Premier chapitre de ce qui devait être un simple petit Os et qui s'est finalement transformé en vrai fanfiction !
J'espère que ça vous plaira !
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Chapitre 1 : Parce que rien ne se passe comme prévu…
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Une dernière fois, Kévin porta son regard sur les murs blanc et la pièce vide. Un regard mélancolique, un peu triste mais surtout très émus. Cet appartement représentait tellement de choses pour lui. Depuis qu'il était arrivé sur Paris chacun des appartements qu'il avait habités avait marqué des étapes importantes de sa vie. Son amitié avec Laura, sa mise en couple avec Yann, sa rupture aussi brutale que prévisible avec ce dernier et aussi leur remise en couple, leur vie à deux… et leurs mensonges nappés de non-dits et d'incertitudes. Dans chacun d'eux il avait eu autant de bonheur que de tristesse, de colère et d'amour.
Mais celui-ci était particulier, plus que les autres. C'était l'endroit où il avait pansé ses plais. Son cocon rien qu'à lui, qui lui avait permis de se reconstruire, de commencer une nouvelle vie. Ces murs avaient été les gardiens de sa souffrance et de ses désillusions, ils le resteraient à jamais. Jamais aucune autre personne n'avait passé la porte de cet endroit. Pas une seule fois. Et jamais il n'avait ressenti le besoin ou l'envie que quelqu'un le fasse. Cet appartement n'était rien qu'à lui. Même vide il lui paraissait encore tellement parfait. Parfait pour lui.
Pourtant, il était aujourd'hui temps pour lui de passer à autre chose, encore une fois. A vrais dire rien ne l'obligeait réellement à partir. Beaucoup de ses camarades possédait un appartement, en plus de leur quartier à la base. Mais cette mission lui avait semblait être une bonne occasion. Celle qu'il attendait en fait.
Parce qu'après quatre ans passés ici, il était prêt.
Prêt à quitter le nid se serait moqué sa mère, pensa le jeune homme dans un sourire.
Sa mère, il l'adorait. Même maintenant qu'elle n'était plus parmi eux… Un cancer, stupidement. Pour une femme qui n'avait jamais fumée, ni abusait de l'alcool ou d'autres cochonnerie du genre. Il avait fallu que ça tombe sur elle. Bah, il avait fait son deuil maintenant. Si pendant un temps il ne pouvait même plus penser à elle sans avoir les larmes aux yeux c'était fini maintenant. Il ne restait que les bons souvenirs. Son enfance rayonnante, que l'ombre de son père alcoolique ne parvenait plus à assombrir.
Et dire que c'était à cause de cette maladie qu'il était revenu en France. Enfin une excuse que Tiago avait été obligé d'accepter. Comme s'il avait pu faire autrement.
Tiago, un mec aussi canon que con et décevant ! De ça aussi il avait fait son deuil. Cette relation qui n'avait duré que quelques mois mais qui lui avait ouvert les yeux sur pas mal de choses. Des choses importantes.
Du Mexique, il ne gardait qu'un souvenir mitigé. Il y faisait chaud, c'était un pays pauvre et il était loin d'être préparé à se prendre toute la misère du monde en pleine gueule quand il avait décidé d'aller retrouver Tiago là-bas. Lui, l'homme qui détestait la violence comme personne, il s'était retrouver à serrer les points de rage devant la connerie dont il avait pu faire preuve. Comme un con il avait pensé que sa vie était pourrie à un point pas possible. Après avoir croisé le regard vitreux et vide d'un gamin de trois ans, plus maigre qu'un sandwich SNCF, dans les bras de sa mère en train de faire la manche, il avait cru vomir d'horreur. Comme il avait pu s'en vouloir d'avoir été si naïf…
Et Tiago, l'innocent garçon qui ne voyait rien de tout ça. L'aventurier, le voyageur intrépide qui ne cessait de s'extasier devant la beauté des paysages et qui restait pourtant de marbre face à cette misère déplorable.
A peine arrivé dans ce foutu pays qu'il aurait voulu remonter dans ce putain d'avion. Rentrer en France rejoindre sa mère, s'installer à Biarritz, se trouver un boulot sympa… Se refaire une vie là-bas.
Dommage pour lui mais comme toujours il n'avait pas eu les couilles de faire de la peine à quelqu'un. Déjà à moitié mort de l'intérieure, il n'avait pas voulu décevoir son amant. Petit surfeur à la con… Il le savait maintenant, Tiago était loin d'être fait pour lui. Tirer un coup, pourquoi pas. Se mettre définitivement en couple avec lui ? Il était bien content de pas l'avoir fait trop longtemps.
D'ailleurs Tiago s'était rapidement rendu compte de son humeur plus que morose, de ses coups de gueules qui lui ressemblaient tellement peu et de ses regards lointains, comme déconnecter de la réalité. Avec la force du désespoir le blond s'était raccroché à lui. Kévin l'avait laissé faire, il s'était laissé convaincre qu'il leur fallait du temps.
Du temps… C'est vrai qu'il en avait fallu. Mais pas pour eux, juste pour lui.
L'appel de sa mère qui lui avait annoncé sa maladie l'avait sortie de morne routine. Comme un seau d'eau glacé qu'on lui aurait balancée à la figure… Qu'est-ce qu'il faisait là ? Il n'avait tellement rien à y faire…
Il ne lui avait pas fallu longtemps pour boucler sa valise et acheter son billet d'avion, à peine une heure en fait. Sous le regard médusé de Tiago, qui n'en revenait pas de le voir partir aussi facilement. Kévin le quittait sans aucune hésitation, sans même lui demander s'il voulait venir avec lui, alors que l'ex flic avait mis tellement de temps avant de se décider à larguer son ancien mec, ce Yann.
Il ne s'imaginait pas une seconde qu'entre lui et Yann, Kévin n'avait jamais vraiment hésité. S'il n'y avait pas eu ce petit blondinet trop dragueur, il ne serait de toute façon plus en couple avec Yann. Ils avaient beau s'aimer, ils n'étaient pas faits pour être ensemble. Kévin avait voulu y croire, sincèrement. Mais ils n'attendaient définitivement pas la même chose d'une relation à deux. Jamais Yann n'aurait été capable de lui donner ce qu'il attendait vraiment : une vie à deux sans mensonges, sans secrets. Il l'avait compris quand il avait découvert la supercherie à propos de son bras. Trop orgueilleux, trop fier de lui pour avouer qu'il n'était plus à la hauteur, qu'il s'était fait viré du terrain, Yann lui avait mentit et c'était déjà le début de la fin… malgré ça Kévin avait essayé, le mariage et tout ça… Mais il avait bien dû se l'avouer : il se sentait rongé de l'intérieure par toutes ces conneries.
Alors Tiago s'était pour ainsi dit trouvé au bon endroit au bon moment. Ça avait été une occasion pour lui de s'échapper. Une occasion de laisser derrière lui cette relation presque malsaine, une bonne fois pour toute avait-il espéré. Mais son cœur s'était montré plus que récalcitrant. Il lui avait fait payer sa décision. Comme une plaie à vif, il lui avait rappelé à chaque minute, à chaque seconde, la douleur qu'il avait infligé à l'homme qu'il aimait en le trahissant avec un autre. Un surfeur en plus…
Décidément, se dit Kévin en glissant les clés dans la serrure de son appartement pour fermer la porte une dernière fois, il avait du mal avec le fait que Tiago soit un adepte de surf aujourd'hui.
Il ne devait plus pensez à tout ça, se morigéna-t-il en empoignant son sac d'une main sûre. Il devait être à la base dans moins d'une heure et il lui restait encore à rendre ses clef au proprio, alors il ne devait pas traîner.
Il sortit dans la rue, sans faire attention aux regards visiblement séduits que les jeunes femmes posaient sur lui. Après tout il était belle gueule et il le savait, son corps avait tout d'une statue grecque (en mieux) alors pas de quoi s'étonner à ce que la gente féminine se retourne sur son passage (même s'il était évident qu'elle n'avait aucune chance avec lui). Et puis il y avait le prestige de l'uniforme…
Un militaire, ça attire toujours les regards.
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Quarante-cinq minutes plus tard, il garait sa voiture sur le parking de la base. A peine avait-il sortit son sac et claqué la portière, qu'un homme sortie de sa voiture et s'approcha de lui. Il n'eut aucun mal à le reconnaître, même de loin. Une silhouette agréable, des yeux bleus à se damner, un sourire franc et absolument craquant imprimé en permanence sur son visage. Et surtout, surtout, un cul à faire bander n'importe qui, même un hétéro… enfin presque. Et que dire du treillis parfaitement ajusté qui mettait en valeur une virilité tout ce qu'il a de plus charismatique en plus de son physique de rêve. Et comme si ça ne suffisait pas il était loin d'être con.
Dommage que cette beauté soit inaccessible… Pas que ce mec soit hétéro, enfin si, il l'était certainement, mais ce n'était pas le principale souci. C'était juste que dans n'importe quel boulot, et en particulier dans le sien, c'était plutôt mal vue de se taper son supérieur hiérarchique. Il avait déjà fait la connerie avec Yann et heureusement pour eux, ils ne s'étaient jamais retrouvés dans le même service sinon ça aurait été drôle à gérer tient…
_ Sergent, salua l'homme en arrivant à sa hauteur, le sortant de ses pensées par la même occasion.
_ Major, retourna-t-il en se redressant dans une vague esquisse de garde à vous que l'autre balaya d'un vague signe de la main.
_ Pas de formalité aujourd'hui, Laporte. Comment vous sentez vous ? C'est votre première mission en dehors du territoire. Et on nous envoi pas dans le coin le plus calme de cette fichue planète.
_ Sûr Major, confirma Kévin en se saisissant de son sac. Mais quel intérêt y aurait-il à se rendre là où il ne se passe rien ?
Son supérieur laissa échapper un petit rire en reprenant son chemin, lui faisant signe de le suivre.
_ Vous avez raison, mais ça ne change rien aux faits. On risque gros sur ce coup, vous, moi et tous les hommes. La plus part d'entre eux sortent tout juste de l'entrainement.
_ Oui et votre second n'est pas aussi expérimenté que vous l'auriez souhaité, sourit Kévin sans gêne, sur que son supérieur et ami saurait prendre ces paroles pour ce qu'elles étaient et non pas une insubordination de sa part. Ils s'étaient déjà côtoyés par le passé et se connaissaient assez l'un l'autre pour se permettre quelques écarts de conduites.
Son interlocuteur resta silencieux un instant, semblant réfléchir à la réponse qu'il allait lui donner.
_ J'avoue que je me suis un peu inquiété quand on m'a annoncé que vous feriez parti du voyage. Vos états de services et vos résultats de sortie de l'école de sous-officier sont des plus remarquables… mais il est vrai que vous êtes dans l'armée depuis quatre ans seulement. C'est peu pour une mission au moyen orient. Mais je vous connais et je sais que vous avez fait partie de la police avant d'échouer ici.
Kévin le regarda, surprit qu'il sache pour ses années de services au sein de la DPJ. Pas que ce soit un secret, mais ils n'en avaient jamais discuté. Il n'aimait pas particulièrement parler de cette période de sa vie. Même s'il y avait eu d'excellents moments, notamment avec ces collègues et amis à qui il pensait régulièrement, aujourd'hui encore. Il en venait toujours à penser à Yann et il préférait éviter. Il était revenu habiter dans la capitale après la mort de sa mère, parce qu'au final il avait fini par s'y sentir chez lui. Mais il n'avait jamais repris contact avec ses amis. Il avait voulu se construire une nouvelle vie et même en sachant que cela était injuste pour eux, il savait qu'il devait le faire seul.
Son entrée dans l'armée c'était faite presque naturellement. Il lui avait suffi de tomber sur une de ces Pubs minables envoyées par le gouvernement pour que l'idée germe dans sa tête et ne le lâche plus. Lui qui prétendait ne pas supporter la violence, il s'était retrouver catapulter dans un monde de brutes en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire. Et contre toute attente il s'y était sentit plus que bien, à l'aise comme un poisson dans l'eau. Mieux que dans la police même.
Remarquant sans mal son air circonspect, son supérieur cru bon d'ajouter :
_ Je me suis renseigné sur vous, comme sur chacun de mes hommes d'ailleurs. J'aime savoir à qui j'ai à faire. Autant vous le dire franchement, je ne m'attendais pas à trouver un ancien lieutenant de police dans le tas de dossiers qu'on m'a refilé. Et c'était d'autant plus une surprise de savoir que c'était de vous qu'il s'agissait. Mais ça explique aussi pas mal de choses. Vous êtes un excellent militaire, Laporte. Vous savez suivre les ordres et en même temps prendre des initiatives quand le moment s'y prête. C'est rare de rencontrer des hommes capables de faire la part des choses comme vous le faites…
_ J'ai eu de bons professeurs, indiqua Kévin en se rappelant des coups de gueules de Franchard et Duval à chacune de ses bourdes. Et dieu sait qu'il y en avait eu…
_ Faites-moi pensez à remercier ces hommes si je les rencontre un jour. Et ne me décevez pas dans les semaines à venir. Comme je vous l'ai dit on va avoir pas mal de bleus à gérer, je vais avoir besoin de vous. Je suis votre supérieur hiérarchique direct, et ça fait de vous mon second. Je dois pouvoir compter sur vous pour que tout le monde rentre en entier au pays.
_ Je ferais ce qu'il faut, assura Kévin sans la moindre hésitation.
Ces dernières années passées entre l'entrainement, les cours de l'école d'officier et de longues discussions avec ses instructeurs, lui avait permis de prendre de l'assurance.
_ Bien, acquiesça le capitaine en pénétrant dans la base.
_ Major Guillon, appela un soldat en s'approchant d'eux. Le commandant vous demande.
_ Bien merci, répondit le Guillon en question. Laporte, on se retrouve en salle de briefing d'ici quinze minutes, le temps que tout le monde arrive, dit-il en se dirigeant vers le de bureau de son propre supérieur.
_ A vos ordres, Major…
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Deux ans plus tard.
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Quelqu'un frappa à la porte. L'homme assis derrière le bureau se redresse calmement, soufflant de dépit. Lui qui croyait avoir quelques secondes de répits à s'accorder… Il était crevé ! Et dire qu'on était censé s'assagir en vieillissant… Quelque chose avait dû louper dans son cas. Il avait trente-trois ans maintenant et même si c'était loin d'être vieux, il n'en restait pas moins que la majorité des personnes de son âge qu'il connaissait ne passaient pas les deux-tiers de leurs soirées en boîtes à danser jusqu'à l'aurore et le tiers restant à bosser sur des affaires urgentes. C'était plus de son âge, il allait devoir ralentir un peu le rythme, se dit-il en se frottant les yeux.
Quelques coups supplémentaires à la porte lui prouvèrent que l'importun n'était visiblement pas décidé à abandonner. Capitulant, l'homme pria pour que l'affaire soit rapidement réglée avant d'inviter l'indésirable à entrer :
_ Major Laporte, je peux vous parler ?
Kévin, car c'était bien lui, fronça les sourcils en reconnaissant l'un de ses hommes. Son unité était rentrée la semaine dernière d'une mission à l'étranger et ses hommes avaient tous mérités une permission. Aucun d'eux n'aurait dû revenir avant le lendemain.
_ Morin ? Qu'est-ce que vous foutez ici ? J'avais dit repos pour tout le monde jusqu'à demain…
_ Pas pour tout le monde, si je puis me permettre Major, puisque vous êtes là…
Kévin sourit avant d'inviter le soldat à s'assoir. Morin était l'un de ses derniers bleus en date mais il n'était pas du genre à déranger les gens pour rien et il y avait quelque chose de bizarre dans sa façon de se tenir qui l'inquiétait.
_ Qu'est-ce que je peux faire pour vous ? reprit Kévin en se penchant vers l'avant, les coudes posés sur son bureau.
_ C'est que… Enfin, c'est assez compliqué. Je ne sais pas vraiment si je dois vous en parler mais…
Perplexe face à l'attitude plus qu'étrange du jeune homme, le capitaine fronça les sourcils.
_ David, interpella-t-il en utilisant le prénom du soldat cette fois. Vous pouvez me parler, reprit-il une fois qu'il eut attiré l'attention du soldat.
_ Je sais mais…
_ Rien de ce que vous direz ne sortira de cette pièce si c'est ce qui vous inquiète.
_ Mmh… Bon, je me lance. J'ai entendu des rumeurs à votre sujet…
_ Des rumeurs ? questionna Kévin bien qu'il sache parfaitement de quoi il voulait parler.
Ce n'était pas le premier à venir le trouver dans son bureau pour lui parler de ça.
_ Comme quoi vous seriez… enfin vous savez…
Face au silence de son supérieure David se demanda une nouvelle fois s'il avait bien fait de venir lui parler. Inspirant un bon coup pour se donner du courage, il finit par se lancer :
_ Les gars disent que vous êtes… gay.
_ Bien Morin, ce petit mot ne vous aura pas mangé finalement, se moqua Kévin en se levant pour venir s'appuyer contre son bureau, juste devant le soldat.
_ Est-ce que c'est vrai ? demanda le soldat en faisant un effort pour le regarder dans les yeux.
Son chef ne lui était pas encore tombé dessus et son visage décontracté, presque souriant, le laissait espérer que ces questions ne le gênaient pas comme il l'avait redouté.
Effectivement, Kévin trouvait tout cela plutôt amusant. A chaque fois qu'un homme intégrait son unité il pouvait s'attendre à le voir débouler dans son bureau dans la semaine qui suivait son arrivée, pour le confronter aux rumeurs qui couraient à son sujet. Il n'avait jamais caché son homosexualité, même s'il ne l'étalait pas au grand jour non plus.
Il avait suffi que l'un de ses hommes le surprenne un an plus tôt an galante compagnie à la sortie d'une boîte de nuit pour que toute la base soit au courant. Le lendemain matin, il était convoqué chez le commandant pour soi-disant répondre de ses actes. Il y était allé sans stress, sur de son bon droit. A peine dix minutes plus tard il était de retour dans son propre bureau, satisfait de voir que tous les militaires n'étaient pas des homophobes arrivistes dopés à la testostérone. Le commandant lui avait bien évidement conseillé de ne pas trop étaler ses préférences, mais à part ça il n'avait fait que l'assurer de son soutient et sa complète indifférence quant à ses préférences sexuelles.
Au fil des années, ce petit rituel avait fini par l'amuser plus qu'autre chose. La plus part de ses hommes connaissaient parfaitement sa réputation, la majorité de son unité avait même demandée à être mutée sous ses ordres. Il était réputé pour être juste et excellent chef d'équipe. Il ne foirait pratiquement jamais une opération et avait même gagné auprès de son commandant le droit de sélectionner lui-même ses hommes. Pas de mutations intempestives chez lui. Si ses supérieurs voulaient des résultats il était hors de question qu'ils lui refilent des incapables. Il n'avait rien contre les bleus, il appréciait même de les former en générale, du moment qu'ils avaient un minimum de jugeote et de savoir vivre. Soldat ne rimait pas forcement avec gorille stupide !
Si bien qu'il avait fini par se forger une petite réputation.
La plus part du temps il ne faisait que confirmer son homosexualité et les choses se terminaient comme ça à partir du moment où le nouvel arrivant remarquait que les autres membres de l'unité n'accordait pas d'attention particulière à la sexualité de leur patron. Il y avait bien eut quelques moments de gêne, notamment au moment des douches, les rares fois où leur chef l'avait prise en même temps qu'eux. Mais cela relevait plus de l'anecdote qu'autre chose.
Quelques hommes lui avaient tenu tête un moment, visiblement incapable de concevoir qu'un capitaine de l'armée, aussi réputé et apprécié que lui par ces hommes, puisse être gay. Pour cela il avait suffi d'enfoncer un peu plus le clou et les choses avaient finit pas se tasser.
Pour d'autres en revanches… il se souvenait d'un homme en particulier, homophobe jusqu'au bout des ongles. Et n'acceptant visiblement pas de recevoir des ordres de la part d'une « tapette ». Autant dire que Kévin n'avait pas apprécié l'insulte. Sans hésitation et devant l'intégralité de l'unité il avait fait payer son insubordination au petit con. A coups de poing, pour lui prouver lequel des deux était le plus forts. Personne n'était intervenu. Les hommes tenaient à leur chef et il avait prouvé sa valeur en tant que tel. Pour eux c'était la seule chose qui avait de l'importance et jamais aucun d'entre eux ne se serait avisé de le critiquer sans raison, surtout à propos de son homosexualité.
Quand il en avait eu finis avec lui, le pauvre homme n'en menait pas large. Celui-ci n'avait même pas cherché à se plaindre auprès du commandant, et en voyant le regard quelque peu désobligeant des gars de l'unité posés sur lui, il avait finis par lâcher prise.
Lambert, qu'il s'appelait. Ce même Lambert qui se trouvait être aujourd'hui l'un de ses meilleurs hommes et l'un de ses plus fervent défenseur aussi. Le premier qui l'ouvrait pour critiquer le major Laporte devant lui s'en prenait plein les dents dans la minute. Comme quoi, il ne fallait pas désespérer de faire entendre raison aux gens.
Evidement quelques-uns ne s'était jamais fait à l'idée de travailler avec un Homo. Sans rancune et malgré le fait qu'il leur ait bien fait comprendre auparavant qu'homo ne rimait pas avec tafiole, il leur avait offert de les muter dans une autre unité.
Kévin regarda David bien en face, essayant de deviner dans quelle catégorie le plus jeune allait se placer. Il fut surpris de trouver dans ce regard, en plus de la curiosité un infime éclat de peur qui lui fit froncer les sourcils :
_ Oui, Morin. Je suis effectivement gay, finit-il par lâcher en croisant les bras, le défiant d'avance de faire la moindre remarque désobligeante.
Surpris il constata que Morin semblait réellement… soulagé de cet aveux.
_ Maintenant que vous le savez, dites-moi ce qui vous pose encore problème ?
_ Non, ce n'est pas que…
_ Morin, s'exaspéra Kévin. Ne me prenez pas pour un abruti s'il vous plaît. Je risquerais de très mal le prendre, croyez-moi.
Le dit Morin se crispa sur sa chaise, visiblement peu rassuré par l'éclat de voix de son chef. Honnêtement il n'avait aucune envie de le mettre en rogne. Surtout que de ce qu'il en savait le major hésitait rarement à remettre les gens à leur place. Pas seulement par la force, ces mots aussi pouvaient être très durs.
_ Bon, ok. Je voulais savoir parce que… moi aussi je suis gay, avoua le soldat en plantant son regard dans celui de Kévin.
Ce dernier resta muet un instant, clairement surpris par cette annonce. Et troublé aussi. Ok, l'un de ses hommes venait lui avouer qu'il aimait les hommes après s'être assuré que c'était aussi son cas… Ça voulait dire quoi ça ? Qu'il voulait sortir avec lui ? Valait mieux pas que ce soit ça parce qu'il risquait d'être déçu. Lui-même n'avait jamais avoué son attirance à Guillon, même quand toute la base avait appris qu'il était attiré par les hommes. Il avait pris la place de son chef à la tête de l'unité et celui-ci avait été promu. Ainsi ils entretenaient toujours une relation de supérieur à subalterne, même s'ils ne s'embarrassaient plus des formalités depuis longtemps.
Sa règle de ne pas coucher avec un supérieur marchait dans les deux sens : il ne comptait pas coucher avec l'un de ses hommes. Pas pour une simple histoire de cul en tout cas. Bonjours la galère après…
_ Je suis très content pour vous, finit-il par répondre. Mais j'aimerais savoir en quoi cela me concerne-t-il…
_ Je voudrais un conseil de votre part.
La voix du jeune homme était déjà bien plus assurée maintenant qu'il avait lâché sa bombe et qu'elle ne lui avait semble-t-il pas éclaté au visage.
_ Un conseil à quel propos ?
_ Il y a un mec… une espèce d'abruti, je connais pas son nom et d'ailleurs je ne sais même pas à quoi il ressemble. Mais il m'a chopé à la sortie d'une boîte de nuit hier soir et il m'a clairement fait comprendre que dans l'armée on acceptait pas les gens comme moi…
_ Les homosexuels vous voulez dire ? devina Kévin.
Cette histoire ne lui disait rien qui aille. Il s'y connaissait suffisamment en matière de violence homophobe pour s'inquiéter de ce qui arrivait au soldat en face de lui, qui était soi dit en passant, sous sa responsabilité.
Morin hocha la tête avant de reprendre son récit :
_ Il m'a un peu malmené mais comme il était tout seul j'ai réussis à répliquer. Je crois que je lui ai bien amoché la face mais il faisait noir alors honnêtement je ne suis sûr de rien. Bref tout ça pour dire qu'il a fini par détaler. En oubliant pas de me dire que lui et ses copains allaient finir par m'avoir…
_ Vous n'avez strictement aucune idée de qui ça pouvait bien être ? demanda Kévin en comprenant maintenant pourquoi l'homme se tenait bizarrement.
S'il s'était fait passé à tabac la veille, pas étonnant qu'il y ait encore quelques positions inconfortables pour lui.
_ J'en sais rien, confirma le jeune homme en passant une main sur son visage, visiblement irrité par toute cette histoire. Le truc c'est qu'il avait l'air de savoir que j'étais dans l'armée et même dans quelle unité j'étais. Alors…
_ Vous pensez qu'il fait peut-être parti de l'armée ? Qu'il bosse à la base ?
_ Ça serait logique. Vous savez j'ai pas vraiment de famille alors à par mes amis qui, étant eux-mêmes gay n'ont aucun intérêt à venir me tabasser, je vois pas qui d'autre pourrait le savoir.
Faisant claquer sa langue d'agacement face à cette situation plus que contrariante de son point de vue, Kévin retourna s'assoir derrière son bureau. Il plaqua ses mains l'une contre l'autre, comme il le faisait toujours quand il réfléchissait, et ferma les yeux pour se calmer un peu.
_ Je voudrais savoir ce que vous me conseillez de faire, dit Morin une infime lueur d'espoir au fond des yeux.
_ Le problème, articula Kévin sans ouvrir les yeux, c'est que vous n'avez aucune preuves de ce que vous avancez et que personne n'ouvrira d'enquête au sein de la base sur des suppositions aussi maigres. Ce n'est pas le genre de la maison, dit-il sur un ton désabusé.
_ Je sais ça, s'énerva Morin. Moi ce que je veux savoir c'est comment vous vous faites pour être aussi respecté malgré vos préférences. Tout le monde ici vous traite comme un officier méritant et promis à une belle carrière. Alors comment vous faites ?
Kévin sourit avant de se pencher en avant, faisant signe à l'homme en face de lui de faire de même, comme s'il allait lui dire un secret :
_ Le premier qui ose ouvrir sa grande gueule devant moi, je lui fais bouffer la poussière tellement fort que son petit orgueil de mâle sûr de sa virilité se retrouve enfoncé bien au fond de sa gorge. C'est très efficace. Surtout que les militaires ont souvent la tête dure, il faut taper fort.
_ Mmh, mais ça va pas m'aider ça… S'ils reviennent à plusieurs pour me faire la peau je risque de pas m'en sortir indemne.
_ Vous avez raison, confirma Kévin en se rappelant de ce qui était arrivé à Yann. Et puis de toute façon, même si vous saviez qui vous avez fait ça aucune enquête ne pourrait être ouverte puisque ça s'est passé en dehors du cadre de votre travail. Vous étiez en permission, pas sur la base…
_ Alors quoi ?! s'énerva Morin, visiblement déçu que son capitaine ne tire pas une solution de son chapeau magique pour lui arranger le coup. On laisse faire et si un jour je me retrouve au fond d'un caniveau ce sera tant pis pour moi ? C'est ça que vous voulez dire ?!
_ Faite attention à la façon dont vous me parlez, soldat, prévint Kévin.
Il comprenait que Morin soit sur les nerfs mais il n'était pas du genre à accepter que l'on se défoule sur lui. Consoler, aider, et tout ça d'accord. Il n'y voyait aucun problème, il était plus du genre à savoir gérer une personne complétement à bout qui fond en larmes plutôt qu'à supporter un mec qui s'excite sur tout ce qui bouge parce qu'il ne sait pas se contrôler.
_ Désolé Major, s'excusa le soldat en reprenant véritablement conscience de celui à qui il s'adressait. C'est juste que…
_ Je comprends, affirma Kévin. Et je ne voulais pas dire qu'il n'y a rien à faire. Etant donné que ça s'est passé en dehors de la base, vous avez tout à fait le droit de porter plainte, simplement.
_ Quoi ? Vous croyez sincèrement que les flics en auraient quoi que ce soit à faire de mon histoire ? Un pauvre homo menacé de se faire tabasser ? Je suis sûr que s'ils pouvaient ils ne se priveraient pas de participer à la fête eux aussi.
_ Vous êtes un peu sévère. Vous savez que s'il y a des homos, comme vous dites, chez les militaires, il y en a aussi chez les flics. Evitez les généralités.
_ Ouais, peut-être…
Mais Morin semblait être très loin de le croire. Kévin se doutait bien de ce qu'il allait être obligé de faire. Apparemment David ne se déciderait pas facilement à aller voir la police. A moins qu'il puisse lui assurer que les flics qu'il irait voir le prendrait au sérieux. Mais l'enquête allait certainement les mener jusqu'ici, sur la base. Et forcement ils allaient vouloir lui parler à lui, puisqu'il était le supérieur de Morin.
Bah peut-être qu'il était temps de renouer avec son passé maintenant. De toute manière c'est pas comme s'il les avait vraiment perdus de vue. Malgré les années il s'était tenu informé de ce que ses anciens collègues devenaient. Certains avaient quitté le commissariat, ils avaient été mutés comme Lyes ou Mercier, d'autres avaient définitivement quitté la police pour se consacrer à leur véritable passion (entendons par là Christophe évidement, toujours aussi fasciné par les moufettes celui-là). Mais les autres étaient restés, fidèles au poste. Alex, toujours en couple avec Amy, était resté un simple flic. Il n'avait pas cherché à monter les échelons, se satisfaisant de son poste et de la liberté que celui-ci lui accordait. C'était devenu un bon flic d'après ce qu'il savait. Amy était passée lieutenant évidement et serait certainement montée en grade d'ici peu. Duval et Franchard, malgré toutes leurs années de services n'étaient semble-t-il pas décidés à raccrocher leur veste. Et bien sûr le commissaire qui avait pris la place de Mercier… celui qu'il redoutait le plus en fait. Ce petit con avait réussi évidement. Malgré tout ce qu'il avait bien pu dire à l'époque il avait toujours était évident pour Kévin qu'il l'aurait ce putain de concours.
Yann Berthier, commissaire de la DPJ.
Eh merde, il allait devoir faire face à pas mal de ses démons… Mais Morin était sous sa responsabilité et même sans ça il se devait de l'aider. Parce que malgré sa carrière militaire et son grade de major, il restait encore un peu de ce petit lieutenant stagiaire de la DPJ, tout droit débarqué du pays basque dans le fond de son cœur. Une part de lui restait flic. Et un bon flic fait toujours ce qu'il doit. Peu importe les conséquences et les emmerdes qui lui retombent dessus. C'était une leçon qu'il n'avait jamais oublié.
_ Bien, Morin. Je vais vous donner le nom d'un flic qui pourra vous aider. Je le connais bien, c'est un bon flic ok ? Vous pouvez lui faire confiance, dit Kévin en tendant un post-it sur lequel il avait inscrit l'adresse de son ancien commissariat et le nom d'Alex.
_ Vous êtes sûr ? Major c'est pas que je doute mais…
_ Morin, faites ce que je vous dis. Allez le voir et s'il n'est pas disponible demandez à parler à Duval ou Franchard. Je peux vous jurer que vous n'aurez à subir aucun préjugé compris ? Je les connais, répéta encore Kévin.
_ Ok, capitula le soldat en se levant. Merci major…
_ Vous pouvez y aller, accorda Kévin avant qu'il ne pense à quelque chose et le retienne de justesse :
_ Vous avez dit que vous vous étiez battu avec ce type…
_ Exacte, confirma David qui ne voyez pas trop où il voulait en venir.
_ Vous avez pris quelques mauvais coups pas vrais ? Et je suppose que vous n'avez pas été à l'hôpital faire soigner ça.
_ Euh non pas vraiment…
_ Vous devriez y aller. Vous reprenez le service demain et les entrainements qui vont avec. Je ne peux pas vous en dispenser si vous n'avez pas un certificat.
_ C'est que… j'ai un infirmier à domicile ? marmonna David en rougissant.
Kévin comprit immédiatement : son copain. Pratique ça, avoir quelqu'un pour soigner les bobos quand on est militaire…
_ Et je suppose que vous serez assez en forme demain dans ce cas ?
_ Si je force pas trop, répondit le soldat visiblement irrité de ne pas pouvoir répondre par un « oui » tout simple.
Surement le petit copain infirmier qui faisait preuve d'autorité sur son patient.
_ Alors c'est bon pour moi, accorda Kévin en essayant de masquer son sourire amusé. Et allez au commissariat dès aujourd'hui. Plus vite vous irez les voir, plus vite je pourrais recommencer à dormir sur mes deux oreilles et vous aussi par la même occasion. On a aucune mission de prévu pour l'instant alors profitez en avant qu'on nous renvoi je ne sais trop où pour une durée indéterminée.
_ A vos ordres major ! salua David.
Kévin s'avachit sur son fauteuil une fois l'homme sorti de la pièce :
Il était grave dans la merde !
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Voilà c'est fini !
La fiction est presque terminée donc la suite arrivera probablement dès demain !
N'oubliez pas la petite review qui fait toujours plaisir !
Biz et bonne lecture