La musique est froide, haineuse ; la symphonie monstrueuse. Le piano pleure, il souffre de ses cordes malmenées, vibrant à l'excès depuis plus d'une heure déjà. Le pianiste est fou, l'instrument n'a qu'à subir et crier, hurler comme hurle Gotham en cette nuit lugubre. Les doigts martèlent les touches, les frappent car il n'a pas de tendresse à offrir, pas de sentiments sinon sa colère qu'il diffuse au rythme des battements furieux de son propre cœur. Il a perdu la tête, un peu plus l'idée n'est pas coutume, seulement habitude mais quitte à le voir on préfère qu'il rit ; qu'il sourit car un peu d'espoir serait permis.
Mais le clown n'est pas d'humeur cette fois-ci, n'a pas de joie à étaler. Devant lui l'auditoire est muet et le fixe de tant de ses yeux exorbités. Ils voulaient profiter. Hommes femmes et enfants, se retrouver, apprécier le virtuose et ses envolés, ils ont vainement supplié, prié et se sont juste fait tuer. La salle est rouge de velours, rouge de sang frais … elle pue le cuivre, elle embaume de furie ; l'air est toxique au théâtre des âmes damnées.
Sur les planches les empreintes de ses chaussures ont tracé un chemin sanglant ; bien triste est le conte du petit Poucet sous cet angle ... Car l'ogre a mangé tout le monde, leur sang encore tiède gante ses mains jusqu'aux coudes et pointille ses habits comme une nuit étoilée. Le rasoir maculé gît sous ses yeux, remplace la partition étalée, éparpillée autour et pleure ! Pleure encore le piano ; sanglote comme l'exige le Prince du mal. Soupire pour lui, respire parce qu'il n'en a pas l'envie, qu'il égraine les secondes à chaque touche enfoncées comme on gratte un mur à la seule force des ongles ; jusqu'à les arracher et s'obstiner en osant penser, fut-ce une micro seconde, que c'est seulement passager.
Il n'entend plus, il ne veut plus, écouter moins encore. Ses tympans sont crevés de leurs voix, avis et murmures, questions à grande envergure. Étudié on a pensé, qu'on pouvait le disséquer, une utopie, il l'a prouvé, certifié il n'est pas homme qu'on pourra évaluer.
Chante chante instrument, beugle là ta trille du Diable et qu'elle lui soit tendre puisque le monde le condamne, qu'il garde résolument les yeux clos face à sa rage, qu'il ne saura pas le comprendre. L'artiste sait, il hait l'humanité plus vivement si c'est possible et la rêve : démantelée, annihilée …
De ses grands ciseaux il songe, à en couper les fils une fois pour toute, faire des rues et des buildings autant de cimetières si plein de ces gens indispensables à d'autres. Qu'ils crèvent tous, en silence il leur en serait grès, puisqu'ils sont sourds et aveugles à ses démonstrations. Ils verront ! Il faudra bien … Qu'il les asseye côte à côte, le cul vissé à leur siège, vivant tandis qu'ils agonisent. Il en profitera il gage et se moquera de leur chute pathétique, leur enfonçant les côtes et arrachant leur cœur comme on brise la coquille d'un oeuf.
Le Joker laisse de côté ses farces ce soir, pose cartes et artifices, brandit la hache du bourreau et qu'elle tombe, qu'elle brise nuques et os. Il laissera entrer, et qu'ils se pressent, Oh par foules entières ! Il fermera à double tour dans leur dos et ne laissera pas repartir. C'est connu, on ne ressort pas de l'enfer quand on en a franchit le seuil ; dorénavant qu'ils tremblent sous leur couette, tous ! Leur fin viendra quand il choisira leur nom au hasard dans l'annuaire, sans préférence, c'est plus cruel encore si c'est gratuit.
Il se consume ; la fièvre lui donne le tournis et derrière le voile de ses cils baissés il voit danser des spectres multicolores, des silhouettes tordues et des visages fades. C'est laid à vomir, il est juste écœuré.
Pourquoi poursuivre ? S'arrêter serait simple, il croulerait et le sommeil l'emprisonnerait mais non ; oh non alors ! Pas de demie mesure ; ce sera tout ou rien et qu'ils préparent l'artillerie lourde car il ne se rendra pas si facilement. L'homme riait encore quelques jours en arrière, aujourd'hui il se tait et son mutisme montre à trop grande échelle que certaines personnes ont fait une erreur, une connerie monumentale.
Allez ! Plus vite, plus fort le tambour de guerre !
Il veut du grandiose, il veut sa justice et l'exige à sa manière ; sans appel.
L'instrument vibre, tremble. Joker domine, s'impose et du Prince il se dévoile Tyran.
A travers les images une ombre pointe, seulement un fantôme de plus mais le voir accélère un court instant les battements saccadés de son cœur.
« Écoute ça Darling … » Murmure-t-il sans couvrir la voix torturée du piano. « Voici, la litanie … d'une ville qui crève, à cœur ouvert ! »
Il pousse la rythmique à s'en vriller les oreilles. Alimente sa migraine, la subit. C'est comme une horde de chevaux sauvages cavalant à toutes jambes, ça cogne, ça secoue, c'est tout bonnement affreux. Ses yeux piquent, ses muscles quémandent une accalmie qu'il ignore royalement et il s'acharne le Fou, fait une drogue de sa douleur et son hurlement fend l'air ; déchirant sa gorge et ses cordes vocales à en saigner quand ses deux poings percutent le clavier.
Les policiers se réfugient dans leur voiture dehors, les gens reculent et un bataillon de corbeaux effrayés s'envole en coassant tel un inquiétant nuage noir. Certaines légendes laisseraient entendre un mauvais présage … on leur donnerait raison vues les circonstances.
.
[...]
.
Haut dans le ciel un symbole luit, tranche dans l'encre de la nuit.
Une chauve souris se pose sur un toit ; un homme l'attend, contrarié, perdu. Il a la tête des mauvais jours.
« Que se passe-t-il ? » Demande l'appelé à l'aide.
« Arkham a merdé ... On a tous merdé … »
« Il est libre alors ? »
« C'est pire que ça. » Soupire le flic, passant une main tremblante sur son visage.
« Racontez ... »
À se prendre pour meilleur qu'on l'est on trébuche tôt ou tard, Arkham a fait un pas de trop.
Et Gordon raconte, Batman serre les poings.
Cette idée là, si il en avait eu connaissance … il aurait protesté.
Et comme toujours ; il doit ramasser les pots cassés.
.
[…]
.
De toit en toit elle saute la chauve souris, rejoint le lieu du crime aussi vite qu'elle peut.
Dans sa tête bourdonne le discours de Gordon, ses explications, ses excuses ; il s'en veut d'avoir appuyé cette idée, d'avoir lancé la machine infernale. Laisser le plus chaotique personnage de Gotham aux mains des meilleurs psychiatres du monde, une étude ; ou la curiosité malsaine du corps médical. Des jours entiers à les subir, à écouter en boucle leurs questions et leurs propos, même le Joker a des limites …
Le vieux théâtre, il a une cinquantaine de places. Ses murs sont mal insonorisés et de l'autre côté de la rue on entend un piano. Un pauvre objet guidé par les doigts meurtriers d'une âme déchirée. Batman avance, on le laisse passer en s'écartant rapidement. À voir la pâleur de leurs visages le chevalier noir devine qu'ils en ont trop entendu déjà ; au moins autant qu'il devine que ces ambulances seront inutiles. On ne ramassera que des cadavres et les housses défileront … emportant à la file leur contenu.
Il soupire tristement ; on aurait put éviter ça …
« Batman ! » L'appelle le commissaire derrière. « Que … que comptez vous faire ? »
« Sauver ce qui peut encore l'être. »
« Vous savez bien qu'il doit être seul là dedans … mieux vaudrait ... »
« Quoi ? » S'emporte le justicier. « Le descendre ? Il mérite un minimum de considération, Arkham l'a mis sous une loupe comme un rat de labo ! »
« Mais ... »
« Même s'il est seul, je ne laisse personne … vous le savez très bien. Restez tous là. Compris ? »
« … bien … soyez prudent. »
Il repart, l'ignore. Joker ou un autre, un homme qui souffre attend toujours une main qui se tend. Et Batman est la seule voix au monde que le criminel accepte d'entendre. Qu'il cherche sans cesse allant jusqu'à provoquer chacune de leur rencontres. Il n'a peut-être pas réellement souhaité celle-ci, la farce est loin, les plans machiavéliques également. Reste la vengeance … son goût de métal froid comme celui d'une table de morgue.
À mesure qu'avance le chevalier noir, l'air se charge de cette odeur pestilentielle qu'on connaît à la mort. Le sang qui coagule, les corps qui pourrissent, la peur, si forte ici. La chaleur monte pas à pas, la ventilation est coupée. Acte volontaire ? Batman jette un oeil au tableau électrique visible dans le local technique grand ouvert. C'est coupé, il relance et aussitôt la machine ronfle. Il faudra au moins ça pour rester dans cette pièce close depuis des heures. Pas que le justicier soit de nature sensible mais conserver cette ambiance n'aidera à rien ; le Joker y aura trop vite prit goût.
Devant lui deux battants, il inspire profondément, un regain de courage avant l'horreur de ce qu'il découvrira tantôt, des yeux vides qui le fixeront avec accusation, des visages pétrifiés par la fin qui demanderont silencieusement « où étais-tu Batman ? » ; le justicier sait qu'on lui en tiendra rigueur d'une manière ou d'une autre … on attend toujours trop du héros, oubliant régulièrement qu'il est un homme sous son costume.
La porte bouge, libère un souffle d'air lourd. La musique agresse comme un coup de poignard.
Il faut le stopper ! Oui … mais le tableau que découvre Batman lui glace le sang.
Où est le choc finalement ? Réside-t-il dans ces cadavres, ou dans l'instigateur de cette tragique mise en scène ? Dans ces regards vitreux privés de substance ou dans ce feu déchaîné qui anime la dernière âme qui vive ? Le chevalier noir lui même ne saurait le dire. Il pousse ses pas dans l'allée centrale, sent son estomac se nouer et se force à oublier les corps qu'il dépasse. Il faut bien ; il ne saura pas le tirer de là sinon.
Le tempo ralenti, mue en ballade sous les mains volantes du clown anarchiste. Il lève un coin de sa bouche ravagée d'un sourire fade, ouvre les paupières, ses cils battent rapidement, il est comme ailleurs, entre ciel et terre.
Par l'enfer, que lui ont-ils fait ? Combien étaient-ils à passer et repasser sous ses yeux ? Jusqu'à le faire couler un peu plus encore, à l'entraîner par le fond … Batman s'arrête, voit la bouche rouge s'entrouvrir et les yeux noirs le dévisager de biais.
« Te revoilà … noire chimère ... » Sa voix est éraillée, épuisée. Elle rit en fond, parce que c'est devenu un tic, une petite manie à lui. « Et tu partiras … tu re-viendras et … c'est amu-sant de te voir … me hanter ! »
Mécanique le rire qui vient le secouer ; grinçant comme une porte d'entrepôt rouillée.
Il replonge, détourne le regard de son ennemi de toujours ce qui n'est pas sans laisser l'autre perplexe. Jamais le Joker ne s'est montré si distant, toujours trop heureux de pouvoir jouer à sa manière avec les nerfs de Batman. Il ne semble pas réellement conscient de sa présence …
Le chevalier noir grimpe sur l'estrade, ne crée aucune réaction chez le pianiste. Alors il avance, l'approche à pas lents et se pose derrière lui. Le criminel lève le nez, le dévisage par dessous. Le blanc de ses yeux est veiné de rouge, son front est moite, il sourit … seulement à lui.
« Si proche … si lointain … Ne voles-tu pas cette nuit ? À … chasser le crime ? »
« Joker ... »
« Shhht écoute la … voix des morts ! C'est une ballade comme celle d'Orphée … pour … sortir des … Enfers ! » Il rit, fort ; c'est inégal et mauvais. « Mais … on ne s'échappe pas de lààà ! »
Le clavier est sale, poisseux d'hémoglobine comme les mains qui courent. Batman embrasse les lieux d'un regard circulaire, les corps sont là droits comme des i, rigides, ils regardent sans voir parce qu'on les a laissé là, volontairement. Comment Joker les a-t-il tué ? Tous à la suite pour revenir les placer après ? Ou a-t-il fait durer l'horreur en s'occupant de chacun un à un, prenant le temps de les arranger à sa guise comme des pantins ? C'est difficile à dire … Le Batman soupire, désolé pour eux, il aurait dû les aider, il aurait dû … faire plus attention …
« Tu sais qu'au fi-nal … c'est en partie ta … faute ? »
« Quoi ? »
« C'est autant ton oeuvre … que la mienne ... »
Il est las, il est secoué, ne lui accorde pas un regard alors que le justicier lui, le dévisage, ahuri. Il n'est pas la main qui a tué, il n'est pas le Joker ! Le criminel a-t-il perdu l'esprit au point de ne plus assumer ses actes ? Non, c'est autre chose, c'est plus profond … Batman avale, péniblement et se force à entrer dans cette conversation malsaine. Il voudrait l'éviter, c'est seulement impossible.
« Tu les as tué Joker … C'est ton crime. »
« Aah laaa Darling ! » Il souffle longuement, presse plus souplement les touches sous ses doigts. « Tu es responsable … quoi que tu en dises ! C'est … l'effet papillon tré-sor ! »
« De quoi tu parles enfin ? » Soupire l'homme en noir, bientôt ennuyé. « Et cesse de jouer ! »
Les sons tombent ; c'est pire encore finalement. Le vide qui suit a quelque chose de troublant, d'écoeurant. Comme cette sensation qui vous suit alors que vous avez quitté les montagnes russes ; l'impression d'y être encore. Un peu comme si les notes s'étaient imprimées dans la tête et continuaient à déverser le venin du requiem.
« Tu es comme complice, mais l'avouer te ferait … trop mal alors tu nies, que c'est facile ... » Lâche Joker.
« Pas envie de jouer aux devinettes avec toi, tu vas venir et ... »
« … Jouer ? » La voix s'étrangle, l'homme quitte son siège au ralenti et Batman peut lire la rage qui déforme ses traits. « Tu crois que c'est dr-ôle ? Que ça … me fait rire ça ? »
Il hurle, pointe du doigt ses spectateurs morts. Avant oui, il aurait lui même trouvé ça drôle mais non ! Ce n'est pas le cas, c'est bien au delà de la plaisanterie ! Stoïque, Batman les regarde sans les voir, il s'y contraint parce qu'il pense aux familles qui vont les pleurer, devoir les mettre en terre …
« Tu as été la première pièce dans ce manège, le rouage défaillant parce que c'est … toi qui m'a envoyé derrière ces murs ! »
« Ne me rend pas responsable de ce qui s'est passé, tu ne serais pas allé à Arkham si on avait rien à te reprocher. » Le justicier reste calme, mieux vaut pour ne pas jeter d'huile sur le feu.
« Oh bien entendu ! » Son rire fuse, mauvais comme la gale. « Batman me met en cage et se moque qu'on me … laisse y croupir ! Ça t'ai égal la manière dont on me traite tant que ta PE-TITE conscience … professionnelle est satisfaite ; Oh comme c'est simple d'être toi ! »
« N'inverse pas les rôles, le criminel ici c'est toi Joker. »
« Tu me … donnes envie de vomir ! »
Il lui crache en claquant sa main à plat sur le clavier, lui faisant beugler des fausses notes hideuses. C'est si étrange de le voir en colère après ce héros qu'il n'a de cesse de chercher, de déranger. Jamais il n'a montré de rancoeur, seulement une affection bancale et grandissante à son égard. Mais voilà ; Joker s'est senti agressé et son esprit flambe comme l'essence qu'il n'a eut de cesse de rependre.
« Nous ne tomberons pas d'accords ; alors inutile d'en parler. Je vais te sortir de là que tu le veuilles ou pas. » Soupire l'homme en noir, avançant d'un pas.
« Plaît-il ? » Le balafré ricane, laisse filer un rire jaune. « Pour me renvoyer là bas ? Oh non … non non tu n'en feras rien ! Si tu y tiens, tu devras me tuer pour ça ! »
« Je ne te tuerai pas et tu le sais. »
« Oh tellement de sollicitude ! » Se moque-t-il, glissant les doigts sur le rasoir. « J'en serai touché si … ça ne sonnait pas si faux ! »
Rapidement il s'élance, met une détermination folle à vouloir blesser son adversaire qui n'échappe pas la morsure du métal sur son bras gauche quand bien même il esquive habilement les premiers coups. Joker n'est pas prévisible en matière de corps à corps parce qu'il n'a aucune base, pas d'enchaînements précis, il frappe au coup par coup. D'un énième mouvement il entaille la cuisse du Batman qui recule, le toisant de son oeil le plus sombre. Joker se lèche les lèvres, fait grincer ses dents et laisse entendre un nouveau rire de son cru ; tellement dur.
« Et bien où est … ta bonne volonté hm ? Tu manques d'envie si j'en juge. Au fond ; souhaites tu me voir plier ? »
« Je dois te ramener là bas, il n'y a pas d'alternative pour toi. » Explique le chevalier noir.
« Laisse moi donc partir ? Tu trouveras bien une excuse ! »
« Tu viens de tuer une vingtaine de personne espèce de psychopathe ! »
« Avec ton aide, dois-je le rappeler ? » Persifle Joker, calant une main sanglante sur sa hanche.
« Je n'y suis pour rien ! »
« C'est uniquement TA FAUTE ! »
D'un mouvement furieux il lui envoie la lame qui fend l'air et passe à moins d'un centimètre de son visage avant d'aller se ficher dans le plâtre du mur derrière. Batman le considère, aussi outré qu'il est décontenancé à le découvrir si persuadé que la faute n'est pas la sienne. Joker aime trop ses crimes, il les signe et revendique ; pourquoi pas ici ?
« Tu n'avais … pas le droit de me faire ça ! Les laisser comme ça … venir … m'étudier comme si … comme si j'étais une ano-malie, comme si … c'était moi la pire bête de foire ! Tu ne … tu mériterais la même chose ! »
« C'était loin d'être mon idée ! » Se défend aussitôt le justicier.
« Oh mais qui à part toi pour leur souffler hein ? Tu as donné ton aval ? Comme c'est glorieux de ta part mais c'est toi qu'ils devraient mettre comme ça … sur une … putain de chaise avec quatre murs autour … à les écouter palabrer pendant des jours et des jours entiers ; à poser des questions, à argumenter ! Vous êtes certainement ci, peut-être ça, le souci vient de votre mère, de votre père dit un autre, de votre femme ou bien ? On vous battait enfant ? Et ils parlent ils parlent à n'en plus finir jusqu'à ce que leur voix … deviennent la même et que tu l'entendes même en fermant les yeux à t'en arracher les paupières ! Et toi … TOI tu les as … laissé faire ! Ils ont … putain de merde on en ferait subir le quart à personne d'autre ! »
Ses poings percutent le piano, fond résonner sa caisse, il frappe et se blesse dans toute sa colère, s'ouvre les phalanges et va jusqu'à balancer le tabouret à travers la salle. A-t-il seulement respiré pour parler ? Batman doute et reste prostré de longues secondes avant de se décider à bouger. Il ne sait pourquoi mais ses poings se sont ouverts, se refusent à frapper et il referme les bras sur le criminel, l'arrache de l'instrument qu'il maltraite, peinant à le maîtriser car l'homme se débat, hurle et maudit le monde entier. Ses cris résonnent comme un orage violent, ses mains griffent, frappent ; un langage de nerfs qu'on a tendu comme on bande un arc.
« LACHE MOI ! » Ordonne-t-il la voix tordue, vrillante de haine.
« Arrête ! »
« TAIS TOI ! ÉSPECE DE … TRAITRE ! »
… Traître ? Le mot le touche comme une belle perdue et il ouvre les bras, le laisse s'échapper comme un animal sauvage. Il se sent donc trahi ? Mais pour quelle foutue raison ? Ils ne sont jamais rien promis qu'il sache. Batman le dévisage, c'est comme s'il venait de prendre un coup sur la tête … Il attendait … Joker attendait qu'il vienne ; et Batman n'est pas venu à Arkham … Combien de fois dans toute sa démence, a-t-il murmuré son nom, persuadé qu'il aurait assez de considération à son égard pour faire arrêter la machine ? Mais le chevalier noir n'en savait rien ; il n'aurait jamais laissé faire l'établissement s'ils avaient seulement pensé à le consulter et maintenant le voilà cible de cette rancune sanglante, mortellement explosive.
Il soupire, se passe une main devant le visage. Lui expliquer … il faudrait. Le croira-t-il seulement ?
« Je n'ai donné aucun accord ... »
« À d'autres ! » Rugit le balafré, les pupilles dilatées par sa crise.
« Ils ont consulté Gordon, pas moi. »
« Tu rejettes la faute ? C'est moche ! Et si c'était par vengeance crois moi … tu aurais mieux fait d'avaler une grenade ! JE ne suis PAS une bête de laboratoire qu'on peut disséquer ! »
« Je le sais parfaitement ! » Il monte le ton, espère qu'il entende et c'est mal parti pour.
« Arrête de mentir merde ! »
« De nous deux je ne suis pas celui qui ment Joker ! »
Sa voix tonne autour, fait taire le criminel qui semble difficilement assimiler les choses. Ses paupières battent rapidement, son souffle court est erratique et ses mains blessées sont prises de secousses comme une araignée effrayée relèverait subitement les pattes à la défensive. Il se mord la lèvre, se passe nerveusement la main dans le cou et Batman en profite pour poursuivre.
« C'est étrange à admettre mais jamais je n'aurai accepté ça parce que ce n'est pas ce qui te changera ... » Il pousse un soupir, presque navré. « Te mettre sous une loupe, à quoi bon c'est inutile. Et j'ai beau admettre que tu me déplais par nature … je ne t'aurai pas infligé ça gratuitement. Je ne me vengerai pas de toi. »
« C'est ... » Joker avale de travers, ses membres tirent à l'unisson, il respire un bon coup. « Ce n'est vraiment pas … toi ? »
« Non Joker ; et si tu penses réellement me connaître crois moi, si j'avais su, je serai venu. »
Une micro seconde, le justicier croit voir les yeux de son adversaire briller, ça s'évapore vite. Est-il soulagé de l'entendre ? Laissera-t-il retomber la pression maintenant ? C'est plus complexe en réalité. Ce serait trop … facile et facile n'est pas Joker. Le chevalier noir l'approche, s'arrête lorsqu'il reste à peine un mètre entre eux.
« C'est seulement une ruse ... » Murmure le criminel, un sourire effilé aux lèvres. « Pour que je … sorte. »
« Non, non … cependant tu devras sortir. Ce carnage doit s'achever. »
« Les morts … tu penses à eux hein ? » Il est vil, méprisant alors. « Tu te dis qu'on va les pleurer, c'est tellement triste … on va paniquer dans les rues aussi ? Mince j'en suis navré … mais je suis là, vivant devant toi et tu oses … évoquer ces déchets de cadavres alors que je … Oh tu te moques bien de mon sort avoue le au moins. Tu attends qu'on me mette les fers et voilà tout … Si c'est là tout le … respect que tu as … Va-au-diable ! »
Dos tourné, sans siège il joue de nouveau, propulse le son autour et ça sonne faux, affreusement. Il ne le croit pas ; et ce n'est pas qu'il refuse, c'est qu'il n'y parvient tout bonnement pas. Incapable de relativiser, Joker est plus perturbé que jamais.
Batman mord sur ses dents, il n'a pas prit le problème sous le bon angle. Car l'homme est sincèrement peiné, lui dire que ce n'est pas sa faute ne le consolera pas du mal effectué à son encontre. Le chevalier noir inspire et va récupérer le tabouret qu'il remet à sa place avant de s'y poser, à côté de lui. Il le hait pour ce qu'il a fait ce soir … par la même, il compatit aussi. C'est inconcevable pour son rôle mais qu'importe. Cela ne concerne que lui et sa conscience. Ses doigts trouvent les touches du clavier, jouent quelques notes qui font aussitôt cesser Joker.
« Tu sais … jouer toi ? »
« Plus ou moins ... »
Décontenancé, Joker s'assoit, pose les coudes sur ses genoux et écoute. La ballade est belle comme l'âme qui joue à sa gauche. Il connaît ; « Heartbroken » si sa mémoire est bonne. Qui l'aurait imaginé ? Le Batman capable de jouer ici sur ce piano qu'il déglingue à coup de poings, qu'il a souillé et abîmé comme pour en faire un prolongement de son propre esprit … Bientôt le criminel sent son cœur ralentir, il se repose l'air de rien.
« Tu es … plein de surprises hein ? » Glisse-t-il, souriant légèrement.
« Oh ; ça fait bien longtemps que je ne touche plus un piano. »
« Dommage … ça te va bien. »
« Tu sais certainement le faire … en moins faux j'entends ... »
« Hm ! » Il laisse filer un rire, frotte ses longs doigts entre eux. « Un quatre mains ? »
« La partition ? »
« Vivaldi ... » Joker fait craquer ses articulations, effleure les touches du bout des ongles. « L'Hiver. »
« Pas pour les débutants. » L'homme en noir lève une seconde les yeux au plafond, fouille ses souvenirs.
« Mais tu n'en es pas un … Bats'. »
Un regard échangé. Ils commencent, et ça n'a aucun sens correct. C'est comme un film noir, une scène où plane la mort et l'angoisse que le piano fait monter crescendo. Et oui Joker joue, à merveille et le prouve avec une telle aisance que pour le temps d'une partition il fait oublier les meurtres qu'il a commit. Ses doigts volent, deviennent une caresse plus douce que la brise de cette saison qu'ils animent ensemble. C'est un rêve pour lui, si proche de sa Némésis masquée. Unis par l'envolée, rapprochés par le fait, emportés au loin …
Enfin son sourire, le rouge criard qui lui sied dans toute sa laideur cauchemardesque de clown aliéné. Mais Batman voit l'homme alors, il voit que l'humain est présent dans le Joker. Parce qu'il faut un rien de cœur pour jouer, pour faire résonner si justement ces accords immortels. Plus d'une fois Bruce Wayne, loin de Batman a pu écouter cette mélodie en concert, dans ces salles aux lueurs dorées, aux hommes et femmes endimanchés. Il avait savouré l'instant, sourit pour lui à la sensation merveilleuse que procure la musique sur l'esprit mais ce soir … il vit « l'Hiver », le voit dans les mains décharnées que la mort déploie autour ; il voit tourbillonner la neige, elle est rouge ; le ciel violet, la peinture est folle, elle est grandiose. Le théâtre soupire, le plancher craque, les murs pleurent d'échos sans fin … jamais un concert ne l'a tant saisit aux tripes.
Il le réalise à peine tant il est conscient qu'il ne devrait pas jouer, qu'il devrait l'arrêter mais c'est plus fort que lui, c'est au delà de la raison fondamentale. C'est machiavélique comme le Joker qui l'a embarqué.
Et l'homme fou a fermé les yeux, sans penser, sans hésiter il joue, crache le reste de son âme dans la musique de la dernière saison.
Plus de huit minutes, elles semblent aussi réduites qu'interminables. Les notes se font plus douces, plus rares et le final vient en rappel ; non ça ne finira jamais. L'hiver revient sans cesse, c'est comme eux, c'est leur bataille … leur épopée. Batman soupire, le silence suit, et quand il tourne la tête ce sont ces yeux qu'il retrouvent, qu'il percute et alors Joker entrelace leurs doigts, sourit ; tendrement juge-t-il.
« Je me suis trompé. » Reconnaît-il à demi-mots. « Ce n'était pas toi. »
« Tu me crois donc ? »
« Maintenant je sais … oui. »
« Qu'est-ce qui t'as fait changer d'avis ? » Demande le justicier, un rien curieux.
« Parce que … » Il remonte leurs mains liées, pose un baiser respectueux sur le gant noir. « Tu me ressembles bien trop pour songer à me faire subir ce que toi même ne supporterais pas ... »
« Ne nous met pas dans le même sac ... »
« Mais Bats', regarde autour ... » Il embrasse la salle d'un geste ample de la main. « Vilvaldi devant un public mort, des notes jetées d'un piano ensanglanté … reconnais le ; qui sinon nous pour ça ? »
« Hm ... »
« La magie de l'instant trésor, et tu l'as attrapé au vol. »
« Arrête … d'accord ? »
« Tu te souviens, l'effet papillon ? » Questionne-t-il, le relâchant doucement.
« Le sens m'échappe … »
« C'est l'idée qu'une chose infiniment ridicule en entraîne une autre pour causer en finalité … un tas d'autres événements dans le temps. L'illustration parfaite de la situation ; penses-y, Arkham, les psys, ma fuite, les morts, le piano … toi … et moi. Nous avons en commun le même papillon noir et rouge qui nous tourne autour et nous réunis sans cesse. »
« Ne laisse pas ça au hasard, tu provoques mes venues. » Batman se lève, enrobé de sa longue cape.
« C'est vrai ... » Il rit, presque gentiment. « Mais pour tout te dire ce soir je comptai tuer encore, n'importe qui … seulement détruire pour … passer mes nerfs ; tu étais devenu un détail … étrangement je pensais à mes plans avant de penser à toi. Et te voilà, qui m'arrête malgré moi. C'est assez … cocasse dirons nous. »
« Sans doute ; j'aurai seulement aimé arriver plus tôt pour ... »
« Empêcher ça ? » Joker quitte à son tour le tabouret, se tient au bord de la scène et se courbe d'une lente révérence ; avant de le regarder à nouveau. « Mais que serait l'artiste sans un public ? C'est comme ça ... »
« Un peu trop tragique si tu veux mon avis. »
« Non ; ce qui l'est c'est que je vais retourner là bas parce que tu ne me laisseras pas partir. »
« En effet. » Acquiesce le chevalier noir.
« Fais vite … je ne garanti pas de rester calme très longtemps. » Il rit, plus vivement et ça fait du bien de l'entendre tout de même.
« Allons y dans ce cas. »
« Ton devoir un jour … toujours … tu ne sais que me jeter à l'asile ? » Demande le Joker, observant ses ongles sales. « À quand un peu de … tendresse dans tout ça ? »
« La situation ne se prête pas Joker. »
« Hm ; ça dépend … mais je doute que tu en ais pour moi cela étant. »
« C'est un fait. »
Il descend, pose un coude sur l'estrade qu'il tapote du bout des doigts en attendant qu'il daigne le suivre.
Et Joker soupire, sourit parce que c'est trop automatique pour faire autrement ; que même blasé au possible il n'ira pas faire autre chose. La mécanique est huilée, formatée. Il tourne sur lui même, inspire à plein poumons et s'étire.
Batman s'impatiente, il aimerait retourner chez lui. Quitter son costume parce que ce soir il pèse lourd sur ses épaules, qu'il se sent mal à l'aise de ne pas lui témoigner plus de haine alors que des innocents gisent là, pantelants sur les sièges rouges. Il l'interpelle alors, il veut en finir … au plus vite.
« Je dois te tirer par la peau du cou ou ... »
« Oh deux minutes ! Tu ne va pas moisir derrière une porte avec une camisole toi ; alors laisse moi vivre un peu hm ? » Aucune agressivité, seulement une légèreté déplacée.
Il ramasse sa veste violette sur les planches, la passe, avance en fouillant dans les poches et s'assoit sur le bord, les jambes croisées dans le vide. Doucement, il fredonne les notes de leur quatre mains, extirpe un paquet de cigarettes et en tire une, l'allumant rapidement.
« Juste une et on y va ; on ne me laissera pas fumer à Arkham. » Glisse-t-il, toujours souriant.
« Ok ... »
Batman abdique, il lui laisse au moins ça. Qu'il se fasse plaisir deux minutes au point où ils en sont. Une très maigre compensation pour ce que l'établissement lui a fait subir. Plus il y pense et plus le chevalier noir s'indigne de leurs pratiques. Leurs oreilles vont chauffer ! Il ne sera pas sans aller leur en toucher un mot.
« Encore en train de penser ? » S'amuse le balafré, renvoyant une ligne de fumée du coin des lèvres. « Tu sais que c'est mauvais à force ? »
« Pas à ce point. »
« Moi ça me flanque la migraine ... » Grimace-t-il, tout en faisant craquer ses épaules.
« Parce que tu le fais très rarement sans doute. » Soupire la chauve souris.
« Très amusant tiens ... » Joker ricane, tire une nouvelle bouffée et fronce rapidement les sourcils. « Arrête de regarder les morts, ils sont … morts justement et ça ne les fera pas revenir ! »
« Tu n'as aucune compassion hein ? »
« Aucune pour eux en tout cas. » Il hausse les épaules, repousse ses cheveux en arrière et décroise les jambes. « Ils étaient les pions de ma partie et je les ai sacrifié voilà tout. Tu devrais voir les choses comme ça Batsy, tu vivrais mieux. »
Il reproche à peine, mais ça l'énerve de le voir plus concerné par les défunts que par lui. Joker est égoïste, il assume et voudrait que son cher ennemi ne voit que lui. Tout le temps, qu'il le regarde même si c'est assassin et plein de rage …
Batman met un temps à répondre mais étrangement il plonge les yeux dans les siens et Joker y lit une conviction telle qu'il arrête la cigarette devant ses lèvres entrouvertes. Et bien quoi encore ?
« Mais toi … tu ne vivrais vraiment pas mieux si tel était le cas. »
« … Quoi ? » Lâche-t-il, surpris.
« Si je ne me retournais pas sur eux, je le ferai moins encore sur toi, je ne te chasserai pas si rien n'avait de valeur à mes yeux. Et si ma … compassion étaient légère je la leur donnerai, et … tu n'en aurais pas une miette. »
Écarquillés, les yeux du criminel sont pleins d'une émotion indéfinissable. Il referme la bouche, frisonne. Imagine-t-il sa vie avec un Batman différent qui ferait froidement son devoir ou qui ne le ferait pas du tout ? Un homme méprisant simplement le crime et qui ne lui accorderait aucune attention ? Qui le capturerait sans lui décrocher un mot, avec lequel il n'aurait aucune affinité ? Sans lui … ce serait … NON ! Impossible !
« Tais toi ! D'accord ? Tu … ne … bref ! Juste ; tais toi ! » Patine-t-il avant de tirer nerveusement sur la tige de tabac.
« Tu dois avoir raison. » Poursuit le chevalier noir, conscient de le toucher pour une fois. « L'effet papillon … des événements qui s'entraînent les uns les autres et peut-être que … je devrai changer moi même, si je veux t'aider à le faire. »
Cette fois il s'étrangle avec la fumée, tousse en le foudroyant du regard. Alors là, c'est trop pour ses oreilles, pour son esprit en proie à une instabilité sans précédant. Vivement, il écrase le mégots à moitié consumé sur la scène et tend les deux mains pour l'empoigner par sa cape et le faire approcher.
Son interlocuteur cogne contre le rebord, grogne et tente de se débarrasser des doigts qui le retiennent. Il n'aime vraiment pas cette proximité entre eux. Moins de trente centimètres ; c'est dangereux …
« Ne … redis-jamais-ça ! » Crache-t-il d'un murmure haché. « Je ne veux pas ! »
« Quoi ? Changer ou me voir changer ? »
« Les deux ! » Répond-t-il d'un cri, serrant plus encore le tissu. « Ne … non, toi … reste comme tu es. »
« Tu ne cesses de me reprocher mon attitude, désolé mais tu te contredis. »
À quoi joue-t-il ? C'est suicidaire et ça revient à jeter un bidon d'essence sur un feu mourant. Pourtant cette fois Batman tient un fil important dans leur toile, un fil si fin … Il ose effleurer leur histoire, prendre pour une fois la plume et écrire un chapitre. Ne pas lui laisser l'opportunité de faire le premier pas. Est-il devenu fou à sa manière ? Marcher dans les chemins tortueux de son ennemi intime ; c'est très loin de ses habitudes.
La nuance est pourtant évidente, ce soir il n'était pas là uniquement par devoir. Il voulait l'arrêter, oui. Mais Batman voulait aussi apaiser -ne fut-ce qu'un peu- la brûlure qu'Arkham avait infligé au Joker. Tendre la main, lui montrer qu'il voulait sincèrement le sauver même si c'était de lui même.
Le prince du crime se sent trembler, et il n'aime pas ! Ce n'est pas drôle, il aime se sentir supérieur, pas le contraire et pire, il n'aime pas que Batman renverse si aisément la vapeur entre eux. Ce n'est pas comme les autres fois, Batman doit écouter et c'est Joker qui pique au vif ! Il veut être le perturbateur, pas le perturbé. Ce terrain là, il est trop glissant parce qu'ils les concerne dans leur intimité ; dans cette relation étrange qui tient à tellement peu de choses, tellement trop en balance ...
« Arrête ! » Ordonne-t-il, loin de ses joies d'ordinaire. « Ne joue pas … ces cartes là Bats' ! »
« Parce que tu as peur ? »
« Pas du tout ! »
« Mais si Joker … tu ne veux pas que ça cesse, si je disparais … Qu'adviendra-t-il de toi au fond ? »
« ARRÊTE ! »
Il le hurle, la gorge déchirée, le corps secoué. Il semble fragile cette nuit. Peut-être que le justicier en profite, sans doute mais ce n'est pas par cruauté non. Oh non … Cette nuit il veut ouvrir la boite de Pandore ; laisser s'envoler les maux du monde et lui prouver que, aussi infime soit-il, l'espoir existe, qu'il peut compter sur lui s'il ne croit plus en l'humanité. Joker n'a pas besoin de se venger sur des innocents ; Batman sera là qu'importe la raison …
« Tu ne comprends donc pas ? »
Dieu que sa voix est douce alors … Joker relève la tête, croise son regard. Avait-il remarqué à quel point ces yeux là étaient profonds ? Il les découvre plein de sincérité, de cette tendresse que le justicier ne témoigne qu'à d'autres en temps normal. Alors le criminel l'interroge en silence, non il ne comprends pas …
« Tu n'as pas à tuer si tu te sens mal. Tu trouverais un moyen de me faire venir, je le sais très bien. Alors fais le, que tu veuilles te battre pour passer ta rage ou simplement parler … Je viendrai. » Il encercle ses poignets, écarte lentement ses mains de son armure mais ne les lâche pas. « Depuis le temps Joker … tu devrais le savoir. Je continue à croire en ce monde, et je n'aurai de cesse d'arrêter tes plans qui visent à le faire voler en cendres. Notre histoire … est morbide. Mais je ne fermerai pas les yeux qu'importe les horreurs que tu me montres. Si tu appelles ; je te rejoindrais … »
« Tellement … bon Bats' ... » Lâche l'homme en face après un long silence. « Je ne cesserai pas de tuer tu le sais bien. »
« C'est vrai, mais ne le fais pas pour ça ... »
« Hm ... Les gens les gens … bien entendu il ne faudrait pas que j'en tue trop hein ? »
Il se veut amer, rit sans joie, juste pour donner le change et Batman le sent trop bien. Alors quand l'homme en face tente de récupérer ses mains le justicier le retient, pour la toute première fois c'est lui qui mène la danse et qui dérange son adversaire. Joker le regarde de biais, plisse les lèvres avec perplexité.
« Et bien ? D'ordinaire je te touche et tu pars en courant comme si je t'avais … brûlé et là c'est toi qui me tiens ? Qui se contredit déjà, chéri ? » Un rien moqueur, ironique.
« D'une ne m'appelle pas comme ça, et de deux … ouvre tes oreilles et écoute moi parce que je ne le redirai pas. » Intime la chauve souris, sa voix grave étrangement résolue. « Je ne parle pas pour eux, c'est entre toi et moi d'accord ? Je te demande seulement de décharger ta haine sur moi, d'en … parler au mieux ; quand ça ne va pas. »
« Mais je vais très bien ! » Sourit-il de toutes ses dents, approchant rapidement son visage du sien. Batman ne recule pas d'ailleurs …
« Non Joker, cette nuit tu n'allais pas bien ... »
« Juste une petite crise de nerfs ; ne joue pas les psychologues Bats' … ça te va … très mal ! »
« Loin de moi cette idée, les psy voient ce qu'ils veulent. Un ami voit ce qu'on veut qu'il voit mais un ennemi seul te perce à jour … Ta mise en scène était trop tragique Joker. Pourquoi tu ne veux pas l'admettre ? »
« Oh Batsy cesse donc ! » S'emporte le balafré, le repoussant rudement. « Je ne suis pas un type qui s'écroule, je ne rampe que pour mieux me relever et tu veux savoir ? Cette nuit est … déjà du passé pour moi. Demain j'aurai oublié leur visage, la puanteur de cette pièce et leurs suppliques ridicules ! J'étais en colère, admettons mais après ? Pour le coup c'est même toi qui m'ennuie maintenant ! »
Batman sent ses épaules retomber malgré lui. Joker rebondit trop vite … il a déjà fait table rase alors que d'autres se morfondraient. Les voix d'Arkham lui auront réellement fait du mal mais il a tellement de fierté qu'il reprend ses airs, son assurance et piétine le moindre sentiment … Les siens compris. C'est trop dur de le suivre. Le justicier pensait bien le toucher, faire vibrer une corde autre que celle du piano. Il s'est seulement trompé et l'homme l'a renvoyé dans ses buts. Alors il soupire, réajuste sa cape et s'écarte.
« Tu as fini, allons y alors. »
« Ouais … haut les cœurs je vais aller leur présenter … mes respects ! »
Il rit, ses plaisirs sont trop noirs pour Batman qui préfère l'ignorer.
Devant lui il voit rouler une peluche … il tourne la tête, rencontre les yeux voilés d'un petit garçon de quatre ans guère plus ; son cou disloqué a fait crouler sa tête sur son épaule. C'est comme un pantin de bois …
Le cœur de chevalier saigne, la nausée lui tord l'estomac. Il s'est impliqué en vain à vouloir l'aider alors qu'en réalité Joker a seulement tuer pour le principe … il a noyé son chagrin dans le sang comme un ivrogne le noie à la bouteille et passera à autre chose demain …
« Allô ? Tu vas rester planter là longtemps Darling ? » Demande le criminel, guilleret.
Il s'attend à sentir les yeux furieux de Batman ; au lieu de ça il ne trouve que de la tristesse. Une déception telle qu'il ne s'attarde même pas et ramasse l'objet taché d'hémoglobine pour le glisser sous le bras de l'enfant, passant doucement les doigts sur ses cheveux blonds.
Joker penche la tête de biais, il ne se souvenait même plus d'avoir tué ce gosse … il a dû le regarder avec horreur, ça s'est comme imprimé dans son petit corps. Il n'a pas dû crier, il s'en souviendrait mieux sans ça. Le couple de petits vieux derrière ne lui dit rien non plus … pas comme l'adolescente au premier rang qui s'égosillait … Ce n'était pas si amusant en fait.
« Tes mains. » Demande Batman.
« Tu me menottes toi même ? C'est nouveau ça … tu laisses le privilège à Gordon normalement ! »
« Dépêche toi. »
Sans appel. Il n'a plus rien de l'homme qui cherchait à l'approcher, à le calmer. Batman est froid, redevenu le marbre que Joker a connu aux premiers jours, dans cette salle d'interrogatoire. La saveur est amer sur sa langue et le criminel tend les bras en claquant la langue. S'il proteste sa chauve souris va lui en coller une …
Menotté, il suit et remonte le couloir sombre derrière lui. Bientôt il sera dehors … pour s'en aller retrouver sa cage … sa camisole qu'on lui laissera bien deux ou trois jours … Son cœur cogne, résonne contre ses tempes. Il ne réagit pas de cette façon d'ordinaire. Il en rit toujours, pense déjà aux issues possibles dans le bâtiment mais là, il ralentit. Les voix reviennent, les mots, les phrases s'entrechoquent et le Joker se fige en pleine marche conne un automate dont les piles manqueraient de jus.
Batman se retourne, n'entendant plus son ennemi marcher et le découvre ainsi, les yeux dans le vide.
Il a mentit ; il ment sans arrêt. Le justicier le voit cligner des yeux, secouer la tête, passer sèchement la langue sur ses lèvres. Ses membres vibrent et les mots qui lui échappent sont hachés, incompréhensibles.
« Joker. »
Pas de réponse ; l'homme en noir revient sur ses pas, lui pose une main sur l'épaule et s'attendait à tout sauf à la réaction de recul qui fait bondir l'homme qui s'en va claquer dans le mur.
« Préviens quand tu fais ça mince alors ! » Beugle-t-il.
« … »
Il voudrait le rendre à Gordon, réellement. Le pousser ailleurs et retrouver sa cave, son penthouse et s'écrouler dans son lit pour méditer le tout mais comment pourrait-il ? Ce … maudit clown n'avouera jamais son malaise, il se refuse à être victime et mène un combat qu'il ne peut pas gagner. À sa façon il est comme ces militaires revenus traumatisés du champ de bataille ; et pour un homme de son acabit c'est plus violent encore. Parce qu'il ne l'accepte pas et qu'il lutte en se foutant royalement des dommages collatéraux quand il explose. Batman repense au petit garçon … Joker ne mérite pas que le justicier lui offre à nouveau son aide … à moins que ce soit le plus total contraire. Parce qu'il n'y a pas pire que d'ignorer ses peurs ; ce fou est peut-être bien celui qu'il faut essayer de sauver …
Joker colle son dos à la cloison, passe une main -entraînant l'autre menottée- sur son front et siffle entre ses dents. Toujours des paroles ; des bribes de conversations, des images contrastées, des murs qui semblent se refermer sur lui pour l'avaler … une véritable … psychose. Oh c'est passager ; il lui faudra plusieurs jours pour reprendre le contrôle mais en attendant il subit, et il a ça en horreur ! Il est le seul capitaine de son navire !
« Foutue migraine ... »
« Quitte à mentir tais toi. Je ne suis pas aussi dupe que tu sembles le croire. » Souffle Batman.
« Oh Bats' … te voilà vexé ? »
« Je vais te les envoyer … reste là. »
Quoi ? Que vient-il de dire ? Non ! Pas maintenant !
Sa silhouette pivote ; le criminel sent ses poumons se vider d'air et sa respiration bloquer. Les accords de « l'Hiver » fusent à travers son cerveau et se mêlent aux paroles déformées des psychologues qu'il a vu défiler. C'est insupportable, ça lui bloque la gorge et aucun son ne parvient à quitter ses lèvres. Bientôt des visages tourbillonnent autour du Joker ; il en rit, par réflexe et dans un geste de pure rébellion envers son propre cerveau il ne trouve rien d'autre à faire que claquer violemment son front dans le mur.
« Arrête ! » Hurle Batman. Une fois ; deux ; trois … et le chevalier noir est obligé de revenir pour l'écarter avant de le secouer par les épaules. « Mais tu es définitivement cinglé ! Tu veux te tuer ? »
« Hi hiii hiii … n... non c'est … leur faute à … eux ! Ils … parlent ils parlent Hiii hii ! Et c'est tellement … Hiiii héé hééé bizaaaarre Batsyyy ! »
Fou à lier ; il n'est rien d'autre là. Ses yeux sont grands ouverts, ses pupilles explosées … c'est comme un bad-trip sans même une dose de drogue. Et le voir comme ça … c'est trop dur, c'est là toute l'étendue de son calvaire. Sans réfléchir le chevalier noir l'attire entre ses bras, l'étreint avec force, une main cerclée au tour de sa nuque.
« Shht … ne les écoute pas. »
« Héé héé ça c'est … difficile ! » Il est agité, tellement que Batman en vient à le serrer plus fort encore.
« Écoute ma voix, laisse les donc … Je suis là ; avec toi … » Et qu'on lui arrache la langue pour ce qu'il va dire ; parce que cette fois, Batman sait qu'il a ouvert la porte de trop entre eux. « Je te complète, souviens toi. »
Bats' … Batsy … Darling … chante le Joker, le murmurant bientôt à mesure qu'il se calme, que ses rires cessent et qu'il love sa joue sur son épaule, qu'il respire son parfum, celui de la nuit. Son manège de mauvais souvenirs s'arrête et le présent revient à cette scène où Batman a prit l'initiative. Et c'est si bon, si plaisant de se sentir ainsi … comme broyé par cette Némésis autant adorée qu'elle est haït. Joker soupire longuement, rouvre les yeux et constate qu'il est juste … bien. Oui, il est à SA place.
« Hmm on devrait faire ça plus souvent Darling ... »
« Tu te sens mieux ? » Demande l'homme en noir, voulant le relâcher.
« Non ! » S'exclame Joker. « Enfin … oui ça va mais … reste un peu comme ça hein ? J'aime bien. »
« Je crois t'avoir assez … cajolé. Alors que tu ne le mérites franchement pas. »
« Oh mais … ne me cajole donc pas. » Il relève la tête, sourit de coin. « Serre moi, à m'en briser les vertèbres. »
« Tu es masochiste ma parole ... » Se lamente le justicier.
Son ennemi rit, passe ses mains entravées derrière sa nuque casquée et l'entraîne jusqu'à coller son propre dos au mur, dans l'ombre. Cet homme seul le fait vibrer, qu'importe la façon, il prend plaisir à ça bien plus que dans les bras d'une tiers personne.
« Au moins … tu l'admets ... »
« Quoi ? » S'impatiente le chevalier noir.
« Que tu me complètes … Et toi, tu ne mens pas. »
« J'ai peut-être voulu essayer ? »
« Oh vilaine bête ! » Ricane le balafré, le faisant approcher malgré la résistance ce son interlocuteur.
« Joker ! »
« Embrasse moi au lieu de crier, hm ? »
« Rêve ! »
« Quoooi ? Ça n'engage à rien … Je ne te demande pas en mariage ! Hé hé rien que d'imaginer la scène avoue que ce serait drôle ! »
« Effrayant tu veux dire. »
« Allez je n'ai pas envie de te forcer ; pour une fois … fais le de toi même. »
« Je n'en ai aucune envie. Et pas de ça entre nous. » Proteste la chauve souris. « Viens maintenant ... »
« Ha la la … Tu es trop froid Bats'. »
« Je n'embrasse pas les tueurs. »
« Argh … mais qui embrasses-tu alors puisque tu passes ta vie à les traquer ? » Interroge Joker, septique.
« Elle était petite cette question ... »
« Réaliste. Mais bon … la prochaine fois peut-être ? »
« Jamais. »
« Radin ! » Il sourit, l'enlace tout de même. « Mais ça ne fait rien … »
« Ah ? Vraiment ? » Siffle l'homme en noir, pas très sûr.
« On fera mieux à nos retrouvailles prochaines. »
« Et bien tu fantasmeras parce que si un jour je te touche plus que de raison c'est que je mérite une place à Arkham ... »
« Oh ! On serait compagnons de cellule ? Ça me plairait bien ! »
« Je préfère me pendre ... »
« Ah non ! Cela dit ... » Il le relâche, hausse lentement les épaules et semble … sérieux ? « Je te comprend. »
« Hm ? »
« Et comment … La bouffe est dégueulasse là bas ! »
Silence. Joker sourit, l'air entendu … une blague de plus, il n'aime pas rester concentré.
Batman roule des yeux et repart vers la sortie, bientôt suivit par son ennemi qui rit joyeusement derrière.
Dehors, sous les lumières agressives des gyrophares Gordon le traite de tout les noms et Joker s'en moque comme de l'an quarante. Cependant, quand le flic croise le regard noir du justicier il préfère se taire … au fond il est en partie responsable. Alors il fait accompagner le criminel à une voiture en partance pour l'asile et n'a pas le temps de revenir sur ses pas que la chauve souris s'est déjà envolée …
Le commissaire soupire, jette un oeil sur le véhicule et son passager. Joker a le nez rivé sur la vitre, regarde au loin … c'est impensable son obsession pour Batman … cet homme n'aime rien, il ne veut rien d'autre que son ennemi intime et se dire qu'il n'a que la chauve souris pour égal fait froid dans le dos. Que deviendrait Gotham si demain son protecteur n'était plus ? Le Joker la détruirait-il ? Cesserait-il de vivre par ce qu'il aurait perdu tout objectif ? Impossible à dire mais Gordon le sent …
Il a vu le crime sous trop de coutures, il sait qu'on en vient au pire pour mille et une raisons mais la plus virulente est encore celle du cœur. Celle qui vous muselle la tête, vous anéanti le corps … Le Joker a besoin de Batman … c'est banal et terrifiant.
Quand il entre dans le théâtre, Gordon plaque une main au bas de son visage et inspire lourdement pour se donner du courage, affronter les lieux et les corps. C'est abominable et d'une telle cruauté … Sur la scène, il observe longuement le piano bariolé de taches sombres, il faudra l'embarquer comme preuve … alors il passe une paire de gants, abaisse le couvercle et ce qu'il y découvre lui glace le sang dans les veines.
Gravé dans le bois et repassé au sang, une chauve souris d'allure humaine étend ses ailes au dessus d'un immense sourire … Le tout, selon l'angle forme un visage étrangement similaire à celui du Joker. Gordon avale difficilement sa salive et il se souvient trop bien du premier échange entre le justicier et le criminel …
« Tu me … complètes ... » Murmure-t-il pour lui même.
« Vous disiez commissaire ? » Demande un jeune officier.
« Non rien … Dites à la scientifique d'emporter ça.»
Au fond ; c'est peut-être seulement le destin.
Une partie d'échecs grandeur nature où une pièce en entraîne inévitablement une autre …
« Peut-être … qu'ils n'auraient pas dû se rencontrer. »
« Qui ça ? Batman et Joker ? »
« Oui. »
« Bah … vous savez commissaire, à mon avis personne peut arrêter ce type à part la Chauve souris. »
« Quelques fois j'aimerai un bouton reset pour revenir en arrière ... »
« Vaut mieux pas ! » Rit sagement le garçon. « Vous connaissez pas ce film ? »
« Quel film ? » Demande le policier.
« L'effet Papillon … en gros dedans ça dit que, si vous changez un tout petit truc dans le passé ça va entraîner un tas d'autres choses, et le plus souvent ça tourne encore plus mal. Tout est lié parait-il. »
« Vous regardez trop la télévision officier. »
« Oh c'est scientifique vous savez ! »
« Peut-être … mais dans leur cas ça n'a rien de scientifique. »
« Ah ? C'est quoi alors ? Sentimental ? »
D'un mouvement sec, Gordon referme la protection au dessus du clavier et soupire.
C'est au delà du reste ; loin de la logique et des normes ; deux hommes liés dans l'affrontement.
« Non ; c'est viscéral ... »
.
[...]
.
Loin, en haut d'une tour Bruce Wayne regarde la ville, se demande encore s'il ne perd pas la raison à mesure qu'il le fréquente. Cette nuit il ne trouve pas le sommeil et dans ses oreilles le vent de « l'Hiver » murmure en boucle. Alfred soupire à le voir si décontenancé, mais demain est un autre jour et il faudra seulement avancer ; un pas à la fois.
Plus loin encore, un homme a vu une porte se refermer, il a vu des murs trop familiers, a passé sa camisole non sans se rebeller. Il rit … ne s'arrêtera pas.
Le gardien de nuit -plutôt sympathique- passe et lui demande si tout va bien. C'est un homme bedonnant et affublé de véritables culs de bouteilles, pas très futé mais toujours souriant, qui rit aux plaisanteries même simples. Il est vieux garçon, pas beau non plus mais c'est bien le seul que le criminel tolère ici.
Joker lui sourit, lui dit que compte tenu de la situation ça ne va pas trop mal.
« Dites, vous pouvez approcher ? » Demande l'homme, vérifiant bien qu'il est seul dans le couloir.
« Qu'y-a-t-il ? » Questionne le balafré, venant coller son épaule contre la porte.
« Je ne devrai sans doute pas en parler mais … j'ai pensé que ça vous ferait disons, plaisir de le savoir. »
« Hm ? »
« Quelqu'un a appelé le directeur tout à l'heure, j'ai entendu parce qu'il avait mis le haut parleur pour que les médecins entendent aussi. Et … » Il regarde dans son dos, personne. « C'était le Batman ! »
« Tiens tiens … Il vérifiait si j'étais bien rentré ? » Pouffe le criminel.
« Non, il les a vraiment sermonné ! Il était en colère … il m'a fait une de ces peurs ! »
« Oh ? Amusant … lui si stoïque. »
« Il a demandé qu'on vous laisse tranquille et qu'ils le contactent avant toute chose quand ça vous concerne. C'est beau d'avoir un tel ami ! »
« Un ami … bah, disons un ennemi. » Contre sagement le Joker. « Mais dans notre cas c'est un peu pareil. »
« Enfin, je voulais vous le dire ... »
« C'est … gentil. Travaillez bien et filez avant qu'ils vous enferment avec moi ! »
« Hé hé ; ce serait embêtant je ne pourrai plus vous passer les actualités. »
« C'est vrai … à bientôt. »
« Bonne nuit à vous ! »
« Faites de jolis cauchemars ! »
« Idem ! »
L'homme s'éloigne, Joker se jette sur son lit. Un sourire magnifique orne son visage. Parce que dans le noir de sa cellule personne n'en verra la douceur …
À travers la toute petite fenêtre la lune brille, elle est belle entourée de ses étoiles. Une chauve souris passe, s'en va retrouver son nid quelque part sous le toit de l'asile et Joker sourit plus largement.
« On se complète décidément trop bien … hein mon ange ? »
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À Suivre prochaine dans le chapitre 2 : "Le ruban de Möbius"