Titre de la fiction : « PDJM »
Auteur : Sermina (chapitres impairs) Azerty (chapitres pairs)
Beta lectrice : Sermina et Azerty
Genre : Drame
Disclaimer : Non, on ne se fait pas d'argent sur le dos de Masashi Kishimoto, les personnages de Naruto lui appartiennent ainsi.
Note aux lecteurs :
Et voilà que nous en arrivons au dernier chapitre de cette longue et étrange fic. Arrivé à soixante-quatre chapitres, nous avions convenu de finir cette histoire dix chapitres plus tard, sinon nous aurions déjà surement atteint la centaine, et rien n'aurait pu nous stopper dans notre folie d'écriture (rire diabolique).
En tous cas, nous avons vraiment passé un moment extraordinaire en écrivant cette histoire à quatre mains. Aucune de nous ne savait à l'avance vers quels rebondissements étranges nous nous dirigions et quels autres personnages inattendus nous allions faire vivre et évoluer. Mais à notre grande surprise, nous avons quand même fini par quelque chose d'à peu près cohérent ! Même si on s'est effectivement écartée du Sasunaru initial plus d'une fois…
Merci, en tous cas, de nous avoir suivi jusqu'à ce soixante-quatorzième chapitre. Nous espérons avoir pu vous communiquer au moins un peu du fun et du suspens dont nous avons profité en l'écrivant.
PDJM chapitre 74
Dès qu'il ouvrit les yeux, Naruto sut que Kyuubi lui avait menti.
Il se trouvait bien dans une réplique chimérique du terrain d'entraînement, dans la forêt de Konoha, mais quel que soit le nombre de fois qu'il y regarde, cette illusion n'était pas réaliste au point de ne plus se rendre compte qu'il rêvait. Mais pourquoi ? Kyuubi était forcément capable de lui construire un monde impénétrable et indestructible, et il le lui avait promis. Est-ce que ce n'était qu'un brouillon ? L'illusion prendrait elle un peu de temps pour devenir réelle ? Il erra quelques instants dans les environs, goûtant malgré tout à la sérénité du lieu. Il avait vaguement conscient que le démon s'agitait dans le vrai monde, qu'il parlait avec quelqu'un, mais tout cela ne l'intéressait plus.
Soudain, il y eu comme une distorsion dans le décor, et son Sasuke apparut sous l'ombre des arbres. Sur ce point, au moins, le démon avait fait des efforts : le bel éphèbe brun semblait plus vrai que nature. Un sourire élargit les lèvres du blond.
- Te voilà enfin, lâcha son homologue.
- Moi aussi je suis ravi de te voir, lança l'Uzumaki, taquin. Merci de ton accueil.
- C'est toujours mieux que l'accueil que tu m'as fait toi, la dernière fois.
Un frisson glacé passa dans le dos du rêveur lorsqu'il comprit ce que cette réponse impliquait. Ce n'était pas « son » Sasuke. Pas du tout. D'instinct, il tenta d'expulser son vis-à-vis, plus par réflexe défensif que par réelle intention. Mais rien ne se passa. Cette illusion était celle de Kyuubi, il ne pouvait pas la modeler à ses envies comme la précédente. C'est donc d'un ton plus froid qu'il reprit la conversation.
- C'est vraiment toi…
- Qui croyais tu que ce serait ? Le pantin aux yeux vides que tu as créé ? C'est plutôt vexant, je dois l'avouer.
Les deux coéquipiers se dévisagèrent quelques instants, et Naruto finit par pousser un soupir résigné et hausser les épaules, bien décidé, comme toujours, à s'en sortir quel que soit la situation.
- Alors dis-moi Sasuke, qu'est ce qui t'amène, à part bien sûr le fait évident que je n'avais aucune envie de te voir ici ?
- Je te ramène.
- Ça aussi, j'en ai aucune envie. Et ça aussi, c'était évident.
L'Uchiwa ne répondit pas, mais son regard à lui seul lançait un « tu vas me suivre sans faire d'histoire ou je te ramène par la peau du cul » digne de son clan.
- Il y a des choses que tu ne comprends pas, Sasuke…
- Et tu es trop idiot pour me les expliquer peut-être, c'est bien ça baka ?
- Disons plutôt que ceux sont des choses que tu n'as pas envie que je t'explique.
Les prunelles sombres s'approfondirent encore, et c'est le plus sérieusement du monde que le brun enchaîna :
- Ne décides pas de ce que je veux à ma place, c'est compris boulet ?
Comme Naruto ne semblait pas vouloir lui répondre, et se décidait encore moins à lui expliquer ces fameuses choses qu'il ne voulait pas entendre, l'Uchiwa reprit de lui-même :
- Il y a aussi des choses que tu ne comprends pas espèce de crétin. Des choses toutes simples…
Il fit quelques pas en avant, réduisant la distance entre eux. Le terrain d'entraînement, tout autour était balayé d'une légère brise, qui agitait les brins d'herbes et faisait monter vers eux les senteurs de leur enfance. C'est à peine plus d'un mètre de lui qu'il s'immobilisa, le regard braqué dans le sien au point de réduire le monde à ces quatre pupilles qui se reflétaient les unes les autres. Alors, d'une voix ferme et sans concession, il déclara :
- Je ne vais nulle part Naruto. Je reste là.
Et ses yeux complétaient ce qu'il ne disait pas. Il ne parlait pas de l'illusion. Non, il parlait de tout le reste. De ses erreurs, de la peur qu'ils avaient qu'il déserte à nouveau un jour, de la distance qu'il mettait avec les autres pour se protéger… Maintenant, il resterait à ses côtés. Sans qu'il ait besoin de rajouter quoi que ce soit, Naruto sut qu'il le jurait, sur la mémoire de son clan, sur son honneur, sur tout ce qu'il lui restait en ce monde. Il jurait de rester avec lui. Alors seulement, Naruto sentit quelque chose se dénouer en lui, quelque chose de douloureux, d'enraciné profondément dans son cœur et qui n'avait cessé de distiller une angoisse sourde, jour et nuit, depuis le retour du brun. La peur irraisonnée, presque inconsciente, de se réveiller un matin et de se rendre compte que Sasuke n'était plus là. Sans l'avoir prévu, sans avoir pu une seconde s'y préparer… être à nouveau abandonné.
Et le regard de son meilleur ami s'encrait désormais tout aussi profondément en lui, la promesse qu'il apportait répondait à une question que Naruto n'avait même pas conscience de s'être posée. Par exemple, pourquoi il tenait tant à avoir un Sasuke onirique qui, lui, ne repartirait jamais, et pour qui on n'avait pas à se réveiller en sursaut en se demandant s'il était toujours là….
Mais ce n'était qu'une partie du problème. Ce Sasuke, le vrai, même s'il restait à jamais à ses côtés, ne lui rendrait jamais les sentiments dont il brûlait de le couvrir.
- Tu ne comprends toujours pas….
- Ce que je comprends, c'est que tu as peur… froussard.
Les cheveux de Naruto se dressèrent sur sa nuque, et il sentit une réplique acide monter dans sa gorge, en vieux réflexe de rivalité. Mais le sourire franc et amusé de Sasuke le coupa en plein élan.
- Tu sais… reprit lentement l'Uchiwa, comme s'il pesait chacun de ses mots… je te ramènerais. « Même si je dois te briser les jambes, te briser les bras, je te ramènerais ».
Le visage de Naruto s'illumina contre son gré, et il ne put enlever la note d'amusement dans sa voix lorsqu'il siffla un « copieur » bien mérité.
- Du coup, tu viens ou je dois d'abord t'infliger une branlée, histoire de te traîner de force ?
- Comme si tu en étais capable ! s'écria Naruto, de plus en plus amusé, sentant venir un de ces combats déchaînés et jouissifs, affectueux au fonds, qui étaient et avaient toujours été le ciment de leur relation. Une sorte de seconde nature.
Il ne sut pas combien de temps avait passé avant qu'il ne se fasse propulser la tête la première dans la poussière par un coup bien placé, le sang en ébullition et le sourire aux anges. Sasuke fut le plus rapide : il le plaqua au sol avant même qu'il ait eu le temps de se redresser, l'immobilisant complètement. Naruto cherchait frénétiquement comment retourner la situation lorsqu'il remarqua que son adversaire ne se battait plus.
Les yeux fixés à lui comme à une ancre, le regard sérieux et d'une profondeur vertigineuse, il se tenait immobile au-dessus de lui à le dévisager avec un petit quelque chose de… fragilité. Lorsqu'il parla enfin, Naruto était si fasciné par lui qu'il aurait pu décrire le moindre frémissement de ses lèvres.
- J'ai besoin de toi.
Ce n'avait été qu'un murmure, une confession tremblante à peine audible, et d'une sincérité à fendre le cœur. Inconsciemment, Naruto libéra sa main droite et la monta délicatement contre sa joue pâle, comme s'il craignait de le briser au moindre effleurement. Alors quelque chose s'imposa en lui, quelque chose d'évident, quelque chose qui relayait tous les rêves à l'état de broutille. Car Sasuke, sans le savoir, avait trouvé la seule et unique phrase capable de le ramener.
Sa main pâle, délicate, ne cessait de trembler. Elle tenta de raffermir sa prise sur son verre, de faire appel à ses ressources de persévérance… mais le récipient glissa inexorablement de ses doigts incertains. Elle ferma les yeux, se préparant au bruit des milliers d'impacts tranchants sur le sol. Mais rien ne vient. A la place, une autre main, plus largue, un peu sèche et rugueuse, passa tendrement sur son front.
- Tu sais pourtant que tu ne dois pas forcer… murmura une voix à son oreille.
Konan rouvrit les yeux pour tomber sur le visage émacié et maladif de Nagato. Le verre rescapé au creux de sa paume, il se tenait tout près d'elle, juste contre le lit d'hôpital qui lui tenait lieu d'univers depuis déjà deux mois.
- Il faut bien que je bouge tout de même ! se plaignit la jeune femme. Je ne supporte plus de rester là, de ne pas pouvoir faire ne serait-ce que le minimum par moi-même.
- Tu vis. Par tous les dieux, tu es restée près d'une heure enfermée avec ces sauvages sans scrupules, et tu vis. Rien d'autre n'a d'importance. Tu es en sécurité, nous sommes ensembles, et le Naishokage a dépêché les plus grands médecins du village auprès de toi. Tous disent que les dégâts ne sont pas irrémédiables, que tu te rétabliras lentement mais sûrement. Alors, s'il te plait, ne sois pas si dure envers toi, et laisses moi pour une fois prendre soin de toi, comme tu as veillé sur moi durant toutes ses années.
Et délicatement, il approcha le verre des lèvres gercées de sa douce amie, bien décidé à la couver jusqu'à son rétablissement, et pour le restant de leurs jours tout autant.
La première fois que les agents d'élite de sécurité de Nokiana attrapèrent Karin en train de franchir en douce la muraille végétale en dehors de temps autorisés par son statut d'intermédiaire politique, elle faillit passer devant une commission disciplinaire. La seconde fois, alors qu'elle revenait sans qu'on se soit aperçu qu'elle était partie, elle fila discrètement des infos sur les imperfections de sécurité qu'elle avait exploitée pour sortir, en échange de quoi on lui pardonna avec un simple blâme. La dix-huitième fois, elle échangea des nouvelles avec les guetteurs, qu'elle commençait à bien connaître à force. La quarante quatrième fois, elle rapporta des pâtisseries typiques de Konoha en souvenir pour toute l'équipe. Et au bout de la troisième année, ses fugues finirent par atteindre un tel niveau de fréquence qu'on les mit sur le compte des hormones, et de la grossesse en cours.
La pierre était sombre, en accord avec sa fonction, et bien trop largue, trop remplie au goût de la jeune fille. Comme tous les ans à cette époque, Sakura se rendait auprès du monument aux morts honorant les ninjas disparus au combat pour protéger Konoha. Plusieurs noms précieux à son cœur se trouvent inscrits là, mais aujourd'hui, c'est pour un en particulier qu'elle était venue. Personne d'autre ne s'était déplacé. Peu de gens, en effet, avaient à cœur de célébrer le troisième anniversaire de la deuxième mort d'Itachi Uchiwa. Même maintenant qu'il avait été réhabilité avec tous les honneurs qui lui étaient dus.
Drôle de concept d'ailleurs, que d'avoir deux anniversaires de mort pour une seule personne…
Le jour de l'anniversaire de la mort officielle – la première – elle n'avait vu personne non plus, mais un chrysanthème rouge sang avait été fraîchement déposée au pied du monument. Sasuke n'était toujours pas du genre à s'épancher en public, évidement…
Mais qu'importes les rares gens qui honoraient la mémoire de l'aîné Uchiwa, qu'importe le scepticisme générale depuis que la vérité avait éclaté, et le fait que beaucoup continuaient à murmurer que c'était tout de même un fou furieux qui avait assassiné son propre clan… Sakura, elle, se souvenait d'une main charitable, de mots pausés, d'un regard résolu et d'un amour fraternel qui était allé jusqu'à mourir deux fois pour lui. Alors elle déposa délicatement le bouquet au pied de la pierre, laissa au tiroir les « et si… » avant de se reposer sur la seule certitude qu'elle avait : l'année prochaine, par deux fois, elle viendrait honorer la mémoire d'Itachi. Envers et contre tout.
La petite échoppe de ramen était bondée, au point que le restaurateur avait dû installer des tables sur le trottoir, et réquisitionner près de la moitié de la rue. La quasi-totalité de leur génération était attablée là, en plus de certains professeurs, et d'une Hokage particulièrement bruyante depuis qu'elle avait englouti deux pleines cruches de sake. On avait bien essayé de proposer un endroit plus grand, plus adapté. Mais rien à faire : l'anniversaire du ninja le plus imprévisible de Konoha ne pouvait se faire qu'autour d'un ramen. Assise à la table principale, Sakura regardait d'un œil amusé le contraste saisissant qui existait entre ses deux coéquipiers, l'un dégustant du bout des baguettes avec une grâce absolue, l'autre bâfrant gaiement son huitième bol. A voir la vitesse et l'entrain avec lequel Naruto avalait son repas, il ne regrettait pas d'avoir choisi de les rejoindre, trois ans plus tôt, au lieu de retourner se cacher dans ses rêves.
Pourtant, elle avait vraiment craint qu'il ne se réveille pas, surtout lorsqu'elle était arrivée dans la salle de la prison où se tenait Kyuubi, totalement libre de ses mouvements dans le corps de son hôte, devant un Sasuke inconscient affalé sur le sol. Quand elle avait demandé, folle d'inquiétude, ce qui était arrivé à ses deux collègues, le renard avait haussé négligemment les épaules et répondu :
- Là, tout de suite, ils se cassent joyeusement la gueule.
Lorsqu'ils s'étaient enfin réveillés, tous les deux, ils avaient esquissé un sourire irrépressible, avant de recommencer à s'insulter et à se battre, dans la réalité cette fois. C'est finalement l'arrivée de l'Hokage et un bon remontage de brettelles à grand renfort de hurlements qui les avait séparés et obligés à reprendre un peu de sérieux. A partir de là, tout était redevenu normal.
… Ou presque. Dans les mois qui avaient suivi leur retour à Konoha, les choses avaient été si complexes et rapides que ces petites différences et cette espèce de tension latente ne s'étaient pas ressenties. En majorité parce que Naruto était monopolisé par « le cas Kyuubi ». La cohabitation avait été parfois un peu compliquée, le renard ne s'étant pas gêné pour revenir régulièrement à la surface sans y avoir été invité. Il prétendait que l'attente de son nouveau corps le mettait sur les nerfs et qu'il ne supportait pas de rester coincé dans « cette putain de cage humide et étroite qui sens le renfermé ». Au bout de six mois environs, les gens s'étaient habitué à voir soudainement les yeux de l'Uzumaki virer au rouge et balancer des obscénités en les traitant de « sals insectes méprisables », ou autres douceurs du genre.
Le conseil, d'abord très réticent à l'idée de se voir privé de son démon – puisqu'à l'évidence le renard n'avait aucune envie de rester pour leurs beaux yeux une fois sa nouvelle enveloppe récupérée – s'était vite calmé lorsque Kyuubi leur avait appris que, imprégné comme il était de son chakra depuis la naissance, Naruto garderait la même réserve monumentale d'énergie que lorsqu'il était là. Après quelque temps et une exposition suffisante au caractère de cochon du démon, le conseil finit même par penser qu'ils gagnaient aux changes, et se révélèrent très pressés de le voir décamper.
Donc, durant les premiers temps, la situation entre Naruto et Sasuke resta fidèle à elle-même, et le petit quelque chose de plus tendu, comme un point d'interrogation laissé entre eux, ne fut pas particulièrement remarqué. Dans l'année qui suivit, la tension eut tendance à augmenter progressivement. Le point d'interrogation, qui n'avait visiblement toujours pas été traité, devint un sujet acide, qui les faisait dégoupiller pour un rien dans des proportions ridicules. Ils en virent même plusieurs fois aux mains, se brouillèrent mortellement, pourrirent magnifiquement l'ambiance du groupe pendant presque deux mois et finirent par se taper franchement sur la gueule, au point que beaucoup se crurent revenus à la vallée de la fin et eurent peur que Sasuke prenne ses clics et ses clacs pour de bon. Mais l'Uchiwa resta. En même temps, sa jambe immobilisée dans un plâtre ne lui permettait pas d'aller bien loin…
A ce moment-là, l'Hokage insista pour que les deux convalescents, grièvement blessés, partagent la même chambre d'hôpital jusqu'à ce qu'ils soient rétablis ou que mort s'en suive. Elle trouvait, je cite : « qu'il y en avait marre de leurs conneries, et que s'ils avaient des choses à se dirent, ils n'avaient qu'à se les exprimer franchement ! ». La tension, dans la pièce, fut palpable pendant deux semaines. Soit ils se disputaient, soit ils refusaient de se parler au point d'ignorer la présence de l'autre. Le seizième jour, ils se hurlèrent dessus avec une telle intensité et une telle haine que les infirmières et les médecins n'osèrent même plus entrer. D'ailleurs, lorsque les cris cessèrent, ils crurent tout simplement que les deux jeunes s'étaient entretués.
Nul ne sut jamais ce qu'ils s'étaient dit ce fameux jour, mais par la suite, ils ne se disputèrent plus jamais de cette façon. La tension avait disparu, comme s'ils avaient enfin abordé ce sujet pesant qui planait entre eux depuis Nokiana, et il ne restait plus à présent qu'une espèce de gêne maladroite, comme s'ils avaient étés deux jeunes adolescents un peu bêtes qui ne savaient plus trop par quel bout prendre le problème. Après cela, doucement, progressivement, il commença à se former quelque chose entre eux, comme s'ils reconstruisaient leurs bases, mais en y rajoutant un petit truc qu'ils touchaient à peine du bout des doigts, et qu'ils ne savaient pas trop comment gérer.
Peu de gens avaient réussi à mettre derrière ce comportement la bonne connotation, et Sakura faisait partie de ces rares privilégiés. Assise là, devant son bol, elle dévisageait les deux jeunes hommes qui comptaient le plus au monde pour elle, clairement consciente de l'atmosphère qui avait changée entre eux, des légers gestes, imperceptibles comme des caresses qu'ils laissaient parfois courir sur l'autre, mine de rien, accompagnés de regards qui en disaient beaucoup trop. Ça avait commencé il y a quelques mois, alors que tous les deux avaient enfin vraiment digéré la grande dispute. Ils avaient reparlé calmement du problème, seul à seul, et depuis il arrivait que certains gestes s'égarent, comme par erreur. Au début, ils étaient assez rares, toujours accompagné d'un coup d'œil inquiet de celui qui l'osait, de peur d'être mal reçu. Et puis, au fil des semaines, les contacts s'étaient affirmés, toujours discrets, dissimulés parmi les autres mouvements du quotidien et des missions, mais visibles pour ceux qui les connaissaient le mieux. Personne n'avait fait de remarque. Sur la dizaine de personne qui avait compris ce qui se jouait, tous savaient trop bien ce que les deux hommes avaient traversé pour leur reprocher de trouver enfin un équilibre, quel qu'il soit. Certains prétendaient même que tout ceci était une évidence depuis leur adolescence, et qu'il fallait vraiment être un aveugle buté comme ces deux-là pour ne l'avouer que maintenant, point sur lequel Sakura était particulièrement d'accord.
La jeune femme évaluait à trois mois le temps depuis lequel ses coéquipiers sortaient non officiellement ensemble, visiblement peu conscients d'avoir été démasqués, et aucun des deux n'avait cru bon de lui en parler. Elle se sentait presque vexée. De quoi avaient-ils peur ? Qu'elle les rejette, leur dise que c'était dégelasse, contre nature ? Et puis quoi encore ! Ou alors ils n'assumaient pas encore assez eux-mêmes pour oser le dire à haute voix…
Toujours est-il qu'aujourd'hui, il y avait quelque chose de différent. Elle l'avait de suite sentie, dans l'intensité des regards qu'ils échangeaient, dans une espèce de douceur cotonneuse qui semblait les entourer, dans la tension ravie de leurs muscles… Alors, autant pour confirmer ce qu'elle devinait que pour se venger un peu qu'ils ne se soient toujours pas confiés, elle se pencha à l'oreille de Naruto et murmura :
- Dis-moi, il y a un truc que j'ai toujours voulu savoir… Sasuke, il est bon au lit ?
La réaction fut à la hauteur de ses espérances. C'est à peine si le blond ne s'étouffa pas avec son ramen. Rouge écarlate, il suffoquait, lui jetant un regard mi scandalisé, mi confus, et bien incapable de trouver quoi que ce soit à répondre. Sasuke, lui, qui n'avait pas entendu sa question mais qui s'était empressé de la lire sur ses lèvres, se tenait excessivement droit, crispé, les yeux fixant un point dans le vide de façon un peu trop écarquillée. Cerise sur le gâteau : en y regardant bien, on pouvait entrapercevoir une légère coloration rose sur le haut de ses pommettes.
- J'ai loupé un truc ? s'étonna Kiba qui, comme le reste de la table, se demandait pourquoi Naruto toussait à s'en arracher les poumons.
La jeune femme ne répondit pas, fier de son coup, et se contenta de lancer un clin d'œil complice à ses deux pauvres victimes.
Beaucoup plus tard dans la nuit, il parvint enfin à convaincre les derniers invités particulièrement alcoolisés – Kiba et Lee en tête – que non, il n'avait pas besoin d'entendre pour la quarante-et-unième fois « joyeux anniversaire » parsemé de fausses notes, et put rentrer chez lui. Il passa la porte avec un soupir de soulagement, et sursauta lorsqu'il sentit une ombre se glisser derrière lui. Il se détendit presque instantanément lorsqu'il reconnut les bras de son amant qui se glissaient autour de sa taille, et les lèvres fraîches qui déposèrent un baiser papillon dans sa nuque.
- Joyeux anniversaire…
Naruto se laissa aller en arrière, son dos épousa le corps chaud et musclé de Sasuke. Un frisson vint courir de la plante de ses pieds à la racine de ses cheveux lorsqu'il sentit l'émail froid mordiller son épiderme, et il laissa échapper un hoquet silencieux. Basculant la tête en arrière, il attrapa les lèvres taquines pour un baiser.
- Tu n'as pas répondu à la question… susurra une voix grave à son oreille lorsqu'ils se séparèrent enfin.
- Laquelle ?
- Celle de Sakura… poursuivit le brun, taquinant son oreille du bout de ses dents. Tu me trouves comment au lit ?
L'Uzumaki laissa échapper un éclat de rire surpris, puis fit semblant de réfléchir, comme s'il hésitait sur la réponse :
- Je ne sais pas, je ne me souviens plus très bien…
Et, se retournant pour lui faire face, toujours calé au creux de ses bras, il lui lança avec un sourire désarmant :
- Il va falloir que tu me rafraîchisses la mémoire !
Sans perdre une seconde de plus, il l'attira à lui et l'embrassa.
FIN