Hey ~ Cela fait un moment maintenant... J'ai pas vraiment d'excuses... *sight* Je peux même pas dire que je reprends cette fic, mais du moins, j'y reprends goût. Je fais également des traductions donc...

Oh, je suivrai également moins les épisodes, parce que c'est long et que j'ai sans doute autre chose à faire que de les regarder tous une dizaine de fis pour le souvenir des répliques et de la chronologie exacte xD Don je continue de suivre la trame, mais les dialogues ne seront plus pareil. Je pense peut-être faire des choix aussi dans les morts, même si tous ont un intérêt pour la suite.

Bref, voilà la suite. En espérant que vous aimiez ~


Chapitre 9

(Pov Alex)

Nous avions tous besoin de nous isoler. Les derniers événements restaient dans notre mémoire, gravés au fer rouge. La mort de Sophia avait brisé Carol, mais elle se redressait peu à peu. La douleur était continue et je pouvais deviner ce qu'elle ressentait pour en avoir eu un avant-goût il y a des mois de cela. Aujourd'hui, elle devait faire son deuil et je la laisserai faire. Je la laisserai hurler de ton son saoul, je la laisserai pleurer jusqu'à ce qu'il n'y ait plus rien. Juste cette triste fatalité. Elle n'était pas la seule bouleversée d'ailleurs: Cassandra avait du mal à dormir. Son sommeil était agité et seules mes caresses dans ses cheveux pouvaient la calmer. J'entendis quelqu'un frapper à la porte et tournai la tête pour voir Glenn entrer. Je ne le connaissais pas vraiment. Je ne lui portais pas non plus attention. Il était un membre du groupe et cela s'arrêtait là.

Pourtant, s'il venait me demander mon aide, j'accepterais de la lui offrir dans la mesure de mes moyens. Il était jeune. Du moins, autant que moi. A ceci près que son caractère restait plus fragile, victime des émotions. Il restait naïf et crédule et c'est cela qui était rafraîchissant. Ou parfaitement horripilant. J'avais parfois envie de le secouer pour lui faire prendre du plomb dans la tête. Mais c'était lui, ce grand enfant, insouciant, allant au-devant du danger pour le bien de tous. Un homme qui protègera ses amis, parce qu'ils représentent sa dernière famille.

Il regarda le petit corps endormi et sourit, attendri. Je délaissai ma fille et me redressai, sortant de la chambre, Glenn me suivant silencieusement. Je refermai la porte derrière moi et sortis sur le porche, prenant place sur le petit banc. Il s'assit à côté de moi, visiblement en proie au plus grand questionnement de son existence. Je lui laissai le temps, ne sachant pas du tout ce qu'il voulait ni la difficulté ou l'importance de ses propos.

- Comment fais-tu ?

- Précise ta question...

- Et bien... Tu sembles en dehors de tout ça. Rien ne semble te toucher. Comment fais-tu ?

- Les gens me croient insensible. Les gens me pensent incapable d'éprouver la moindre pitié. C'est ce que tu crois aussi ?

- Je ne te connais pas assez pour juger.

- Exactement. Glenn, je suis resté seul durant des mois. J'ai vu des choses abominables qui m'ont poussé à revoir l'ordre de mes priorités et à faire des choses impardonnables. Mais je reste humain, tout ceci me ravage le cœur, mais craquer ne servirait à rien.

- Ta solution donc, c'est de ne rien montrer ?

- Il suffit de savoir lire entre les lignes Glenn. Montrer ouvertement ma tristesse et mon désarroi n'aideront pas les autres à se relever et reprendre espoir. M'enrager sur la situation ne fera pas avancer les choses. Et je n'ai plus le droit de craquer.

- Pour Cassandra.

- Oui. Pour elle. Elle est...

- Ta vie.

Je souris doucement. Ce n'était pas loin de la vérité. Cassandra était ma toute petite fille, mon adorable bébé. Si elle venait à mourir, comme Sophia, je deviendrais fou. J'avais survécu à la première disparition en gardant l'espoir qu'elle soit saine et sauve. Et cela avait porté ses fruits. Si elle mourait sous mes yeux, je ne m'en relèverais pas.

- Tu es marié?

Je lui montrai mes paumes vierges de toute bague. Aucune trace, même ancienne, ne venait entourer mes phalanges.

- Sa mère...

- Est une immonde salope, l'interrompis-je. J'avais dix-huit ans quand j'ai appris que j'allais être père. Elle en avait vingt-six.

Je lui laissai le temps d'intégrer l'information, la digérer et comprendre l'âge qui m'avait séparé de cette femme. La différence m'importait peu. Il y en avait une plus importante encore entre Daryl et moi. Même si la situation était quelque peu différente.

- Elle voulait avorter. En soit, c'était son droit, seulement... Merde, c'était aussi mon enfant. Tu n'imagines pas le calvaire qu'elle m'a fait endurer et quand j'ai accepté de tout gérer moi-même, de ne jamais la citer, ni de rien lui demander... elle a encore trouvé le moyen de me faire payer mes "erreurs." Trois ans après la naissance de Cassy, elle est réapparue, exigeant d'en avoir la garde.
- Et comment as-tu géré tout ça?

- J'ai pas eu à le faire. Mon frère est apparu et lui a fait comprendre qu'on ne voulait plus d'elle dans notre vie. Nous avions signé des papiers. Tout...

- Et aujourd'hui Cassandra est près de toi. Et tu as Daryl.

J'éclatai de rire. Un rire à la fois triste et lassé. En gros, le genre de rire qui fait mal à entendre.

- Tout comme tu as Maggie.

Et vu sa mine chiffonnée, j'avais compris le motif réel de sa visite.

- Je ne suis pas certain d'être la personne la plus apte à te conseiller Glenn.

- J'ai demandé à Dale, mais il a rien su me dire.

- C'est pas parce qu'il est le doyen de notre joyeuse compagnie qu'il est forcément le plus sage.
- J'en ai un peu parlé à Rick aussi, il m'a dit de foncer.

- C'est ce que je te dirais aussi.

- Mais elle refuse de me parler. Elle m'insulte, me crie dessus... On dirait qu'elle est réglée!

- Glenn... Laisse-lui du temps. Tu es trop pressé. Elle a perdu beaucoup de monde en peu de temps, tu apparais dans sa vie, la sauves, lui proposes affection et protection. C'est une femme fière, laisse-lui le temps.

- Tu as pris ton temps avec Daryl ?

S'il pouvait éviter de comparer sa relation avec la mienne, je lui en serais reconnaissant. J'étais épuisé et mes sentiments ne seraient jamais partagés. Daryl n'était pas le genre de garçon à se lier à un autre mec s'il avait le choix. Je lui offrais ce dont il avait besoin, en plus de confirmer sa virilité en me laissant dominer. Je lui donnais la possibilité d'assouvir ses besoins, même les douloureux, même les sauvages.

- Je n'attendais rien de lui. Je n'attends toujours rien. Je ne prendrai que ce qu'il me donnera, même si ça fait mal. L'amour Glenn, c'est aussi cette totale abnégation de soi pour l'autre.

- Tu... l'aimes à ce point ?

- Tu vas rire... Mais je l'aime plus encore. J'espère sincèrement que jamais tu ne ressentiras un pareil sentiment.

- Pourquoi ? L'amour, c'est la plus belle chose qui puisse arriver non ?

- Là, il me fait essentiellement mal. Maggie viendra à toi. Mais il arrivera un moment où tu souffriras. J'espère que tu auras alors quelqu'un sur qui te reposer, sur qui compter, comme j'ai ma fille pour m'épauler.

- Tu seras là?

Je le regardai un instant, surpris. Je ne m'attendais pas à ça. Nous n'étions pas proches à ce point là tout de même. Je levai la main vers lui, la posant sur sa nuque pour l'attirer à moi. Passé l'étonnement, il se laissa faire et je posai mon front contre le sien, souriant doucement.

- Je serais toujours là pour un ami.

Il fallait évidemment que Daryl passe à ce moment-là devant la demeure. Il nous regarda et malgré la distance, je le vis froncer les sourcils, et je crus voir ses yeux s'assombrir. Je frissonnai et me séparai de Glenn en lui tapotant l'épaule. Il tourna la tête à temps pour voir le chasseur prendre la route des sous-bois me laissant à peine le temps de précipiter à sa suite. Je le rejoignis et il m'adressa à peine un regard. Je soupirai, excédé par son comportement. Je ne savais jamais sur quel pied danser avec lui. Avant de me dire que ma déclaration était peut-être la cause de son tracas.

- T'es avec Glenn maintenant ?

L'attaque était trop grosse que pour l'ignorer. Et tellement... inattendue que je m'arrêtai, clignant un peu stupidement des yeux. Forcément, c'était pas anodin ce qu'il disait. Être avec Glenn. En couple. Parce que le geste que j'avais eu envers Glenn était tendre, chose que je n'avais jamais vraiment offerte à Daryl.

- T'es jaloux ?!

- Non. Tu fais ce que tu veux de tes fesses.

Je trouvais ce coup très bas. Comme si je faisais ça avec n'importe qui. Comme si je n'avais pas essayé, au CDC, de l'arrêter. Au final, j'avais accepté, parce que cela serait probablement la seule fois où je le sentirais à mes côtés, si proche, si tendre. Et maintenant, il osait se montrer jaloux ? Jaloux de Glenn en plus ! Non mais il l'a déjà bien regardé ? Enfin, pas que le petit soit moche ou autre, c'est jusque que... non. Définitivement, non.

- Je peux savoir ce qui te prend ? Tu répètes à corps et à cris que tu ne veux plus voir personne et maintenant tu me fais un caca nerveux parce que je console un ami ?

- Depuis quand tu es pote avec le chinois ?

- En quoi ça peut t'intéresser ? Je te signale qu'on forme un groupe. On doit se serrer les coudes, surtout dans des moments pareils, et je trouve que ton comportement est parfaitement inapproprié. De nous deux, JE suis celui qui a le droit de douter de l'affection de l'autre. Et je ne te fais aucun caprice, aucune réflexion, parce que je SAIS quelle serait ta réaction, parce que je SAIS quels sont tes sentiments.

Il crispa les mâchoires, visiblement peu d'accord avec moi. Mais il ne trouvait rien à dire. Daryl ne trouvait jamais les mots. C'était un homme d'action, quelqu'un qui agit en accord avec ses convictions et là... Il était si non perdu, au moins incapable d'agir. Et j'appréciais moyennement le fait qu'il joue ainsi avec moi. Merde, je lui avais avoué mes sentiments, mais si cela signifiait me priver du contact des autres, autant partir tout de suite ! Ou mettre définitivement les points sur les I.

- Je ne connais pas très bien Glenn. Il est venu à moi pour me poser des questions sur la mère de Cassandra. Puis sur nous.

- Y'a rien entre nous.

Le savoir et l'entendre étaient deux choses différentes. Cela faisait mal, plus encore que de simplement y penser. Pourtant, malgré la douleur dans ma poitrine, malgré ma respiration soudainement coupée, je me forçai à reprendre comme si de rien était.

- Il voulait simplement savoir comment faire avec Maggie.

- La gamine?

- Qui a mon âge. Toujours est-il qu'il voulait des conseils. Je lui ai dit ne pas être le mieux placé, mais j'ai fait mon possible. Et je serais là lorsqu'il aura besoin de moi.

- Y'a rien entre vous?

Je levais les yeux au ciel, blasé. C'était quoi cette conversation !

- Daryl, s'il devait y avoir quelque chose entre quelqu'un et moi, tu serais le seul concerné. Mais comme tu l'as si bien fait remarquer, y'a rien entre nous.

Il se rapprocha de moi et je le défiai du regard. Il pouvait difficilement me faire plus de mal qu'il ne m'en avait déjà fait, mais je ne le laisserai pas continuer sans réagir. Bordel, je n'étais pas une poupée dépourvue de volonté ! Encore que... Il posa ses mains rugueuses contre mon visage, caressa un instant ma mâchoire de ses pouces, ses yeux dans les miens. Hypnotisants. Il se rapprocha, se pencha sur moi et effleura mes lèvres des siennes, doucement, presque timidement. Il passa sa langue sur mon inférieure et faible comme je pouvais l'être avec lui, j'acceptai d'approfondir le baiser, gémissant à son étreinte qui devenait peu à peu possessive. Bordel... Bodel, il avait pas le droit de piétiner mes sentiments avant de les réanimer!

Je le repoussai violemment avant d'abattre mon poing sur sa joue. Il fut surpris du revirement de situation et me fixa comme si un troisième bras me poussait au milieu du front.

- Je ne suis pas un jouet ! Même toi, tu devrais te rendre compte que ce que tu fais est mal ! De quel droit tu dénigres le semblant de relation que nous avons ? J'ai aussi mon mot à dire et entre nous, je préfère rester ton ami plutôt que juste baiser avec toi !

- Ce qui c'est passé au CDC...

- Était un acte isolé et une erreur. Tout comme les baisers que nous avons échangés. J'aurais pu me contenter de nos discussions, de nos disputes. De tout ça... Mais il a fallu que tu...

- Que je quoi ? T'étais pas contre à ce qu'y me semble ! répliqua-t-il hargneux.

- Bien sûr que non puisque je te désirais !

- C'était pareil pour moi !

Je reculai sous le choc, plissant les yeux pour juger de sa sincérité. Daryl était toujours aussi bourru, mail il n'agissait jamais avec moi comme avec les autres. Il faisait des efforts colossaux. Et celui qu'il venait de faire me laissait sur le cul. Du moins qu'il le reconnaisse aussi facilement.

- Tu me fatigues, murmurais-je en me détournant. Mais il me retint par le poignet et me fit venir contre lui, pour passer ses bras autour de ma taille et son menton contre mon épaule.

Je restai crispé, à attendre ce qu'il allait faire. Mais rien, il se contentait juste de me garder contre lui. Comme une preuve de ce qu'il venait de dire.

- Qu'est-ce que tu fais ?

- Tais-toi. J'ai vraiment besoin d'une raison pour vouloir te serrer contre moi ?

- Disons que à ça ne te ressemble pas.

- T'es le seul dont j'accepte la présence. Tu cherches rien de moi, tu ne veux ni mon aide, ni m'emmerder sur mes états d'âme. C'est... reposant.

- J'ai assez à faire avec les miens. Les autres oublient vite que j'ai tué Sophia. Ils régissent comme si c'était normal et ne m'atteignait pas. Le truc, c'est que je n'arrive même plus à dormir sans y repenser.

Il se dégagea et passa son bras autour de mes épaules, nous conduisant jusqu'à son petit campement. En silence, il détacha un lapin de sa corde et le prépara, le fit cuire avec quelques épices sous mon regard étonné, avant de me tendre une écuelle que je pris sans trop en avoir conscience. Il me lança un regard entendu, genre, il avait fait gaffe à ne pas prendre d'écureuil. Comme si un lapin, c'était mieux ! Il a jamais regardé Bambi? Non je déconne. Je commençai à manger tandis qu'il se glissait dans mon dos, ses jambes de part et d'autre de mon corps et ses mains migrant sur mes épaules, commençant des mouvements de ses pouces. Je tournai la tête vers lui, mais il ne semblait pas faire grand cas de mon trouble.

Il continua de me masser, dénouant les muscles avec une douceur que je ne lui aurais pas soupçonnée. En fait, je savais que ce gars était quelqu'un de fondamentalement bon. Il avait juste vécu des choses qui l'avaient forcé à s'endurcir. Je posai ma tête contre son torse une fois mon repas terminé, mon regard figé sur son visage.

- Tu es beau.

Il baissa ses yeux sur moi avec un rictus moqueur et peu convaincu. Mais peu m'importait. S'il fallait que je sois le seul à le savoir beau, le seul à m'intéresser à lui, ça m'allait très bien. Carol était d'ailleurs de trop. Mais Carol plus que n'importe qui d'autre, méritait d'être heureuse. Elle méritait Daryl. Ils se ressemblaient après tout. Avaient vécu les mêmes choses. Vécus avec le même genre de personne. Violentes. Qui rabaissent avec un plaisir malsain. Je passai ma main derrière sa nuque, le forçant à se pencher sur moi. Je passai ma langue sur ses lèvres avant de les mordiller. Il sourit et accepta le traitement, sans rien demander de plus que ce que je lui donnais. Il entrouvrit les lèvres et j'en profitai pour approfondir le baiser. Juste un instant de douceur.

- A quoi penses-tu?

- A toi. A Carol.

- A Carol? Tu veux un plan à trois maintenant?

Je lui enfonçai mon coude dans le flanc et il laissa passer un petit rire. Chose si rare chez lui. Mais sa réflexion entraînait un pincement dans ma poitrine. Le fait qu'il énonce cette possibilité, qu'il ait pu y penser, tout simplement. Que quelque part, il nourrissait un sentiment plus fort que la simple amitié pour cette femme. Je fermai les yeux, laissant mon sourire s'amoindrir, mes mains venant serrer les siennes dans une recherche de... de quoi au juste? Savoir que je n'étais pas seul. Pas pour le moment. Profiter de sa proximité, qui, je le savais, ne durerait pas éternellement.

oOoOo

Tout le monde s'était rassemblé dans le petit salon. Le silence pesait et personne ne semblait vouloir lancer le sujet. Personne ne voulait énoncer l'évidence, dire ce qu'il pensait. Et je refusais, comme eux, de prendre part à cette gigantesque mascarade.

Randall.

Le nœud du problème. Que faisait-on de lui? Ce gosse que le groupe avait sauvé et qui aujourd'hui posait tant de problèmes d'ordre éthique. Pourquoi le sauver si s'était pour le liquider par la suite? Pourquoi le garder en vie, si dans un avenir plus ou moins proche, il pouvait tous nous trahir? Le problème avec les gens trop bon et généreux, c'était qu'ils ne pouvaient regarder en arrière sans éprouver un intense remord. Rick s'était retourné. Il avait vu le gosse. Il avait tenté de l'abandonner... Sans pouvoir s'y résoudre.

Parce que Rick n'était pas un meurtrier.

Je le respectais infiniment pour ça. J'aurais aimé le rencontrer plus tôt, l'avoir pour ami lorsque mon frère était encore vivant. Parce qu'avec cet homme à mes côtés, je savais que j'aurais eu une chance de garder ma famille unie. De rester normal. Rick était un homme fondamentalement bon. Et je le jalousais infiniment pour ça. Je pouvais en vouloir à une personne mauvaise, aimant faire du mal. Mais pas à quelqu'un qui blessait par obligation. Tout le monde comptait sur lui, se reposait sur ses décisions parce que c'était tellement plus facile de s'en remettre à quelqu'un. Et puis de rejeter tout sur sa gueule quand il y avait un emmerde.

Je reportai mon attention sur la pièce, sur la conversation qui semblait enfin s'animer. Comme c'était prévu, Dale refusait de mettre à mort le gosse. Plus étonnant, Glenn n'était pas d'accord avec son ami. Pour une fois, l'asiatique s'éloignait, s'affirmait vraiment. Mais peut-être pas dans le bon sens. Où était son innocence? Sa volonté de garder tout le monde en vie? Justement... Il mesurait les risques. Et temps qu'il y en aurait un, il refuserait de voir le danger s'approcher de nous. Nous avions des enfants à nos côtés. Il avait une femme qu'il aimait. Sa famille. Et pour tout ce beau monde, il ferait tout pour les aider, les sauver. Peu importait le prix. Même si cela signifiait se renier.

Alors quoi? On pendait le gosse? On lui tirait une balle dans la tête? On lui fracassait le crâne avec une pelle, histoire de pas gaspiller de munition? Dale pouvait dire ce qu'il voulait, pourrait faire des pieds et des mains, Randall était condamné. Et le soutien d'Andréa ne lui serait d'aucun secours. Je n'étais même pas de leur côté: si cela n'avait tenu qu'à moi, j'aurais laissé le gosse crever en ville. Je savais que je manquais de plus en plus d'humanité... Mais bon sang... Je ne pouvais faire autrement. Pas après tout ça. Pas après...

Une nausée violente me prit, me faisant presque plier en deux. Pâle, je dus respirer lentement pour chasser le vertige qui me prenait. Oh par tous les saints, comme je me haïssais. Ça faisait longtemps qu'un tel rejet de ma propre personne ne m'avait plus pris. Et Dale qui continuait d'asséner chacun de ses arguments. Des mots durs, remplis de peur, de douleur. Peur que l'on en vienne à assassiner un adolescent, juste parce qu'il était de trop. Comment ce type avait-il pu survivre si longtemps? Il était trop gentil. Il était notre conscience. Et à cet instant, c'était tout ce don j'avais besoin. Puis Rick mit fin aux disputes qui menaçaient d'éclater. Et puis je ne sais pas... Dale partit, le silence se fit, les discussions reprirent et à cet instant, alors que mon malaise refluait doucement, je vis Cassandra nous regarder tous. De son regard clair d'enfant, innocente, fleur encore trop pure. Du moins, je l'espérais.

Je me relevai, moi qui ne savais même pas que je m'étais laissé choir au sol. Et ma fille qui s'approcha, qui tira sur la manche de Daryl, le forçant à se baisser pour se mettre à sa hauteur. Et la gifle qu'elle lui asséna fit autant de bruit qu'elle nous stupéfia. Mon amant se tenait la joue, n'ayant pas mal, vraiment, mais proprement choqué par le geste de la gamine. Je la soupçonnais de l'avoir choisi lui parce que tous savaient qu'elle l'adorait. Et que si elle était capable de lui faire ça à lui, alors il était clair qu'elle aurait pu faire encore pire aux autres si elle avait pu. Aussi petite qu'elle soit, elle montrait sans un mot combien nous avions baissé dans son estime. Puis une phrase, sortie de ses lèvres, choquante. Terrifiante.

- Je préfère encore être toute seule dans la forêt. Je vous déteste !

Parce que les rôdeurs n'avaient pas conscience de leurs actes. Parce que leur cerveau avait grillé. Et que nous, nous agissions en connaissance de cause. En tant qu'humain. Et c'était cela le plus effrayant. Si nous, dernier vestige de l'humanité, acceptions de détruire l'espèce menacée, notre propre espèce... Alors où était l'espoir ?

Je suppose que je dois être d'accord avec elle. Je suppose que je dois m'insurger devant ce que nous proposons, mais je n'y parviens pas, c'est même pour cela que j'ai soigneusement évité de donner mon avis. Je n'ai plus la même considération pour mes semblables et ceux que j'aime, ceux pour qui je voudrais soulever des montagnes, se comptent sur les doigts de la main. Cela ne voulait même pas dire qu'ils étaient dignes de vivre. Ni même que l'on pouvait leur faire confiance. J'en étais conscient, sans parvenir à me raisonner. Je pense que c'est ainsi : quand notre petit organe palpitant décide d'aimer, il envoie chier la raison. Seulement ici, ma raison autant que mon cœur me dictaient d'emporter ce gosse, ce Randall loin et je l'attacher, de le laisser crever. Ou par souci d'humanité, lui endommager le cerveau pour qu'il ne se relève pas.

Je regardai le groupe un instant avant de m'éloigner, ne désirant ni rester en leur compagnie, ni même rejoindre ma petite. Je n'étais pas en état d'affronter cette petite force de la nature, pas la force de commencer à l'interroger sur les raisons de ses réactions, et qui forcément, l'amènerait à expliquer tout ce temps qu'elle avait passé loin de moi. Tant que nous n'en parlions pas, nous pouvions faire comme si rien ne c'était passé. C'était lâche, mais c'était tout ce dont nous étions capables. Puis, naturellement une pensée me traversa l'esprit, un court instant, et le besoin impérieux qui suivit me scia les jambes.

La pensée naturelle que je devais partir d'ici, prendre Cassandra et m'éloigner, réapprendre à survivre, à ne dépendre de personne, redevenir la personne que j'étais avant de me faire recueillir par cette bande de bras cassés. Et probablement aussi m'éloigner du chasseur, afin que l'inévitable ne finisse pas par se produire. Je ne doutais pas un instant que notre association allait se terminer en drame. Il suffisait de regarder les choses en face : plus le temps passait, plus le groupe rapetissait. Viendrait un moment où des explications seront demandées, que cela soit Rick à propos de Lori et Shane, avec en supplément, un bébé de père inconnu, que cela soit Glenn et Maggie et leurs sentiments, ou encore d'une certaine vérité que notre cher leader de Rick se refusait à nous dévoiler. Parce que qu'il savait. Tout comme moi, Rick savait que les hommes morts et sains, finissaient par se relever. Que nous étions tous infectés.

Je me retournai en entendant Andréa arriver. Elle prit place à côté de moi, sur les marches du perron. Elle offrit un instant ses yeux au soleil et je me permis de la regarder. C'était une belle femme. La fatigue marquait son visage, soulignait ses traits. Les événements passés et la vie rude que nous menions creusaient ses joues, mais elle restait… Belle. Absolument pas le genre de femme vers qui je serais sciemment allé. Et je garde en mémoire ce qu'elle avait fait et failli faire à Daryl. Je ne lui pardonne pas et ma promesse tient toujours. En attendant, il me suffit de faire bonne figure.

- Tu n'as rien dit pour défendre le môme.

- J'aurai dû ?

- Ton avis aurait pu changer les choses.

- Ils ont décidé de le tuer ?

- Non…

- Alors j'ai rien à me rapprocher, la coupais-je. Je n'étais pas d'humeur à faire face à sa bonne conscience. D'autant que je savais qu'elle n'était pas ce genre de femme.

- Et si on avait décidé de l'achever ?

- Triste, mais c'est pas mon problème. Je ne le connais pas, je ne lui dois rien, et c'est plus un gosse comme vous vous plaisez à le répéter. Ouais, il est jeune, mais bordel, nous sommes tous jeunes ! Y a plus d'enfants, plus d'adultes, juste des putains d'êtres humains essayant de survivre.

- Donc ta fille est plus une enfant ?

Je laissai passer un petit ricanement parce que l'attaque était trop grosse pour que je tombe dedans. Je voyais où elle voulait en venir, je voyais qu'elle désirait tester mes choix, ma pensée ou quoi que ce soit. Elle tentait de me prendre au piège et je ne comptais pas lui donner satisfaction.

- Non, même si je me plais à penser le contraire. Arrivera un moment où elle pointera une arme sur un Rôdeur. Peut-être même un humain. Arrivera un moment où toute cette merde lui semblera normale, comme cela semble lentement normal à Carl. Comme cela devient normal pour tout le monde.

- C'est que tu penses ? Qu'on va accepter tout ça sans broncher ?

- C'est ça ou crever Andréa. J'ai... Beaucoup voyagé depuis l'épidémie. J'ai été dans quelques groupes et soit ils changeaient, soit ils mouraient. Vous changerez. Vous changerez comme tout le monde est forcé de changer et comme j'ai changé.

Je tournai la tête vers la jeune femme, lui opposant mes yeux. J'ignore ce qu'elle y trouva, peut-être ce qu'elle trouverait dans le regard de tous les survivants aujourd'hui. La souffrance indicible que cette situation faisait naître en tout un chacun, cette fatalité, ce désespoir aussi, parce que chaque jour passe et que jamais rien ne va mieux. Parce que tout ce qui nous attend est la mort et que rien n'est plus vraiment possible. Pas de but... Trouver de la bouffe, un lieu où se reposer... et attendre que tout parte en couille une fois de plus. La lueur dans mes yeux, semblable à beaucoup d'autres, celle qui a trop vu en trop peu de temps et qui jamais n'aurait dû naître. Je me relevai, posant une simple main sur l'épaule de la jeune femme. Pas besoin d'autres mots. Elle avait compris, comme tout le monde comprend, que se voiler la face n'était pas possible. Et qu'il fallait avancer. Toujours.

oOoOooOoOooOoOooOoOo

Étonnant comme tout va rapidement. Les derniers mois avaient été... Comment résumer pareil merdier ? Ne rien expliquer, subir simplement, fermer les yeux le soir et revoir l'attaque, les cris et les morts. Revoir l'incendie et perdre espoir. Perdre de vue toutes les personnes que l'on a appris à apprécier, à aimer, alors même qu'on sait, on SAIT qu'il ne faut plus s'attacher. Que tout n'est que du vent entre nos mains. Et fermer les yeux la nuit, laisser cette même vie qui ne veut plus rien dire, aux mains de quelqu'un qui lentement perd les pédales, comme tout le monde, laisser cette vie entre ses mains parce que cela devient trop difficile de rester en vie tout seul. Que l'union fait la force mais que s'attacher est difficile, parce que les morts s'entassent dans notre tête, hantent nos rêves et pensées.

Lorsque Rick avait déclaré que le groupe n'était plus en démocratie... Lorsqu'il avait dit que c'était accepter ça ou partir... J'avais demandé à Cassandra de faire son paquetage. J'avais moi-même commencé à ranger mes affaires, sous le regard ahuri de tout le groupe. Tout le monde pensait à faire de même, s'opposer à cette dure réalité sans pour autant faire le moindre mouvement. Encore sous le choque de la révélation, ce petit secret que je connaissais déjà. L'infection était en nous tous. Pas besoin de morsure pour se transformer. Nous allions tous devenir des monstres. Mourir et revenir pour bouffer les autres.

Rick ferait de son mieux. Il aiderait à faire avancer les choses. Je me rendais compte à présent qu'il était bourré de défaut, je ne l'aimais pas le moins du monde... mais il avait la force de survivre, avec tout le monde. Lori serait son point d'ancrage, l'enfant à naître, son but. Offrir à son enfant, ses enfants, un endroit sain où grandir. Daryl allait l'aider, parce que c'est ce qu'il fait de mieux. Hershell serait notre médecin... Tout allait bien se passer... Mais je refusais d'aller avec. Pas pour revoir encore nos rêves voler en éclats. Pas quand je sentais profondément en moi que tout allait encore déraper. Alors fuir me semblait la meilleure idée. Puis Beth s'était levée, aidant Cassie à faire son sac, en silence, puis Carole s'était levée, toujours en silence, pour me prendre le bras, le sien venant s'enrouler autour de ma nuque. Une étreinte toute simple mais qui demandait implicitement que je reste.

Sauf que j'en avais plus la force. Je refusais de me réveiller encore une fois le corps en sueur, tremblant sous la terreur. Je refusais de voir le regard de Daryl, avec cette lueur de compréhension. Parfois de regret. Je refusais même de le voir un jour disparaître, et même si cela me crevait le cœur... mieux valait partir maintenant. Avant que je ne fasse une réelle bêtise. Tout le monde était venu nous étreindre... Sauf Daryl... Restant à sa place avec se regard de chien blessé, alors qu'il savait que tout ça... Tout ce que nous avions lentement construit, cette espèce de confiance mutuelle... n'allait pas durer. Parce que plus rien ne dure aujourd'hui. Il savait que je pourrais tout faire pour lui... mais pas mettre en danger la vie de mon enfant. Partir seul de mon côté était suicidaire selon eux... Sauf que j'avais survécu seul longtemps. Tellement longtemps que cela me semblerait naturel de recommencer. Avec Cassie à mes côtés, cela allait peut-être être plus difficile... mais pas impossible.

- Viens avec nous...

Ma demande avait été entendue par tout le monde et tout le monde regardait Daryl, s'attendant à ce qu'il bouge, personne n'étant assez naïf que pour ignorer l'espèce d'attachement qui nous liait. Mais un geste, un seul de sa part... me suffit comme réponse. Il détourna la tête. Et j'avais donc repris ma route, la main de Cassandra dans la mienne, faisant fi de la nuit tombée, suivant le chemin de terre, m'enfonçant dans la nuit. Et bientôt le silence se referme également, bientôt plus rien n'a d'importance, hormis ce vide total que je ressens, l'impression de sombrer et que plus jamais je ne verrai la lumière du jour. Comment est-on censé vivre avec nos choix ? Comment est-on censé avancer alors que tout va si mal, qu'on laisse tout derrière, sans un regard en arrière, parce qu'on sait que si on se retourne, toute force nous quittera et qu'on ne pourra simplement plus faire un pas... Et laisser ce vide m'envahir est si simple, laisser cette impression de suffoquer m'étreindre, jusqu'à me prendre à la gorge, aux tripes, et que tenir debout devient impossible...

A genoux, je laissai Cassandra venir se lover contre moi, me prendre dans ses petits bras, tenter d'endiguer le flot qui menace de me submerger, sans succès. Peut-être est-ce aussi ça la force... Pleurer pour ceux que l'on aime, pour ceux qui restent mais qu'on ne reverra pas. Pour une vie que l'on aurait pu avoir, mais qu'on a choisi d'écarter.