Bonjour tout le monde !

Nom de Zeus, plus d'un an et demi que j'ai rien posté... Vous m'avez manqué !

En fait, j'ai jeté un coup d'oeil, un an et demi après, à mes quelques fanfic de "l'époque" (ou comment se faire se sentir vieille en deux mots X) ), et surtout les reviews qui allaient avec, toujours avec un peu d'appréhension avant de les relire, et... ça m'a fait plaisir tout plein, je me souvenais plus de vos petits mots.

Alors je vous donne en pâture celle-ci, qui est vieille, en vrai, plus vieille que la dernière que j'ai postée.

.

Résu : Heero est un prof de danse marié et père de famille, et c'est aussi un chacal. Duo est une proie un peu trop facile. Pas drama, mais premier chapitre clairement pas très gai. Voir pas du tout.

Persos pris à Gundam & Co, as usual... Titre de la fanfiction = titre d'une chanson des Beatles. Titre de ce chapitre et du suivant = titres de deux chansons de John Lennon (restons dans la même branche à peu de choses près !)

Merci : à Candy l'Orny qui m'a conseillé de l'écrire, il y a... deux ans. Ce que j'ai fait. Ce qui m'a fait tellement de bien.

A cause de : beaucoup de choses à l'époque : une situation particulière, un moral pas au top, besoin de tout faire sortir comme ça. Aujourd'hui ? Parce que ça fait deux ans maintenant, y'a prescription. Je l'ai relue hier, j'ai eu envie de la poster alors que c'était pas le cas avant.

Pour : moi, à l'époque. Pour vous maintenant, si ça vous plaît bien sûr !

Sorry d'avance pour les éventuelles fautes d'orthographes, accord, grammaire, conjug'... Français mon amour ! Mais je n'ai plus d'excuse, je suis censée le maîtriser normalement. Du coup, vous pouvez ne pas être trop indulgents !

.

Sur ce, bon lecturage les amis !


Hello, Goodbye

.Chapitre 1 : Jealous guy

.

.

''Bon. Voilà.

Je sais pas comment commencer. J'ai jamais su comment commencer.

En rien.

Quand je joue au tarot, lancer le premier tour est toujours un petit stress : je sais pas faire. Pareil quand j'ai la main, pour relancer le jeu.

Quand je joue au tennis, je hais servir en premier : le premier coup, on te regarde, même si ''on'' n'est que la personne qui attend ton tir. Le premier coup, celui qui, si tu le rates, te démoralise parce que tu te dis que la partie est scellée, et pas en ta faveur. Même si t'as déjà vu, des fois, que ça ne marchait pas comme ça, que tu pouvais rater le premier coup et remporter le match, ou l'inverse. Enfin, quand je dis ''tu'', c'est ''je'', hein, tu l'as compris.

Tu commences à me connaître. ''Tu'' pour de vrai.

De toute façon, je n'aime pas les matches, je n'aime pas me battre. Dans aucun domaine.

Quand je joue au tarot, quand je joue au tennis, je ne sais donc pas comment commencer.

Et je ne joue pas, là. Alors c'est encore pire.

Je prends une responsabilité. Tu vois ? Je suis sûr que tu ne m'en pensais pas capable, depuis le temps. Depuis le temps.

Je prends une décision, et je compte m'y tenir.

Ça doit te paraître bizarre.

Qu'est-ce qui me fait faire ça ? Pourquoi ? Besoin d'indépendance ? Besoin de prendre mes marques ? De perdre celles que je ne veux plus avoir ? Tu te le demandes ? J'en suis même pas sûr.

Et quand bien même, je n'ai pas à me justifier. Ça peut juste plus continuer.

Je ne peux juste plus continuer. Pas comme ça.

Et ne me demande pas ce qui doit changer. Ce que tu peux faire, on en a déjà parlé, tu sais ce que je ne veux pas. Je ne savais pas, alors, ce que je voulais.

Maintenant, je le sais.

.

C'est de ta faute.

Tout.

Tout.

Lâcheté ? Peut-être un peu de ma part, totalement de la tienne si tu oses me dire que tu n'y es pour rien ou même que tu n'y es pas pour la plus grande partie dans tout... ça. Que t'y es pour rien pour la situation dans laquelle on se trouve.

Tu veux que je te rafraîchisse la mémoire ? J'ai tout mon temps, et ne t'en fais pas, je me souviens de tout – de tout. C'est moi, ça, le souvenir de tout, de tout ce qui me paraît important, de ce qui l'est moins, de ce que je pourrais vouloir oublier.

Non, non, je ne veux pas oublier ça.

Même si c'est le souvenir, le problème.

.

La première fois qu'on s'est vu, c'était y'a quatre ans. J'en avais seize.

Enfin... Je dis la première fois qu'on s'est vu, mais c'est la première fois que je t'ai vu. Pour toi, j'étais juste un de tes potentiels futurs élèves. Une tête parmi d'autres :

On devait être une quarantaine : ceux pour le cours de danse de salon, ceux pour le cours de rock débutant. Les intermédiaires ne devaient arriver qu'après. Pas besoin de présentation pour eux, ils te connaissaient déjà.

Ils vous connaissaient déjà, toi, Réléna et Dorothy.

Cette première fois que je t'ai vu, je ne m'en souviens même plus à proprement parler : je sais qu'elle s'est déroulée, j'ai de rapides flash mais ça pourrait tout aussi bien être des souvenirs recomposés avec des images d'autres fois, je peux pas dire.

Il n'y avait rien à noter.

Rien de notable.

.

La première année de cours, j'apprenais comme tous les autres hommes du groupe à diriger des danseuses venues apprendre à être guidées. Tout âge.

Normal.

Je me disais juste que tu étais beau. Physiquement, je veux dire. Enfin, je me fais mal comprendre. Non, je ne te trouvais pas réellement beau, pas ''beau'' comme je dirais d'un mec de mon âge qu'il est canon. C'est pas pareil.

Comment dire... Comment expliquer la différence que je vois entre ''beau'', ''canon'' et ''attirant'' ?

Ah, voilà. Mon pote Karim, que j'appelle Quat', qu'est mon meilleur pote, je t'en ai déjà parlé. Plusieurs fois. Et ça t'énerve, parce que tu sais que je suis sorti avec lui. Cette même année d'ailleurs. Hé hé, je suis en train de penser... Si ça t'énerve que je te parle de Quat', qu'est-ce que je devrais dire, moi ? Bon, on parle jamais de ça, d'elle, mais son ombre est toujours là.

Bref. Mon pote Quat', je disais. Je le trouve beau. Vraiment. Je l'ai trouvé canon, à un moment, même attirant quand on était ensemble. Mais maintenant, je le vois juste beau. Une musique, même belle, peut ne pas te faire vibrer. Tu l'écoutes, tu reconnais objectivement qu'elle est musicalement recherchée, tu peux aimer les paroles en elles-mêmes, et pourtant, tu ne ressens rien de plus qu'un plaisir simple à l'écouter quand tu l'entends. Tu ne t'arrêtes pas de faire ce que tu fais pour l'écouter exprès en montant le son quand elle passe, alors que tu le ferais pour d'autres.

Je te donne cet exemple, parce que ça te parle, la musique, hein ? Le rythme, les temps...

Tu n'aimes pas la salsa, ou peut-être que tu l'aimes mais tu ne te trouves pas bon, tu me l'as déjà dit. Tu aimes peut-être la voir dansée, mais tu n'aimes pas la vivre.

Quat', aujourd'hui, je l'aime bien, je le trouve beau. Comme la musique dont je t'ai parlé, comme la salsa pour toi. Je l'envie sans l'envier pour son physique, en toute amitié, je l'envie de temps en temps quand je pose les yeux sur lui et que je me dis qu'il a de la chance d'être bien foutu comme il l'est, d'avoir son visage... Je sais que tu vas me dire que t'aimes pas les blonds. Je sais que tu vas me dire que je suis très bien comme je suis, comme tu me le dis des fois quand je te parle de lui. Je sais que tu me dirais de me taire, de ne pas parler de lui, qu'il te rend jaloux, et tu n'aurais pas honte de me le dire, même si ce n'était pas le cas au début.

À nos débuts.

.

Quat', je le trouve beau, je l'ai trouvé canon, je l'ai trouvé attirant. Toi, tu n'es pas attirant. Non. Toi, tu m'attires tout court.

Ce n'est pas un état qui te caractérise : je ne pourrais pas dire à quelqu'un ''tu ne trouves pas qu'il est attirant ?'' en parlant de toi. Je ne pourrais pas te qualifier ''d'attirant'' si je devais te décrire.

Certes, tu es beau. Putain, qu'est-ce que t'es beau, et qu'est-ce que je me demande toujours ce que tu me trouves, pourquoi tu as pris tous ces risques, pourquoi tu prends toujours tous ces risques en voulant me voir.

Tu es... ''canon'' ? Nan, je ne te qualifierais pas comme ça non plus. Pour moi c'est un état qui va avec la jeunesse, un ado-jeune adulte qui a déjà son visage et son corps d'adulte mais que tu sens qu'il n'a pas fini de changer, qu'il a encore cette espèce de... féminité ? Cette stature qui, même musclée, reste encore fine, ciselée, pas vraiment terminée. Qui a un visage avec déjà de la barbe s'il ne se la rasait pas, mais aussi une peau encore toute douce, toute fraîche...

Ça, c'est ce que je qualifie de canon. Tu me comprends si je te dis que tu n'en fais plus partie, maintenant, avec tes... quoi... trente-cinq ans ? Peut-être moins, peut-être plus, je ne t'ai jamais demandé, on n'en a jamais parlé. Pour moi, tu as toujours eu trente-cinq ans, depuis que je te connais, parce qu'en plus tes cheveux complètement noirs de chez noirs comme si ça devait rester leur couleur éternelle ne me laissent pas te donner un âge par rapport à eux. Ton corps ? Un corps de danseur. Fin, hanche comme épaule, même si plutôt grand. Musclé, comme j'aime, comme tu le sais, je t'en ai déjà parlé. Musclé dans le fin. Sculpté, plutôt. Comme si c'était une œuvre d'art.

Je devrais pas te dire tout ça : tu vas croire que je ne sais pas ce que je veux. Mais justement.

Tout ça, c'était pour te faire comprendre ce que je vois de toi. Tu es beau, putain, je le dirai jamais assez. Mais tu n'es pas canon, et pas non plus attirant parce que je refuse de me dire que tu l'es pour tout le monde. Je veux croire que tu m'attires, que ce n'est pas un état mais une action, une volonté que tu as, mais que même si tu n'as pas vraiment cette envie, cette faiblesse que tu provoques chez moi, qui m'a empêché de partir tant et tant de fois, je veux croire que ce n'est pas de l'attirance, mais vraiment une chose différente.

Je ne sais pas trouver les mots. Je ne sais pas m'exprimer. Surtout comme ça, je n'ai pas l'habitude. Ce sont les circonstances qui m'obligent à opérer de cette manière.

.

Bref. Tout ça pour dire, que cette première année où j'ai suivi tes cours, vos cours à Dot', toi et 'Léna, comme je suis obligé de l'appeler quand je la vois, à part te trouver beau bien que un homme à cette époque, c'était encore du ''bien que'' – il n'y avait rien d'autre.

Peut-être un peu de magnétisme dans ton regard, des fois où je me demandais si, avant de lancer le départ d'une choré qui devait nous apprendre une nouvelle figure, tu ne me dévisageais ou au moins me regardais pas un peu trop systématiquement.

Bon, d'accord, c'est maintenant, après coup, que je me rappelle de ça. Je n'ai pas remarqué, au début. Ne t'en déplaise, tu ne m'intéressais pas.

.

Ce qui est important, dans cette première année, c'est que Dorothy m'a vu plusieurs fois attendre le bus à l'arrêt près de chez moi, quand elle allait au boulot. En prenant la route par laquelle vous passez à chaque fois que vous allez donner vos cours de danse, les mardis soirs.

Et qu'elle en a déduit que ce serait tellement plus simple pour moi si, au lieu de prendre le bus et payer mon ticket à chaque fois que je me rendais à un de vos cours, vous me preniez en voiture.

Tu t'en souvenais ? C'est grâce à Dorothy que vous emmeniez aussi à la danse sauf les rares fois où elle venait directement depuis son vrai boulot, que vous avez commencé à me prendre à mon arrêt de bus les mardis soirs, et à me ramener.

Vers la fin de l'année, vers... fin Mai, je crois... C'était à peu près la fin des cours pour moi. Bac de Français et de SVT, mais je m'en foutais : je suis venu à chaque fois. Même si, du fait que vous me rameniez, maintenant, je devais attendre la fin de tous les cours et non plus repartir avec mes parents qui venaient me chercher à la fin du mien. Dans l'année, ça m'aurait fait rentrer à 11h tous les mardis soirs, et ça m'aurait fait trop tard, même si c'est ce que j'ai fait toute l'année suivante, de rentrer autours de 23h. Je dors beaucoup. Là, c'était la fin de l'année, les cours du lycée étaient presqu'inutiles, alors j'ai assisté aux cours d'intermédiaires et au cours de choré, puis vous me rameniez.

.

Tu te rappelles pourquoi c'est si important, le fait que vous me rameniez ? Bien sûr, sinon tu ferais un piètre amant, hein ? Dis, dans ''amant'', il y a ''am-'' de ''amour''. Il faut être amoureux pour parler d'un amant ?

Enfin, peu importe, à vrai dire.

.

J'ai plutôt bien géré mes notes d'épreuves de bac anticipé, je ne sais plus si vous m'aviez demandé mes résultats, au pire, je m'en foutais. Mes notes, je les mérite pas. Je les dois à une mémoire que j'ai eu la chance d'avoir dès la naissance, à mes parents qu'ont réussi à m'intéresser à des choses dont les connaissances me favorisent dans notre système scolaire français, et je les dois quand même aussi à mon très très peu de travail. Bon, je dis pas que je vais au talent à chacune de mes épreuves et que je m'en sors haut la main comme ça : faut pas se leurrer, je bosse, et d'ailleurs ça t'a bien soûlé, à la fin de ma terminale... Mais par rapport aux efforts d'autres personnes, mon peu de travail est ridicule.

Je ne mérite pas mes réussites scolaires et étudiantes, c'est de la chance pure et simple. Nothing else. Je ne mérite pas mes réussites, d'une manière globale. Elles ne devraient pas me revenir.

Tu ne devrais pas me revenir à moi.

Tu ne dois pas revenir chez moi.

.

Je suis passé en terminale, qui en doutait ?

Je suis passé en terminale, je me suis réinscrit à la danse, en même temps qu'à la conduite accompagnée. J'avais leçon de code les soirs, après les cours, et en temps normal, je rentrais chez moi vers 19h30. J'avais décidé que je l'aurais vite, et comme toujours, parce que j'ai souvent ce que je veux quand j'ai décidé que je l'aurai et qu'il n'appartient qu'à moi de l'avoir, je l'avais en poche en deux mois. J'ai commencé la conduite juste après.

Je rentrais chez moi à 19h30 en temps normal, mais les mardis soirs, du coup, j'allais directement à la danse, c'était pile la bonne heure. Des fois j'achetais un sandwich, des fois non. Je prenais le matin mes chaussures de danse. Je les aime bien, elles sont classes. C'est les mêmes que les tiennes en noir et blanc quand les tiennes sont toutes noirs, mais surtout en moins chères et en moins bonne qualité, eh ! j'allais pas acheter des chaussures de rock qui coûtaient bonbon alors que j'étais même pas sûr de pouvoir continuer après ma terminale.

Du coup, au début, vous ne faisiez que me ramener.

.

Ah, oui, j'avais oublié... J'ai commencé à sortir avec Quat' à la fin de notre Première. En Mai. Je ne sais pas trop si c'était ces regards entre nous deux – toi et moi, je veux dire – que j'en venais à interpréter qui m'ont mis la puce à l'oreille. Je ne sais pas s'ils existaient vraiment, ces regards, mais le fait que je puisse les penser existants me montrait que je pouvais me poser la question de si j'attirais un mec. Tans qu'on n'est pas dans la véritable situation avérée et certaine, je ne pense pas qu'en tant qu'hétéro, on interprète comme ça de simples croisements d'yeux qui pouvaient tout aussi bien être une coïncidence.

Je les interprétais autrement que coïncidences, j'en ai déduit que, peut-être, les hommes m'intéressaient.

Je me souviens du jour où je fixais Quat' et où, d'un coup, alors qu'il riait (je me souviendrai toujours, toujours, de ce moment précis, de son regard, de ses fossettes, de son sourire à ce moment là. Je pense même que je l'ai cristallisé dans ma tête, que je l'ai embelli, certainement) je me suis dit que, putain, mais qu'est-ce qu'il est beau, ce mec.

Pas beau comme un acteur, ou un mec que, en tant que gars quelque soient tes préférences, tu peux dire objectivement qu'il est beau. Non, je me souviens que je le trouvais beau, mais dans ce beau il y avait de l'attirant.

Je lui en ai parlé à la fin de cette semaine là, et puis, après réflexion, on s'est rendu compte qu'à quelques mois près, finalement, on avait pensé la même chose. Qu'il s'était posé des questions, qu'il avait préféré les enterrer avant d'avoir les réponses. Après une semaine un peu angoissante où il a joué les archéologues dans ses sentiments, on s'est mis ensemble.

Mai.

On a cassé en octobre. J'ai cassé.

Après trois semaines où ça a été un peu dur pour lui, on s'est rerapprochés. En tant qu'amis. Que meilleurs amis.

Pour moi, c'était facile : je l'avais quitté pour beaucoup parce que c'est déjà comme ça que je le considérais plus que comme un amoureux, à ce moment là. On a toujours eu une relation amoureux-meilleurs amis quand on sortait ensemble. C'est dangereux, parce que ça fait deux routes, et on peut ne pas prendre la même. C'est ce qui s'est passé.

Je me suis demandé si notre amitié allait survivre à notre rupture, mais je ne pouvais pas faire semblant, et son amitié était pour moi plus importante que son amour. Est-ce que c'était égoïste ?

Au final, on est toujours meilleurs potes et pourtant on aurait pu se perdre de vue, plein de fois. Enfin non, même si je ne l'avais pas rappelé de temps en temps, il m'aurait harcelé pour qu'on se voit. On tient tous les deux énormément à l'autre. On se complète, c'est... de la meilleure amitié pur jus, d'appellation contrôlée, de première qualité, 100% assurée. Je ne pourrais pas ''casser'' avec lui, je ne pourrais pas ne plus le voir.

Je ne veux plus te voir, Heero.

On a cassé en Octobre, et j'ai recommencé à prêter attention aux regards que je voyais plus fréquents de toi à moi, les mardis soirs.

.

Je n'étais plus en débutant, mais en intermédiaire, sur le papier. Comme vous m'emmeniez et me rameniez, j'étais présent à tous les cours, et il est vite apparu qu'il y avait trop d'hommes en débutant, parce que c'était pas obligé de venir en couple vu que les danseuses tournent d'un danseurs à l'autre. C'est con, hein ? Même quand Dorothy et 'Léna faisaient femmes, même quand tu dansais en femme pour tenter d'équilibrer, il y avait trop d'hommes à faire danser. Ça vous faisait rire, c'était la première année que vous voyiez ça.

J'étais là, je connaissais en tant que danseur, enfin, j'avais un an derrière moi, et d'après vous je ne me débrouillais pas trop mal.

Alors j'ai été votre recours : j'ai appris à faire la danseuse.

Y'a des coups du sort, comme ça.

Dès les premiers cours de débutants, j'ai été ''danseuse''. J'ai appris la base en tant que danseuse, le contraire du danseur, bien sûr, ça serait trop facile sinon : trois et quatre à droite quand j'avais l'habitude de partir à gauche, le contraire pour cinq et six, et quand aux un-deux sur place, c'était mon pied droit que je devais soulever en premier avant mon pied gauche.

J'ai galéré. Ça me faisait rire.

Ça te faisait rire : quand on répétait la base en début de cours, tu donnais l'exemple aux danseurs, et chaque groupe d'un côté ou l'autre de la salle, danseurs faisaient face aux danseuses et assimilé (moi). Du coup, quand je commençais à partir sur la gauche au lieu de la droite au milieu de mon groupe de longs cheveux où, au final, je ne faisais pas tâche avec ma natte de un mètre, tu étais le premier en face à te foutre gentiment de ma gueule.

Et puis, finalement, à force de me dire que je pouvais le faire (auto-persuasion, mon amour...) et à m'entraîner un peu dans ma chambre, les soirs du reste de la semaine, j'ai acquis la base danseuse sans plus aucun problème. Il m'a juste fallu apprendre à tourner, et ça a été plus compliqué, mais au final, maintenant, mes tours sont plus propres que ceux de bien des danseuses avec sexe correspondant.

.

Les premières semaines, Dot', toi et 'Léna, vous faisiez donc danseuses, tout comme moi et j'adorais voir la tête des mecs, au début, quand ils dansaient avec toi, vu que les ''danseuses'' tournaient toujours entre les danseurs : un mélange de répulsion pas avouée et d'amusement d'homme gêné dans sa virilité, parce que, quand même, danser avec un autre homme même si c'étaient eux qui guidaient (ou essayaient : hé ! Faut bien débuter, et débuter en rock, ça veut dire ne pas diriger correctement sa danseuse), ça faisait bizarre à la testostérone.

Bon, tu me diras que, quand ils dansaient avec moi, ça devait être la même. J'avais que dix-sept ans depuis août, à l'époque, alors ça les choquaient moins. C'était pas pareil, surtout que c'est au milieu de cette année là seulement que j'ai commencé à développer la stature adulte d'un homme... Avant, sans être un râteau filiforme sans muscle, je restais un ado encore mince.

Et le temps que je ressemble à un homme véritablement de corps, ils s'étaient habitués à moi comme danseuse.

Les premières semaines, Dot', toi et 'Léna vous faisiez danseuses comme moi, et puis des danseurs ont abandonné, certaines danseuses aussi, mais moins... Au final, il n'y avait plus besoin véritablement de fausse danseuse. Mais j'y ai pris goût, et puis c'était un savoir-faire en plus : je le suis resté. En plus de moi, il fallait quand même une des deux profs femmes pour équilibrer. Et toi et 'Léna vous intégriez dans le cercle, ce qui te permettait à toi de tester l'écoute des danseuses qui passaient entre tes bras, et à Dot' et 'Léna de critiquer le guidage ou non-guidage des hommes. Et comme on était tous les couples en cercle, la danseuse tournant d'un danseur dans le sens des aiguilles d'une montre à chaque fois qu'on reprenait l'enchaînement d'entraînement, je me suis forcément mis à danser avec toi quand ça tombait comme ça.

En intermédiaire, j'étais danseur, mais je sais que, parfois, si Dot' et 'Léna blablataient, en bonnes femmes piplettes qu'elles sont toujours, tu prenais la personne la plus proche de toi pour montrer comment guider une nouvelle figure, n'importe qui du moment qu'il savait faire danseuse.

Du groupe, je suis le seul autre homme que toi qui sais faire danseuse. Au début tu évitais parce que je n'avais pas encore le niveau, et puis au bout de trois mois, même si ça devait me faire changer de base au milieu du cours et m'embrouiller dans mes pas, tu me prenais comme ''danseuse'' pour tes fameuses démonstrations et explications.

Ça pouvait paraître normal : dans la ronde de couple, j'étais toujours le danseur le plus proche de toi, et ta danseuse attitrée ('Léna, bien sûr : qui d'autre ? C'est ta femme après tout) était une piplette invétérée : toujours elle discutait avec Dot' qu'est tombée enceinte cette année là, avec Sally, avec ta mère qui suivait aussi les cours, et avec tous les autres, puisque que, quand on intégrait le groupe intermédiaire, on entrait dans la famille des danseurs-rockeurs de la MJC.

Alors, dès que la musique s'arrêtait, elle partait voir Dot' qui dansait de moins en moins avec son bidon de plus en plus gros donc qui restait avec le reste de son corps assis sur une chaise, à nous regarder.

Tu me prenais comme danseuse pour tes démonstrations, démonstrations qui duraient souvent une dizaine de minutes puisque tu détaillais, d'abord directement en dansant à vitesse normale et je devais apprendre la figure au fur et à mesure parce que tu me guidais sans que je la connaisse, et au début ça capotait souvent, puis j'ai appris à comprendre le guidage, à savoir à l'avance quand tu allais lancer un tour, et je suis sûr qu'au final, ça m'a bien fait progresser en tant que danseuse. Après tu montrais sans les pas, toujours en me guidant, et quand tu t'arrêtais pour préciser un geste, tu parlais aux autres en gardant ma main dans la tienne, ton bras dans mon dos. Puis tu remontrais comment ça tombait avec les pas, puis de nouveau en vitesse normale, puis en refaisant dans un sens différent pour que toute la ronde puisse voir.

Je suis sûr que si j'avais eu le sexe et le balcon charnel qui va normalement avec la notion de ''danseuse'', 'Léna aurait beaucoup moins pris le risque de discuter avec Dot'.

C'est con, mais c'est comme ça que j'ai commencé à me dire que je ne te trouvais plus uniquement beau et objectivement attirant. J'avais eu l'expérience Quat', puis un autre avec qui je suis resté très peu de temps et un peu trop tôt, pour moi comme pour Quat' vu qu'il pouvait potentiellement lui plaire et qu'il était pas encore remis de notre rupture. D'ailleurs, ça va peut-être te faire plaisir de le savoir, mais Quat' est avec lui maintenant. Trowa, je crois pas t'en avoir parlé.

Bref.

Réactions physiques, au début, pas flagrantes pas gênantes parce que pas visibles de l'extérieur : merci pour moi, j'ai jamais bandé quand j'étais ton danseuse, même si je l'ai parfois redouté.

Non, juste des gros coups de chauds, sueurs, moments d'absence quand je me disais que j'étais trop dans tes bras : trop bien, trop confortable, trop dominé consentant quand tu me dirigeais, trop souvent. Trop, quoi.

Je crois que t'as dû le remarquer une fois.

.

Et c'est la semaine après cette fois où je crois que tu m'as grillé que les choses ont un peu commencé à changer.

Peut-être une coïncidence, c'est ce que je me suis dit sur le coup, comme pour tous ces éléments qui, en eux-même et séparément les uns des autres m'auraient chacun fait penser qu'il y avait anguille sous roche. Coïncidence, ces caresses invisibles dans mon dos quand j'étais ta danseur, ton danseuse...

Tout pareil : hasard, le fait que les morceaux de rock entiers que tu laissais en début de cours débutant et inter pour que chacun puisse danser avec sa chacune avant le début du vrai court, ce soit à moi que tu proposes de les danser.

Je t'avais déjà dit, une fois, que je préférais faire danseuse parce que mon niveau de danseur avec mes quinze figures à tout casser, ne me permettait pas de m'amuser, alors que me faire guider par toi, Dot' ou 'Léna, vous danseur, moi danseuse, ça me faisait apprendre des nouvelles figures en tant que danseuse, et que j'aimais savoir faire ces figures que je ne connaissais pas juste parce que vous guidiez bien... Bref, je progressais plus vite en danseuse qu'en danseur. Quand je t'avais dit ça, tu m'avais dit que c'était bien que je ne me sois pas braqué contre le fait d'être danseuse, et que mon apprentissage en tant que tel(le ?) m'aiderait forcément à m'améliorer en danseur, parce que je savais ce que la danseuse devait ressentir quand je lui guidais telle ou telle figure.

Je t'avais dit cette préférence devant témoins, et du coup ça ne paraissait bizarre à personne que tu me fasses faire danseuse de temps en temps, en début de cours.

De temps en temps.

.

Mais cette fameuse fois où j'ai senti que les choses changeaient, tu m'as invité les trois danses entières.

Bon, tu voulais peut-être juste me faire progresser.

C'est ce que je me serais dit, s'il n'y avait pas eu le reste.

Les caresses dans le dos quand on se mettait en place pour l'entraînement en débutant, quand je tombais avec toi... Alors qu'il t'aurait suffit de poser ta main dans mon dos sans l'effleurer de cette manière forcément volontaire, alors que tu aurais pu poser simplement ta main dans un mouvement net, comme le faisaient les autres hommes avec moi. Alors que, moi qui savais qu'il y avait potentiellement quelque chose à voir, je ne n'ai jamais eu l'impression que tu le faisais avec tes autres danseuses, à part 'Léna.

Oui, parce que je guettais.

Je me posais la question.

Et puis il y avait aussi les regards.

Au début, danseur ou danseuse, quand tu apprends le rock, tu es concentré donc tu ne cherches pas les yeux de ton partenaire du moment. Ensuite, tu commences à voir que, même si tu n'as aucun sentiment pour ton/ta danseur/se, c'est mieux, le rock, si tu regardes l'autre.

J'ai appris danseur, j'ai appris à regarder ma cavalière, mais quand j'ai appris danseuse, je suis repassé par la case ''vis dans son monde de concentration sans regarder l'autre, de toute façon il te regarde pas plus, il compte ses pas''. Et puis, avec les autres hommes, j'avais beau être un ado, un jeune adulte, ils évitaient le regard dans les yeux, quand même, et je le recherchais pas vraiment non plus.

Y'a qu'avec toi que je levais les yeux de... où ? Je ne sais pas vraiment où je regarde quand je danse sans regarder mon/ma partenaire. Mais ma vision périphérique m'a appris plusieurs fois que tes yeux étaient sur moi, et quand les figures le permettaient, je te rendais ton regard.

Je faisais le mien neutre.

J'avais beau avoir des coups de chaud avec toi, tu étais marié, j'avais appris entre temps que tu avais quatre enfants, les deux petites dernières étant nées l'année d'avant, même que 'Léna n'était plus là d'octobre à février parce qu'il y avait un risque qu'elle les expulse en dansant, et que pour elle, être dans la salle sans danser, c'était pas possible. Si tu t'étais intéressé à moi au moment où elle t'attendais en femme enceinte à la maison, et si vous m'emmeniez déjà à ce moment là, tout aurait été plus simple d'une certaine manière. Mais non. Ça venait un an trop tard.

.

Cette fameuse semaine, ce fameux mardi soir que je te rappelle depuis tout à l'heure, c'était deux semaines avant mon bac blanc. Ça m'a perturbé, mais pas au point de m'empêcher d'avoir des notes permettant d'espérer la mention très bien facilement (j'ai envie de dire comme d'habitude. Comme d'habitude, quoi, rien de nouveau, Duo va bien, Duo brille, Duo est là. Génial. Rien de plus à en dire.).

Ce mardi, c'était la deuxième semaine où on répétait pour le gala. Tout le monde n'était pas obligé de le faire, et du coup, on s'était encore retrouvé avec plus d'hommes que de femmes voulant le faire, en intermédiaire ce coup-ci. Naturellement, j'ai rétabli l'équilibre en mettant mes couilles entre parenthèses.

Parce qu'ayant un plus grand gabarit que la danseuse de base, mon danseur attitré, ça a été toi. Bien sûr.

La choré du gala ? Ça commençait par un tango.

Un tango chorégraphié, pendant lequel on se tournait autours, avant que le danseur ne guide à la danseuse une jolie figure, qu'il la fasse reposer le haut de son corps sur le sien, qu'il se baisse alors qu'elle est gaînée. J'avoue, c'est pas clair mais tu sais de quoi je parle. Après, ça partait sur un rock rapide.

Ce qu'il faut savoir avec cette figure que je ne sais pas t'expliquer avec des mots mais que je suis sûr que tu te rappelles, c'est qu'il est possible de la faire sans avoir le torse (enfin, la poitrine en temps normal) collé à celui du danseur, que seul les bras doivent vraiment être en contact pour assurer le soutien de la danseuse.

Mais avec toi, je n'avais pas le choix : tu me prenais à bras le corps et j'avais à la fois le cou sur ton épaule, et le torse contre le tien.

Au début, ça ne m'a pas choqué, puis ont révisé avec nous des gens qui ne faisaient pas le gala. De nouveau trop de danseuses, donc on tournait entre les danseurs pour ''toutes'' pouvoir danser à un moment. Et les autres hommes, eux, ne me prenaient pas comme toi quand on tournait lentement, hanche contre hanche, ni pour la figure qui pourtant passait sans problème avec eux aussi, mais sans qu'ils me tiennent presque captif comme tu le faisais. Et puis, comme on était trop de ''danseuses'', des fois, je ne dansais pas. Et tes regards n'étaient pas pour ta partenaire, mais pour moi quand tu le pouvais. Et quand tu la prenais contre toi, tu n'entourais pas sa taille avec ta main, mais avec un doigt, le reste ne la touchait que ce qui était le minimum. Idem quand tu lui faisais faire la fameuse figure. Alors que ta main enveloppait toujours ma taille, que ton torse était toujours contre le mien.

.

Questions dans ma caboche.

.

Ce mardi dont je te parle encore, on était pile le bon nombre de danseurs/danseuses, moi compris dans les danseuses. Du coup, on n'a pas tourné.

Ce tango, cette fois, je l'ai dansé pendant trois quarts d'heure avec toi, trois quarts d'heure où on le revoyait, où on le calait bien, où on le redétaillait pour ceux qui voulaient.

Trois quarts d'heure.

Trois quarts d'heure où, cette fois, en plus d'être contre ton torse et d'avoir le menton sur ton épaule, j'ai eu ma tête contre la tienne.

Trois quarts d'heure où, quand on se tournait autours, au début de la danse, nos regards, sans vraiment avoir de signification, moi parce que je n'étais sûr de rien donc je ne voulais pas que tu vois ce que je ressentais, toi parce que c'est moi qui ne voulais surtout pas interpréter, nos regards, donc, ne se lâchaient pas.

.

Pas

Une

Fois.

.

Dot' n'était pas là, cette fois-là : échographie.

'Léna dansait, et elle ne soupçonnait absolument rien (pourquoi aurait-elle dû ?), alors tu as prolongé tous les contacts de la danse bien plus que nécessaire.

Ta tête contre la mienne, ça nous était arrivé une fois avant, par erreur certainement : je ne m'étais pas retiré, est-ce que j'aurais dû ? Une erreur, c'est une erreur ; la corriger brusquement, c'est lui donner de l'importance.

Mais là, chaque fois qu'on recommençait cette figure, c'était systématique : l'arrière de ton crâne sur mes cheveux, s'appuyait contre le mien.

Plus, même : par deux fois, et là, même avec toute la mauvaise fois que j'avais réussi à mettre pour me dire que le touché de tête était une coïncidence et surtout sans signification, là c'était nos joues qui se touchaient et ça ne pouvait pas être du hasard. Tu m'avais certainement serré un peu moins, où alors tu t'étais arrangé comme tu avais pu, en tout cas le mouvement initial n'était pas de moi. Et ta joue contre la mienne, je n'ai pas pu me dire que c'était une coïncidence, c'était trop gros. Surtout deux fois de suite.

C'était doux, c'était même tendre.

C'était devant ta femme, occupée ailleurs, certes, mais quand même.

Et pourtant, tout comme tu n'as fait aucun mouvement pour t'écarter, je n'ai pas coupé le contact entre notre peau.

J'aurais dû, hein ? C'est là que tu me diras que, finalement, c'est un peu ma faute, que si je n'avais pas voulu, j'aurais pu ne pas.

Que tout en moi te disait que je voulais.

.

J'avais dix-sept ans, j'avais de sérieux problèmes de confiance en moi, même si c'était pas forcément évident à voir de l'extérieur, et je m'étais rendu compte que les mecs qui m'intéressent en général sont plus âgés que moi. Certainement parce que mes frères et sœurs sont tous bien plus âgés que moi, que j'ai évolué en partie avec eux, que je suis souvent de leurs soirées avec leurs potes. Enfin, étais, quand ils étaient encore dans les coins. Maintenant ils sont un peu partout en France.

Bref. J'ai toujours su parler avec les gens plus âgés, moins avec ceux de mon âge.

D'ailleurs on m'a souvent demandé comment se passaient mes partiels quand j'étais encore en première, et toujours ceux qui me posaient la question étaient étonnés d'apprendre que j'étais au lycée. Je ne l'ai jamais vu moi-même, mais apparemment je fais plus vieux que ce que je suis.

J'avais donc dix-sept ans, un problème de confiance affective, et un mec (bien) plus âgé qui me plaisait physiquement (comment dire autre chose ? Je te connaissais à peine) avait l'air de s'intéresser à moi.

Ça doit être pour ça que le détournement de mineur est proscrit : on est encore influençable.

Ouais, je me marre en écrivant ça, enfin je me marrerais si le reste s'y prêtait, mais c'est pas le cas.

Je me marrerais parce que tu sais que je suis le premier à m'en foutre, de la barrière invisible et franchement stupide des dix-huit ans, d'après moi. Parce qu'à 18 ans et un jour, on devient plus responsable et plus maître de soi, peut-être ?

Bref. Tout ça pour te dire que, encore maintenant à vingt ans passés, j'aurais succombé. Si on était dans une situation semblable où rien n'est sûr mais tout porte à croire. Ce qui n'est plus le cas.

.

Où rien n'est sûr, mais où tout porte à croire.

Cette sensation amère de ne pas savoir vraiment, en sortant du cours, parce que, quand on finissait de danser, tu redevenais le Heero de 'Léna, de ta femme, de vos quatre enfants.

Vous m'avez déposé après cette soirée, comme toujours, tu ne m'as rien dit, et d'ailleurs tu ne pouvais pas, elle était là, et en plus elle meublait la conversation comme le meilleur des déménageurs un appartement vide.

Alors j'ai passé la semaine de ''et si ?'', de ''qu'est-ce que je ferais ?''

Ce sentiment de courage en me disant que, non, je pouvais pas faire ça, tu avais des gosses, une femme qui t'aimait, et qu'est-ce que ça se voit quand vous dansez ensemble. Et toi aussi, tu l'aimes, hein ? C'est bien parce que tu savais très bien que ça me révolterait que tu m'as déjà proposé de divorcer d'elle, deux ou trois fois. Tu savais que je ne voulais pas une relation, on en avait parlé.

A la suite de ce mardi, la semaine est passée trop vite et trop lentement. Si je croyais encore aux coïncidences le mercredi, en parler avec Quat', dire à voix haute tout ce qui m'avait marqué, l'entendre me répondre que, j'avais beau ne pas être sûr, on sent ce genre de choses, tout ça m'a fait y croire.

Et même si je me demandais encore comment je réagirais, et je transformais déjà le conditionnel en futur, donc même si je me demandais comment j'allais réagir vis-à-vis de ta famille, espérant encore plus ou moins m'être trompé pour ne pas devoir te résister afin de ne pas risquer de briser votre couple, je me suis rendu compte que j'espérais en fait vraiment que j'avais bien senti les choses.

Que je n'avais pas inventé tout ça.

J'ai commencé à me faire des films, Quat' me demandait des comptes-rendus tous les mardis soirs, et ça agrémentait.

.

Mais moi j'étais de plus en plus frustré.

Parce que la semaine suivante, il y a eu les caresses dans le dos, certes inutiles en elles-mêmes, mais qui ne voulaient pas vraiment dire grand chose, au final.

Et puis les semaines suivantes, plus rien. J'essayais d'interpréter des signes, mais au bout d'un mois, même avec la plus mauvaise fois du monde, je pouvais plus dire que je ressentais quelque chose de ''plus'' entre nous, plus que la relation de prof de danse à élève.

Il n'y avait plus ces regards, enfin si mais pas exactement les mêmes...

Et, plusieurs fois, je n'ai pas pu danser le tango, notre tango avec toi.

.

Au bout d'un mois.

Parce que, ce mardi là, un mois après, il y avait ce que vous appeliez ''pratique dansante''. C'était juste avant les vacances, vous mettiez de la musique, on dansait avec qui on voulait, avec vous si on voulait, il y avait du miam, sucré, salé, sympa, quoi.

Tu faisais danser celles qui voulaient. Celles qui ne faisaient pas le gala, à un moment, puisque nous autres étions avec Dot' et 'Léna à côté pour en parler justement, du gala. Bien sûr, à ce moment là, c'était du rock qui tournait, et tu dansais avec des filles, et moi qui me demandais encore s'il y avait quelque chose entre nous, tout ce que je voulais c'est que ta femme et votre amie commune nous lâchent pour que j'aille voir, danser avec toi, tester.

Finalement, cette parenthèse gala m'aura fait perdre cette possibilité, puisque vous avez passé de la musique de danse de salon pendant une demie-heure après et que je ne la dansais pas, et en plus j'y ai appris que je ne danserais pas le tango avec toi au gala.

.

J'ai redansé une danse avec toi, cette soirée là. Enfin une et quart : tu arrivais de la salle où il y avait le miam, j'étais sur le côté à regarder les danseurs, et tu m'as proposé. La musique s'est finie au bout de trente secondes, alors je t'ai demandé la suivante aussi.

Sur quoi ta 'Léna est arrivée, c'était votre chanson à tous les deux. La chanson sur laquelle vous dansiez toujours.

Elle m'a évincé, cette fois-là. Ça m'a fait rire, intérieurement. Ça m'a fait amer, aussi.

.

Comme je m'étais fait virer de tes bras comme un mal-propre, tu es quand même venu me refaire danser, juste après.

Après la chanson de ta femme, c'était ''la mienne'', et ça l'est resté : Suzette de Dany Brillant. Ça m'a fait rire aussi. Une chanson cucul d'amour pour ta femme, une chanson plus sex pour moi, qui parle peut-être d'amour, mais beaucoup plus d'attirance physique, de l'effet que quelqu'un peu faire à quelqu'un d'autre, juste physiquement. Attraction.

Une musique de merde, parce que je suis pas un grand adepte du Danny Brillant, oh que non, mais avec une certaine signification, quand on veut bien interpréter les signes.

Rapide, la musique. J'avais eu le malheur de te dire plus tôt que j'arrivais pas bien à tourner, conséquence : tu m'as fait tourner, tourner, tourner. Deux tours d'un coup, moi débutant[e], parfois trois.

Des fois je me cassais à moitié la gueule, et ça te faisais rire quand tu me rattrapais, chacal, mais moi aussi je riais.

.

Et puis il y a eu le Cha-cha. Avec 'Léna.

Qu'est-ce que vous dansez bien... Et quand vous dansez tous les deux, c'est encore plus beau. Complicité, regards... Vous vous êtes pas lâchés du regard, alors que, d'habitude, quand tu danses avec quelqu'un d'autre, c'est vers moi que tu lances tes regards perdus.

Intensité. Le romantisme, c'est pas vraiment mon truc. On en a déjà parlé, tu sais ce que je pense de l'amour... Et les phrases du style ''plus rien n'existait à part eux'', ça m'a toujours fait rire.

Mais pas ce soir là.

Pas ce soir là, parce que je l'avais devant mes yeux, je le vivais. Plus exactement, je vous voyais le vivre.

C'était impressionnant, vraiment... J'aurais jamais cru ça, mais quand vous dansez, tu as beau être celui qui guide, les regards dominants viennent clairement d'elle. Les tiens sont... Tendres, pas soumis, mais pas loin. On sent qu'elle a une ascendance énorme sur toi. Quand tu es sans elle, tu respires la confiance en toi, tu brilles par toi-même. Quand tu danses avec elle, tu as toute ta confiance en elle, et tu la fais briller. Et si toi aussi tu brilles, c'est à travers elle. Tu la rends sublime, quand tu danses avec elle, alors qu'elle est commune sinon.

Tu devrais vous voir danser par mes yeux, c'est magique. Si tu rajoutes mes pensées derrière, ça devient triste.

.

J'ai souri en vous regardant, ce soir là. J'ai compris à ce moment-là que, même si j'avais la possibilité ce qui semblait ne pas être le cas, je ne me mettrais pas entre toi et elle.

Ha ha.

.

Le gala, on l'a aussi répété pendant ces vacances qui suivaient. Vacances de février. Les mardis soirs, de vingt à vingt-deux heures.

C'est con, mais quand je suis rentré chez moi, après la pratique dansante, j'ai eu envie de pleurer.

Oui, j'ai mal à l'égo, mais je mets cartes sur table, que tu vois tout, tout ce que j'ai vécu, moi, dans cette histoire.

J'ai eu envie de pleurer, parce que je me rendais compte que j'avais complètement interprété. Tu n'avais dansé ni plus ni moins avec moi qu'avec quelqu'un d'autre, ce soir là, rien dans ton attitude ne faisait penser quoi que ce soit, à part qu'il n'y avait rien d'ambigu entre toi et moi.

Juste rien, en fait.

J'ai eu envie de pleurer, parce que je me valorisais par rapport à cette espérance que j'avais de plaire à quelqu'un qui me plaisait (encore une fois, tout ça sur le plan physique), et parce que j'en avais bien besoin à ce moment-là. Divers problèmes amicaux, je t'en ai parlé plus tard.

Et puis parce que, si je continuais quand même malgré tout à penser que tu avais bien eu tous ces gestes envers moi, ça voulait dire que tu avais changé d'avis. Et que tu faisais comme si de rien n'était.

Et l'une comme l'autre de ces possibilités m'insupportait.

.

D'un autre côté, ça réglait les choses.

Je n'avais plus à y réfléchir. Plus à me demander comment réagir si... Quoi faire dans le cas où...

.

Le premier mardi de vacances, quand je suis monté dans votre voiture, ton odeur m'a assailli comme toujours quand on danse, comme toujours quand tu passes à côté de moi, comme les autres fois où je monte dans votre voiture. Sauf qu'il y a aussi celle, moins forte mais présente quand même, de 'Léna, dans votre voiture.

Je préfère ton odeur quand tu danses avec moi, après les premières heures. C'est une eau de toilette, parce que des fois, au lycée, une effluve, la même, me faisait relever la tête brusquement, sans que je sache jamais d'où elle venait, et heureusement car je me demande si je n'aurais pas été attiré aussi par celui qui portait le même parfum. Juste parce qu'il avait ton odeur, la même que toi.

Enfin non, ce n'est pas la même, justement, parce qu'il y a ton odeur naturelle, mêlée, et une pointe de sueur qui l'épice, quand on danse ensemble. J'aime ton odeur. Je suis un drogué des odeurs.

On devrait pouvoir mettre en flacon les odeurs naturelles de certaines personnes.

Surtout quand on ne peut avoir que ça de ces personnes.

.

Je suis entré dans ta voiture, donc, et pour la première fois depuis un mois, je ne me disais plus qu'aujourd'hui, je verrais peut-être enfin s'il y avait quelque chose ou pas.

Je savais, qu'il n'y avait rien, rien de plus qu'un prof qui fait danseur et sait faire danseuse, et son élève qui fait danseuse et sait faire danseur.

On a mis en place les chorés qu'on avait apprises. Il ne s'est absolument rien passé, pas de regard, rien, parce que je ne cherchais pas à interpréter, et que je ne te regardais plus autant qu'avant, juste quand nécessaire, juste quand c'était logique qu'on se regarde dans les yeux.

Pas moyen de savoir s'il y avait d'autres moments où tu me regardais en douce.

Je ne me posais plus la question.

Vous m'avez déposé chez moi, après.

.

Le mardi suivant, je vous attendais à mon arrêt de bus habituel.

Je me disais que c'était bien pratique, cet arrangement de trajet, parce que mes parents étaient chez mon frère, là-haut sur sa montagne. J'étais tout seul chez moi, et j'aimais bien cette petite liberté, mais ça m'aurait fait chier qu'elle m'empêche d'aller à la danse.

Quand la voiture est arrivée, comme d'hab', j'ai tendu la main vers la portière arrière, puis j'ai vu qu'il n'y avait personne à côté du conducteur.

Alors j'ai ouvert la porte avant et je suis monté, et je me suis rendu compte que la situation que j'espérais secrètement qu'elle se réalise pendant un mois me faisait peur aujourd'hui.

Parce que j'y avais pensé que des fois il n'y avait que toi et l'une des deux femmes, soit la tienne quand Dot' venait directement du travail, soit votre amie quand l'un d'entre vous devait garder vos gosses un mardi soir.

Et je m'étais déjà dit que, pourquoi un de ces jours tu ne serais pas tout seul, dans la voiture, si les deux conditions étaient réunies ?

.

Tu m'as confirmé que c'était le cas quand, après une trentaine de secondes de silence, je t'ai demandé si elles n'étaient pas là.

''Tu vois bien'', tu m'as dit. ''Réléna est restée à la maison, ses parents pouvaient pas garder les gosses. Dot' fait son échographie du sixième mois.''

.

Long voyage, parce que mon trop-conscient espérait toujours qu'il se passe quelque chose.

Cette séance-là non plus, il ne s'est rien passé de notable. Pendant la séance à proprement parler, du moins.

Les gens s'en allaient. Etaient tous partis, et moi j'enlevais mes chaussures de rock.

''Tu veux pas ta danse habituelle ?''

Oui, parce que je te demandais toujours si tu voulais pas me faire danser sur la dernière musique, à la fin des cours. Surtout à la fin de ces derniers cours.

Et t'avais forcément remarqué qu'à chaque fois, après avoir attendu quelques secondes de voir si quelqu'un d'autre te demandait avant moi, je profitais du fait que, cette année, personne n'était trop motivé. Pas autant que moi.

.

''Tu veux pas ta danse habituelle ?''

J'ai remis mes chaussures, tu as mis la musique.

Suzette.

J'ai ri, tu m'as demandé pourquoi.

''Pour rien.''

.

Tu as fait le fourbe, comme tu l'avais déjà fait une ou deux fois : tu te mettais au milieu de la danse en position telle qu'on échangeait les rôles. Je mettais toujours deux-trois mesures à me rendre comte que je devais passer en base danseur, et te guider.

Je te l'ai dit, en rigolant, que tu étais fourbe.

Je crois que c'est à ce moment là que tu t'es approprié mes lèvres.

.

Tu te souviens pas de ça, hein ?

C'est normal. J'ai cru tellement de fois pendant cette danse que tu allais le faire, m'embrasser, que j'imagine à chaque fois que c'est comme ça que ça s'est passé.

Mais non, en vrai, tu as juste ri aussi, quand je t'ai dit ça, et on a continué à danser comme ça jusqu'à ce que je te dise que j'en avais marre de guider, que j'aimais pas trop.

Tu as repris les commandes, la musique s'est terminée, puis tu as débranché le poste, à la fin de la danse, on a pris nos affaires et on est reparti.

.

Le silence dans la voiture était beaucoup plus détendu qu'à l'allée. J'avais ma preuve que, malgré le nombre de fois où tu aurais pu en profiter pendant la danse pour m'approcher, tu ne l'avais pas fait, donc tu n'étais pas intéressé.

C'est quand tu t'es arrêté au bord de la route à deux-trois rue de chez moi, comme d'habitude, que je me suis rendu compte à quel point je me trompais.

J'attrapais la bretelle de mon sac, la poignée de la porte, et quand je me suis tourné vers toi pour te saluer, mon sourire d'au revoir s'est fait happé par tes lèvres, et mon champ de vision était bleu, bleu comme tes yeux.

Tes mains n'étaient plus sur le volant, parce que quand j'ai répondu à ton baiser, elles se sont posées une sur mon épaule, l'autre sur ma cuisse.

.

Je n'aurais sans doute pas dû y répondre, à ton baiser.

Je n'aurais sans doute pas dû répondre à tes caresses.

.

Oui, mais même si mes lèvres ont bougé avant que mon cerveau ne le leur dise, je l'aurais fait après réflexion.

Et tes caresses, ça faisait plusieurs semaines que, même si elles se limitaient à la discrétion du dos et de la danse, je ne pouvais pas y répondre.

Alors mes mains aussi sont entrées dans la partie avant que je ne leur en donne l'ordre.

De toute façon, je sais que je me serais laissé aller. Je le sais.

.

La semaine précédente, je vous avais prévenu que je venais bien ce mardi, en précisant que j'étais seul chez moi, mes parents étant partis en vacances.

C'était pas tombé dans l'oreille d'un sourd.

On est allé chez moi, ce premier mardi où tu m'as embrassé.

Tu avais tout prévu.

Tu avais tout prévu : tu as toujours pris les initiatives, tu as toujours pris les devants, fait comme tu en avais envie, et moi je suivais, je suivais parce que j'en avais envie aussi et je me disais que ce n'était pas ma responsabilité, que c'était toi qui m'entraînais, que jamais je n'ai pris une décision d'avancer moi-même dans notre... relation alors que toi, tu faisais évoluer les choses.

Je suis lâche. Je suis opportuniste.

J'avais dix-sept ans, merde, et à dix-sept ans on te rentre assez dans le crâne que coucher avec un mec de deux fois ton âge c'est pas bien, c'est pas moral, c'est malsain pour que tu ne prennes pas l'initiative de le faire.

Alors je te laissais prendre le risque, je te laissais faire ce que tu voulais, parce qu'on voulait la même chose mais que moi je n'arrivais pas à en prendre la responsabilité.

Tu as pris beaucoup de risques, tout au long de notre relation, et t'en prends toujours autant voire plus, même si tu es plus stratégique, maintenant.

Déjà, ce premier mardi, tu as dû dire à Réléna que tu nous avais lâchés plus tard parce que pas vu l'heure passer.

Et puis tu as pris le risque du détournement de mineur. Enfin, le risque... Qui le savait, à part Quat' pour qui je devenais le feuilleton hebdomadaire, toi, et moi ?

Tu savais que mes parents ne connaissaient rien de mon homosexualité, donc que j'étais toujours dans la retenue quand je parlais avec eux de mes ''copines''. Donc que je ne laisserais pas échapper le fait que ma relation actuelle n'avait rien d'amoureux mais que du physique (mes parents qui me croyaient pur et innocent, les pauvres), avec un homme, marié, parent, et deux fois plus âgé que moi qui plus est.

Non, tu savais que je voulais les préserver de la crise cardiaque.

S'ils l'avaient découvert, je ne suis même pas sûrs qu'ils auraient fait quoi que ce soit, après s'être assurés que j'étais bien consentant, pas influencé, que je le voulais autant voire plus que toi.

Parce qu'ils ont beau être naïfs, ils sont aussi respectueux de ce que je choisis. De ce que je ne considère pas trop mauvais pour moi.

.

Mais ils n'ont jamais su.

Après, le risque le plus grand, tu le prenais avec ta femme. Tu le prends toujours avec ta femme.

Je devais ne pas te regarder dans les yeux quand on dansait ensemble, aux cours. Je me sentais vraiment calant, je sentais le désir qu'on pouvait voir dans mes regards quand ils se posaient sur toi.

Il ne fallait pas que 'Léna ni Dot' les voient, ces regards.

J'ai moins dansé avec toi, à partir de ce moment-là, parce que c'était trop chaud pour moi. Toi, tu contrôlais sans problème, comme toujours, comme si tu dansais avec n'importe qui.

Et tu gérais, jamais 'Léna n'a eu le moindre soupçon, jamais je n'ai eu l'impression qu'elle me regardait comme si elle se doutait.

.

Ça, c'était tes risques.

Les miens, j'y avais réfléchi plusieurs fois avant qu'on se voit régulièrement en dehors des mardis, avant que tu m'embrasses au moment où je m'y attendais le moins comme le fourbe que tu as été toute cette fameuse soirée.

Mes risques, c'était que 'Léna découvre, et elle est pas commode, 'Léna. Je ne sais pas ce qu'elle me ferait si elle savait. Je suis sûr qu'elle me frapperait, et je pourrais la maîtriser sans problème aujourd'hui, mais il y a trois ans, c'était pas le cas.

Elle m'aurait laminé.

Et puis, si 'Léna découvrait, je perdais l'amitié de Dot', et même si on n'est pas ultra proches, je l'aime bien, moi, Dot', et son bout-d'chou de deux ans et demi.

Et puis je n'aurais plus pu retourner à la danse les mardis, et ça, ça m'aurait vraiment manqué.

.

Et puis je n'aurais plus pu te voir.

.

Le pire du pire, ce qui pouvait arriver de plus mauvais, c'est que vous divorciez.

C'est ce qui me faisait le plus peur, avant.

Être à l'origine d'un divorce, de la séparation de parents de quatre enfants. Je me le serais jamais pardonné.

Je ne me le pardonnerais encore pas.

Peut-être que je passerais pour la passade (de trois ans...), l'exotisme du petit jeune, que votre couple y survivrait...

Peut-être pas.

Connaissant le caractère de 'Léna, surement pas.

Je suis sûr que plus elle aime, plus elle est capable de haïr.

Et elle t'aime.

.

Depuis trois ans, on se voit en dehors des mardis soirs.

Je ne sais pas comment t'as fait, tu as réussi à m'emmener et me ramener encore plusieurs fois seul, alors qu'en deux ans je ne t'avais jamais vu sans une des femmes dans la voiture.

Ces fois-là, on profitait, bien sûr. Soit ta femme n'était pas chez vous, et je découvrais votre maison, et je me haïssais de faire ça chez vous mais j'avais plus envie encore de toi que je ne culpabilisais.

Sinon, mes parents étant toujours chez moi, on restait dans la voiture.

.

Y'avait du risque, donc du piment, et c'était encore meilleur. Pour encore relever le tout, tu te garais dans des endroits déserts mais où des gens pouvaient passer de temps en temps.

Je n'aimais pas forcément, mais j'oubliais vite, quand tu avais décidé de profiter de nos moments volés.

.

Puis à un moment, tu t'es rendu compte que même en arrêtant les cours un peu plus tôt les rares fois où on rentrait que tous les deux, tu arrivais en retard chez toi et 'Léna finirait par s'en rendre compte.

Alors tu t'es arrangé pour qu'on se voit en journée.

Pour qu'il n'y ait plus de risque avec 'Léna.

.

'Léna.

Qu'est-ce que c'était dur pour moi de la revoir à chaque fois, tous les mardis soirs.

La faire danser, vous voir danser, et repenser aux minutes volées que je passais avec toi, à ce qu'on faisait de ces moments.

Son sourire quand je la regardais un peu trop longtemps, sourire qu'elle m'adressait.

Sa voix confiante quand elle me parlait un peu.

Tout ça qui me faisait encore plus me sentir mal que si elle ne m'aimait pas.

Mais je te l'ai déjà dit : je voulais et je vivais ces instants volés avec toi bien plus fort que ce que je culpabilisais.

.

On a commencé à se voir en journée, du coup : vos cours de danse, vous ne les donniez que le mardi soir, vous aviez un travail à côté. Vous ne travailliez ensemble que les mardis soirs.

Alors tu passais me chercher au lycée, entre Février où on a commencé à se voir et la fin de l'année, puisque je partais l'année d'après. Quand j'avais une heure de libre, ou certains midis, et comme je n'aimais pas manger avec toi en ''tête à tête'', on prenait à emporter dans un restau, fast-food ou n'importe quoi, on mangeait dans la voiture, en tout cas je mangeais dans la voiture, et on couchait ensemble ensuite. Chez toi, dans un hôtel quand on n'avait qu'une heure, ou chez un pote à toi qu'avait un appart' pas trop loin de mon lycée et qui t'avait passé les clés.

Je ne t'ai jamais demandé s'il savait ce qu'on faisait dans son appart', s'il savait que tu y trompais ta femme.

Je ne veux pas le savoir.

Il y a beaucoup de choses que je ne veux pas savoir.

.

Je me souviens qu'à un moment, quand même, la culpabilité était plus forte, chez moi.

J'ai essayé de te dire stop, plusieurs fois.

La première fois, c'était en Mai, j'étais encore en terminale.

Tu m'as demandé si j'avais une heure de libre dans la journée, et moi qui séchais parfois pour te voir, je t'ai répondu que non, et que je ne voulais pas que tu me recontactes, que tu avais ta femme, tes gosses, que je ne voulais pas envoyer tout ça en l'air.

Que tu aurais dû penser la même chose, que tu devais arrêter de tromper les gens qui t'aiment.

J'espérais que te faire culpabiliser te déciderait à ne pas me recontacter, à ne plus qu'on se voit en dehors de vos cours, les mardis soirs.

.

Quelle naïveté.

J'avais déjà peu de volonté, je n'avais en vérité aucune envie de ne pas te voir malgré la culpabilité, et j'avais besoin que ce soit toi qui prennes la décision qu'on arrête.

.

Tu connaissais mes horaires, tu savais quand je descendais fumer une clope, devant le lycée.

Cette fois-là, quand je suis sorti fumer, j'ai vu ta voiture garée juste devant, en contre-bas, à une vingtaine de mètres de la grille d'entrée. Je t'ai vu adossé à la portière, me regarder. Je t'ai vu esquisser le mouvement de te redresser et de venir vers moi, alors j'ai été plus rapide, j'ai planté mes potes parce que je ne voulais pas que tu m'affiches, et je suis allé de moi-même jusqu'à toi. Au moins, Quat' et les autres entendraient pas ce que j'avais à te dire.

Tu m'as demandé si je montais en ouvrant la portière avant droite. J'ai dit non en essayant de croire que je n'en avais vraiment pas envie, je t'ai redit ce que je t'avais écrit juste avant, que j'étais désolé que tu sois venu alors que je t'avais envoyé ça ce qui signifiait sûrement que tu n'avais pas reçu le SMS. Tu m'as coupé en me disant que si, tu l'avais lu. Rien d'autre.

Tu m'as regardé, moi j'ai bêtement pensé que j'étais en train de perdre du temps sur mon clopage, que j'allais devoir retourner en cours.

Je me disais aussi qu'ils avaient beau ne pas entendre, j'étais sûr que tous les regards de mes potes convergeaient vers nous.

J'étais sûr que Quat' avait déjà compris qui tu étais, et que les autres se doutaient de ce que tu pouvais représenter pour moi parce que, sans s'afficher, Quat' et moi ne cachions pas notre relation l'année d'avant.

J'ai dû penser tout ça avec mes yeux, parce que tu m'as dit que je devrais monter dans ta voiture, que tout le monde nous regardait.

Et je savais qu'avec mon peu de volonté, monter était accepter de ne pas soutenir ce que je pensais sur notre relation.

Alors j'ai refusé. Tu as souri, chacal, et t'as encore attendu.

Et moi je pouvais pas repartir, ni avec toi dans la voiture, ni remonter voir mes potes, parce que rien n'était dit et pourtant tout était dit.

''Léna...'' j'ai commencé.

''On s'en fout de 'Léna. Ne parle pas d'elle. Ne me parle pas de mes gosses, de ma vie, quand je suis avec toi je veux pas penser à ça.''

J'aurais dû te dire que, moi, jusqu'à un certain moment de nos étreintes qui me faisait oublier tout le reste, je ne pouvais pas m'empêcher d'y penser.

Qu'en cours, je pensais à toi, à ton corps, puis à tes gamins qui attendaient de voir leur père toute la journée, à ta femme que tu allais embrasser en rentrant le soir, avec les mêmes lèvres que celles qui m'avaient exploré quelques heures auparavant...

.

Jamais je me suis dit que je t'aimais. A aucun moment.

Je pensais à ton corps, à ta peau, à ce que tu me faisais, au plaisir, à l'effet physique que tu provoquais sur moi...

Je n'ai jamais pensé à toi en sentiments, juste en sensations.

Je crois.

.

Et cette fois-là, où nous étions l'un en face de l'autre sans parler, toi souriant, moi gêné et ne sachant pas quoi faire ni dire, j'ai perdu.

C'était la première fois que j'essayais de te repousser, et tu étais suffisamment sûr de toi pour savoir que je ne te résisterais pas.

Au bout de deux minutes de silence, et c'est long, deux minutes à se regarder sans rien dire, j'ai commencé à remonter la petite pente qui me menait aux grilles du lycée sans rien ajouter, pour pouvoir quand même m'en griller une avant de reprendre les cours.

Sauf que j'ai pas pu faire trois pas, tu avais attrapé mon poignet, m'avais retourné et m'aspirais déjà le cerveau par la bouche. Moche image, hein ? Mais c'était à peu près ce que je ressentais :

Mes scrupules, mon peu de volonté, mes pensées envers 'Léna que je voyais le lendemain en cours, tout ça, ça a disparu avec tes lèvres sur les miennes. J'avais juste une putain d'envie de coucher avec toi.

J'ai perdu.

.

Mes potes ont pu me voir monter dans ta voiture sans que tu ne me forces ni rien, ils ne pouvaient pas s'inquiéter, et j'ai SMSsé Quat' dans la voiture que tu as garée dans une rue déserte parce que ni toi ni moi ne pouvions aller plus loin, tu nous avais tous les deux excité comme ça doit pas être légal. J'ai SMSsé Quat' en lui disant que je reviendrais en maths, et mon portable venait tout juste d'envoyer le message quand tu me l'as pris des mains et balancé à l'arrière.

Je suis pas revenu en maths, ce jour-là, et tu avais déjà posé ton après-midi en congé, comme un rat, parce que tu savais très bien ce qui allait se passer.

On avait fini après une première fois par aller à l'appart' de ton pote, et on y avait passé l'après-midi et même la soirée, tu avais prétexté je sais plus quoi à 'Léna, et c'était passé comme une lettre à la poste.

.

A partir de ce jour-là, je me suis demandé si c'était pas un peu malsain, comme relation.

Mais j'étais reparti dans tes bras.

.

Mes potes m'ont pas demandé qui t'étais, je suis pas sûr qu'ils aient pu deviner ton âge, de loin, mais ils avaient forcément vu que tu avais au moins vingt-cinq ans. Au moins.

Ça jasait certainement, mais j'ai jamais eu de retour, je crois que Quat' filtrait les infos. Il savait que je culpabilisais de ma relation avec toi, et il voulait pas en plus me faire prendre conscience que les rumeurs tournaient à tout va sur moi.

Gentil Quat'.

.

La deuxième fois que j'ai essayé de me débarrasser de toi, c'était l'année d'après, vers Novembre. J'étais à la fac, j'avais plus de temps dit libre, temps où j'aurais dû travailler, mais que tu remplissais pour beaucoup.

J'ai jamais su ce que tu faisais comme boulot, et honnêtement, je m'en bats le steak. Mais la seule chose qui me fait toujours m'interroger, c'est comment tu pouvais et peux encore passer autant de temps avec moi alors que tu es censé avoir un job.

Je dis pas que t'es toujours avec moi, hein, mais tu prends souvent une après-midi par semaine à dépenser ensemble, en plus de nos heures volées.

A dépenser avec moi... Mmh... A nous dépenser, à nous consumer, à ne presque pas parler, pas le temps, pas forcément l'envie... Sauf quand j'avais des baisses de moral.

Ça arrivait, de temps en temps, et la première fois que je t'ai parlé d'un problème, c'était la deuxième fois qu'on se voyait... Une basse histoire de jalousie envers moi d'un mec que je considérais comme un bon pote, un truc qui ressemble à une histoire de gonzesses, vu qu'il voulait briser mon amitié avec Quat'. Une connerie qui était tombée pile la semaine où j'avais cru qu'il n'y aurait définitivement rien entre nous, Février de ma terminale, et où j'avais déjà le moral à plat.

Histoire à la con qui s'est soldée positivement : j'ai ouvert les yeux sur la connerie humaine, et plus spécialement sur celle que l'échantillon que mon groupe d'ex-potes-moutons représentait, et ce mec particulièrement de qui j'étais le seul à ne pas accepter l'autorité naturelle à la base, donc qui n'a pas apprécié.

Bref. Ça t'a fait rire, je l'ai mal pris, mais tu m'as dit que c'est ce qui forge le caractère, moi qui n'en ai pas assez, et que c'est triste mais c'est la vie, des cons y'en a partout, je devrais m'y faire.

Discours de vieux, mais tu l'as ponctué par un ''de toute façon, la personne la plus importante pour toi c'est Quat', et lui il ne s'est pas laissé monter la tête. C'est tout ce qui compte, non ? T'as plus que 4 mois à tenir avec l'autre con et son groupe de moutons, tu peux te faire des potes ailleurs, l'an prochain tu les vois plus... Passe à autre chose. Tu vaux mieux que ça.''

Tu vaux mieux que ça. Je crois que c'est ça qui a gagné : je déteste parler en terme de ''valeur'' des autres, je ne classe pas, je ressens. Mais, dans ta bouche, ''tu vaux mieux que ça'', ça prenait un air différent. Tu me connaissais peu, voire pas du tout, et pourtant tu me connaissais assez pour me dire ça.

Tu aurais pu ne rien dire, où au moins ne pas dire cette phrase en particulier, mais elle avait semblé spontanée dans ta bouche.

Après ça, tu m'as embrassé, tu m'as fait oublier tout le reste, comme toujours.

.

La deuxième fois où j'ai essayé de te repousser, donc, j'étais à la fac depuis un peu plus de deux mois.

Pendant l'été, on n'avait pas trop pu se voir à cause de nos vacances respectives. Le mois précédant les congés d'été, je révisais pour le Bac, et tu as dû faire le forcing pour qu'on se voit, parce que je n'avais pas de temps à te consacrer.

Et même si je bossais mieux après ton passage que quand ça faisait cinq heures que je planchais, ben il fallait pas abuser des bonnes choses en période d'examens.

En plus, juste avant la semaine de bac, il y a eu une semaine pendant laquelle je n'étais pas obligé d'aller en cours et où tu m'as convaincu qu'on pouvait très bien se voir chez moi.

Enfin, ''convaincu'', c'est un bien grand mot : t'as pas eu besoin d'argumenter des masses, tu prêchais un déjà convaincu, justement.

Tu as laissé ton odeur dans ma chambre, cette semaine où tu es venu une heure tous les jours, et où il fallait que je te mette dehors après en résistant à tes baisers qui en voulaient encore.

Bref. Retour de vacances d'été, ça a été notre fête : ton corps m'avait affreusement manqué, même si j'avais profité des vacances pour aller voir ailleurs si t'y étais (on ne s'était rien promis, et quand bien même, j'aurais eu du mal à te faire confiance. Pas comme si tu avais 'Léna dans ton lit tous les soirs) et ton corps à toi a bien su me faire comprendre que le mien lui avait manqué aussi.

C'était phénoménal. Apocalyptique.

J'ai eu droit à ma petite mort plusieurs fois la même journée, plus de fois que ce qu'on avait jamais fait, une vraie hécatombe.

Ouais, mais à la rentrée, j'ai fait des rencontres. Comme tu me l'avais prédit, j'ai gardé des contacts qu'avec Quat', j'ai oublié les autres même s'ils me manquaient encore parfois... Mais ils m'avaient fait trop mal, je suis sensible, même si ma plus longue relation avec un gars n'est que sexuelle. Ça ne va pas ensemble. Sensibilité et croyance en l'amour...

J'ai fait des nouvelles rencontres, et, comme tu le sais, j'ai commencé à sortir avec un gars que j'appréciais beaucoup.

Je ne t'ai pas fait le coup du SMS, cette fois-ci. J'étais vacciné.

Je me suis rendu à un de nos rendez-vous, à toi et moi. J'avais eu le permis entre temps, c'était plus pratique.

Je t'ai empêché de me déshabiller comme tu le fais d'habitude dès que je rentre dans la pièce où on a décidé qu'on baiserait, je t'ai dit que j'avais un copain, que je voulais arrêter avec toi.

Tes yeux se sont assombris. Tu a eu l'air jaloux, tu m'as dit que tu t'en foutais, que je t'avais déjà toi, qu'est-ce que j'allais chercher ailleurs.

''C'est toi, le « ailleurs » maintenant, Heero. On s'est rien promis, je te dois rien.''

En disant ça, j'essayais de pas trop penser aux chambres que t'avais payées les fois où on s'était vu dans un hôtel. Après tout, c'est toujours toi qui choisis où on va, alors tu assumes quand ça raque.

Et puis comme t'as rien dit sur le coup, j'ai juste eu le malheur de rajouter :

''En plus, tu crois vraiment que j'ai fait abstinence cet été ? Tu crois que j'ai jamais vu quelqu'un d'autre ? Quat' a été mon copain, y'a deux ans, tu voudrais que je le vois plus peut-être ? On se voit pour baiser, Heero, moi j'ai des sentiments pour cet autre gars, tu peux pas comprendre que je veuille arrêter avec toi ?''

''Tu m'as dit que tu voulais pas avoir de relation amoureuse avec quelqu'un. Tu m'as dit que tu croyais pas à l'amour.''

''Avoir des sentiments, c'est pas aimer, Heero. C'est trop tôt pour moi pour savoir. Non, je ne voulais pas avoir de relation, trop prise de tête, mais les choses changent, et puis ça dépend avec qui. Et quand bien même, Heero, même si j'avais voulu une relation l'an dernier, on serait sorti ensemble, toi et moi ? T'as ta femme, tes gosses, ta vie. Tu me fais croire que tu aurais tout plaqué pour moi ? Tu te permets de me faire ta crise de jalousie alors que tu as 'Léna ? Tu te prends pour qui ? T'es adulte, nan ? Tu comprends pas qu'on n'est pas compatibles, que même si on s'aimait toi et moi, on a quasi une génération de différence, qu'on n'est pas faits pour être ensemble ?''

Là encore, tes yeux sont juste devenus encore plus sombres, tu n'as rien dit. Je pense que j'avais touché un point sensible. Et là encore, alors que j'aurais pu partir en te plantant là parce que je suis sûr que tu m'aurais pas retenu, j'ai rajouté :

''Je suis pas comme toi, moi. Je peux pas voir quelqu'un que j'aime après avoir baisé avec un autre dans la journée. J'en suis pas capable, je culpabilise, les personnes que je connais comptent pour moi.''

Là, tu t'es énervé pour de vrai, tu m'as pris par le col, tu m'as embrassé.

Violemment, brusquement. Une espèce de vengeance. Aucune tendresse, pas de gentillesse, non, tu prenais parce que tu savais que je ne voulais pas te donner, parce que tu savais que j'étais encore sous ton influence, parce que tu savais que, malgré le fait que je puisse avoir des sentiments pour un autre, j'étais encore accro à ton corps.

J'ai faiblement résisté, et quand tu m'as plaqué contre la porte en continuant de m'embrasser, ta jambe entre les deux miennes, lascive, j'ai fini par y répondre, à tes baisers.

Lâchement.

Je suis faible. Avec ton corps, je suis faible.

.

C'était bon, et pourtant c'était amer, c'était à la limite du violent.

Une vengeance de ta part, tu savais que je ne me pardonnerais pas d'avoir fait ça à mon nouveau copain, et que je casserais avant même d'avoir eu le temps de tomber amoureux.

Tu me l'as dit, d'ailleurs, pendant que tu me baisais, dans tous les sens [du terme].

Tu as susurré, tu as feulé :

''Tu m'as dit que tu tombais pas amoureux. Que si ça arrivait, c'était toujours à l'expérience, à force de voir l'autre et de vouloir l'aimer... Je vais pas te laisser tomber amoureux. Je veux pas que tu tombes amoureux. Je veux pas que tu vois quelqu'un d'autre.''

.

Mot

pour

mot.

.

Tu es un enfoiré, Yuy.

J'avais cru en le respect, en la gentillesse, en la relation relativement saine de deux mecs d'âges différents qui se voient pour coucher ensemble, en toute amitié, si tant est qu'on se connaissait assez pour se dire amis, et je me retrouvais dans une relation où t'avais clairement l'ascendant sur moi, où tu décidais de ma vie tout en continuant de vivre la tienne.

J'avais pas pu m'inscrire à la danse, cette année-là, problèmes budgétaires dans la famille, tu le sais, et d'ailleurs t'as essayé de me faire venir à l'œil.

Mais non, la charité me répugne, quand c'est envers moi, et puis je ne pouvais plus voir 'Léna sans me sentir mal.

Et tant mieux, je me disais en partant, ce jour-là : je ne voulais plus te voir.

.

Quand je suis parti, cette fois où j'étais venu pour ''rompre'' comme les plans ne devraient pas avoir à le faire et où je m'étais fait baiser en beauté, je t'en voulais à mort.

Je te haïssais, franchement, et je me haïssais encore plus de t'avoir laissé jouer avec moi.

Je savais que tu n'aurais jamais risqué de m'obliger à coucher avec toi, si tu avais senti que je me débattais, que je ne voulais vraiment pas. Même s'il n'y avait plus le problème de la barrière des dix-huit ans, que j'avais franchie quelques mois avant, tu savais que j'aurais eu le cran de porter plainte pour viol.

Mais non, j'étais consentant, et je me répugnais encore plus que tu ne me dégoûtais.

Et j'avais compris que j'allais te revoir, et que, comme toujours même si je ne me l'étais pas avoué avant, ça allait être quand tu voudrais, où tu voudrais.

.

Le lendemain, j'ai cassé avec mon nouveau copain, je n'ai pas pu lui dire pourquoi, et de toute façon, il a compris après : pour la première fois depuis le début de l'année, j'ai vu ta voiture garée devant la fac' quand j'en suis sorti à midi, encore une fois pour cloper. Je ne sais pas depuis combien de temps tu attendais vu que tu savais pas mes heures de cours, mais je me suis promis d'arrêter de fumer.

Je me suis dit que ça devenait une manie pour toi de venir me cueillir au moment où je m'y attendais le moins quand tu sentais que notre relation partait en cacahuète. Qu'à chaque fois, c'était l'envie d'une cigarette qui me faisait tomber dans tes griffes.

Tu es le premier cancer que mes clopes m'ont provoqué. Celui du poumon n'est pas encore déclaré, et vu que j'ai vraiment arrêté de cloper depuis un an, il y a peu de chance que je l'ai un jour, mais toi, tu m'as repêché les deux premières fois où j'ai essayé de fuir ton influence à cause des clopes.

Tu es mon cancer.

On se croit guéri, il réapparait, fait des métastases partout, et tu peux plus t'en débarrasser, il te consomme à petit feu. Te consume, je voulais dire.

Tu me consumes, tu me consommes tellement que t'es la société de consommation de masse à toi tout seul, et tu veux pas me lâcher.

Tu es mon cancer, Heero Yuy.

.

Quand j'ai vu ta voiture, et toi appuyé sur la portière, j'ai eu une putain d'impression de déjà-vu. Mon nouvel ex me demandait encore pourquoi, et même s'il était défait, on n'avait pas eu le loisir d'être ensemble assez longtemps pour qu'il soit vraiment triste.

Grâce à toi.

Il a pu comprendre quand tu es venu à ma rencontre : quand je t'ai vu, j'ai accéléré vers toi pour pouvoir te parler sans qu'il t'entende.

Il n'a pu que te voir parler de loin, mon poing partir vers ton nez et atterrir dans ta main gauche, que j'aurais jamais cru que t'avais une telle force avec ton corps de danseur certes musclé, mais fallait pas abuser non plus. Et puis j'avais pris de la masse musculaire aussi, depuis l'année précédente.

A partir du moment où tu avais immobilisé mon coup, tu m'avais de nouveau repris.

Ce que mon ex n'a pas pu t'entendre dire avant que j'essaie de frapper ?

Des excuses.

Qui semblaient sincères.

Des excuses pour la veille, que tu n'avais pas le droit de faire ce que t'avais fait, que t'étais désolé. Que j'étais le plus adulte de nous deux, malgré notre différence d'âge, que j'étais le plus réfléchi, mais que j'avais touché un point sensible, justement, en te le faisant remarqué.

Enfin non, tu n'as pas eu le temps de me dire tout ça.

Mon poing t'a coupé avant, le geste que tu as dû faire pour ne pas le prendre dans la gueule t'a empêché de finir.

Tout ça, tu me l'as dit plus tard. Quand ton poing a enveloppé ma main, que je me suis détendu alors que j'aurais jamais voulu me détendre, que j'ai baisser ma garde, que j'ai voulu baisser ma garde et que j'ai très bien réussi.

Mon ex a pu me voir me faire embrasser par cet homme aux cheveux noirs, clairement plus vieux que moi. Il a pu me voir répondre à ton baiser, encore une fois, après un petit temps d'hésitation.

Il m'a vu monter dans ta voiture, le planter sans un regard, parce que je ne voulais pas le regarder, parce que j'avais honte de succomber encore une fois, de succomber à ta tendresse complètement opposée à ce que j'avais vu de toi la veille.

Je savais combien je faisais une erreur, que j'aurais dû te planter là, que peut-être tu m'aurais laissé, que mon ex m'aurait certainement aidé à te repousser s'il avait vu que je me débattais.

Encore une fois, je t'ai docilement et faiblement suivi.

.

Tu m'as emmené devant un hôtel trois étoiles.

Je t'ai dit que j'étais ni ta pute ni ta maîtresse vénale, que je rentrerais pas dans ce bâtiment, que c'était pas ça qui me ferait te pardonner.

Alors tu as décidé qu'on irait chez moi. On était en pleine journée, mes parents n'étaient pas là, et ça faisait longtemps que tu n'avais pas apposé ton odeur à ma chambre.

Et je t'ai ouvert la porte.

Tu as été tendre, vraiment. Je dirais même amoureux si tant est que c'était possible.

Tu murmurais des excuses, et j'avais envie de te croire, j'avais envie de me dire que t'étais pas qu'un salaud qui trompait sa femme et se permettait d'être possessif avec son amant.

Tu m'as dit que tu culpabilisais pour 'Léna, pour moi, pour ce que tu m'obligeais à vivre, mes remords, mes culpabilités, mes scrupules, que tu en avais aussi mais que j'étais important pour toi.

Tu m'as dit que t'avais pas supporté que je crois que tu te foutais de 'Léna comme de moi, que tu étais paumé en ce moment, que tu avais besoin de ta femme et de moi.

J'ai détesté que tu me places à la même hauteur que 'Léna, j'ai détesté que tu nous donnes la même importance à elle et moi. Je te l'ai dit, je t'ai dit que je ne t'aimais pas, je t'ai dit que si je t'aimais, je ne prendrais pas le risque de coucher avec toi, que je ne voulais pas t'entendre dire que tu étais perdu comme si tu hésitais entre ta femme et moi, que si tu divorçais, on ne se reverrait pas.

Je ne voulais pas être à l'origine de votre divorce.

Je ne veux toujours pas être à l'origine de votre divorce.

On n'avait jamais autant parlé que cette fois-là, tout en couchant ensemble.

.

Tu as réussi à me récupérer, cette fois là. Pour la deuxième fois.

Et même si je me suis encore dit que c'était malsain, cette liaison qu'on avait, qu'on a toujours, il y avait eu une évolution. J'avais moins l'impression d'être soumis à ta volonté : j'avais beau t'être tombé dans les bras deux fois en deux jours alors que je ne voulais pas, je me sentais plus au contrôle, par rapport à avant.

Tu avais plus l'air de me proposer des choses en tenant compte de ma réponse, sur les lieux où on se voyait, sur l'heure, sur ce que je voulais. Alors qu'avant, tu savais que je me contentais de suivre, alors tu ne me précisais rien avant d'aller, avant de choisir, avant de faire.

J'avais l'impression que tu me respectais plus. Comme si tu avais dépassé les bornes, et que tu t'en rendais compte, que tu te faisais pardonner.

.

On parlait un peu plus, à chaque fois qu'on se voyait. De tout, de rien, sauf de nos vies, parce qu'on savait que ce n'était pas un sujet agréable, ni pour toi, ni pour moi.

Nocif.

.

Je ne sais pas ce que tu ressens quand tu vois 'Léna, les soirs. Ce que tu te dis, quand tu l'embrasses, quand tu couches avec elle. Je crois que tu culpabilises quand même un peu, quand tu imagines le nombre de cornes que tu lui as données.

Je ne sais pas comment tu as pu vivre trois ans en menant ta petite vie de père et mari le soir et les week-end, alors que les journées en semaines, tu es à moi.

Non, j'ai pas peur de le dire, je n'ai plus peur de le dire : tu es aussi dépendant de mon corps que je l'ai été dès le début du tien.

.

La troisième fois que j'ai essayé de ''rompre'', c'était encore l'année suivante. J'étais en L2, et, je sais pas trop pourquoi, je me suis dit que, vraiment, il fallait que je coupe les ponts avec toi.

Quat' que je vois encore assez souvent, plus encore à l'époque, après avoir vécu à travers moi avec délice nos débuts à toi et moi, voyait que c'était pas sain.

Même si je n'étais pas malheureux, vu que je ne me prenais plus la tête avec toi, tu étais devenu mon régulier et je cherchais pas plus et rien d'autre, même si je n'étais pas mal dans notre relation, il trouvait que c'était spécial, peut-être pas très ''normal'', pas très bon pour moi en tout cas.

Il m'en a parlé, il n'a rien essayé de m'imposer. Il n'était pas au courant d'absolument tout, surtout pas de cet épisode moins clean de l'année précédente, et il a argumenté avec ce qu'il savait.

J'y ai réfléchi, il ne m'en a plus reparlé après, il m'a pas bassiné avec ça. ''T'es grand, t'es majeur et vacciné, c'est toi qui décide'', qu'il m'a dit.

Mais j'y ai réfléchi, et je t'en ai parlé.

En face, encore.

T'as eu les yeux qui s'assombrissaient, encore. Mais tu ne t'es pas énervé. Je ne t'ai pas dit que ça venait de Quat', cette remise en question.

.

Tu m'as dit que tu n'étais pas d'accord.

Tu m'as dit que tu ne voyais pas ce qu'il y avait de malsain dans notre relation, que même si tu avais clairement abusé l'an dernier, que tu t'en voulais encore et que tu te dégoûtais quand t'y repensais, tu trouvais que notre relation actuelle, était simple et sans ambiguïté. Qu'on savait tout les deux où était notre place, qu'on se prenait pas la tête, que tous mes arguments touchaient à des problèmes de quand j'avais dix-sept et dix-huit ans, à cette époque où tu étais conscient que tu abusais de ton influence, de l'effet que tu voyais que tu me faisais.

Que j'avais pris confiance, que j'avais de la personnalité et du caractère, maintenant, que j'avais évolué en deux ans, ce qui était vrai, et que tu respectais mes choix même si tu contre-argumentais à ce moment-là, parce que pour moi comme pour toi, c'était con d'arrêter ça, que tu trouvais un équilibre entre ta vie d'homme marié et notre relation, que je ne semblais pas souffrir dans cette histoire,et que si ç'avait certainement été le cas quelques mois auparavant, tu ne serais plus capable de me faire revivre ça.

Vrai ? Faux ? J'en savais rien.

Et honnêtement, je m'en foutais : t'avais pas essayé de me toucher, de faire céder mon corps avant ma volonté, cette fois-ci, et ça confirmait ce que tu disais.

Et comme tu le disais, je ne souffrais pas, je ne souffrais plus comme à une époque où j'étais complètement dépendant de cette relation. De ta volonté.

Soumis à ta volonté.

Alors j'ai envoyé balader mes doutes, et on a continué à se voir.

.

Tu as encore su faire grimper la chaleur dans nos rencontres.

Enfin, c'est une idée que tu as eu grâce à moi, d'ailleurs.

Un jour où je t'ai dit que ça me manquait de danser, que je voulais pas et ne pouvais pas reprendre les cours de rock, à la fois économiquement et parce que je ne pouvais plus faire face à 'Léna.

La fois suivante, tu as apporté un poste, avec de la musique.

Tu m'as fait danser. J'avais un peu perdu, parce que danser de temps en temps aux soirées où il y a rarement du rock, ben ça entretient pas le talent.

Tu te moquais gentiment de moi quand je ratais une figure que j'arrivais à faire avant.

Et puis quand j'ai eu repris mes bases, tu as lancé Suzette, j'ai encore ri, et ce coup-ci tu ne m'as pas demandé pourquoi, tu m'as juste semblé tout fier de ton idée.

.

''Elle me dit « fais-moi du bien », je lui dis « oui, sans problème »...''

.

J'ai retrouvé les regards que j'avais complètement oubliés de quand on dansait ensemble.

Je n'avais pas vraiment repensé à nous jusqu'à maintenant, je ne suis pas vraiment dans le souvenir, j'avance dans ma vie en me retournant rarement. Je me souviens de tout, toujours, mais, justement, je ne vis pas dans ses souvenirs trop nombreux.

J'avais bien sûr pas oublié que t'étais mon prof de rock, fut un temps, mais je me suis rappelé seulement à ce moment-là, où je redansais avec toi, tous les détails qui m'avaient fait douter de ce que tu pensais de moi, toutes les caresses, les questions que je me posais, les scrupules, les craintes... J'avais laissé tout ça derrière moi, et ça m'a fait bizarre de repenser à moi, à dix-sept ans, attiré par un homme mûr et marié, à qui je ne pouvais pas donner d'âge, ce que je ne saurais toujours pas faire.

Je ne veux pas savoir ton âge.

J'ai ressenti une certaine nostalgie, à la fin de la danse, t'as vu que j'avais sensiblement changé d'humeur, j'ai pas réussi à t'expliquer pourquoi.

Mais quand on a redansé, juste après, à ma demande, il y avait une espèce d'intimité dans nos regards, un truc un peu trop proche qu'on n'avait pas vraiment eu avant.

Et j'arrive pas à savoir si ça me plait où pas.

.

Oui, parce qu'on danse souvent, quand on se voit, maintenant.

Et je sens que les choses ont évolué, et je ne sais pas si c'est bien ou pas.

Tu sais, tu m'as déjà dit que tu pouvais divorcer de 'Léna. Je t'ai dit que c'était hors de question, et ça fait longtemps que tu n'en as pas reparlé.

Je ne sais pas si c'est bien, la direction que prend notre relation.

.

.

Bon. Voilà.

J'ai fait le tour. Enfin, autant que c'est possible de faire le tour d'une relation de trois ans, qui en est une sans en être une.

.

J'en ai fait le tour en te la rappelant, même si je me doute que tu te souvenais d'à peu près tout. Mais j'ai remarqué, cette première fois où on a dansé, que j'avais oublié beaucoup de choses sans les oublier véritablement, puisqu'elles sont revenues tout de suite à mon esprit, et que cette prise de conscience, de ce que je ressentais alors par rapport à maintenant, ça a fait évoluer notre relation, dernièrement. Alors je voulais que tu te souviennes aussi.

.

Et je me rends compte que je n'en veux plus, de cette relation.

Vraiment.

Je me rends compte que 'Léna me dérange de plus en plus, et c'est pas normal.

Je me rends compte qu'on se parle de plus en plus, et c'est pas normal.

Je me rends compte que ce dont je me rends compte ne peut que me faire du mal.

.

Alors j'ai décidé de changer de méthode : le SMS expéditif, la rencontre en personne, ça n'a pas marché.

J'espère que 'Léna ne va pas lire en même temps que toi cette lettre, que tu auras la bonne idée de regarder de qui elle est avant de la lire près d'elle, de te douter qu'il ne faut pas qu'elle la voit.

Tu sais où me trouver, je sais où te trouver, mais je n'ai pas envie qu'on se retrouve.

Je disparais de ta vie avant qu'il ne soit trop tard pour toi comme ça l'est déjà pour moi.

Je déteste les trucs sentimentaux, je déteste me dire que tu vas lire la phrase juste au-dessus, mais je pense qu'elle résume ma situation, ta situation, ce qui risque d'en advenir si on continue à se voir.

.

Je suis égoïste, j'ai peur d'avoir mal, alors je casse. Je romps. Et je me dis que, pour que ce soit nécessaire de rompre, c'est que c'est déjà trop tard, en partie.

.

.

Alors, salut Heero. T'as été un peu tout pour moi, un mec qui m'attir[ait], qui m'a fait me poser des questions sur ma sexualité, un mec qui m'a fait me poser des questions tout court, un gars de qui j'ai été un peu trop dépendant, un gars nocif, un manipulateur, un connard, un enfoiré, un plan, une pause dans mes révisions, un partenaire d'instants volés, un partenaire de danse, un mec que j'ai haï, un mec que j'...apprécie un peu trop aujourd'hui.

Par rapport à la situation. A ta situation. A ma situation.

.

Alors à plus, Heero.

''A plus'' comme ''peut-être à un jour où on se verra par hasard''. ''A plus'' comme ''je ne veux plus te voir volontairement, je ne veux plus te voir tout court''.

.

Tu ne dois pas revenir.

Je ne veux plus te voir, Heero.

Tu es mon cancer, Heero Yuy.

Nocif.

Je ne veux pas savoir ton âge.

.

Je ne veux rien savoir de plus que ce que je sais, que ce que je sens, que ce qui ne me fait pas encore mal mais qui me fera souffrir sûrement d'ici peu.

.

.

Bon, voilà.

Je ne savais pas par où commencer. Je ne sais jamais par où commencer, quelque soit le domaine.

Je t'ai toujours laissé commencer, faire, jusqu'à il y a peu.

Je ne savais pas par où commencer, alors j'ai commencé par nos débuts.

Et maintenant, je sens que c'est à moi de finir.

A moi de mettre un terme à tout ça, parce que tu ne le feras pas, mais je risque de te demander plus contre mon gré d'ici peu.

De briser le pacte qu'on avait enfin réussi à équilibrer.

.

Alors je m'éloigne, je pars.

Je pourrais te remercier pour tout, te dire que tu vas me manquer.

Je ne sais pas si je dois te remercier, tu m'as été aussi mauvais que bon, dans tous les sens du terme, et encore aujourd'hui c'est le cas, vu comme les choses ont évolué pour moi.

Te dire que tu vas me manquer ? Je te l'ai dit : j'avance, je ne regarde pas en arrière.

Ça passera.

Comme tout.

.

Au revoir, Heero Yuy. Embrasse 'Léna de ma part.

.

Duo.''

.

.

.

Je ne relis pas. Je déteste écrire les lettres, je préfère dire mes sentiments en face, mais là je ne peux pas.

Il m'a toujours retenu, il m'a toujours convaincu, je veux qu'il sache tout ce que j'ai à lui dire avant qu'il prenne sa décision. Qu'il voit le mal que sa relation avec lui m'a fait, le mal qu'il me ferait en revenant me chercher.

.

Je ne relis pas, jamais, je ne veux pas gâcher la spontanéité. Changer une tournure de phrase, corriger les fautes, non.

En plus, si je me relis, je ne la posterai pas, cette lettre. Là, je sais globalement ce que je lui ai écrit, mais relire me ferait revivre, à la fois les moments que je me rappelle, que je lui rappelle, et le moment de l'écriture, et ça a été assez dur une fois. Pas deux.

.

Je ferme la grande enveloppe qui contient toutes mes feuilles, toutes mes feuilles couvertes de ma petite écriture de gaucher, mes pattes de mouche, mon bilan de notre relation, et j'y colle une demi-douzaine de timbres. Je ne sais pas combien il en faut, ça pèse, mais je pense que six, ce sera suffisant.

Pas envie de passer à la poste où Hilde que je connais bien me dira de derrière son comptoir ''Dis-donc, c'est un roman que tu nous a écrit ! C'est pour ton amoureux ?''

Pas envie de marcher aussi loin que la poste qui risque d'être fermée quand une boîte aux lettres se trouve juste devant ma porte, prête à accueillir cette missive de vingt-cinq copies doubles.

.

Je lui souhaite bonne chance. A Yuy pour la lecture, comme à la lettre pour son voyage à travers la ville.

.

L'enveloppe en papier craft est à moitié dans la boîte aux lettres, j'hésite une fraction de seconde, puis la lâche.

Je la lâche. Je le lâche.

Je lâche prise.

C'est maintenant que je sens les larmes venir, alors que je n'ai même pas tremblé en écrivant son adresse.

.

Je lâche prise, et c'est maintenant que je sens les larmes venir.

Je monte vite m'enterrer dans le F1 dans lequel j'habite depuis un mois.

F1 où il n'est jamais venu.

Jamais.

.

.

.

Wala.


Bon ! Ca c'est fait !

Le chapitre 2 est déjà écrit, il est à peine moins long et je suis pas censée relire mes anciennes fanfictions en ce moment, en vrai, j'ai des choses un peu plus prioritaires à faire...

Alors il sera posté quand j'aurai eu le temps de le relire : demain si je suis pas raisonnable, dans un peu plus longtemps si je le suis !J'espère que ça vous aura plu, je ne sais plus trop quoi en penser, en fait, mais si je la poste, c'est qu'elle m'a paru viable :)

.

Biz' à tou(te)s !

.

Naus