué une activité étrange dans cette petite ville du Middle West. Deux morts violentes avaient été rapportées, mais la police locale avait conclu à des cambriolages qui avaient mal tournés. Pourtant, aucun objet de valeur n'avait été volé. Garth avait fini par envoyer les frères sur place pour s'assurer qu'il n'y avait pas d'activité surnaturelle. Il ne leur avait pas fallu longtemps pour se rendre compte que quelque chose clochait.
_ Je roule ? demanda Sam pendant que Dean tentait de trouver ses clés dans les poches de son jeans maintenant moulant.
_ Compte dessus. Je vais déjà me sécher !
Lorsqu'il réussi enfin à les extirper, il ouvrit le coffre et en sortit ce qui, un jour, pu être une serviette, mais qui ressemblait désormais plus à un torchon. Il tenta d'enlever le plus gros des déchets et de se sécher, tandis que Sam attendait patiemment à côté de la porte passager.
_ Surtout prends ton temps, ironisa-t-il en se balançant d'avant en arrière.
_ Ca va, ça va, j'arrive ! Grogna son frère tandis qu'il essuyait une matière difficilement identifiable de son pantalon.
Il fut reconnaissant que la lune ne soit pas plus haute dans le ciel, ne voulant vraiment pas savoir ce qui avait pu rester coller à lui. Il contourna l'Impala lorsqu'il eut enfin retiré le plus gros des déchets et que son pantalon eut fini de dégouliner de l'eau sale. C'est alors qu'il le vit. Cette horreur jaune fixée sur la roue avant gauche de sa voiture bien aimée.
_ Quoi… QUOI ?! Quel est le fils de… qui a fait ça à mon bébé ?!
_ Qu'est-ce qu'il y a ?
_ Un sabot !
_ Quoi ?
_ Un sabot ! Un putain de sabot sur la roue !
Sam regarda sur le pare-brise et prit le morceau de papier coincé sous l'essuie-glace.
_ Hé, stationnement illégal, informa-t-il en agitant le PV. Les flics viennent de te filer une contravention.
_ Quoi ? Comment ça stationnement illégal ? On est en pleine nuit ! En plus il n'y a même pas de…
Le jeune frère montra du doigt un panneau, distant d'une dizaine de mètres.
_ Ooooh, c'est une blague…
_ Ils disent ici que tu dois aller payer 120$ au commissariat. Apparemment, tu dois te présenter à partir de demain 10h.
_ Quoi ? Impossible ! Hors de question que je laisse mon bébé ici !
_ On n'a pas vraiment le choix…
Un certain nombre d'insultes fleuries plus tard, Dean était plus sec, toujours nauséabond, et avait fini par abandonner l'Impala à son triste sort. Ils avaient récupéré les armes dans le coffre, par simple mesure de sécurité. Le quartier semblait plutôt résidentiel, donc ils se méfiaient des ados qui, en quête de frissons, auraient forcé le coffre et découvert quantité de couteaux, et artilleries à plus ou moins gros calibres. Les armes les plus dangereuses réparties dans des vieux sacs, ils s'étaient mis en route vers le motel miteux où ils avaient élus domicile pour la nuit.
Ils mirent un peu moins de deux heures. Vu l'état avancé de la nuit, peu de voitures étaient passées sur cette route. Dans leurs vaines tentatives de faire du stop, une seule personne s'était arrêtée. Une jeune femme, tout à fait au goût de l'aîné, s'était même montrée plutôt insistante à laisser Sam monter à ses côtés. Dean, par contre, avait essuyé un refus catégorique. Sam, voyant son frère blessé dans sa fierté masculine, et surtout ne voulant pas rater une occasion de le titiller dans un futur proche, avait finalement décliné l'offre et avait poursuivi à pied.
Dean avait bien tenté de voler l'une ou l'autre voiture, mais toutes étaient des modèles très récents et aucune technique ancestrale des Winchester n'avait fonctionnée. Au moins, ils réussirent à faire sonner l'alarme d'une entre elle, engendrant les aboiements de ce qui semblait être un gros chien de garde. Sans demander leur reste, ils avaient pris les jambes à leur cou, courant aussi vite que possible avec les sacs d'armements pesant lourdement sur les épaules.
_ Plus… jamais ! grogna Sam en s'affalant de tout son long sur le lit du motel après avoir rangé les sacs dans un placard. J'ai eu l'idée la plus stupide de refuser de monter avec la jolie blonde!
_ Et pourtant tu en as eu des idées stupides, renchéri Dean qui se déshabillait sans même attendre d'être dans la salle de bain.
_ Mec, la prochaine fois, tu te débrouilles seul ! poursuivit Sam, se déchaussant pour laisser ses pieds endoloris enfin se reposer.
_ Ouais, à l'heure qu'il est, tu serais sans doute attaché à un lit, à poil, en train de te faire fouetter les cuisses par Miss Donna Dolore !
_ Dean, tu confonds la réalité et les pornos encore !
_ C'est ça ! J'ai quand même raison !
Sans perdre une seconde de plus, Dean fila sous la douche, laissant s'échapper un soupir de soulagement proche de l'orgasme. Sam retenu un rire et se laissa aller sur le lit. Il s'endormit dans la seconde, exténué.
«**»
Lorsque Sam se réveilla, il sentit une odeur rance lui agresser les narines. La sensation désagréable d'un tissu râpeux contre ses bras nus finit par le faire bouger.
_ Bonjour Belle au bois dormant, lança Dean, tout sourire.
Sam repoussa la couverture que son frère avait gentiment étendue la veille pour lui éviter d'avoir froid. Bien sûr, compte tenu de sa taille, l'effet était relativement limité, mais c'était le geste qui comptait.
_ Hmmm… quelle heure ? gémit le jeune frère.
_ Bientôt 9h. Tu as dormi pratiquement 7h d'affilés. Dépêche-toi, on doit aller récupérer mon bébé.
_ Quoi ?!
_ L'Impala ! On doit aller récupérer l'Impala ! Dépêche ! L'encouragea Dean en lui donnant une petite tape sur les cuisses.
Sam n'était pas du genre à ronchonner car plutôt du matin, mais aujourd'hui, il se sentait d'humeur massacrante. Ses pieds se rappelèrent à son bon souvenir dès qu'il se leva. Il avait la nuque raide et un léger mal au crâne ne laissait rien présager de bon. Il allait devoir trouver du café fort très rapidement.
Il fila sous la douche, laissant son grand frère poursuivre ses recherches (selon ses propres dires), mais il savait qu'il finirait sur un site de beautés pulpeuses asiatiques.
Contrairement à son idée, Dean faisait des recherches. Ordinateur portable posé sur l'unique table de la chambre, juste à côté de la fenêtre d'où filtrait quelques vagues rayons de soleil à travers les rideaux grisâtres qui, peut-être un jour, furent blancs. Assis sur l'une des chaises brinquebalantes, il passait en revue tous les faits divers des derniers mois, examinant la possibilité d'autres évènements étranges et surnaturels. A première vue, rien ne semblait correspondre aux dernières attaques.
Il finit par se lasser et referma le PC d'un geste brusque. Il se passa les mains sur le visage et poussa un long soupir. Ces dernières semaines n'avaient pas particulièrement été faciles. Certes, personne n'était mort dans son entourage, et il avait l'impression qu'il pouvait remercier le ciel de ce miracle, mais connaissant ceux qu'il dénommait maintenant comme des « salopards ailés », il se contenta de toucher du bois et espérer que tout continuerait ainsi. Certes, il avait rencontré quelques désagréments récemment, le pire étant que son Impala était maintenant aux mains de la fourrière. Au moins Sam paraissait en forme, Benny semblait se tenir à l'écart de tout problème. Restait Castiel…
Le simple fait de penser à l'ange mit Dean en colère. Pas un mot depuis des semaines. Bougonnant comme à son habitude, il se remit debout et alla tambouriner à la porte de la salle de bain pour presser Sam.
En moins de vingt minutes, ils étaient fins prêts. Heureusement pour eux, le commissariat n'était qu'à quelques pâtés de maison du motel. Malgré quelques grincements de dents dus aux courbatures, ils allèrent d'un bon pas affronter l'administration, et, espérait Dean, prendre un copieux petit-déjeuner une fois l'affaire accomplie.
_ Donc, en résumer, on a deux victimes, chacun voisin. Bon boulot, chouette famille, bon revenus vu leur maison.
_ La première victime est Douglas Archer, assureur, 42 ans, pas de casier. Mort électrocuté, cadavre trouvé dans le garage par sa femme le lendemain, précisa Dean.
_ Oui, d'après le rapport de police, mais j'aurais plutôt dit foudroyé au vu du rapport d'autopsie.
_ Le second : Jack Knut, concessionnaire, 49 ans, a reçu une flèche en plein cœur. Mais il n'y avait aucune trace de la dite flèche lorsque les agents sont arrivés sur les lieux. Lui a été retrouvé dans la salle de bain.
_ Aucun lien de parenté, tout les sépare si ce n'est qu'ils sont voisins, réitéra Sam.
_ Et la police a vraiment conclu à un cambriolage ?! Sans rire ?
_ Oui, pas de trace d'effraction, ils ont dû trouver les clés et entrer. Peut-être un gang selon la police.
_ Ben voyons, un gang… c'est à se demander pourquoi on paie des impôts !
_ On ne paie pas d'impôts Dean…
_ Mouais… Bon, en tout cas, on a visé juste. Il y avait bien quelque chose de bizarre dans la maison suivante.
_ Tu ne sais vraiment pas ce qui t'a sauté dessus ?
_ Je te dis que non. Juste une vague forme noire. Quand il fait déjà nuit, difficile d'y voir clair ! Je dirais humain. Ca n'a pas cherché à me tuer, visiblement, juste à me pousser dans ce cloaque innommable ! Bref ! Qu'est-ce qu'on sait sur les familles ?
_ J'ai refait le tour Dean. Rien de particulier. Femmes aux foyers, enfants classiques. Une fille pour la première victime, deux garçons pour la deuxième.
_ Combien de temps entre les deux morts ?
_ Une semaine. A chaque fois les familles sont en vacances ou en week-end. Le mari doit rentrer plus tôt à cause du boulot.
Les méninges de Dean tournaient à plein régime.
_ Ca n'a aucun sens. Clairement les morts sont louches, mais quelle bestiole électrocute et tue avec des flèches ?
Sam haussa les épaules.
_ Si ça se trouve, les morts ne sont mêmes pas liés, suggéra le plus jeune de la fratrie.
_ Sammy, je sens qu'il y a quelque chose. Il y a un truc qui cloche.
_ Ok, je m'en remets à tes pouvoirs de Madame Irma !
_ Haha, très drôle. Et leurs boulots au fait ?
_ Dean, on a déjà passé ça en revue ! Vraiment rien d'extraordinaire…
_ Excepté leurs baraques ! Sérieusement, tu as vu ça ? Des palaces !
Sam ne put s'empêcher de railler son frère.
_ Des palaces, c'est sûr, comparé aux hôtels miteux ! Comme celui où on dort. Tu dois quand même avouer, tu t'es surpassé ! Tu sais que la canalisation de la douche s'est bouchée tout à l'heure ?
Dean poussa un long soupir agacé. Il trouvait que Sam avait parfois des goûts de luxe. Ils n'avaient pas le choix. Ils devaient se loger dans ce genre de motel pour éviter toute question ou être repéré par le monstre qu'ils chassaient.
_ Tu as très bien compris ce que je veux dire ! rétorqua Dean. Tu as vu les maisons ? Je veux bien vendre des voitures ou des assurances pour pouvoir me payer ça !
_ Tu serais triste.
_ Quoi ? Triste ? Je serais le plus heureux des hommes ! Une piscine, une bière fraîche et…
_ Et un ange à tes côtés, c'est ça ?
_ Va te faire… rétorqua Dean exaspéré.
Sam émit un petit rire moqueur. Il aimait bien titiller Dean depuis quelques mois à propos de Castiel. Il s'était bien rendu compte qu'il était sensible sur le sujet. C'était sa petite vengeance personnelle pour avoir à supporter ces longues secondes, voire minutes où les deux s'échangeaient de longs regards intenses.
_ Bref, je te le redis, je ne sais pas à quoi nous avons affaire. Visiblement, notre coup de chance hier était une bonne piste, poursuivit Sam.
_ Un peu trop chanceux, je trouve…
_ Famille apparemment sans histoire, absente, maison suivante dans le voisinage immédiat, et la porte grande ouverte quand nous sommes arrivés !
_ Oui, mais pas de cadavre.
_ Ah, je ne sais pas ! On est sur quelque chose, mais est-ce qu'on est sûrs qu'il s'agisse de la même affaire ? Oh, regarde, un café ! On s'arrête deux minutes ?
_ Non Sammy, d'abord on récupère mon bébé.
_ Dean, juste un café alors.
_ Après !
_ Ok, soupira Sam, résigné. Tu devrais consulter tu sais. Ce n'est pas sain ton obsession pour l'Impala
Dean lança un regard de travers à son frère. En bon donneur de leçon, Sam était souvent mal placé. Mais l'Impala était un héritage de son père. Il y était extrêmement attaché, d'autant plus que si elle est dans la famille, c'est aussi un peu grâce à lui. Dire qu'ils auraient failli finir dans un Volkwagen à la Scooby-Doo. Dean préféra ne pas y penser. Il accéléra soudain le pas, voyant le bâtiment du commissariat juste face à eux. Sans un mot, chacun prépara des faux-papiers acceptables pour la police, deux frères, des simples civils sans histoire qui veulent juste récupérer leur voiture.
D'un geste assuré, Dean ouvrit la porte du commissariat, suivit de Sam. Le hall était peu éclairé, le carrelage vieillot comme dans la majorité des petites villes américaines. L'agent en charge de l'accueil du public était relativement âgé, certainement proche de la retraite. Il discutait avec une dame elle aussi d'un certain âge. A en entendre leur conversation, il était question de la femme du fleuriste qui l'avait quitté pour un dentiste de Denver. Elle était partie avec leur petit garçon, sans donner de nouvelle. Apparemment le fleuriste l'avait appris du dentiste de Denver lui-même ! Derrière eux, une baie vitrée où une poignée de policiers tentaient d'avoir l'air affairé de ceux qui veulent sembler importants. Des écrans cathodiques et des vieilles tables rafistolées montraient le peu de moyens dont ils disposaient. Les affaires devaient bien souvent être classées à la va-vite.
Sam haussa les sourcils, voyant Dean s'impatienter. Il bouillait d'impatience de retrouver son Impala. Sentant son frère à bout, il fit un geste vers l'agent.
_ Un instant mon p'tit gars, t'vois bien qu'une citoyenne a b'soin d'nos services ! répondit-il avec un rire gras.
_ Dites ! Lança l'aîné Winchester avant d'être interrompu par Sam.
_ Laisse, on a quelques minutes, c'est pas grave…
_ Pas grave… pas grave ! Et mon bébé alors ?!
Soudainement, la radio juste à côté de l'agent se mit à grésiller.
_ 10-0 au 46 Sunset Lane. Appel à toutes les patrouilles. 10-0 au 46 Sunset Lane.
Les Winchester avalèrent leur salive.
_ Ah, qu'ils soient maudits ! aboya le vieil agent en se saisissant du micro. Farlane, Westburg ! Allez chercher le Docteur Smith.
Il reposa l'appareil.
_ Troisième en deux semaines !
Sentant que l'heure de la causette était terminée, la septuagénaire s'éclipsa sans demander son reste.
_ Qu'est-ce vous v'lez, vous ?
_ Nous heu… nous cherchons… commença Dean.
_ Nous cherchons les papiers de changement de domicile, rattrapa Sam, un sourire gêné aux lèvres
_ Oui, c'est ça, nous comptons emménager dans votre charmante bourgade et … nous voulons faire nos papiers administratifs au plus tôt !
_ A la mairie, leur lança l'agent d'un regard soupçonneux.
Trois policiers passèrent en trombe devant eux, ameutés par l'appel radio. Sam sauta sur l'occasion pour lancer des remerciements et entrainer Dean en dehors du poste.
_ C'est quoi cette….
_ Je sais ! le coupa Sam.
_ C'est l'adresse où on était hier !
_ Shhh… moins fort. Je sais !
_ Et il n'y avait pas de cadavre !
_ Je sais, répéta Sam.
_ Sammy, crois-moi, ça ne sent pas bon tout ça!
Sans perdre une minute de plus, ils retournèrent au motel et enfilèrent leurs costumes d'agents du FBI. Dean alla « emprunter » une voiture quelques rues plus loin pendant que Sam faisait quelques recherches supplémentaires sur la famille.
«**»
_ Agents Logan et Burke, se présenta Dean en montrant son badge.
_ Le FBI ? répondit le policier en soulevant légèrement sa casquette. Que nous vaut l'honneur ?
_ Vous avez gagné à la loterie, plaisanta Sam avec un sourire exaspéré en rangeant l'insigne. Vous nous faites un résumé ?
_ Heu… oui oui.
Il leur ouvrit le passage et les mena jusqu'à la piscine. L'aspect général de l'eau était encore plus répugnant en plein jour. Dean en frissonna, se souvenant que moins de 24h auparavant, il pataugeait dedans.
_ Edward Brenner, 52 ans, banquier, marié, deux enfants. La femme de ménage l'a trouvé dans la piscine. Pas de signe d'effraction, mais la porte d'entrée était ouverte. Les parasites et autres bestioles dans l'eau ont déjà attaqué le corps. On attend la confirmation du légiste, mais la mort remonterait à hier soir, entre 19h et 22h.
_ Parasites ? répéta Dean d'une petite voix, mal à l'aise.
_ Hier soir ? Vous avez déjà trouvé des informations sur ce qu'il s'est passé ? Un suspect peut-être ? reprit Sam, ignorant totalement son frère.
_ Oui, en fait il y a une voiture garée un peu plus bas dans la rue. Elle a une contravention, et vu l'heure, il est possible qu'elle appartienne au cambrioleur. Mais on n'a rien trouvé pour l'instant. Il a dû fuir avec son butin.
Se rendant compte que le véhicule en question était l'Impala, Dean se retint de justesse de défendre l'honneur de son bébé. Jamais elle ne transporterait des malfrats ! Certes, Sam et lui étaient pratiquement des tueurs en série, mais c'était pour la bonne cause. Il se sentit soudain envahi d'une mission sacrée : sauver l'Impala !
_ Vous pensez qu'il s'agit d'un cambriolage, comme pour les deux autres victimes ? demanda Sam, espérant que Dean réussisse à se contrôler.
A quelques mètres à peine, deux ambulanciers venaient de déposer le cadavre sur un brancard. Doucement, ils tentaient de le faire rouler sur le gazon, plutôt mal entretenu du jardin. Comme les frères s'en étaient rendus compte la vieille, des racines, ronces, et diverses plantes sauvages avaient envahi ce qui devait être un petit paradis fut un temps. Dean, coupé dans ses fantasmes sur l'Impala, les regarda passer, s'imaginant soudain les sangsues qui devaient recouvrir le corps d'Edward Brenner. Il sentit une envie pressante de se plonger dans du désinfectant.
_ C'est sûr, confirma l'agent. Le coffre-fort est grand ouvert. On attend la déposition de sa veuve.
_ Elle n'a pas donné d'informations ?
_ Non, heureusement pour eux, la famille était en vacances. Apparemment il a dû rentrer précipitamment.
_ Huh… fit Sam, sourcils froncés.
_ Un soucis ?
_ Aucun, juste une théorie, répondit Dean en se voulant rassurant. Vous pouvez nous dire si des marques ont été trouvées sur le corps ?
_ Des marques ?
_ Oui, des marques comme des brûlures ou… autre chose…
_ Ecoutez, je ne sais pas ce que vous imaginez, mais c'est une ville calme ici. Depuis quelques semaines, on a un gang de voleur qu'on va arrêter ! Je suis sûr qu'ils ont été surpris entrain de cambrioler, ils se sont disputés, et voilà. Il a dû finir par se noyer dans la piscine. On retrouve le gang, on retrouve les assassins. Point.
_ Bien sûr, d'accord avec vous, confirma Dean de sa voix la plus mielleuse. Merci mille fois !
Sam salua le policier d'un petit hochement de tête. Réglés comme du papier à musique, ils se séparèrent, chacun à la recherche d'éléments qui échapperaient au commun des mortels.
Dean inspecta la maison, le coffre-fort, les chambres, la cave, coins et recoins à la recherche de souffre, boue ou autres traces indiquant une présence surnaturelle. La seule chose qui attira son attention était la tarte aux cerises qui trônait dans la cuisine. Son estomac criait famine et il dût se faire violence pour résister à l'envie d'en manger une part.
Sam, quant à lui, faisait le tour de la piscine mais ne trouvait rien de suspect. Il alla parler aux ambulanciers dans l'espoir d'avoir plus d'informations.
Les deux frères finirent par se retrouver devant la maison. A côté d'eux, l'ambulance partait emmener le cadavre à la morgue.
_ Hé, j'ai un truc intéressant, lança Sam d'un air désinvolte. Imagine ça : des traces de ligatures autour du cou de la victime.
_ Hein ? Ligatures ? Il a été étranglé ?
_ Oui, il semble bien, mais la cause de la mort est la noyade !
_ Il a été trainé dans la piscine ?
_ Trainé, forcé, poussé, je ne sais pas exactement. Mais visiblement il n'y est pas entré de sa propre volonté ! A mon avis, quelqu'un l'a d'abord étourdi puis l'a balancé pour qu'il se noie.
_ Encore un mode opératoire différent ! C'est quoi ça ? commença à s'énerver Dean. Ca n'a aucun sens !
_ Pas tout à fait. Le mode opératoire général est identique. La mort est la seule chose qui change.
_ Alors, à quoi a-t-on à faire ? Un esprit vengeur ? Honnêtement, tout ceci me semble très humain.
_ Tu n'as rien trouvé dans la maison ?
_ Non, rien d'intéressant. Pas de souffre, pas de matière visqueuse non plus. Tout semble en ordre. Hé ! HEY ! HEY ! HEY ! Vous faites quoi là ?!
Dean se précipita vers sa voiture adorée à côté de laquelle un garagiste s'appliquait à l'attacher à une dépanneuse. Ce dernier, pris de court par l'air particulièrement menaçant de l'aîné Winchester, stoppa net tout mouvement.
_ Je… je dois l'emmener au commissariat, répondit-il d'une petite voix.
_ Dean… souffla Sam en essayant de retenir son frère.
_ Au commissariat ? Comment ça au commissariat ?!
_ C'est... c'est… une pièce à conviction… c'est ce qu'on m'a dit…
Le garagiste, de taille moyenne, se rapetissait à vu d'œil à mesure que la colère émanait de Dean.
_ Agent Logan, commença Sam sur un ton autoritaire en regardant Dean droit dans les yeux, cette voiture est une pièce à conviction. Elle doit être emmenée…
_ … Au commissariat ! Oui, évidemment ! tenta de se rattraper l'aîné avec un sourire forcé. Bien sûr ! Ha ha ha.
Sans vraiment comprendre ce qu'il se passait, le garagiste s'empressa de se remettre à son travail et d'attacher l'Impala sur les rails.
Dean fulminait. Sam à ses côtés regardait le garagiste visiblement soulagé d'avoir une carcasse de métal entre lui et le fou du FBI. Il acheva quelques réglages, redescendit pour vérifier la stabilité de l'Impala, regarda le plus jeune Winchester et lui fit un sourire reconnaissant avant de remonter dans sa dépanneuse et s'éloigner lentement avec la Chevy.
_ Bravo Dean… siffla Sam. Tu cherches à faire sauter nos couvertures ?
Dean poussa un long et déchirant soupir.
_ Je rentre au motel. Cette affaire commence à me courir. Appelle Garth ! Franchement, je ne pense pas que ça soit pour nous ces histoires !
_ Dean, insista Sam. Je suis d'accord qu'ici on ne trouve rien d'étrange, mais les deux autres morts ne sont pas normales !
_ Honnêtement, je veux juste retrouver l'Impala et me remettre sur une vraie affaire !
_ Dean ! répéta Sam, lèvres pincées.
_ Ok ok, ça va… Appelle quand même Garth !
Ce que les Winchester ne remarquèrent pas, tout occupés à se chamailler, étaient les papiers de barres chocolatées qui traînaient sur la chaussée, à l'endroit exact où se trouvait la dépanneuse quelques secondes auparavant.
«**»
_ Huh ! s'esclaffa Sam en se redressant.
_ Du nouveau ? demanda Dean d'un air vaguement intéressé.
_ Et comment ! Figure-toi que les familles avaient toutes gagnées un voyage ou un séjour, et soudainement le mari était rappelé d'urgence au travail.
_ Hmmm…
_ A mon avis, le but était de tuer les victimes. Eloigner les familles, prétendre qu'il s'agisse d'un cambriolage, c'est un décor, de l'emballage.
_ Hin hin…
_ Et… tu n'écoutes pas un mot de ce que je dis… soupira Sam, l'air exaspéré.
_ Hein ? Quoi ? Si, j'écoute ! Emballage ! Tu vois ? s'exclama Dean en détournant enfin la tête de la télé.
_ Et aujourd'hui, c'est Docteur Sexy MD ou Les routes du Paradis ? ironisa Sam.
_ Hé, tais-toi !
_ …
_ Docteur Sexy MD, ok ?! La nurse vient de quitter le Docteur Levy !
_ Ouais…
_ Bref, un emballage ! Pourquoi s'embêter à éloigner les familles, pour rappeler le mari, le tuer et faire croire à un cambriolage ?!
_ C'est ce qu'on doit découvrir.
_ Il doit forcément y avoir un point commun qu'on a raté. Tu as des nouvelles de Garth ?
_ Heuuuu non, soupira Sam.
Le jeune Winchester regarda son écran de portable d'un air pensif. Trois victimes avec des morts étranges, soi-disant des cambriolages alors que rien ne manquait, et la police probablement la plus incompétente du Middle West. Il se devait de trouver le point commun entre un banquier, un assureur et un concessionnaire. Pris d'un éclair de génie, il se mit à éplucher des dossiers plus anciens, faisant une recherche sur toutes les morts naturelles et accidentelles depuis un an.
_ Bingo ! Lança-t-il à l'attention de son frère qui buvait les paroles de Docteur Sexy.
_ Hein ?
_ J'ai trouvé le point commun entre nos trois victimes !
Dean se leva de son lit, coupa la télé et alla rejoindre son frère qui lui montrait l'écran de son portable.
_ Ici, John Fergus, mort dans un accident de voiture. Apparemment il a eu une crise cardiaque. Petite fortune personnelle, pas d'héritier, il avait signé une assurance vie pour que tout revienne à… sa copine je pense. Mais comme il est mort d'une cause naturelle, elle n'a rien reçu ! Regarde ici. Il venait d'acheter la voiture ! Tu vois les noms ?
_ Huh ! Notre concessionnaire et notre assureur !
_ Et regarde qui gérait sa fortune ?
_ Oh… et tu penses que ce serait sa chérie qui l'aurait mal vécut et qui cherche à se venger ?
_ C'est possible. Plusieurs centaines de milliers de dollars qui lui échappent, ça peut faire perdre la tête.
_ Ok, allons-y.
«**»
_ Merci pour votre hospitalité, Madame Green.
_ Mademoiselle, corrigea-t-il avec un petit sourire pincé.
C'était une dame d'une quarantaine d'années. Les cheveux blonds crépus, traits tirés. Elle vivait dans une toute petite maison dans la ville voisine, distante d'une dizaine de kilomètres. Célibataire depuis visiblement trop longtemps, elle avait un chat noir qui se prélassait sur l'appuie-tête d'un des nombreux canapés.
Dean tentait de mettre autant de distance que possible entre lui et la bête à poil, laissant Sam conduire l'interrogatoire.
_ A propos de John Fergus, reprit Sam après avoir reposé sa tasse de café sur le petit napperon blanc.
_ Nous étions très proches.
_ Vous n'étiez pas mariés ?
_ Non, l'idée ne nous tentait pas. Trop… conventionnel. Nous aimions nous voir à notre guise mais ne voulions pas être obligés de suivre ces dogmes.
Sam fit son regard le plus compatissant. Infaillible.
_ Mais comme nous nous aimions, reprit-elle, il a tenu à faire ce contrat. Une assurance-vie. Je devais hériter de sa fortune en cas d'accident.
_ Il est décédé d'un arrêt cardiaque, poursuivit Sam, l'air de porter le poids du monde sur ses épaules.
_ Oui, soupira-t-elle. Je n'y ai pas cru un seul instant, il était en forme. C'était un jeune homme très sportif. Il avait 36 ans… Mais je ne suis pas médecin, alors que faire.
_ Ca vous a mis en colère ? demanda Dean, tel un cheveu sur la soupe. Vous étiez furieuse ?
_ Furieuse ? J'étais dévastée ! Nous étions seuls, je n'ai plus de famille, lui non plus. Mais nous nous avions. Je n'ai que faire de ses économies, je voulais juste continuer à vivre avec lui comme avant. Mais il a tellement insisté.
_ Vous n'étiez pas d'accord pour qu'il passe le contrat ?
_ Non, du tout ! On s'est même violemment disputés ! Il s'est tellement énervé qu'il est parti en claquant la porte.
Elle indiqua sa porte d'entrée.
_ Voyez ? La fissure en diagonale ? C'est lui.
_ Sacrée poigne, admira Dean.
_ Je vous l'ai dit. Pour se faire pardonner, il m'a offert Le Chat.
Elle fit un geste en direction du matou noir qui les regardait tour à tour de ses yeux couleur ambre, l'air totalement désintéressé.
Sam sentit qu'il y avait matière à creuser cette histoire d'assurance.
_ Saviez-vous pourquoi il tenait à prendre ce contrat ?
_ Il m'a dit qu'il avait revu un ami d'enfance, et que c'était le mieux à faire pour moi.
_ Un ami d'enfance ?
_ Oui, David… je ne sais plus quoi. Je l'ai vu à l'enterrement, mais je crois qu'il yoyote un peu de la cafetière
_ Pardon ? demanda Sam en haussant les sourcils.
_ Il m'a dit qu'il n'avait pas revu John depuis le collège…
_ Hum, étrange en effet. Vous pensez qu'il aurait forcé John à souscrire à cette assurance ?
_ Je ne sais pas. Mais d'ailleurs, pourquoi ces questions sur l'assurance vie? J'ai déjà répondu à la police il y a quelques mois et à un de vos collègues il n'y a pas longtemps.
_ Un de nos collègues ? demanda Sam, surpris.
_ Vous ne vous parlez pas dans vos services ?! répliqua la veuve.
_ Problèmes administratifs, expliqua Dean avec un sourire. Vous vous souvenez de son nom ?
_ Non, du tout. Un nom d'armes je crois. Il ressemblait à l'inspecteur Colombo, c'était assez comique. Beaucoup plus attirant par contre.
_ Un nom d'armes ? Winchester ? hésita Sam.
_ Oui, c'est ça !
_ Il portait un imper ? Une cravate ? Yeux bleus, environ cette taille ? s'empressa de demander Dean, mimant une taille approximative.
_ Oui, tout à fait ! s'exclama Mademoiselle Green. Très beaux yeux bleus d'ailleurs !
Dean grinça des dents.
Après les politesses d'usage, ils prirent congés.
_ C'est quoi ce délire ? s'énerva Dean une nouvelle fois.
_ Je ne sais pas !
_ Cas ?! Vraiment ? Cas qui enquête ? Et il ne vient même pas nous voir ?
_ Dean…
_ Il ne nous répond plus depuis des semaines et monsieur décide de bosser en solo ?
_ Dean, calme-toi. Il doit avoir une bonne raison, c'est Cas…
Comme visiblement Sam n'arriverait pas à faire changer son frère d'avis, il lui proposa d'aller au motel, se changer et de manger un déjeuner gargantuesque. Il était presque 15h, mais ils trouveraient facilement un « dinner » qui fournirait à Dean assez de viande, frites grasses et tartes pour le calmer.
«**»
Sam attendait patiemment que son frère finisse de se coiffer, assis devant son PC, jetant un regard vague sur les dossiers qu'il avait étudié plus tôt dans la journée. Quelque chose manquait, il sentait les pièces de puzzle se mettre en place, mais une information importante semblait faire défaut. Comme il n'arriverait visiblement pas à mettre le doigt dessus, il se lança dans son jeu préféré: mentionner Castiel.
_ Dean ?
_ Hmmm, quoi ? J'ai bientôt fini.
_ Et si tu appelais Cas ?
_ …
_ Pour lui demander ce qu'il faisait ici.
_ Non.
_ Pourquoi, on pourrait avoir des infos. Ca serait utile.
_ J'ai dit non !
_ Tu as peur de le revoir après ce qu'il s'est passé la dernière fois ?
_ Pour la dernière fois, non !
_ Ca pourrait nous aider !
Dean sortit de la salle de bain en trombe, peigne en main qu'il agitait vers Sam d'un air menaçant.
_ Je te l'ai déjà dit et répété, il ne s'est rien passé à… dans ce bled au nom imprononçable. Alors arrête ou…
_ Ou tu vas me coiffer ? lança Sam très fier de lui.
_ Ou je te jette un seau de colle sur ta crinière et tu devras tout raser ! Et maintenant, ferme ton clapet, j'ai faim, on y va !
_ Appelle Cas… demanda Sam, plus sérieusement.
L'ainé Winchester s'arrêta sous l'encadrement de la porte. Il ferma les yeux, soit pour se donner une contenance, soit pour calmer ses émotions. Le jeune frère n'avait nul besoin de le voir, il ressentait son appréhension. Dean fit une longue pause avant de répondre.
_ Déjà fait. Le gars a coupé sa radio depuis des semaines.
Sentant le ton déçu (et inquiet) de Dean, Sam n'insista plus.
Ils quittèrent leur motel une dizaine de minutes plus tard, heureux d'abandonner cet endroit miteux aux murs verdâtres pour quelques heures. Ils prirent la direction du centre-ville et n'eurent pas à marcher longtemps avant de tomber sur le Paradis selon les critères de Dean.
Ils se remplirent la panse de hamburgers, et pour Sam, de salade. L'aîné était de bien meilleure humeur et fomentait maintenant un plan absolument sans accroc pour récupérer l'Impala des griffes de la police.
_ On va se faire repérer si on les affronte de face. Mieux vaut la prendre en douce, cette nuit, suggéra-t-il.
_ Dean, commença Sam d'une voix blasée. L'Impala n'est pas un modèle de discrétion, tu sais. Même si on la récupère, on la mettra où ? On ne pourra pas se déplacer avec avant qu'on parte de cette ville.
_ Je la cacherai !
_ Dean… soupira le benjamin. Elle est très bien où elle est. Il vaut mieux qu'on la laisse à la police jusqu'à ce qu'on fasse la lumière sur ce qu'il se trame ici.
_ Mais… mais mon bébé !
_ Ca ira, ne t'en fais pas. Elle va bien, le rassura Sam.
Ecoutant la voix de la raison, Dean finit par lâcher l'affaire, et se paya une nouvelle bière pour noyer son malheur. Castiel aux abonnés absents et son bébé entre les mains de la police. Décidemment, ce n'était pas son jour.
_ Et la bière pour monsieur, lança la serveuse tout sourire.
Elle la posa sur la table, juste devant Dean, se penchant plus que de raison pour laisser voir un décolleté plongeant entre ses longs cheveux rouges bouclés. Elle débarrassa le cadavre de l'ancienne bouteille puis lui lança un clin d'œil aguicheur avant de repartir s'occuper d'autres tables.
Dean, toujours enclin à profiter des cadeaux de la nature, s'en donna à cœur joie, sourire en coin, admirant l'arrière-train de la serveuse.
_ Dean… Dean. Dean !
_ Quoi ?! se défendit-il en prenant sa bière, les yeux toujours rivés sur la beauté. J'ai bien le droit de… PUNAISE !
Ratant son geste, il avait renversé toute la bouteille sur son pantalon et sa chemise. Il se releva brutalement, manquant de faire tomber la moitié des assiettes. Heureusement qu'un serveur, typé camionneur/bûcheron, très efficace au demeurant, avait commencé à aider Dean à se sécher, armé de quantité de serviettes en papier.
Ce genre d'évènement était devenue monnaie courante depuis quelques semaines.
_ Ca va, ça va, merci ! Merci ! Lança Dean avec un sourire pour ne pas paraître impoli, tentant d'éviter les mains baladeuses du serveur. Je vais continuer à partir d'ici !
Sam regardait ce spectacle d'un air navré. Voir Dean se renverser des bières ou des cafés dessus, glisser sur le carrelage, craquer son jeans, avoir une coupure d'eau chaude sous la douche, était devenu presque banal. Très inquiets au début, ils avaient d'abord cru à un mauvais sort ou au retour de la patte de lapin. Ils cherchèrent tout artéfact bizarre et mirent à contribution Garth, Kevin et d'autres amis. Dean avait même appelé Castiel. Mais ils ne trouvèrent rien et Cas n'avait jamais répondu. Ils finirent par en conclurent qu'il avait la scoumoune et que ça passera, sûrement avec la prochaine lune. Blasé, Dean les avait d'abord copieusement traités d'incapables, puis, se rendant compte qu'il avait été odieux, s'était excusé à la Winchester, c'est-à-dire en ramenant plusieurs packs de bière et des tartes, puis il s'était fait une raison. Les éléments étaient trop aléatoires et bénins pour être causés par un sort, une sorcière ou tout autre objet possédé connu.
Sam paya le repas, laissant un généreux pourboire.
_ Viens, on va te faire une lessive, lança-t-il à son frère. Fais un peu attention tu veux ? Entre la piscine hier, et la bière aujourd'hui, à ce rythme, tu vas finir cul-nu.
_ Très drôle, Sammy. Vraiment très drôle.
Ils retournèrent au motel pour que Dean puisse se changer, repérant un Lavomatic juste à proximité. Il ferait parfaitement l'affaire le temps qu'ils débriefent les infos du jour.
_ Je me dépêche, promis Dean en ouvrant la porte de leur chambre.
_ Bonjour Messieurs, leur lança une voix féminine.
En bon soldats, ils sortirent immédiatement leurs armes et les pointèrent sur la silhouette qui se tenait debout, de dos, au milieu de la chambre.
_ Pas un geste ! menaça Dean, doigt sur la détente.
_ Je me retourne lentement, inutile de tirer, répondit d'une voix très douce ce qui était visiblement une jeune femme, cheveux rouges, habillée dans un cat suit noir particulièrement moulant.
Elle leva les mains en signe de coopération puis se retourna pour faire face aux Winchesters.
_ Nom de…
_ Scarlett Johansson ?! s'écria Sam.
_ Vous pouvez m'appeler Black Widow, reprit la rouquine d'un air très sérieux. Sam, Dean, je vous souhaite le bonjour.