Chapitre 4 : semblable

Severus rodait dans le couloir comme le vent de la mort en marmonnant des imprécations sur ce satané Harry Potter, le Garçon-Qui-A-Survécu-Pour-Le-Rendre-Fou. Il considérait que c'était le pire moment du monde que Potter soit porté disparu ou tout autre chose pile à ce moment. Et bien sûr Dumbledore a insisté pour qu'il aida à rechercher l'ennuyeux garnement, malgré le fait qu'on soit un vendredi soir et que Severus était censé être libre les week-ends pour corriger et peut-être se relaxer un peu avec un livre et un petit verre de porto. Ou soigner une buse blessée s'il le désirait. Au lieu de ça il était obligé de chercher sur le domaine pour trouver ce maudit garçon.

Severus estimait que le domaine était un bon point de départ car Dumbledore avait surement déjà envoyé la plupart du personnel chercher dans le château. Et le Directeur savait que Severus était connaissait très bien le terrain puisqu'il s'y promenait souvent dans sa quête aux ingrédients de potions. Les longues enjambées du Maître des Potions le conduisirent rapidement sur le sentier pierreux menant à la cabane d'Hagrid qui bordait la Forêt Interdite. Il voulait parler avec le garde-chasse de la buse blessée et lui demander s'il connaissait les lieux familiers que Potter aimait visiter.

Severus savait que beaucoup des membres du personnel avaient tendance à négliger cet homme franc, le pensant un peu idiot même si sympathique, tout comme son gros chien Fang. Mais Severus savait qu'il y avait bien plus chez Hagrid que ce qu'on pouvait voir au premier coup d'œil. Le garde-chasse voyait plus que ce que l'on pouvait supposer et si Potter avait une cachette quelque part sur le domaine, Hagrid le savait surement. De la même manière qu'il avait su les endroits que Severus avait l'habitude de fréquenter, recherchant la solitude face à ses camarades bavards et la paix face à la persécution des Maraudeurs.

Contrairement au Directeur et probablement au reste du personnel, Severus ne voulait pas admettre que la disparition de Potter était autre chose qu'une farce d'écolier, comme celles de son père, séchant les cours s'il y avait un contrôle ou un test ce jour là. Le garçon n'avait disparu que depuis quelques heures et Severus savait que si un Mangemort l'avait capturé, il aurait été appelé à travers la marque pour assister au triomphe du Seigneur des Ténèbres sur son ennemi juré. Un triomphe qui se finirait par la mort de Potter mais pas avant que face de serpent ne le torture d'abord pour avoir été son calvaire. Et si cela devait arriver, Severus savait que ses jours en tant qu'espion seraient finis car il s'était engagé à défendre Potter à n'importe quel prix.

Engagé par une Promesse de Sorcier donnée à sa meilleure amie Lily et avec comme témoin Albus Dumbledore. Une promesse encore plus contraignante que la dette de vie qu'il devait à James Potter. Le serment a eu lieu juste avant que les Potter ne partent se cacher. Lily lui avait pardonné d'avoir suivi la route du Mal et lui avait ensuite demandé de prêter serment.

Il l'avait fait, sachant très bien que c'était son chemin vers la rédemption.

Mais Potter n'était pas un invité de Voldemort, de ça Rogue en était certain.

Par conséquent Potter se trouvait quelque part par ici, probablement avec sa cape d'invisibilité.

Renfrogné, Rogue frappa à la porte d'Hagrid.

Elle s'ouvrit pratiquement tout de suite et le garde-chasse fit un sourire chaleureux au Maître des Potions. « B'jour Professeur Rogue. Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? »

« Est-ce que le Directeur vous a informé que Potter est porté disparu ? »

« Harry, disparu ? D'puis combien de temps ? »

« Je supposerai quelques heures. Apparemment il n'est pas retourné dans sa salle commune après le dîner et ses amis ont du rapporter son absence au Directeur. Il a décidé de mettre en place une recherche pour ce satané petit… » Severus en colère s'interrompit, trop furieux pour insulter correctement Potter. « Sauriez-vous où il… aime aller quand il termine les cours, Hagrid ? »

Le grand homme se gratta la tête. « Normalement il traine au terrain de Quidditch avec Ron Weasley, c'est son meilleur ami, et parfois il descend vers le lac également. »

« Ces lieux ont déjà été vérifiés ». Rogue soupira d'impatience. Chaque minute qu'il passait à chercher Potter était une autre minute de perdue, une autre minute qu'il aurait pu passer avec la buse en s'assurant qu'elle mangeait, buvait, restait au chaud et au calme. « Un autre endroit auquel vous pouvez penser ? Peut-être quelque part près de la forêt ? »

Le front d'Hagrid se plissa. « Ah… il pourrait y avoir un lieu… une petite clairière que je lui ai montrée cette année. » Il toussa doucement et évita soudainement les yeux de Rogue. « V'us savez laquelle, Professeur… v'us aviez l'habitude d'y aller également quand vous vouliez être loin de Black et des autres, vous vous souvenez ? »

« Vous avez montré à Potter ma clairière secrète ? », cria Severus, furieux. « Celle où Lily et moi on avait l'habitude de travailler ? »

« Ouais, j'ai supposé qu'il pourrait utiliser un lieu pour s'cacher en voyant comment étaient les choses pour lui après la mort de Cédric et l'reste. J'pensais pas que vous vous en soucieriez, vous n'y avez pas été depuis la mort de Lily et j'ai pensé qu'ça aiderait Harry d'y aller, là où sa mère avait l'habitude d'être… »

« Avez-vous mentionné que j'avais l'habitude d'y aller également ? »

Hagrid tressaillit face à la fureur dans le ton du Maître des Potions. « Non, j'lui ai juste parlé de Lily. Il était bouleversé et semblait avoir besoin de temps pour lui-même d'la même manière qu'vous, Professeur, quand vous reveniez de chez vous à la rentrée. »

Severus se raidit. De tous les sorciers adultes de Poudlard, seul Hagrid a deviné que sa vie chez lui n'était pas comme elle devrait l'être lorsqu'il était étudiant. Severus n'en parlait jamais, conditionné depuis le plus jeune âge à ne rien dire sur ce qu'il se passait à l'Impasse du Tisseur. Et pourtant d'une certaine manière Hagrid a su que quelque chose n'allait pas et a offert au garçon solitaire une invitation à venir prendre le thé à n'importe quel moment. Et il lui a montré un lieu secret où il pouvait aller et s'échapper pour quelques heures bénies. Plus tard il la montra à Lily et ils y passèrent de nombreuses heures agréables, cachés dans les bois au milieu de grands arbres et de feuillages émeraude, discutant, recherchant de nouveaux sorts, créant de nouvelles potions et écrivant des formules sur des bouts de parchemin.

C'était un lieu pratiquement sacré pour le jeune Severus et désormais Potter en avait connaissance. Il savait qu'Hagrid ne pensait pas à mal. L'homme aimait s'occuper des choses sauvages, étranges et blessées qu'il venait à rencontrer. Et il montrait la même compassion pour ceux parmi les étudiants qu'il sentait également dans le besoin. Comme pour Severus. Mais pourquoi, diable, Hagrid mettrait-il au même niveau le Garçon-Qui-A-Survécu, le Prince du monde sorcier vénéré par des milliers de personnes comme le dernier meilleur espoir contre Voldemort, et le misérable enfant maltraité que Rogue avait été ?

Blessé par la trahison involontaire d'Hagrid de sa vie privée, il lâcha : « Que voulez-vous dire, qu'il est comme moi ? Potter a été dorloté et gâté, il vit dans un quartier moldu chic, contrairement à moi qui ait habité dans une maison délabrée. Je parierai qu'il n'a jamais eu à travailler un jour de sa vie, qu'il n'a jamais su ce que cela signifiait d'avoir faim et froid parce que son satané père buvait tout l'argent qu'il avait et le traitait comme la vulgaire vase d'un étang… » Severus, respirant difficilement, repris son sang-froid et mit derrière son masque glacial les terribles souvenirs qui remontaient.

« Professeur, v'us pouvez être en colère contre moi autant que vous le voulez, mais ne vous en prenez pas à Harry, s'il v'us plait. Les choses ne sont pas toujours ce qu'elles semblent être, vous devriez savoir ça mieux que quiconque. Et je vous l'dit, quelque chose cloche avec Harry. »

« Comme quoi ? »

« Et bien, voyons…il n'était pas comme d'habitude quand il est revenu, il souriait difficilement et il n'avait pas l'air de vouloir être avec ses amis. Il se prom'nait tout seul, j'ai supposé que c'était dû à la mort de Cédric et à son retour mais il n'voulait pas parler de ça. Il commença même à refuser de s'arrêter pour le thé le samedi, monsieur, et ça c'est pas Harry. Il adorait prendre le thé avec moi. »

Severus, qui a été un de ces étudiants invités par Hagrid pour le thé, ne put résisté et demanda, « Lui donniez-vous aussi des scones à la myrtille avec du beurre doux ? »

« Oui et il avait l'habitude d'en reprendre, il avait toujours faim comme s'il n'avait jamais eu assez à la maison. »

Severus grogna. « Impossible. La famille de Potter n'est pas pauvre, ils peuvent se permettre de nourrir une dizaine de personnes comme lui. »

« Peut-être, mais qu'en serait-il s'ils ne l'avaient pas fait, Professeur ? Vous n'l'avez pas vu comme moi quand je suis allé le chercher pour sa première année à Poudlard », souligna Hagrid. « Il r'ssemblait plus à un enfant de neuf ans que de onze et un bon coup de vent l'aurait soufflé. Ces Moldus ils étaient tous gros comme des porcs, mais pas lui. Il était comme un fantôme, pâle et maigre, just' comme – »

« Ne le dites pas ! Potter et moi n'avons rien en commun ! »

« Ah non ? J'pense que vous avez tort », dit fermement le grand homme. « V'us ne l'admettrez pas mais vous vous ressemblez plus que vous ne l'savez, Severus Rogue. »

« Ne soyez pas ridicule Hagrid ! Il est comme son satané père, arrogant, riche et pourri gâté au-delà du bon sens commun, ivre de célébrité et de gloire… »

Hagrid secoua sa tête de déception. « Je ne pensais pas voir le jour où vous laisseriez les préjugés vous aveugler, monsieur. Vous agissez comme Sirius Black en ne voyant que ce que v'us voulez voir et non ce qui est vraiment là. »

« Je suis quoi ? », s'étouffa Severus. « Comment osez-vous me comparer avec ce-ce cabot, ce bâtard pourri à la recherche d'attention qui m'a presque tué et s'en est sorti avec une simple tape sur les doigts ? Comment osez-vous ? »

« Pa'ce que c'est à lui que v'us ressemblez actu'llement, Severus », dit-il, son ton doux mais avec de la désapprobation. Et soudainement Rogue se sentit de nouveau complètement comme cet étudiant maigrichon et mal-aimé, dont les seuls véritables amis ont été une jolie fille aux cheveux roux, les livres et le grand homme avec ses nombreux animaux de compagnie. « J'avais l'habitude de dire à Sirius qu'il avait tort de s'moquer de vous pa'ce que vous étiez un Serpentard, que personne n'était entier, que toutes les Maisons avaient des membres bons et mauvais, et qu'il n'devait pas juger une personne par la coupe de sa robe ou ses cheveux mais il n'a jamais voulu écouter. 'Serpentard visqueux, il deviendra sombre comme Vous-Savez-Qui, comme eux', il avait l'habitude de dire puis d'rigoler. Mais il avait tort, n'est-ce pas ? »

« Vous le savez bien. »

« Bien sûr, sinon vous ne vous tiendriez pas ici à discuter avec moi. Et en parlant de ça, je v'us demande de regarder au-delà du fait qu'Harry soit le fils de James Potter et de voir ce que v'us ne pouviez pas avant… qu'il est un enfant ayant besoin d'aide. Faites ce que Black n'a jamais pu faire, ou n'a jamais voulu faire, Professeur, voyez la vérité. Vous êtes bien plus intelligent que Sirius, monsieur, ça devrait être un jeu d'enfant. »

« Bien sûr que je le suis ! », murmura-t-il avant de rougir car cela faisait longtemps qu'il n'avait permis à quelqu'un de le gronder comme s'il avait de nouveau onze ans. Forcément il était bien plus intelligent que Black, entre tous, et sa fierté était piquée face à l'insinuation qu'il ne voyait pas la vérité. La tâche principale en tant qu'espion était de rassembler des informations et d'être capable de voir ce qui était caché.

Est-ce que j'ai été autant aveuglé ? Est-ce qu'Hagrid a raison ? Est-ce que j'ai pu manquer les signes indéniables de négligence et de dépression parce que j'ai refusé de voir qu'il n'était pas le fils de James seulement, mais celui de Lily également ? Suis-je devenu aussi impulsif, têtu et idiot que Black après tout ? Que Merlin m'en préserve !

« Vous avez dit que Potter semblait déprimé ? Quand l'avez-vous remarqué pour la première fois ? »

« Ah, envi'on deux semaines après la rentrée. »

Rogue fronça les sourcils. Maintenant qu'il y repensait, Potter avait semblé bien plus calme et moins impertinent qu'à son habitude. Comme il l'avait dit à Dumbledore, il n'avait pas pris de point ou donné de détention au gosse depuis des semaines, un fait encore presque jamais vu. Habituellement l'incorrigible enfant parvenait à le faire sortir de ses gonds et à l'ennuyer dès le premier jour de cours. Mais cette fois… Potter avait été aussi calme qu'une souris, poli et imperturbable face à la rudesse et aux sarcasmes de Rogue. Un comportement anormal en effet, et l'espion se frappa fort mentalement pour ne pas avoir remarqué ce détail révélateur.

Rogue, tu as besoin de prendre ta retraite et de t'envoyer tout seul à Sainte-Mangouste si tu ne peux pas observer mieux que ça, espèce d'idiot inconscient ! Un premier année aurait tout de suite remarqué que quelque chose n'allait pas dans le comportement de Potter. Et toi, qui a été un maître de l'espionnage pendant seize ans et demi, tu l'as raté.

Une amère douleur familière commença alors à grandir en lui et il chercha à oublier ces points douloureux en interrogeant Hagrid à propos de Potter. « Vous a-t-il dit quoique ce soit sur ce qu'il s'est passé pendant l'été ? »

« Non Professeur. Seul'ment qu'il était content d'être hors de la maison. Il n'parlait pas beaucoup mais je peux dire que quelque le gênait. Je pense qu'il se reproche tout : la mort de Cédric et le retour de Vous-Savez-Qui. Ca lui a porté un coup horrible, Monsieur. »

« Mmm. Je veux bien le croire », murmura Severus. Voir un camarade mourir si violemment devant vous est destiné à vous laisser une cicatrice et être utilisé par la suite dans un rituel de sang pour ramener sur terre un sorcier équivalent à Hitler bouleverserait n'importe qui. Et même Potter n'est pas immunisé face à une telle tragédie. Et si Hagrid a raison, et que sa vie chez les … Dursley est similaire à celle de Rogue avec un père alcoolique et une mère opprimée, cette atmosphère ajoutée aux évènements de l'année passée a très bien pu conduire le garçon dans une profonde dépression.

Dans ces circonstances la disparition de Potter prend une nouvelle tournure terrible.

Les yeux d'obsidienne rencontrèrent ceux marrons et Rogue sut qu'Hagrid suspectait également ce que Severus venait juste de conclure, bien qu'intérieurement.

Tous les deux ont connu les profondeurs du désespoir et ont parcouru le chemin tortueux de l'autodestruction étant adolescents.

Hagrid après avoir été injustement exclu et chassé de sa véritable maison pour vivre en tant que sorcier méprisé et demi-géant, raillé et moqué jusqu'à ce que Dumbledore lui sauva littéralement la vie en lui offrant un poste et une certaine estime de soi comme garde-chasse.

Rogue embrassa également l'obscurité après la mort de sa mère durant sa sixième année, le dur rejet de Lilly et la tentative de meurtre de Black dans la Cabane hurlante. Personne ne semblait se soucier qu'il vive ou meure d'une mort lente et douloureuse à cause de la morsure d'un loup-garou. Seul son sauveur a été l'homme présent pour lui, il l'a trouvé inconscient après avoir ingurgité une potion de sommeil très forte et a reconnu les signes. Hagrid l'a recueilli et s'est occupé de lui pendant une semaine dans sa cabane, comme il l'aurait fait avec un animal sauvage blessé. Et il a gardé son terrible secret à l'insistance de Rogue, partageant également son propre passé avec l'adolescent dégingandé qu'il était, devenant ainsi l'une des rares personnes en qui Rogue ait confiance.

Severus suspectait bien qu'Hagrid avait quelque chose à voir avec le changement d'attitude de Lilly envers lui mais il n'a jamais voulu l'admettre et Severus n'a jamais rien demandé. Ce n'était pas important de savoir pourquoi Lilly lui a pardonné, seulement le fait qu'elle l'ait fait.

Et elle t'ensorcellerait jusqu'en enfer si jamais elle apprenait l'état dans lequel tu as laissé son fils s'enfoncer, Severus Tobias Rogue.

« Pensez-vous que… ? »

« Peut-être. Pas avant cela, mais maintenant… »

Les feuilles et les branchages craquaient sous leurs pieds puis Rogue s'arrêta, tirant de côté un large rideau de vigne pour révéler une clairière vierge et ensoleillée.

Vide.

Severus sentit son cœur devenir froid. Il jura doucement pendant plusieurs minutes.

Il se ressaisit ensuite. « Où a-t-il pu aller dans la forêt ? »

« Peut-être au rocher des Sombrals ? Parfois les enfants ayant vu la mort sont attirés à cet endroit. » Comme tu l'as été.

Mais cela se révéla également infructueux. Severus lança sorts de localisation après sorts de localisation mais tous revinrent sans résultat. En même temps c'était bon signe. Si Potter était mort le sort reviendrait avec un écho attaché à la signature, indiquant un noyau magique vide, et les morts n'ont pas besoin de se cacher.

« Rien. Où qu'il soit il se cache très bien », conclut amèrement Severus, détestant admettre qu'il ait été battu par un simple étudiant. « Peut-être a-t-il simplement voulu trouver un endroit inhabité par de bruyants et fous Gryffondors. Ou esquiver mon dernier devoir de potions. »

« Vous pensez qu'il est… ? »

« Il n'y a pas eu d'écho. Potter se cache. Il sortira quand il sera prêt ou peut-être quand il aura faim, tel un chat effrayé », répondit Rogue d'une voix trainante.

« Oh. Ouais, c'est logique. Devons-nous arrêter les recherches dans c'cas ? »

« Pour l'instant. Il se fait tard et nous avons cherché pendant deux heures au moins. De plus, errer dans la forêt à cette heure est risqué, même pour nous. Nous pouvons reprendre demain si Potter n'est pas revenu d'ici-là. » Severus se surprit lui-même par les mots qui venaient juste de sortir de sa bouche. Depuis quand commençait-il à se soucier de Harry foutu Potter ? Depuis qu'Hagrid a percé ta bulle d'inimité irrationnelle avec quelques mots tranchants, lui murmura sa conscience. Tu as promis de veiller sur le fils de Lilly, et même si tu ne l'avais pas fait c'est ton devoir en tant que professeur de t'assurer que tes étudiants sont en sécurité… y compris d'eux-mêmes.

« Venez, rentrons Hagrid. Je dois informer le Directeur que nous n'avons rien trouvé », ordonna Severus en se retournant sur le chemin qui conduit en dehors de la forêt. « J'ai également une faveur à vous demander. Avez-vous un équipement d'entrainement pour jeune buse ? »

« Je pense que je l'ai toujours, mais pourquoi ? »

Severus lui expliqua et le visage d'Hagrid s'éclaira à l'idée de sauver une autre pauvre petite chose sauvage d'une mort sombre. Il accepta avec enthousiasme de donner à Rogue son ensemble de sangles d'entrainement, une perche solide, une laisse, une cagoule, des gants et un appât. De même il lui fournit un livre sur la fauconnerie qu'il avait utilisé lorsqu'il réhabilita un aigle qu'il avait trouvé dans une prairie une année, victime d'une arme moldue.

« Un pistolet, je pense », dit calmement Severus d'après la description des blessures.

« Saletés de choses. Mais je l'ai sauvé et il a volé librement après un mois. C'était le plus beau spectacle que j'ai jamais vu. » Hagrid renifla, essuyant quelques larmes. Il devient toujours émotif en parlant des animaux et bêtes qu'il a perdu ou sauvé. « J'ai également un lapin pour vous, Professeur. Attrapé fraîchement aujourd'hui. Je pensais faire un ragoût mais je peux toujours en piéger un autre. Cependant si le ptit bonhomme a mal vous devrez broyer la viande finement et la mixer avec un peu de miel, faire une pâte et le nourrir avec une cuillère ou votre doigt, s'il le prend. »

Severus hocha la tête. « Une cuillère fera l'affaire. Il m'a déjà mordu une fois. »

Hagrid n'était pas surpris, être mordu constitue un risque lorsqu'on s'occupe d'un animal sauvage. « Et beauc'p d'eau également. Il sera assoiffé après toutes vos potions. »

Ils avaient atteint la cabane et Hagrid se rendit à l'intérieur pour rassembler le kit de fauconnier en souriant joyeusement. Il était heureux que Severus se soit finalement autorisé à ressentir de la compassion pour quelque chose une nouvelle fois et il pressentait que la buse et le Maitre des Potions allaient devenir de très bons amis. De très jeunes buses comme celle que Severus avait trouvé s'attachent souvent aux humains qui les sauvent, formant un lien comme avec un parent.

Severus attendit sur le perron, frappant impatiemment une chaussure contre le pavé, pressé de retrouver sa nouvelle charge. Et c'est alors qu'il sentit les alarmes de son laboratoire s'activer. Il gronda. Quelqu'un de non autorisé venait de prendre quelque chose de son stock privé et quand il l'aura trouvé l'étudiant souhaitera qu'il ou elle ne soit jamais né(e). L'alarme tintait follement dans sa tête, bourdonnant comme un nid de frelons furieux. Il passa sa tête à l'intérieur et appela. « Hagrid, envoyez-moi le kit plus tard. Il y a une urgence dans mon laboratoire. Il a été forcé par un misérable étudiant et j'ai besoin d'y retourner immédiatement – »

« Voilà Severus. Tout est dans ce pack. » Le garde-chasse lui fourra un large sac en cuir dans les mains, grimaçant en voyant la fureur dans les yeux de son vis-à-vis. « Ne le tuez pas, Professeur. Vous n'voulez pas aller à Azkaban, croyez-moi. » Un frisson involontaire le traversa alors qu'il se souvint des trois mois qu'il y fit trois ans auparavant. Ce n'est pas quelque chose qu'on peut oublier un jour et il était heureux que Severus ait échappé à ce destin affreux.

Severus découvrit ses dents dans un sourire de prédateur. « Tuer est trop bien pour celui qui a fait ça Hagrid. Je déteste les voleurs autant que je déteste les petits gamins menteurs. Peut-être que je vais simplement clouer leur peau sur un mur dans mon bureau, ou alors faire un collier avec leurs doigts de voleur, donner leur foie à ma buse, les possibilités sont infinies… »

Il se retourna, sa cape noire tourbillonnant comme un oiseau de proie pour attraper un gibier qui a osé envahir son territoire, et lança un remerciement par-dessus son épaule.

Hagrid regarda la grande figure s'élancer vers le château. « L'idiot a intérêt à commencer son testament. Il n'est pas d'humeur à être embêté ce soir, n'est-ce pas Fang ? » Le demi-géant gratta les oreilles de son chien et continua à regarder dans la nuit, s'interrogeant sur le sort d'Harry James Potter, garçon perdu.