C'EST PAS MON GENRE

Tout avait commencé ce soir-là, comme une blague.

Le dîner avait été mémorable! Le repas succulent (rien de mémorable pour ça, le chef valait cinq étoiles), l'alcool divin (le chef fait les courses) et Brook régalait l'assistance avec des chansons paillardes dont le répertoire semblait sans fin.

Mémorable? Toujours pas. Jusqu'à ce que Chopper se lâche. L'équipage reprenait les refrains à tue-tête, pas forcément juste mais là n'est pas la question, en tapant dans les mains et en faisant résonner le plancher du Sunny sous leurs pieds. Et le petit renne avait sauté sur la table, se trémoussant, se déhanchant, le museau penché en avant, le postérieur en arrière, et il rigolait comme s'il était devenu complètement fou. Enfin, plus fou que les autres, si c'était possible…

Puis, il s'était saisi d'une serviette (pur coton, couleur assortie à la porcelaine, le chef, toujours…) et l'avait passée autours de ses reins comme une jupette. Puis il avait fait une sorte de révérence devant son capitaine et les deux compères s'étaient élancés dans une sorte de… valse, appelons ça comme ça.

Tout valdinguait, Sanji courait et sautait partout pour éviter la casse (le chef, encore) et l'équipage s'amusait à s'envoyer le petit couple d'un bout à l'autre de la table.

Luffy n'est pas du genre à se retenir. Quand on s'amuse, on s'amuse à fond! Donc il saisit un sabot de Chopper, son bras s'allonge et tournicote sur lui-même, s'élève au-dessus de leurs tête et… la tension se relâche et le renne devient une toupie qui dévaste tout sur son passage.

Usopp se le prend en plein pif, qui se met à hurler en saignant du nez, qui, soit dit en passant, est tordu dans tous les sens. Mais la course ne s'arrête pas là et comme une boule de flipper, la toupie part à l'opposé.

La poitrine avantageuse de Nami amortit le choc, malgré tout cette dernière part en arrière et tombe de son siège. Heureusement pour elle, le chef qui veillait au grain (il est partout!), se sacrifie, se jette sous elle et reçoit son coude dans… ses bijoux de famille. Pour une fois qu'il aurait pu tenir une de ses Mellorines dans ses bras sans qu'elle l'assomme, il ne pouvait pas savourer l'instant de pur plaisir vu que ça lui faisait un mal de chien!

Pendant ce temps où le cuistot s'est arrêté de respirer sous le choc, la toupie continue son œuvre. Direction Robin, un filet de bras entremêlés et hop, direct sur Franky qui s'est mis debout afin de sauver la situation. Il est grand Franky, la table est basse, le renne petit. Il tend son bras géant pour bloquer l'action et… le loupe! Et là, c'est pas son unique slip qui peut amortir le choc. Et un deuxième pirate à terre, la main sur l'entrejambe, les yeux qui louchent et tout le toutim.

Bon, il y a eu assez de dégâts comme ça! Zoro prend les choses en main, enfin ses sabres plutôt et sans les sortir des fourreaux, parvient à bloquer Chopper entre eux.

Tout est fini. Ou presque, seule la toupie a été arrêtée, le petit renne est toujours à fond, hurle et rigole, ses yeux tournent sur eux-même et il ne voit plus ce qui se passe autour de lui, encore tout étourdi. Il sait juste qu'il a été bloqué. Mais ce matin, Usopp lui a raconté une histoire terrifiante, celle où le capitaine au long pif avait combattu un crabe géant, une bestiole qui vous prend entre ses pinces pour vous gober tout crû!

« Bon sang, c'est le crabe ! », hurle Chopper et qui balance un coup de pied en avant. (table, renne petit, sabreur debout…) et BAM!, le Zoro rejoint ses petits camarades qui geignent encore sur le plancher. Pour une fois, il ne peut pas se foutre de la gueule du cuistot, vu qu'il ne peut pas parler car s'il ouvre la bouche, il ne pourra en sortir qu'un hurlement très aigü et pas du tout viril. Donc, pas son genre. Donc, fierté oblige, il souffre en silence.

Pendant ce temps, Brook, qui s'était réfugié sur le comptoir, continue de chanter avec un Luffy qui le tient par les épaules en rigolant. Ce dernier savoure son bonheur, s'empiffre de tout ce que son bras élastique peut atteindre car il n'y a personne pour l'en empêcher (le chef est à terre).

Ah! Quelle bonne soirée!

OOooOOooOO

Comme toutes les bonnes choses ont une fin, comme d'un commun accord, tout le monde est fatigué en même temps et se dirige vers les dortoirs, les sens plus ou moins alertes. Plutôt moins en fait.

Bon, à part trois pirates, toujours prostrés sur le sol, qui ne sentent pas la fatigue parce qu'ils ont trop mal.

Comme d'un commun accord, eux aussi, ils s'agrippent au rebord de la table et s'écroulent sur le premier siège venu, un peu pliés en deux. Il leur faut quelques minutes pour se reprendre mais pas de problème, aucune gène entre eux car chacun sait très bien ce que ressent l'autre. Donc rien, pas un ricanement, aucune remarque sarcastique, non, juste un truc de mecs unis par la même adversité. Dignes! Des guerriers! Des pirates!

« Les gars, un dernier verre, ça vous dit?, demande Sanji qui respire à nouveau.

- Ouais! Bonne idée! » , répondent en cœur les deux autres.

Une bonne bouteille, puis deux, puis trois et ainsi de suite, la soirée se prolonge pour les trois nakamas.

Bon, c'est une soirée entre mecs qui peuvent parler pendant des heures des dernières options d'un Merry-Weaver, donc je vous passe les détails, sommes toutes inutiles et ennuyeux à mourir. Reprenons en cours, l'air de rien..

« Barbara!, déclame Franky. Ah oui, celle-là, elle a été une de mes préférées. Je l'avais serrée un soir, dans un bar et on avait passé une nuit torride!

- Tu l'as plus revue ensuite?, demande Sanji.

- Non, c'est pas mon genre de m'attacher. Mais j'ai eu de ses nouvelles une fois. Il paraît que sa boisson préférée, c'est le cola maintenant. Hé ouais, mes potes, le franky, une fois qu'on y a goûté, on peut plus s'en passer!

Et la tirade se termine par un déhanché du slip aussi drôle que vulgaire, les bras en l'air et le sourire ravageur.

Les deux autres rigolent.

-Et toi Sanji, reprend le cyborg, le meilleur coup de ta vie?

Le cuisinier tire une taf sur sa cigarette et répond de son air pas concerné.

- Désolé Franky mais ce sera court. Je n'ai connu que deux filles, alors difficile de comparer.

- Sans déconner?! Seulement deux? Avec ta gueule de beau gosse?

- Qu'est-ce que tu veux que je te dise? J'ai été élevé comme ça, une femme doit être respectée.

Zoro intervient, un peu sous le choc de la déclaration.

- Deux! Avec tout ce que tu dragues? Je vais t'appeler Jardiland, le roi du râteau, ce sera toi!

- La ferme, imbécile! Je te parle de ne pas traiter une femme comme un morceau de viande mais ça, tu peux pas comprendre, Môssieur le roi des goujats, Môssieur le sabreur de mes deux!

Franky, sentant que les deux ennemis ne vont pas tarder à repartir dans leurs duels incessants, décide d'intervenir.

- Et toi Zoro? Comment s'appelait ton meilleur coup?

- Bah, j'ai pas trop la mémoire des noms…

- Et encore, si tu as pris le temps de lui demander, grogne Sanji.

Mais le sabreur ne se démonte pas.

- T'as raison, je le fais pas toujours.

- Pff, t'es vraiment…

Franky coupe l'insulte qui allait sortir. Parce que le Franky, il aimerait bien savoir la suite. Les histoires de monstres des mers, de vice-amiraux, de chasseurs de primes,… ça va bien cinq minutes! Alors pour une fois qu'on parlait un peu de cul, il allait pas aller se coucher tout de suite. Ah non alors!

- Bon alors, tu les préfères comment?

- Pas d'importance, j'y vais au feeling, tu vois.

- Ok. Euh…, prenons un exemple. Tu serais plutôt rousse incendiaire ou brune ténébreuse?

Là, Sanji se fige. Tête de Gazon a intérêt à bien réfléchir avant de parler de mes deux Mellorines. S'il en choisit une, je le tue avant qu'il n'ait le temps de poser ses sales pattes sur elle! Ouais, vas-y, essaie pour voir, que je te montre qu'une pointure 42 peut te refaire la face en dix secondes…

- Tu parles d'un choix! La sorcière ou la bizarre… Désolé, je passe mon tour.

Le cuisinier laisse baisser la tension. Ouf, mes deux amours ne risquent rien de cette brute! De cet empaffé! De ce con!

Franky soupire. Bon, il connaît pas d'autre gonzesse… Bah, il peut toujours nous décrire un truc bien croustillant, bien vicieux,…J'vais te l'faire parler le Zoro, moi! Il a l'air d'avoir déjà bien vécu, je suis sûr qu'on va bien rigoler.

- Essaie de penser à quelqu'un que tu connais et que tu voudrais bien… enfin, tu vois, continue le cyborg, tentant de ne pas être trop vulgaire devant le cuistot qui semble assez tendu comme ça.

- Bon, je dirais… cheveux blonds. Mince, jambes fines, interminables, …Du caractère, j'aime bien ça.

- Hahaha, rigole Franky, ben sur ce bateau, t'as plus qu'à te faire le cuistot!

Les deux hommes éclatent de rire, Zoro se contente de hausser les épaules.

- Pourquoi pas?

Grand silence., plus personne ne rigole. Le choc est rude! Franky a la bouche entrouverte, style je vais parler mais je suis pas encore prêt, et Sanji a les yeux rivés sur le sabreur indolent, la mâchoire crispée.

- T'es au courant que je ne suis pas une femme?

- Ouais, j'avais remarqué.

- Alors comme ça le Marimo est gay? J'en reviens pas!

- J'ai pas dis ça.

- Ben t'as pas franchement dit le contraire non plus!

- J'ai dit, et je me cite, que c'était une question de feeling, le genre, mec ou nana, je m'en fous.

Franky est enfin prêt (à parler) et se lance, un peu hésitant, cherchant ses mots qu'il ne trouve pas vraiment.

- Et tu l'as déjà… fait? Avec un… oui enfin, le genre qui a la même chose que moi entre les jambes?

- Ça se pourrait bien. C'est important?

- Ben non. Mais c'est marrant!

Le cyborg s'esclaffe, ce qui n'est pas le cas de Sanji. Oui, parce que là, il se demande s'il va devoir raser tous les murs pour ne pas risquer de se prendre la main aux fesses dès qu'il croisera l'épéiste. C'est qu'il en serait bien capable, cet enfoiré!

Zoro le regarde, il sent le malaise. Au départ, c'était juste pour piquer, puis un mot en entraînant un autre, il l'avait dit. Oui, le cuistot ne le laissait pas indifférent mais plus hétéro que lui, ça n'existait pas! Alors pourquoi perdre son temps? Et puis, il était un de ses nakamas, jamais il ne serait un coup d'un soir. Mais surtout, il était tellement énervant! Ouais, pas son genre, tout bien réfléchi!

- Oï Baka-Cook, c'était pas une déclaration! Pas la peine de te prendre la tête, demain, je te foutrai sur la gueule comme tous les jours. Pas envie ce soir, je suis trop crevé. Allez, je vais me pieuter!

Et il se leva, sans autre cérémonie et quitta la cuisine d'un pas traînant

- Ben merde! Si on m'avait dit ça, je l'aurais jamais cru!, commenta Franky.

- Tu l'as dit! Je pensais pas qu'il était de ce genre-là. »