Posté : 2 Janvier 2013. Puisse cette histoire vous être favorable !
Résumé : La Présidente Coin ne respecte pas sa promesse et entretient la tradition des Jeux du Capitole. En cette douzième édition, les vingt-quatre nouveaux tributs se retrouvent livrés à eux-mêmes, loin du faste et du confort de leur belle cité adorée. Qui sera le grand gagnant ? Les paris sont ouverts.
Note : Première fanfiction sur le fandom Hunger Games que j'adore. Je n'avais jamais eu le courage jusqu'ici d'écrire une histoire. Pourtant, je suis bien là aujourd'hui. J'ai pris un plaisir fou à rédiger cette histoire (j'en suis d'ailleurs au début du bain de sang) et je remercie toutes les personnes qui m'ont aidé. Je ne ferai pas un chapitre par tribut, hormis quelques rares exceptions comme le premier chapitre. Les suivants seront un mélange de personnage et nous avanceront progressivement dans l'intrigue. Vous pouvez encourager les tributs que vous préférez par message. Peut-être que cela fera pencher la balance en leur faveur... Une dernière chose : Dans mon histoire le Capitole a été découpé en « District de spécialisation » que vous découvrirez en temps et en heure. Ces frontières ne sont pas matérielles (ça veut dire qu'un habitant peut se balader dans toute la ville sans problème), mais cela a des visées administratives. Si vous avez des questions au fil de votre lecture, vous pouvez me les poser. J'espère que cette histoire vous plaira, que vous ne serez pas trop sévère avec moi pour ce saut dans le vide. D. Would.
Post-scriptum :Vous pouvez rejoindre mon groupe communautaire sur Facebook « The Baba O'Riley » afin de vous tenir au courant de l'avancée de mes écrits.
Disclaimer : L'univers des Hunger Games appartient à Suzanne Collins. D'ailleurs, l'intrigue se situe quelques années après le troisième tome intitulé « La Révolte ». Si vous n'avez pas lu la saga pour diverses raisons et comptez le faire, ne me tenez pas responsable de spoiler au cours de cette fanfiction. Je tenais également à signaler que WoR – qui écrit également une histoire sur les Jeux des Capitole – m'a donné l'énergie et les ressources nécessaires pour rédiger cette fic. C'est une auteur absolument fabuleuse et je vous conseille d'aller lire « Survivre » ou « Châtiés », dont je suis la bêta. Pour cette histoire, WoR m'a autorisé l'emprunt de quelques uns de ses personnages tels Wren Keene ou Lateefah Galloway. Je ferai les crédits nécessaires au fur et à mesure – si je n'oublie pas (ce qui est fort probable connaissant mon degré de concentration).
Rédemption : 12ème Jeux du Capitole
CHAPITRE 1 : Pour l'amour du Capitole
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Kiet Linj, District 6 – Les Banques, 16 ans.
Treize Districts se sont rebellés contre l'oppression du Capitole.
Une douzaine d'années s'est écoulée depuis la grande victoire des rebelles.
Onze ministres ont été nommés à la tête du nouveau gouvernement.
Dix jurisconsultes servent d'émissaires dans tout Panem.
De neufs monuments aux morts ont été dressés dans notre cher pays,
[remplaçant alors ceux dévastés.
Huit cent mille morts ont été dénombrés et honorés.
Septembre de l'année zéro signa le renouvellement :
Si les premiers temps furent difficiles, le Geai Moqueur s'est chargé de
ceinturer les esprits les plus échauffés voulant conduire le monde de paix à notre perte.
Quand vint le jour anniversaire des combats, il fut décidé que
Deux enfants de chaque District du Capitole seraient alors offerts en tant que tributs
en guise de rédemption pour le règne autoritaire écoulé.
Et à la fin, il n'en restera plus qu'un.
Joyeux Hunger Games,
Et puisse le sort vous être favorable.
L'écran de la télévision reste noir quelques secondes supplémentaires et apparaît le visage chaleureux de Caesar Flickerman. Il a son habituel catogan et s'est laissé pousser des poils au menton – ressemblant à une barbe à papa bleutée. Maman pense qu'il aurait dû démissionner dès que les rebelles ont ordonné l'organisation de nouveaux Hunger Games avec les enfants du Capitole.
Beaucoup de personnes pensent la même chose dans le coin : ils disent que c'est un traître pactisant avec l'ennemi. Mais je le comprends dans un sens : il devient difficile d'avoir un emploi stable depuis l'Embrasement. Caesar arbore un sourire étincelant et déclare :
– Bonjour à tous et à toutes, habitants de Panem. Je suis heureux de reprendre le direct de la Cérémonie de Moisson des Douzièmes Jeux du Capitole. Et quelle Moisson ! Pour les curieux étant en ce moment même dans les rues de notre admirable cité, sachez que notre prochain rendez-vous est pour treize heures tapantes avec le District 6, celui – pour ceux qui l'ignoreraient encore – est dédié aux Banques. En effet, cette année il a été décidé que les Moissons auraient lieu le même jour à une heure d'intervalle dans les différentes places de la ville pour laisser le temps aux sponsors de se faire une idée d'eux-mêmes. Nous sommes en duplex avec l'hôtesse du District 5, Emelia Robards. Emelia...
Je remue sur le canapé. J'ai déjà vu cette femme dans l'ancien travail de Papa lui demander d'ouvrir un compte. Emelia Robards, d'aussi loin que je me souvienne, a toujours été l'hôtesse du District 5. Elle est reconnaissable grâce à sa coiffure verticale ressemblant à une espèce de tour argentée. Le caméraman a beau se démener, tout ne rentre pas dans le cadre.
– Bonjour Caesar ! Joyeux Hunger Games !
Une petite vignette en bas à droite montre le présentateur hochant la tête en signe de remerciement. Quelle bande d'hypocrites... Ce sont des enfants du Capitole qu'on va livrer dans l'arène ! Pas ces stupides gamins des Districts ! D'ailleurs, je trouve que la plaisanterie de la Présidente Coin de renommer les secteurs de notre agglomération « District » est bien de mauvais goût. Ce mot sonne si vulgaire.
À côté de moi, Wanit ouvre une brique de lait, les pieds sur la table basse. Il a l'air décontracté, mais je sais qu'au fond, ce n'est pas le cas. À treize heures, nous devrons être sur la place de notre arrondissement (Je ne peux me résoudre à nommer ça « District ») pour la Cérémonie de la Moisson. Wanit n'est plus éligible depuis un moment, mais pour ma part il me reste encore deux années. J'ai la boule au ventre, et sans doute lui aussi. Je passe mes mains moites sur le tissu rêche de mon jean et me concentre à nouveau sur le babillage incessant d'Emelia Robards :
– ... Je suis vraiment impatiente de sélectionner mes tributs pour cette année, mon cher Caesar. Et aussi de voir ceux de mes collègues.
– Nous allons justement passer un petit récapitulatif de ce qu'il s'est passé dans les autres Districts. Pendant ce temps, allez vous installer sur votre estrade. On me dit dans l'oreillette que c'est bientôt prêt.
La tête de l'hôtesse du District 5 disparaît pour laisser place à la haute coupole de la Rédemption érigée dans le District 1. Ce ne sont que les lueurs matinales qui balaient les visages épouvantés, inquiets, angoissés de la marée d'enfants debout depuis l'aurore pour la première Moisson de l'an.
On ne voit pas bien les parents, mais on les devine à l'arrière, encerclés par un cordon rouge et surveillés par une foule de Febris – les soldats de la Rébellion. On a un long plan sur une mère, un bouquet de chrysanthèmes à la main, le regard azur porté au loin sur l'écran géant. Celui-ci balaie la place des lumières clinquantes des slogans de différents sponsors.
Maladroitement, l'hôte du 1 arrive sur scène avec de nombreuses fichettes. Il ne semble par très à l'aise d'être ici et plusieurs passages semblent avoir été coupés au montage. Wanit boit en de longues gorgées bruyantes, le regard rivé au téléviseur. L'hôte du 1 s'approche d'un grand récipient en verre, hésitant de longues secondes avant de tirer un nom.
– Gwendolyne Borsworth.
Un cri strident retentit et une pauvre fille s'évanouit dans sa rangée. Des Febris vont la chercher et la soulèvent jusqu'à l'estrade. On lui donne une ou deux gifles, mais rien à faire. Elle semble inconsciente. Ce qui est certain, c'est qu'elle n'attirera pas beaucoup de sponsors. L'hôte se dirige ensuite vers la coupe réservée aux garçons et s'exclame :
– Noatak Oromy.
Un grand garçon noir au physique très avantageux se fraie un chemin parmi le groupe des dix-huit ans et s'avance d'un air solennel. La caméra zoom sur lui et son regard – yeux verts piquetés de marron – semble déterminé. Il ne peut que faire grande impression (en même temps, vu sa partenaire de District, ça ne sera pas bien difficile...). Maman s'approche du sofa et le pointe du doigt :
– Oh, mais tiens, ça ne serait pas le descendant Oromy ? Très joli garçon, dit-elle en le dévorant des yeux.
Wanit esquisse un sourire sardonique alors qu'Oromy serre la main rendue molle par l'évanouissement de sa partenaire District. Maman me pousse légèrement pour s'assoir à côté de nous et bafouille « Pauvre gamine » alors qu'un nouveau logo, censé représenter une pépite d'or, annonce la Moisson du District 2.
Ces derniers ne me font pas grande impression. Peut-être arriveront-ils à s'illustrer durant le stage d'entraînement ? Leur mentor, en tout cas, est le plus jeune jamais connu durant les Hunger Games : Il a tout juste treize ans et a gagné l'année précédente en jouant la carte de l'innocence. C'est devenu la vraie coqueluche du Capitole et se fait porter sur un char doré partout où il va. Dans une interview, il disait rien avoir à faire des Jeux, qu'il était mentor uniquement pour la nourriture au Village des Tributs. Je bâille. Je n'ai pas dormi de la nuit à cause de cette foutue appréhension.
Chaque année c'est la même chose : je fais un drôle de rêve à propos de moi, sélectionné pour les Jeux. Avant, j'avais un peu de répit. Wanit m'avait juré que si mon nom était pris, il se porterait volontaire et irait à ma place.
Dorénavant, c'est différent. Il a vingt ans. Mon grand frère ne peut plus être tribut. Depuis – comme toutes les fois où je suis stressé – je n'arrête pas de me gratter la nuque, laissant apparaître de vilaines plaques rouges. Maman se lime les ongles en regardant d'un œil distrait la Moisson du 3 où un espèce de colosse bardé de cicatrices monte sur scène à côté d'une fille très maigre, mais qui a l'air de ne pas se laisser faire. Ça ne se rien voit qu'à sa façon de lui serrer la main, comme si elle menait déjà le jeu. Je crois qu'elle se nomme Djiena ; du moins, c'est ce qu'a retenu mon cerveau épuisé.
Dans le District 4, c'est une autre affaire : les deux tributs ont des attitudes totalement insolites. La fille – qui s'est portée volontaire – semble folle de joie de participer aux Hunger Games tandis que le garçon regarde dans la foule côté famille, anxieux, mais résigné. Peut-être espère-t-il recevoir un peu de réconfort de la part de sa petite amie ? Lorsqu'ils montent sur scène, je me dis qu'au moins, ils auront tous les deux une excellente mentor.
Lateefah Galloway – gagnante des quarante-neuvième Hunger Games – est volontaire pour les aider. Elle est toujours volontaire, de toute manière. Je crois que ça lui plaît de voir des enfants du Capitole mourir, car elle a toujours ce petit sourire narquois quand un de ses tributs lui jette un regard apeuré. Les jeux de Lateefah Galloway sont souvent cités comme les meilleurs Hunger Games. Surtout que, d'après ce que je sais, sa grande sœur Eta aurait participé aux trente-cinquième jeux et serait morte stupidement au banquet contre un garçon de quatorze ans sans talent particulier.
Enfin, c'est ce que les gens racontent. Pour ma part, je n'ai jamais eu la curiosité d'aller vérifier. Je me demande bien comment Lateefah a pu gagner et ce qu'elle doit dire à ses tributs. Les aide-t-elle seulement ? Sans doute à sa manière. Lorsque les deux tributs du 4 se serrent la main, Lateefah Galloway arbore un air suffisant, comme si au fond c'était elle la vraie star du show, la vraie gagnante du jeu.
– Tu savais que le Geai Moqueur serait mentor du District 12 ? marmonne ma mère, pleine d'amertume. Comme s'il n'avait pas assez de gagnants !
C'est vrai que depuis l'ouverture des Jeux du Capitole, le douzième District a hérité d'une fortune inaccoutumée par rapport à celui qui portait autrefois son nom. On pense que cela est dû à leurs mentors d'exception. Peeta Mellark faisait des merveilles avec ses tributs et dénichait de très bons sponsors pour eux. Je me demande bien pourquoi il a cette année échangé avec sa fiancée (surtout que tout le monde sait qu'elle entretient des rapports exécrables avec ce soulard de Haymitch).
Papa pense aussi que les victoires à répétition du District 12 sont dues au redécoupage de la ville. Il faut dire que la majorité des centres sportifs du Capitole s'y trouvent. Ce n'est peut-être pas par hasard... Les sponsors les appellent « les neo-carrières ». Je me demande qui seront les tributs du 12 cette année. Seront-ils effrayants comme ceux de l'an dernier ? Ce soir, durant le dîner, Maman fera sans doute des commentaires sur ce District qu'elle déteste plus que tout, et pourtant si cher au cœur de Piam.
D'ailleurs, Piam n'a pas appelé. Compte-t-elle venir à ma Cérémonie de la Moisson tout à l'heure ? Le direct reprend et Caesar fait des remarques – parfois amusantes et pertinentes – sur les tributs des quatre premiers Districts. L'écran est scindé en deux. Emelia Robards est de l'autre côté dans une robe orange pétante, déjà à la mode l'année dernière. Quelle faute de goût ! Piam en vomirait.
– Je crois que ça suffit comme ça, déclare Papa en éteignant la télé. Et puis si tu ne te prépares pas à temps tu seras en retard pour ta propre Moisson.
Je soupire et Wanit et moi rejoignons nos chambres. Piam est passée il y a deux jours pour choisir nos tenues. Elle les a elle-même confectionnés dans son atelier du District 9. C'est une des stylistes avant-gardistes du Capitole et la plupart de mes amis du lycée sont jaloux de savoir qu'elle est ma sœur.
Lorsque nous sommes enfin prêts, Wanit et moi, nous attendons nos parents sur le seuil de la villa. Papa est dans son costume de bureau, car il a un rendez-vous important tout à l'heure. Maman, elle, n'a pas mis la sublime robe que lui a envoyée Piam. Elle ne voulait sans doute pas lui faire ce plaisir. Maman sort son éventail et l'agite devant son visage poudré. Ce mois de Juillet est particulièrement lourd : notre chauffeur nous attend sous la pergola où la cuisinière lui sert un verre de limonade. Il le finit d'un trait et ouvre la porte de notre limousine où nous attendent des coupes de fruits frais.
Papa a l'air particulièrement songeur. Il n'a jamais aimé les jeux qu'ils soient pour les enfants de Panem ou du Capitole, d'ailleurs. Wanit me donne un léger coup de coude et m'explique en langage des signes avoir hâte que tout soit fini.
Wanit est un Muet : le Président Snow lui avait fait couper la langue en guise de représailles contre notre famille... C'était arrivé un mardi. Je m'en souviens parce que je déteste le mardi. Papa travaillait à l'époque encore dans la Banque Centrale du Capitole, sauf que cette fois-ci il s'était trompé dans ses calculs plongeant une entreprise importante en faillite. À cause de ça, le Président Snow a demandé qu'on coupe la langue de son premier fils. Les Pacificateurs ont exécuté les ordres, mais se sont trompés : Wanit n'est pas l'aîné de la maison. Avant, il y a Piam, mais puisqu'elle effectuait déjà sa transformation pour devenir femme, les Pacificateurs ont confondu et ont pris Wanit à sa place. Piam s'en est toujours affreusement voulu.
Nous arrivons sur la grande route Nord qui rejoint le District 6 avec le 9 – où vit actuellement Piam. De nombreuses voitures empruntent le même chemin que nous et des agents de sécurité bordent la route : c'est toujours le cas lors des Moissons. Le dôme blanc de l'Hôtel de Ville point dans le ciel limpide.
Le chauffeur nous dépose devant la grande place où des milliers d'enfants et d'adolescents sont réunis. Quand nous sortons, l'air semble plus lourd encore que sur les hautes collines bordant le District : cela doit être à cause de l'affluence de monde. Wanit me presse l'épaule alors qu'un agent en gilet phosphorescent tient une pancarte avec le chiffre « 16 » dessus. Mon père m'accorde un sourire confiant et entraîne le restant de la famille avec lui, dans les gradins.
Je sais précisément ce que je dois faire : suivre l'agent jusqu'à l'allée principale, les laisser prendre une goutte de mon sang, me ranger à droite avec les garçons alors que les filles seront à gauche, me tenir droit en fixant l'écran géant pour notre Moisson et attendre patiemment que l'hôte tire le nom d'un malheureux tribut qui reviendra dans un cercueil clouté d'ici deux à trois semaines.
J'aperçois Thom discutant avec sa petite sœur et je me précipite vers eux. Thom est mon meilleur ami et nous avons presque tout vécu ensemble, y compris la Rébellion. Sa famille s'était réfugiée dans notre villa au bord du Lac.
Je serre la main de Thom, comme nous le faisons à chaque Hunger Games. Ici, tout le monde a quasiment les mêmes chances de participer aux Jeux puisque nulle ne prend des tersera. Le District 6 est le plus riche du Capitole, bien loin devant 8 ou même le 2, qui pourtant s'occupe des pierres précieuses. Nous sommes le véritable moteur de l'économie et le père de Thom – un des sponsors les plus connus du District – serre la main à de nombreux parents sans même se soucier que son fils lui-même pourrait être désigné comme tribut. Thom m'éloigne de lui et murmure :
– Il veut frapper un grand coup. Il a dit qu'il économisait depuis l'an passé pour les jeux de cette année. Sinon, tu te sens comment ? Le trac, hein ?
J'hoche de la tête et déglutis à grand peine, la bouche incroyablement sèche. J'ai peur pour moi, mais aussi pour Thom. Généreux comme il est, les tributs profiteraient sans doute de lui.
– Oh, ça va aller, relativise Thom. Il faut vraiment ne pas avoir de chance pour être choisi vu combien il y a d'enfants dans ce District. Et puis regarde, ça n'est encore jamais arrivé dans ta famille. Je pense que nos parents sont suffisamment influents pour ne rien avoir à craindre.
Peut-être son père, mais plus le mien. Papa n'est plus qu'un cadre supérieur comme un autre depuis la Rébellion et je ne pense pas que la Présidente Coin fasse des entorses au règlement. Il n'empêche que les propos de Thom – quoique superficiels – me rassurent. Je souffle un bon coup et le suit. Une équipe de caméraman se faufile entre le groupe des douze et treize ans pour atteindre l'estrade où notre hôtesse – Kandell Pinz - se racle la gorge afin d'attirer notre attention.
L'agent chargé de notre section nous scrute et ordonne à untel de coincer sa chemise dans son pantalon et à untel d'arranger ses cheveux avant que les projecteurs ne s'allument. Les haut-parleurs claironnent les premières notes du petit film habituel : mes lèvres forment automatiquement les mots, m'empêchant de paniquer. Je jette un œil dans les gradins et aperçois clairement Wanit me traçant le signe « Bon courage » avec ses mains.
Thom me sourit maladroitement et je comprends qu'il essaie de me calmer. Au milieu de la tribune se trouve une poignée de sponsors, prenant certainement la température dans les différents Districts depuis ce matin. Je me focalise à nouveau sur l'écran géant où deux adolescents, les joues maculées de terre et de sang, pointent du doigt le soleil inondant de lumière un paysage de désolation.
– Bienvenue et Joyeux Hunger Games ! Puisse le sort vous être favorable !
Le sourire ravageur de Kandell Pinz fait outrage à nos mines sombres et décomposées. Je me gratte le torse puis la nuque, quelques gouttes de sueur perlant le long de mes tempes. Pourtant, je ne suis pas d'un naturel à transpirer de cette façon. La chaleur combinée au stress forme un horrible cocktail.
Kandell s'approche de la coupe transparente réservée aux filles et plonge sa main sans hésiter au fond à gauche. Elle en tire un petit papier qu'elle déplie et Thom, les gamins, les parents, le District 6, le Capitole et Panem tout entier est pendu à ses lèvres.
Je me demande alors comment vivent les anciens Districts de nous voir comme tribut pour leur simple plaisir : sont-ils heureux ? s'amusent-ils autant que nous nous sommes amusés ? parient-ils beaucoup sur nous ? se fient-ils aux chiffres de nos Districts ou plutôt à leur intuition ? Derrière Kandell, le mentor lit par-dessus son épaule quelques secondes avant qu'elle ne prononce d'un ton pimpant :
– Opale Swensea !
Des murmures s'élèvent dans le carré réservé aux douze ans : c'est toujours horrible quand on choisit une enfant aussi jeune. Une parfaite victime pour le bain de sang. Des cris suivent les murmures et je me dis que ce tribut devait sans doute être très apprécié dans le District. Un homme se fraie un chemin jusqu'aux tributs et on voit le sommet de son crâne apparaître sur l'écran géant. Deux Febris et un Pacificateur l'attrapent et il se met à crier de lui rendre sa fille.
– Hm, Opale Swensea je vous prie ? claironne Kandell Pinz.
Une fillette s'avance et je remarque tout suite ce qu'elle tient dans la main : un bâton pour aveugle. Je suis pris d'un haut-le-coeur. Ils ne vont quand même pas envoyer une non-voyante dans une arène pleine de pièges avec vingt-trois tributs plus déchaînés les uns que les autres, non ?
Opale balaie le sol dallé de marbre de l'Hôtel de Ville et avance, imperturbable aux lamentations et cris de révolte venant ci et là. Mais quand notre hôte demande s'il y a des volontaires, personne ne se manifeste et la petite Opale grimpe sur l'estrade auprès de notre mentor qui lui jette un regard empli de pitié.
Kandell s'approche cette fois-ci de la coupe des garçons et je retiens mon souffle. Sa main se balade sur un tapis de petits papiers, elle fait la moue, hésite et je tremble d'anxiété. Elle pioche finalement un nom et prononce d'un ton doucereux :
– Kiet Linj.
Incrédule, je regarde mon visage s'afficher en gros plan sur l'écran géant. À mes côtés, Thom balbutie des mots et je crois entendre « Je peux le faire. Je peux prendre ta place ». Mais je le repousse. Hors de question qu'il meure pour moi. Thom, encore sous le choc, manque de tomber en arrière et tente de me rattraper comme s'il essayait d'emprisonner de la fumée au creux de son poing.
Je quitte le carré réservé aux seize ans et m'avance le long de l'allée principale, les regards pesant de Panem sur ma nuque maltraitée par mes ongles. Je grimpe les marches et salue d'un hochement de tête Kandell Pinz ainsi que mes mentors. Kandell demande pour des volontaires et mon regard suit celui de Thom qui s'apprête à ouvrir la bouche, mais je lui fais un signe de négation de la tête puis il se ravise.
– Bien ! s'exclame notre hôtesse, indifférente à ce qu'il se passe autour d'elle. Nous avons donc nos deux tributs pour le District 6. Serrez-vous la main.
La petite main d'Opale se tend vers moi, le regard dans le vague. Ses yeux laiteux qui ne voient plus m'accablent de pitié, car je sais, au fond de moi, qu'une fois dans l'arène elle n'aura strictement aucune chance de s'en sortir.
Et je ne suis sans doute pas mieux loti. Je ne sais rien des armes, de la survie, ou des sponsors. Tout ce que j'espère, c'est que nos mentors seront suffisamment patients et avertis pour nous mettre en garde de quelques pièges. Je leur lance un regard que j'espère déterminé, mais qui doit sans doute leur paraître implorant.
Ils n'ont pas l'air très content de leurs tributs de cette année : une aveugle et un gosse de riche, le District 6 avait déjà fait mieux. Je me demande si Opale pense les mêmes choses que moi en ce moment même, si elle songe déjà aux entraînements, à l'arène... Que pense-t-elle de moi en une seule poignée de main ? Mon regard s'attarde vers la tribune où Wanit et mes parents doivent sans doute me fixer, me pleurer comme si j'étais déjà mort. Moi, je ne les vois pas à cause d'un contre-jour.
Opale rompt le contact et donne le ton en faisant un petit signe de main à notre District, tel un adieu émouvant se passant de mots ou du tonnerre d'applaudissement que réclame Kandell. Stupidement, j'applaudis avec quelques-uns des enfants de la foule. J'applaudis en me disant : « Je ne l'ai jamais voulu et je ne serai sans doute jamais prêt. Mais je vais me battre pour vous, pour la splendeur de notre District, pour l'amour du Capitole. »