Un *timide* bonjour à tous !

Il y a cinq ans, Il y a ton sourire a vu le jour mais n'a jamais eu de fin. Je l'ai arrêté au bout de 12 chapitres après un sacré coup dur : mon ordinateur de l'époque a rendu l'âme et tous mes écrits avec (et je n'avais pas de disque dur externe avant...). La suite, mon avancée, mes autres fictions en cours, tout a disparu pour de bon. Le pire qui puisse arriver pour un•e auteur•ice.

Il m'a fallu toutes ces années pour m'en remettre. Cette année, comme résolution, j'avais celle de reprendre cette fiction pour lui offrir la fin qu'elle mérite. Mais comme j'ai changé, que mon écriture a tout aussi évolué, je la réécris.
J'ai supprimé les chapitres suivants pour cette raison : des détails du 1er chapitre sont maintenant différents et amèneront donc une suite elle aussi différente même si la trame principale reste la même.

Cette fois, j'espère que c'est la bonne !

Et j'irai selon mon feeling, à mon rythme, sans me mettre la pression (et n'essayez pas de me la mettre non plus :P)

D'ailleurs, j'ai été extrêmement soutenue depuis 5 ans. Avec plein de DM et aussi sur Twitter, des lecteurs et des lectrices qui prenaient des nouvelles sans me juger, sans me mettre la pression et ça, ça m'a beaucoup encouragée. Je tiens à vous dire : MERCI. Un énorme MERCI. Sans vous, j'aurais complètement abandonné.

Bref. Voici le chapitre 1 réécrit !

Bonne lecture ! ENJOY.


IL Y A TON SOURIRE.

Chapitre 1 : Te prendre la main.


3 octobre 2005.

Deux grands yeux d'un brun chocolat-noisette s'ouvrent en un brusque mouvement. Un sursaut suite à un mauvais rêve. Les cils de la jeune femme collent entre eux, humides. Elle cligne des paupières autant de fois que possible pour se délester de cette sensation de glue et de flou qui lui entrave la vue et qui lui donne l'impression d'avoir oublié quelque chose d'important. Puis, elle inspecte les lieux.

Le cauchemar devient peu à peu réalité. Lourd comme une enclume dans sa poitrine.

Du blanc, encore du blanc, toujours du blanc tout autour d'elle. Les murs sont d'une pureté assommante, du crépit couleur neige. Et les objets aux alentours suivent la cadence ; une table de chevet blanche, une petite armoire blanche, un fauteuil blanc. Son lit blanc. Sans oublier la porte.

Son visage se marie à la perfection la pièce, elle est livide, plus pâle que jamais alors que son esprit laisse place à des souvenirs. Ses lèvres sont claires légèrement bleutés, la peau de ses joues est anormalement ivoire, et son front tiré, caché sous quelques boucles décoiffées, est incolore. Elle respire l'inquiétude.

Elle entrouvre la bouche. Il y a une intraveineuse plantée dans son avant-bras et personne à ses côtés. Plusieurs émotions l'attaquent. La peur, le vide, le manque, la tristesse. Le désespoir. Seule. Hermione s'est réveillée seule dans une chambre d'hôpital.

La porte s'ouvre doucement comme pour ne pas déranger son sommeil réparateur dont elle vient de se réveiller et apparaît un homme roux. Il tient un verre d'eau dans l'une de ses mains et regarde la poignée d'un air absent. Lui aussi est là sans l'être réellement. Physiquement dans la pièce, mentalement ailleurs. Son regard est aussi vide que celui de la jeune femme, ses deux yeux bleus ne brillent plus de son éternelle étincelle rieuse.

Il referme soigneusement derrière lui et lève finalement la tête pour voir sa femme qui l'observe, muette.

- Hermione. Tu es réveillée !

Le verre tombe sous la surprise, éclate en mille morceaux. Hermione observe les éclats de verre rebondir sur le carrelage, blanc lui aussi, et se réfugier sous les quelques meubles qui l'entourent. Elle pense que son esprit est dans le même état, brisé, mais qu'elle ne peut pas se cacher sous une armoire, elle. Elle doit faire face. Elle sait qu'on a des choses à lui dire ou à lui demander. Et parler, écouter, anticiper lui fait déjà mal.

Ron Weasley, son mari de quelques années déjà, accoure près du lit, s'assoit sur le fauteuil blanc dont les pieds en bois grincent sous son poids. Il lui prend les mains d'une douceur qui sort de ses habitudes. Son cœur se broie dans sa poitrine, mais elle ressent enfin un peu de chaleur. Les paumes de Ron sont moites et brûlantes, et elle n'a aucune envie de les lâcher. Elle les presse à son tour. Peut-être trop fort, c'est le cadet de ses soucis. Elle se raccroche comme elle peut.

Elle ferme les yeux, se concentre sur ces mains qui la soutiennent avec amour, puis elle pleure.

- Ma chérie, je suis là... Chut, chut.

Il masse ses doigts doucement pour la soutenir, pour lui rappeler qu'elle n'est pas seule. Il se penche pour lui embrasser le front. Ses lèvres effleurent sa peau, mais les sanglots redoublent. Les larmes s'écoulent, silencieuses et impitoyables. Certaines atteignent même son cou.

Si elle s'est réveillée ici, et s'il affiche une mine aussi désolée, c'est qu'il y a une mauvaise nouvelle circulant dans l'air. Il y a une raison à l'intraveineuse, au calme brusque –trop brusque qui l'habite, et à tout ce blanc clinique. Une mère sent ces choses là. Et Hermione devine la solitude qui l'habite depuis son réveil. Ron est bien à son côté, mais elle, elle est toute seule.

Elle se souvient de la veille, maintenant. Tout lui revient comme un raz de marée. Ce n'était censé être qu'une crampe d'estomac, comme elle en avait déjà eu d'inoffensives dans les semaines précédentes. Elle l'avait espéré. Et pourtant dès le début de la douleur cette fois-ci, son instinct lui avait murmuré que c'était terminé. Pourquoi ? Comment ? Par quel moyen la nature lui avait fait ça ?

Hermione Granger est une femme qui vit une vie en parfait équilibre. Elle mange cinq fruits et légumes par jour, ne boit aucun alcool, ne fume pas, dort paisiblement de vingt-deux heures trente à six heures, a un petit poste tranquille dans une librairie, et possède un calme olympien que ni le stress ni les soucis quotidiens n'atteignent. Merlin peut-il lui expliquer pourquoi l'avoir choisi, elle ?

- Ron..., arrive-t-elle à articuler.

Elle sait d'avance ce que son mari a à lui annoncer, la douleur s'est déjà logée dans son corps. Toutefois, malgré son envie immédiate de fuir très loin de cette chambre fantôme, elle a besoin de savoir. D'être sûre. De ne pas laisser un mince espoir la briser encore plus. Sa voix se brise dans sa gorge, étouffant sa question, et Ron comprend heureusement la ce qui lui hante l'esprit.

- Je suis désolé.

Hermione ferme les yeux, elle n'arrive plus à soutenir ses prunelles bleues qui la fixent. Toutes deux sont gorgées d'eau, prêtes à se vider et sangloter avec elle.

- Nous avons perdu le bébé..., s'étrangle-t-il.

L'entendre dire, c'est se faire hacher par la réalité. Pas de marche arrière possible, tout est clair.

Et monstrueusement douloureux.

Ses nerfs se contractent. Sa gorge se noue, ses doigts tremblent, sa respiration se coupe. Elle suffoque un instant, tente d'arracher l'intraveineuse mais ses forces sont moindres. Elle avait besoin de savoir, et la voilà qui regrette, qui hait le monde entier. Elle veut se lever, mais l'homme qui partage sa vie ne le souhaite pas, il la retient tendrement, la recouche, la borde.

Il pleure, lui aussi, désormais, renifle bruyamment en essuyant son nez d'un mouchoir propre. Il pose un deuxième baiser sur son front et remet une boucle brune derrière son oreille.

- Ginny et Molly ne vont pas tarder, Ginny a pu se libérer dès qu'elle a su... Harry et les autres ne pourront venir que ce soir mais ils t'envoient leurs pensées.

Il essuie les larmes de sa compagne qui ne semblent plus vouloir s'arrêter de couler silencieusement. Puis, il s'occupe des siennes qui ont repris leur course. Il ne l'a jamais vu aussi désemparée, aussi triste. Il n'a pas vu ces larmes sur son visage depuis la fin de la guerre il y a presque sept ans. Il l'a toujours connu forte et fière, la tête haute, la poitrine bombée et le sourire aux lèvres prête à en découdre.

Il vit une claque phénoménale.

Des deux, Ron est généralement celui qui compte sur l'autre, qui vit la motivation d'Hermione par procuration. Aujourd'hui, l'inverse se joue. Aujourd'hui, il est une nouvelle personne totalement voué à lui-même.

Il l'observe. Dans ce lit blanc, elle n'est plus qu'une femme déboussolée, proche du gouffre, et le constater lui fait peur. Ses paupières tremblent et laissent échapper d'énièmes larmes par intermittence. Son menton tremble aussi et il devine qu'elle se retient de hurler. Il lui caresse doucement le bras.

Lui aussi se demande comment une telle chose a bien pu leur arriver. Un couple soudé, une vie normale et saine, une belle maison construite dans une campagne riche et belle près de la mer, un mariage réussi. Du jour en lendemain, ils ont perdu la suite de la liste, l'être qu'ils attendaient de tout leur cœur. D'un claquement de doigts, leur bébé si attendu a disparu.

Quelqu'un frappe timidement à la porte et deux têtes rousses apparaissent dans l'encadrement.

- Elles sont là, Mione.

Il remet la boucle de retour sur son visage derrière son oreille et Hermione redresse la tête. Elle croise le regard de Mrs Weasley. Une seconde, deux, trois. Et sa mère de substitution se précipite vers elle et place ses deux lèvres fines sur sa joue. Cette fois, la jeune femme se redresse un peu et se laisse emporter dans une longue étreinte rassurante à laquelle elle répond. Une étreinte chaude, maternelle et confortable.

Son cœur se brise encore un peu plus. Elle aurait aimé que ses parents soient là et se souviennent d'elle, aujourd'hui plus que les autres jours.

- Je vais te chercher un thé, ma puce, annonce Ron, avant de se tourner vers sa sœur. Je vous laisse un peu de temps ensemble, ça va aller ?

- On s'occupe d'elle, murmure Ginny en retour, le prenant doucement dans ses bras. Prends une pause, tu en as besoin.

• • •

Les couloirs de l'étage de Ste Mangouste réservés aux urgences maternité sont presque déserts. Et toujours beaucoup trop blanc. D'un blanc étouffant. Il est là depuis quelques heures et Ron n'en peut déjà plus de cette couleur.

Le visage d'Hermione n'est vraiment pas loin d'être aussi pâle, ce qui lui donne des sueurs froides. Il aimerait bien un peu de couleurs pour changer. Des couleurs chaudes, comme du rouge, du orange, du jaune, des couleurs vivantes et rassurantes.

Il aimerait retrouver sa maison douillette et le jardin fleuri nourrit de magie qui la borde en toute saison. Il aimerait prendre soin d'Hermione là-bas, en terrain conquis et connu. Il en est certain, le visage blafard de sa compagne serait moins effrayant chez eux. Il reprendrait même quelques couleurs à force de patience et de repos.

Ses pieds le conduisent jusqu'à une pièce qui ressemble à première vue à une salle d'attente. Toutefois le petit stand pittoresque dans un coin et les décorations volant à ras du plafond l'informent que c'est une salle de repos. Pile poil ce qui lui fallait. D'autant plus qu'il voit enfin autre chose que du blanc.

Le stand est majoritairement d'un rouge brillant, parcouru d'une fresque bleue, verte, et violette. Ce n'est pas un choix de couleurs que Ron aurait choisi de marier, mais dans un jour comme celui-ci, il se contente de l'apprécier.

Une vieille dame recourbée sur elle-même est assise derrière le comptoir, au milieu de mille et une machines. Des boissons chaudes et colorées se trémoussent sous le doux remue-ménage de celles-ci. La dame s'agite, supervise, parle toute seule. Elle porte un long tablier loufoque d'un rose fuschia avec des dessins de chats –ce qui n'est pas pour lui rappeler un instant Ombrage, quoi que les deux femmes n'aient rien en commun à première vue.

Cette dame a un visage naturellement bienveillant derrière toutes ses rides. Et les couleurs font intrinsèquement partie de sa personnalité. Ses cheveux sont d'un prune délavé encore beau, ses lèvres arborent un orange vif, et ses ongles sont vernis d'un jaune jonquille.

Ron fait une grimace qui ressemble à un sourire pour la première fois depuis la veille et s'éclaircit la voix.

- Bonjour, pourrais-je avoir... euh..., hésite-t-il en détaillant la liste infinie des boissons qui s'étalent sur le mur. Un thé ? Oui, un thé, s'il vous plaît.

La femme ne sursaute même pas, ayant déjà perçu sa présence. Elle relève la tête et lui adresse un large sourire dont il manque deux dents. Elle retrousse ses manches et plisse le front.

- Quel parfum, jeune homme ? Jasmin, rose, framboise, épices, chocolat ?

- Je ne sais pas... je n'y connais pas grand-chose, marmonne-t-il, perdu. C'est pour ma femme.

Elle s'arrête d'énumérer les différentes saveurs et détaille son visage avec minutie. Alors que ses deux petits yeux âgés et verts le scrutent, comme pour le mettre à nu, Ron rougit. Il a un peu honte de ses traits tirés et de ses vêtements de la veille qui portent encore les tâches du dessert renversé du dîner, quand les symptômes d'Hermione se sont déclarés.

Il ne s'est ni lavé, ni changé. Il n'a pas quitté le chevet d'Hermione plus d'une minute depuis leur arrivée. C'est la première fois qu'il s'accorde un répit.

- Ou préfériez-vous plutôt choisir une humeur ? demande la vieille dame d'une voix douce. Sommeil tranquille, anxiété tarie, fatigue repoussée, fraîcheur du matin ?

Le voilà encore plus égaré, les yeux écarquillés, souhaitant faire demi-tour. Trop de choix. Il ne voulait qu'un thé. Un thé simple. Pour Hermione, pas pour lui.

Il s'apprête à répondre quand un homme, assis dans un coin de la pièce prend la parole à sa place.

- Je recommande celui contre les angoisses, la touche de verveine fait tout.

La voix rauque et allongée déclenche un frisson involontaire chez le rouquin. Son ton est mortellement triste et las, et pourtant, malgré ça, cette voix lui rappelle quelque chose, quelqu'un. Oui, quelqu'un qu'il a connu.

- Ah, merci. Vraiment. Vous me venez en aide. Ce n'est vraiment pas ma tasse de thé pour tout vous dire...

Le jeu de mot n'est pas voulu et Ron se maudit. Comme si les urgences maternité étaient l'endroit pour lâcher des plaisanteries nigaudes. Il se retourne pour balbutier une excuse et tombe des nus.

Quatre ans, peut-être cinq, qu'il n'a pas vu la personne qui vient de lui adresser la parole. Draco Malfoy. Il ravale sa salive et l'observe à la dérobée, un peu honteux, sans trop savoir quoi faire ni quoi dire. L'homme ne semblait pas s'être adressé à lui avec moquerie, il le regarde à peine. Ron se demande même s'il sait à qui il vient de parler.

Malfoy est assis sur sa chaise blanche, une tasse dans les mains, et a les épaules fragiles, saccadées de tremblements. Des cernes violacés ont pris possession de ses paupières inférieures et ses yeux sont gonflés, humides de larmes retenus. Un cadavre triste. Un triste cadavre. Les deux. Le spectacle heurte les dernières fondations maintenant Ron Weasley debout ; il ne s'était pas attendu à le voir ici. Encore moins dans un état aussi lamentable que le sien.

- Salut, Malfoy, s'entend-il dire en s'étonnant de n'y trouver aucune ironie.

L'interpelé lève sa tasse.

- Santé, Weasley. C'est ma dixième, les effets se ressentent vite crois-moi. Tente, tu verras qu'il arrive un moment où on s'arrête de pleurer.

Son désarroi ne fait que porter le coup final. Ron prend une petite inspiration, tentant de remettre en ordre ses idées. En vain. Soudain, lui et son ennemi juré d'enfance se ressemblent. Ils n'ont jamais rien eu commun et aujourd'hui pourtant, ils sont frappés par le chagrin. Malfoy lui-même n'a eu besoin que d'un regard pour le comprendre.

La pitié se glisse sous sa peau, involontaire. Les questions, la curiosité maladive aussi. Il les tait, les enferme à double-tour dans un coin de son esprit. Ce serait vraiment déplacé. Humain, certes, mais déplacé.

Ron n'arrive pas à détacher ses yeux de l'ancien Serpentard, même si celui-ci s'est détourné depuis et a repris le fil de ses pensées, quelles qu'elles soient.

- C'est un bien triste jour...

Il se retourne vers la vieille dame qui vient de parler et qui secoue la tête avec tristesse.

- Pour lui, comme pour vous. Mais vous ne pouvez rien pour ce monsieur, mon cher. Il a peut-être déjà bu un peu trop de whisky-pur-feu avec son thé pour tenir une conversation cohérente et rassurante avec vous.

- Je vois.

- Retrouvez plutôt votre femme, je suis certaine qu'elle a besoin de vous.

Il déglutit. Hermione est entre de bonnes mains actuellement. Molly et Ginny l'aident sûrement Il a bien vu comme l'étreinte entre elles avaient été spontanée. Elles ont des choses à se dire et Ron sait que sa compagne se confie plus facilement aux deux femmes. Sans compter qu'il sait de sources sûres que sa propre mère est passée par une telle étape, elle est le mieux placée pour apaiser Hermione.

- Je... Je vais prendre la même chose que lui, finit-il par trancher.

Son interlocutrice ne le juge pas et se contente de hocher la tête sagement. Il a besoin de respirer un peu de son côté. Ginny le rappellera sûrement si Hermione a besoin de lui dans l'immédiat.

Il saisit la tasse quand celle-ci est prête, remerciant la dame. Son regard se fixe sur l'objet en porcelaine et il remarque ses doigts crispés sur l'anse. Sans réfléchir d'avantage, ses pieds le conduisent auprès de son ancien camarade. Il aurait été encore plus embarrassant de l'ignorer, alors il prend place sur la chaise libre à ses côtés et apprécie la chaleur du thé entre ses mains.

Ni Ron ni Draco ne parle pendant une quinzaine de minute, puis le rouquin trempe ses lèvres dans le liquide ambré qui lui rappelle fortement les effluves de son jardin.

- Je croyais que le thé n'était pas pour toi ?

- Oh. J'ai changé d'avis... J'en ai bien besoin.

Une courte pause et il enchaîne maladroitement :

- Je ne pense pas qu'Hermione y verra un inconvénient. Je lui en reprendrai un.

Malfoy opine légèrement de la tête et soupire.

Le silence retombe de nouveau. Il est étrange, mais pas si gênant. L'atmosphère vibre sans mots, leurs auras similaires se comprennent sans qu'ils aient besoin de parler.

Quelques pas dans le couloir dont vient Ron attire son attention et une silhouette potelée, surplombée d'une chevelure tout aussi rousse que la sienne, se dessine dans l'encadrement de la pièce. Molly. Le jeune homme se redresse droit comme un piquet et la tasse lui glisse des mains. Pour la seconde fois en moins d'une heure, il brise quelque chose.

Ses pensées s'accélèrent quand le regard de sa mère le trouve et il oublie les morceaux de porcelaine étalés sur le sol, se dirigeant droit vers elle d'un air inquiet. Il entend vaguement Malfoy marmonner un Reparo derrière lui, tandis qu'il arrive à la hauteur de Molly qui lui prend son visage en coupe comme elle le faisait toujours lorsqu'il était gamin.

Elle ne voit pas l'homme blond en retrait, elle n'a d'yeux que pour lui et sa peine. Comme elle semble loin de la figure toujours enjouée, maternelle, chaleureuse, dont il a l'habitude ! Comme elle semble terriblement affectée, elle aussi ! Il tente une main apaisante sur son bras, mais elle doit ressentir tout autre chose qu'une tentative de soutien? Elle l'attire droit dans ses bras chauds. Elle l'emprisonne dans une étreinte solide dont il ne cherche pas à s'échapper.

Il fait un bond de vingt ans en arrière, pleure quelques larmes tranquilles, et attend que ce soit elle qui s'écarte doucement.

- Les médicomages l'autorisent à sortir dès demain soir, dit-elle quand elle s'exécute. Venez dîner et dormir à la maison, d'accord ?

Il acquiesce et elle esquisse un très léger sourire en tapotant l'une de ses joues.

- Tiens le coup, Ron. Elle va avoir besoin de toi.

- Oui... Je vais essayer.

Molly l'enlace de nouveau, plus rapidement cette fois.

- Je reviens dans une heure ou deux pour prendre le relais de Ginny. En attendant, profites-en pour te reposer un peu.

- D'accord.

Ron réalise que sa voix est aussi automatique que celle d'un robot. Dénuée de toute joie. Mal assurée. Et il se rend compte à quel point Molly est un pilier essentiel. Elle semble savoir quoi faire, quand et comment, et il va suivre toutes ses indications à la lettre.

Quand elle s'en va, le froid et la solitude l'engourdit de nouveau. Ses mains tremblent et il recule de cinq pas pour se rassoir machinalement sur sa chaise, s'étalant de tout son long sur le dossier.

Il ferme les yeux et les souvenirs de la veille reviennent en boucle le hanter brusquement. Il revoit la soirée, si ordinaire, et l'instant exact où le visage d'Hermione s'est transformé sous la douleur. Il la revoit pliée en deux, le souffle coupé, tremblotant et bégayant, l'appelant à l'aide. Il se revoit entrer à Sainte-Mangouste totalement déboussolé. Il revoit les médicomages, leurs gestes, leurs échanges de regards, leur agitation. Il revoit les traits éreintés de sa femme... Il...

- Tiens. Et arrête de pleurer, s'il te plaît...

Ron a oublié qu'il n'était pas seul. Draco Malfoy semble tellement dans son propre monde que son esprit s'était permis de l'évincer.

Et sa voix... Suppliante. Perdue. Depuis quand se prêtait-il aux émotions humaines ?

Le rouquin ouvre les yeux et avise la tasse de thé reconstruite, de nouveau remplie, tendue vers lui. Il la prend sans hésiter. Sans qu'il ne s'y oppose, son voisin y ajoute deux-trois gouttes de whisky-pur-feu et Ron la vide d'une traite.

La femme du stand est partie, elle. Des étincelles voltigent dans l'air, écrivant le mot « pause » en lettres éclatantes. Les couleurs contrastes vraiment vivement avec le blanc neigeux environnant. Il se dit que cette dame est peut-être tout aussi triste qu'eux pour s'entourer d'autant de babioles colorées. Ou peut-être sait-elle, après des années, que chacun des patients qui s'arrête dans cette salle veut fuir la blancheur de l'hôpital.

- Désolé, dit Ron en s'essuyant les joues. Je me suis cru seul un instant.

- C'est compréhensible.

Malfoy porte lui aussi sa tasse à ses lèvres et la boit d'un seul coup, sous l'œil interrogateur de Weasley dont la curiosité est de retour. Pourquoi cet homme, qu'il a toujours connu sûr de lui, frôlant toujours l'arrogance, est aujourd'hui aussi mort de l'intérieur ? Il en a des frissons.

- Je sais qu'on ne se connaît pas vraiment..., commence-t-il maladroitement. Et que notre passé commun n'est pas très... enviable... mais tu es là, je suis là...

Il se tait, il trouve ses mots ridicules. Il n'est jamais très à l'aise avec ceux qui ne font pas partie de sa sphère privée. Mais l'autre l'écoute, alors il s'éclaircit la voix.

- Ce que je veux dire, c'est que tu as l'air... désemparé toi aussi... et, si jamais tu souhaites en parler...

Merlin, il est ridicule. Ron se tait pour de bon, grommelant pour lui-même. Comment s'y prendre avec un ancien camarade qui ne lui a définitivement pas laissé de bons souvenirs ?

Il envie Ginny et sa fibre sensible, son aisance... Derrière ses airs de femme impulsive, elle possède cette empathie naturelle dont il aurait bien besoin sur le moment. Il lève la tête et a envie de récupérer les mots qu'il a prononcés. Il voit les dégâts sur le visage de Malfoy, ce qu'il a remué inconsciemment.

Ou plutôt, il voit l'absence du visage de Malfoy que ce dernier a plongé dans ses mains. Un geste désespéré qui en dit tant.

- Navré. Je suis, je suis vraiment désolé.

Cette fois, sa voix sonne mieux. Plus avenante.

- Rien de ce que tu m'as dit ne m'afflige... C'est la situation. J'y pense et repense. C'est difficile. Astoria et moi... Nous avons perdu l'enfant.

- Je suis désolé, répète Ron.

La coïncidence est terrible, l'accable. Combien de chance de vivre la même chose que son pire ennemi le même jour ? Une sur un millier ? Un million ? Plus ? Il ne sait pas quoi dire. Les phrases se bousculent sur sa langue : des excuses, de la compassion, l'envie de parler, de dire qu'il comprend. Mais il garde le silence.

Draco ouvre la bouche de nouveau. Une première fois en vain, une seconde pour lâcher un murmure cruel :

- Mort né...

Deux mots lourds. Les lèvres de Ron tremblent mais il garde le silence, par respect. Ils vivent à la fois la même chose et à la fois pas du tout. Ce qu'il vit lui fait déjà mal, mais imaginer rien qu'une seconde le choc qu'a du vivre Malfoy le cloue sur place de douleur. Il n'est pas en mesure de dire quoi que ce soit, alors il pose une main sur son épaule. Une main assurée, qui ne flanche pas un seul instant.

Ils n'ont rien en commun, leurs familles ne se ressemblent pas, leurs milieux de vie sont complètement différents. Ils se haïssent ou ils devraient. Mais tout de suite, Ron est là pour lui.

- Orion. Il aurait dû s'appeler Orion...

- C'est un joli nom.

- J'avais vraiment hâte de faire sa connaissance.

Ron resserre la prise sur son épaule. Il comprend mieux que personne. Lui aussi aurait aimé rencontre sa fille, rencontrer sa petite Ambre.

- Merci.

Malfoy essuie ses yeux à l'aide de sa manche d'un geste discret et Ron se détourne pour lui laisse un peu d'intimité. Que ce dernier ose le remercier aussi platement ne le suprend pas. C'est la première fois qu'il entend ce mot de ses lèvres, et il aurait préféré savoir que Draco était capable de remercier quelqu'un en d'autres circonstances.

- Et comment va... Astoria, c'est cela ? Ta femme ?

L'attention de Weasley revient sur l'homme blond et il remarque aussitôt que la mâchoire de son interlocuteur s'est violemment contractée, que son teint est devenu encore plus livide –comme si c'était possible.

- Elle semble aller bien mieux que moi.

Une voix soudainement implacable, qui clôture immédiatement le sujet. Puis il se tourne vers Ron.

- Et toi ? Que s'est-il passé pour que tu sois dans cet état ?

Ron ne peut soutenir son regard et pose ses yeux sur le « Pause » coloré qui virevolte toujours dans l'air. Il inspire, expire, compte jusqu'à trois.

- Aussi étrange que cela puisse te paraître... Nous... Nous avons perdu le bébé aussi.

- Je suis sincèrement désolé.

- Fausse couche.

Un silence.

- Et comment va...

- La santé d'Hermione n'est pas en danger, coupe-t-il.

Physiquement, les médicomages l'ont informé que tout allait bien. Tout est en ordre et elle pourra toujours avoir des enfants, quand le moment voulu sera venu. Mentalement en revanche... Toutefois, cela ne regarde pas Malfoy, alors il n'ajoute rien.

Une seule nuit. Une seule soirée. Il avait fallut l'espace d'un instant pour qu'Hermione perde son sourire et ses couleurs. Un seul instant et maintenant, tout ce qu'elle affiche est une expression si désespérée qu'il a mal quand il la regarde.

- Quelle heure est-il ? improvise Ron.

Son voisin se contente de lui montrer son poignet où la montre en or blanc creuse de nouveau le fossé entre eux. Il est un peu plus de midi.

- Merci. Je vais voir Hermione et je pense que je vais écouter les conseils de ma mère. Une douche me ferait le plus grand bien.

Malfoy hoche la tête, de nouveau absent, loin. Et Ron s'attarde une seconde, une deuxième, puis s'éloigne vers la chambre d'un pas lourd comme du plomb.

• • •

Hermione a fermé les yeux depuis quelques minutes, se laissant dériver. Ginny lui fait la conversation, l'occupe. Elle lui parle du nouveau restaurant de Lavande qui fait des fureurs, elle discute des nouvelles de Neville qu'elle a reçu récemment, elle lui raconte les dernières potins, ce qu'elle a fait ce week-end, une anecdote marrante de son père.

La jeune femme se concentre sur ce que son amie débite pour oublier le sérieux de la situation, oublier la douleur, oublier tous ses espoirs et combien Ambre lui manque déjà tant.

La porte s'ouvre et Hermione sursaute contre son gré. Ron est revenu. Il a oublié le thé mais elle ne lui en veut pas. La seule coupable ici à ses yeux, c'est elle.

Il tente de sourire plutôt maladroitement et se rapproche du lit. Son esquisse de sourire cherche à camoufler des doutes et des troubles. Son regard est chamboulé. Elle a envie de refermer les yeux mais elle n'arrive pas à se détacher de ses iris bleus couleur océan qui la regardent avec tristesse.

- Ma puce.

Ginny se décale pour lui faire un peu de place et Hermione prend sur elle pour ne pas laisser ses yeux dériver sur son ventre qui affiche six mois plein de grossesse. Elles se suivaient, elles partageaient beaucoup toutes les deux. Désormais, c'est beaucoup trop difficile de voir ce petit arrondi qui lui rappelle que son enfant est parti.

Elle se fixe aux prunelles de son mari.

Il lui caresse tendrement les cheveux et le front. Il lui murmure qu'il l'aime, qu'il est là, mais elle n'a pas envie de répondre. Elle n'a aucune envie d'entendre sa propre voix. Elle se dit qu'elle ne mérite pas son affection, là, elle qui a perdu le bébé.

Ron lui embrasse la joue.

- Je vais passer à la maison. Est-ce que tu veux que je te ramène quelque chose ?

Elle secoue la tête. Il a besoin de rentrer, de se reposer, de changer de vêtements. Ce sont des choses rationnelles qu'elle sait si bien. Pourtant, son cœur se déchire un peu.

- Mais je reviens vite. Ginny reste là, Maman va revenir aussi. Tu ne seras pas toute seule, on est tous là pour toi. Je reviens dès que possible, d'accord ? Je t'aime.

Il dépose un doux baiser sur ses lèvres auquel elle ne répond pas.

Fermant les yeux pour ne pas le voir sortir de la chambre, Hermione soupire et Ginny reprend timidement sa tirade pour l'empêcher de sombrer dans de sinistres pensées.

• • •

Ron passe de nouveau devant le stand de boissons chaudes, pressé. Il a dit qu'il reviendrait vite, il tiendrait parole. Il a aussi bien hâte de se changer et de jeter ses vêtements sales, ne plus les revoir, jamais, pour ne plus qu'ils lui rappellent ce mauvais moment.

La dame est revenue et il se souvient qu'il a oublié d'apporter du thé à sa femme. Il jure entre ses dents. Puis, il remarque que Malfoy est toujours là, à fixer le sol comme s'il attendait que celui-ci se transforme. Pris d'une impulsion étrange, il déchire une page du Chicaneur sur la table basse –Pardonne-moi Luna– et prend la plume qu'il n'a jamais utilisée mais qu'il trimballe partout depuis deux mois.

Son ancien camarade l'observe. S'il se pose des questions, il n'en dit rien.

- Tiens, dit Ron. N'hésite pas.

Malfoy s'empare du morceau de papier, en levant un sourcil interrogateur.

- Votre adresse ?

- Oui. Ça peut paraître loin de Londres mais tu peux venir en transplanant ou par la poudre de cheminette si tu as besoin de quoi que ce soit. J'ai mis notre numéro de téléphone aussi. Tu peux envoyer un hibou, mais le téléphone est un engin moldu très rapide si c'est urgent.

- Je sais ce qu'est un téléphone, merci. Je ne suis pas arriéré.

- Je n'ai rien dit de tel.

Ron se redresse et hausse les épaules d'un air embarrassé.

- Fais-en ce que tu veux. Mais sache que la porte t'est ouverte.

Ron ne s'attarde pas plus, un peu nerveux. Il remet sa plume dans sa poche et prend la direction de la sortie. Une certaine fierté s'empare de lui ; Il a fait preuve d'assurance.

• • •

Draco regarde le rouquin partir et se penche vers le papier toujours entre son pouce et son index. Il se lève et déplisse sa veste. Un instant, il hésite à froisser le morceau de Chicaneur et le jeter dans la poubelle la plus proche puis se ravise, le glissant dans une poche. Prenant sa tasse, il revient vers le stand.

- Du thé verveine, s'il vous plaît.

- Encore un auquel vous ajouterez de votre whisky ? Vous allez vous ruiner la santé, mon brave...

Il soupire. Au point où il en est...

- C'est pour ma femme cette fois-ci. Je retourne la voir.

Elle l'inspecte et il décide de vraiment détester l'étincelle de pitié qu'il peut lire dans ses yeux. Il se sent faible. Ça fait des années qu'il n'a pas ressenti un tel sentiment de vulnérabilité.

Il pense vaguement au papier glissé dans sa veste. Il est si faible que même Ron Weasley s'est pris de compassion pour lui. Ce n'est pas rien. Et le constater lui laisse un arrière goût d'amertume. Draco se dit qu'il jettera finalement l'adresse et le numéro en rentrant au Manoir –Pourquoi s'en servirait-il ?

Prenant la tasse de thé préparée, il rebrousse chemin dans ce couloir qui lui donne la chair de poule. Pourquoi autant de blanc dans cet endroit ? Pourquoi est-ce aussi aseptisé, si vide, si froid ? Même le noir, que l'on associe habituellement à la mort et au désespoir, est beaucoup plus chaleureux.

Plus il s'approche de la chambre d'Astoria, plus il a envie de fuir. Il n'a aucune envie de la voir. Ils viennent de perdre un enfant de la plus cruelle des manières et cette femme à la beauté aussi ravissante que glaciale a sourit quand Daphné est arrivée. Un sourire sans artifice, sans rien de faux et tout de vrai. Est-ce qu'un parent peut réagir d'une telle manière ? N'a-t-elle aucune peine pour leur petit Orion ?

Il marche prudemment dans le couloir blanc, dépassant une pièce remplie de médicomages qui discutent entre eux. Pour éviter de voir ce blanc tout autour de lui, il finit par se concentrer sur le thé qu'il espère ne pas renverser. A l'image de la vieille dame et du stand, la tasse est pleine de motifs et de couleurs.

Une jeune femme à la chevelure flamboyante sort de la première porte à sa droite et il a à peine le temps de lui lancer un vrai regard et de l'éviter qu'ils se percutent de plein fouet.

Il maintient la tasse fermement entre ses mains, se focalisant sur l'équilibre du thé, ayant l'impression que sa vie en dépend. Celui-ci flirte dangereusement avec les bords puis se stabilise. Il grimace.

- Malfoy ?

Son nom est prononcé avec surprise, d'une voix fluette et aimable. Il en est le premier surpris quand il lève les yeux : la sœur de Ron Weasley, dont il a oublié le prénom depuis tout ce temps. Cinq ans ont passé depuis le procès de son père où il l'a aperçue pour la dernière fois.

- Weasley ?

- Tu peux m'appeler Ginny, maintenant.

Ah oui, Ginny, il s'en souvient maintenant. Il la détaille de la tête aux pieds et s'arrête sur son ventre en tentant de garder sous clef l'effet destructeur que celui-ci déclenche. La rouquine est enceinte. Des femmes enceintes, il ne veut plus en voir avant longtemps. Il ne veut plus qu'on lui rappelle tout ce qu'il a perdu.

- Ça fait longtemps..., chuchote-t-elle.

Il hoche la tête et détourne son regard sur la porte. Chambre numéro 26. Il présume qu'Hermione Granger doit se trouver à l'intérieur. La chambre voisine à celle d'Astoria, une étrange coïncidence. Vraiment.

- Comment va-t-elle ?

Les mots se sont échappés. Cette fille n'est rien pour lui, oubliée depuis un bon moment, pourtant une petite voix lui souffle qu'ils vivent un peu la même chose et ce n'est pas pour le laisser insensible. Accuse-t-elle le coup comme Astoria le fait avec facilité ou se sent-elle comme lui ? Il est curieux, il a envie de trouver quelqu'un qui lui ressemble, rien qu'un peu, rien que le temps de quelques minutes.

Face à l'étonnement de Ginny, il se reprend :

- J'ai croisé ton frère. Nous avons discuté.

- Ah, d'accord... Et ben, elle se repose comme elle peut. Elle m'a demandé de sortir pour l'instant.

Elle regarde ensuite ses mains.

- Où as-tu trouvé le thé ?

- Au bout du couloir, dit-il en indiquant la direction. Tu ne peux pas le rater.

Elle passe son chemin et il se surprend à continuer sa route sur pilote automatique jusqu'à la porte numéro 28. Quand il entrouvre celle-ci discrètement pour ne pas déranger sa femme à l'intérieur, il découvre que Daphné est toujours là et que les deux sœurs conversent ensemble. Elles ont l'air à l'aise et Draco se contente de rester là, à les observer, observer les mimiques qui traversent le visage d'Astoria.

Elles ne l'ont pas vu ni n'ont entendu le faible grincement de la porte. Tout ce que le jeune homme peut penser, c'est que ni l'une ni l'autre n'a l'air réellement affectée par ce qu'il vient d'arriver au couple Malfoy.

Il a envie de hurler, tout d'un coup. Et de faire marche arrière avant de commettre une bêtise. Il est sidéré, et complètement en colère, et perdu, et si triste.

Comment en sont-ils arrivés là ? Comment sa femme peut-elle sembler si dépourvue d'humanité ?

Il entend un léger rire et il sait que c'est le sien. Il pourrait le reconnaître entre mille après six ans de mariage. Ce n'est pas un rire joyeux, certes, mais c'est un rire tout de même qui le pétrifie sur place. Puis Daphné prend la parole, pose une question dont la réponse arrête littéralement son cœur.

- Mais comment te sens-tu finalement, ma belle ? Tu peux tout me dire, tu le sais ?

- Je ne sais pas trop... Soulagée, je dirais. Tu sais, si –

Sans vouloir en entendre davantage, il claque la porte pour leur signifier sa présence et s'éloigne de la chambre comme si celle-ci contenait la peste en personne. Il a sa réponse : Astoria est soulagée. La fureur qui bouillonne dans son estomac a une saveur amère et corrosive. Il a l'impression qu'il va vomir. Comment être soulagée d'une telle atrocité ? Ne pouvait-elle pas, tout simplement, lui dire dès le départ qu'elle ne voulait pas d'enfant ? Qu'elle n'était pas sûre ?

Il aurait attendu. A l'époque, il l'aimait, il aurait même totalement renoncé à ce projet si elle lui avait donné le choix.

Il n'a plus envie de pleurer, au moins. Toutefois, la solitude n'a jamais été aussi puissante.

Contrairement à la famille Weasley, il n'a personne, lui. Personne pour lui rendre visite, le consoler, pour le serrer dans ses bras. Personne pour l'aider à tenir le coup. Personne de chez personne. Il n'a que son thé et sa fiole de whisky-pur-feu cachée dans sa poche. Un constat malheureux. Il repose la tête contre le mur et lance un regard au plafond. Quand sa vie a-t-elle pris un chemin aussi dénué de chaleur humaine ?

Derrière la cloison, il entend un vague « Draco, c'est toi ? » timide des sœurs Greengrass et il ne répond pas. Il regarde sa main gauche et sans le regretter, il arrache son alliance avec les dents et la laisse pourrir sur le sol. Qu'Astoria aille au diable ! Qu'elle, Daphné, ou un membre du personnel de l'hôpital ramasse la bague si tel est leur souhait, plus jamais il ne la glissera à son doigt.

Il remonte le couloir de quelques pas pour se retrouver de nouveau face au nombre 26, devant lequel il s'arrête. Sans réfléchir, sa main se pose sur la poignée et il entre.

Sa colère s'évanouit aussitôt. Draco a l'impression d'être entré dans autre monde tant ses émotions sont si différentes dans cette chambre-là. La pièce sent à la fois le renfermé et le trop-propre. Il y a du blanc, encore et encore. Il referme soigneusement derrière lui et son attention se tourne finalement vers son ancienne camarade. La seule couleur de la pièce réside dans ses cheveux. Elle possède toujours cette cascade de boucles brunes qui n'en font qu'à leur tête.

Comme l'a prévenu Ginny, elle se repose. Ses yeux ne se sont pas ouverts quand il est entré. Elle ne sait pas que quelqu'un est là, à la regarder, à se poser mille questions et à se sentir ne serait-ce qu'un peu moins seul.

Ses mains tremblent. Une chose est sûre, elle ne ressemble pas au souvenir qu'il garde d'Hermione Granger, celle d'une lionne engagée et enragée, pleine de vie et trop téméraire pour sa clique de Serpentards. Son visage est pâle. L'imitation parfaite d'un cadavre, si bien qu'il se rapproche pour en avoir le cœur net. Il réalise avec effroi qu'elle est bien vivante et ne dort pas ; Elle pleure.

Il a soudain envie de se joindre à elle. Et il culpabilise de penser qu'elle a exactement la réaction qu'il aurait aimé voir chez sa femme. Il est dans la chambre d'une autre et c'est ici qu'il trouve un peu de réconfort, un peu de similitude avec lui-même.

Sans le moindre bruit, il pose la tasse sur la table de chevet à sa disposition et s'assoit sur le bord du lit. Il hésite à lui prendre la main comme il peut le voir dans les films mais n'a pas envie de se faire chasser de là en moins d'une seconde. Il n'est qu'un étranger, un intrus, mais un intrus en quête de solidarité.

Elle commence à réagir à sa présence, sent que le lit est plus lourd. Des plis sur son front se forment et elle ouvre les yeux droit sur lui.

La couleur de ses yeux normalement chaude est d'un froid qui déclenche un frisson dans son dos. Elle a une absence en le voyant, mais aucune réelle surprise ne s'affiche sur son visage. Son regard est complètement vide. Brisée, est le mot qui lui vient en tête et il aimerait tout de suite le balayer. Ce n'est pas la Gryffondore dont il se souvient.

- Salut, Granger, murmure-t-il.

- Weasley, corrige-t-elle machinalement. Mon nom est Weasley, maintenant.

Une voix à peine audible, légèrement cassée. Il baisse les yeux sur l'annulaire qu'elle bouge discrètement et il hoche la tête. Ses yeux restent figés sur ses mains. Il n'est plus prêt à affronter son regard triste à en mourir.

- Ton époux a oublié ton thé.

D'un coup de tête, il désigne la tasse qu'il a posée à ses côtés. La boisson n'était pas pour elle en premier lieu, mais après mûre réflexion, elle en a certainement bien plus besoin que lui ou qu'Astoria.

A sa grande surprise, la jeune femme l'accepte. Elle se redresse et cale un oreiller dans son dos avant de prendre le thé. Elle y trempe vaguement ses lèvres, puis souffle dessus. Un silence. Un silence qui s'éternise. Puis, elle prend une franche gorgée et une bouffée d'air.

- Je suis certaine que tu n'es pas là pour m'apporter du thé, non ?

Sa voix brusquement agressive le désarçonne. Il est vrai qu'il était entré suite à une impulsion et qu'il avait oublié l'espace d'un moment tout leur passé commun... Les insultes, les duels, les blessures, la guerre. Elle n'est pas l'une de ses proches, ils ne se fréquentent pas, elle doit même avoir de lui le plus mauvais des souvenirs. Et pourtant, il est tout de même là.

Et il se sent seul, de nouveau. Pas à sa place.

Il s'éclaircit la gorge.

- J'ai parlé avec lui, il y a peu.

- Lui ? Ron, tu veux dire ?

- Oui.

- Et que t'a-t-il raconté, que je sache ?

Il hésite. Leurs yeux se croisent brièvement. Au moins, une étincelle est de retour dans son regard. Malgré le ton avec lequel elle s'adresse à lui, quelque chose s'adoucit en lui.

- Ce qu'il vous est arrivé... Même si je me doute que tu aurais préféré que je l'ignore.

Sa bouche s'entrouvre, prête à nier, mais elle sait aussi bien que lui qu'il a raison. Elle détourne la tête et reprend une gorgée de son thé qu'elle semble savourer. Ses mains se sont entièrement refermées sur la chaleur de la tasse. Elle se brûle, ses paumes sont rouges, mais elle ne dit ni ne fait rien, et cela n'échappe pas à Malfoy. La chaleur lui fait autant de mal que de bien et cette sensation contradictoire lui apporte du réconfort.

Il peut lire en elle comme dans un livre ouvert. Au delà de ça, il peut voir qu'elle se demande s'il utilisera les informations qu'il a apprises de Ron pour la blesser, pour l'achever, sans se douter un instant qu'il a toujours envie de lui prendre la main.

- Pourquoi t'en aurait-il parlé ? demande-t-elle finalement, mordue par sa curiosité.

- Avec Astoria, il nous est arrivé la même chose...

Il aurait pu dire ma femme. C'était de notoriété publique que les Greengrass et les Malfoy étaient liés désormais. Mais il ne peut s'empêcher de trouver que ces mots lui écorchent de plus en plus les lèvres et d'en avoir de moins en moins envie de les prononcer. Pas seulement depuis aujourd'hui ou la veille. Mais depuis quelques mois.

Il l'avait aimée. Il avait eu des projets. Il l'avait inclut dans son avenir. Mais elle avait changé et ce changement ne passait pas inaperçu, il avait changé la donne.

Perdu dans ses pensées, il se sent fixé. Hermione le regarde, tente de le déchiffrer, déchiffrer son silence. Des interrogations dansent dans ses yeux mais elle est trop polie pour les formuler.

- Voilà pourquoi. Nous avons...

Il se tait. Il n'ose pas prononcer les mots enfants et perdu. Il aimerait parler d'Orion, ses espoirs et son traumatisme, mais il n'ose plus. Il y a comme un nœud qui s'est formé dans sa gorge.

- Je suis désolée...

Sa voix le transperce. Ce n'est pas une parole bateau dit à la va-vite par une étrangère. Son ton est doux et sincère. Il déglutit en fermant les yeux. Il faut qu'il s'en aille, il n'aurait pas dû venir –c'était une erreur. Les larmes manquent de s'emparer de lui et il se lève pour partir au plus vite.

- Je suis vraiment désolée.

Sa main lui attrape délicatement le poignet avant qu'il ne s'échappe et quand il se retourne vers elle, surpris, il ne peut pas cacher ses yeux rouges. Par pudeur, pour lui laisser toute l'intimité dont il a besoin, elle regarde son thé. Mais ses doigts sur sa peau sont chauds.

Il ne sait pas si ça vient de lui ou d'elle, mais il se sent guidé vers le lit sur lequel il se rassoit. La main d'Hermione se détache mais ne part pas, elle continue de le soutenir avec une certaine distance de sécurité. Avec la même délicatesse, il tourne sa paume vers la sienne et les deux se rencontrent. Là. Il se sent moins seul.

Ce n'est pas se prendre la main, ça ne ressemble pas à grand-chose. Mais c'est le maximum qu'ils peuvent faire sans se sentir bêtes et intrusifs. Et le contact n'est pas si dérangeant. L'espace d'une seconde, Draco peut bien oublier qui elle, ce qu'il lui a fait. Ils sont juste deux jeunes gens face à une épreuve et qui apaisent la douleur de l'autre.

- Au fait, Granger.

- Weasley, corrige-t-elle une nouvelle fois.

- Ron m'a également donné votre adresse. Je suppose que tu préfères le savoir.

Elle acquiesce. Puis elle repose sa tasse vide sur le côté.

Un silence s'installe de nouveau. Plus tranquille, moins chargé d'agressivité et de doute. Plus vide aussi. Néanmoins, la solitude n'est plus dans l'air et Malfoy arrive à respire de nouveau.

Hermione finit par bailler et ses yeux papillonnent.

- Merci. Mais je pense qu'il est temps pour toi de partir, je suis épuisée.

Elle serre sa main et il se retrouve à regarder leurs doigts comme un idiot. Il est congédié. La jeune femme est à des années lumière de ce que dégage Astoria. Son empathie est palpable et il se surprend à s'en nourrir avidement jusqu'à la dernière seconde.

- Très bien. Essaie de dormir.

Il se lève soudainement et brise le contact, rangeant ses mains dans ses poches. Lui accordant un dernier regard, qu'il utilise comme un au revoir, il comble la distance entre la porte et lui. La culpabilité est revenue. Avait-il eu raison de venir là ? N'avait-il pas dépassé une quelconque limite ? Après tout, les Weasley et lui, ce n'est pas le monde. Non ?

- D'ailleurs...

La main sur la clenche, il se retourne vers la jeune femme dans son lit d'hôpital. Il ne peut s'empêcher d'avoir un fantôme de sourire.

- J'oubliais. Qui que ton mari soit, tu restes Granger à mes yeux. Si nous nous recroisons à l'avenir, pas la peine de me corriger.

Elle le regarde un peu ébahie et, à son plus grand étonnement, un côté de ses lèvres tremble et se transforme en une ébauche de sourire.

- Fais comme bon te semble, la fouine. Mais tu devrais te reposer aussi.

Il lève les yeux au ciel et admet intérieurement que c'est un conseil judicieux. Il ne s'est pas vu récemment dans un miroir mais il devine aisément la mine déplorable qu'il affiche. En refermant la porte, sa décision est prise : ne comptant pas rester indéfiniment derrière Astoria avec qui il en a terminé, il prend la direction du Manoir.

Pour les funérailles et les parchemins que les médicomages lui ont demandés, il n'est pas encore prêt. Ça peut attendre.

• • •

Un parc et des cris. Des cris joueurs et enthousiastes, perçants. Des cris d'enfants sans aucun doute. Hermione s'y promène. Elle n'est pas tranquille, un sombre pressentiment ne la quitte pas tandis qu'elle longe les allées et que ses yeux sont à la recherche de quelque chose. Quelqu'un.

- Ambre ?

Sa gorge est resserrée sur elle-même. Son regard avise chaque enfant qui a l'air d'avoir approximativement six ans.

L'hiver est là et la jeune femme remet son écharpe en place. Le froid est mordant. Sa fille, quelque part là au-dehors n'est peut-être pas assez couverte. Bon Dieu, faites qu'elle n'arrive pas trop tard. Quelque chose cloche. Quoi exactement ? Son cœur continue de battre la chamade et son pas s'accélère. Son esprit semble partir de plus en plus en vrille. Elle devient folle.

Elle s'arrête quand elle rejoint le terrain de jeu principal. Son enfant ne peut qu'être là. Elle adore le toboggan orange sur lequel se relaient deux jumelles rousses. Aucune trace de Sara. Ni sur le petit mur d'escalade où un gamin joue au pirate ni dans le tourniquet où une ribambelle d'enfant du même âge rit sous la vitesse, poussé par un père dévoué.

Refermant son manteau sur elle-même, elle tremble de plus en plus. Il fait de plus en froid.

- Ambre ? cri-t-elle encore.

Personne ne paraît la voir ou l'entendre. Elle déambule comme un esprit tapageur prisonnier d'une même routine, jour après jour. Une pensée amère lui prend la tête : peut-être est-ce la vérité ? Peut-être n'est-elle qu'un fantôme ? Cela expliquerait facilement son sentiment de vide, d'abandon, de sinistre, qui lui colle à la peau.

Une main se glisse dans la sienne et elle reconnaît son toucher. Tout aussi froid que le vent et le temps. Tout aussi froid que l'hiver lui-même. Hermione pleure et ne sait pas pourquoi ce n'est pas de soulagement.

- Mon Ambre.

Elle se retourne vers la petite fille. Une myriade de boucles blondes. Et des yeux gris. Malgré elle, Hermione lâche la main, recule de trois pas, et tombe sur les fesses.

Un sursaut. Elle se réveille. La chambre est plongée dans l'obscurité et elle bat des cils pour chasser son rêve. Seule une petite lampe projette de la lumière, juste assez pour qu'elle repère la forme de Ron sur la chaise à ses côtés et pour remarquer qu'il s'est endormi aussi. La chambre a changé, a gagné des couleurs pendant son sommeil. Des fleurs embaument la pièce de rose et de jaune, ainsi qu'un parfum rassurant.

Preuve qu'Harry et le reste de sa famille sont passés entre temps.

Mais elle n'arrive pas à l'apprécier. Son cœur bat toujours aussi vite. Elle a toujours aussi froid. Elle se sent toujours aussi abandonnée. Et par-dessus-tout, elle regrette que Malfoy lui ait rendu visite pour avoir rêvé d'une Ambre avec ses traits distinctifs. Tout s'est mélangé dans son esprit. Son esprit est encore sans dessus-dessous.

Elle se redresse sans faire le moindre bruit. Malgré tout, cette visite inopinée n'avait pas été douloureuse. Le chagrin qu'elle avait lu dans ses yeux et la compassion sur son visage avaient pansé d'anciennes plaies à défaut d'avoir pu alléger le poids qu'elle porte aujourd'hui.

Des larmes coulent doucement sur ses joues et elle renifle. La nuit venait de tomber et elle n'était pas sans savoir que la nuit était porteuse d'insomnies et de douleurs lors des temps difficiles. Ses pensées s'assombrissent d'ailleurs déjà. Reviennent la haine d'elle-même, la culpabilité, la sensation d'avoir fauté.

Une autre pensée, différente. Elle s'en veut d'avoir été si silencieuse, si égoïste quand Malfoy s'est invitée dans sa chambre d'hôpital. Ses lèvres se mettent à trembler. Comme elle avait voulu s'exprimer, parler d'Ambre avec lui ! –ce qui explique sûrement son rêve. Et comme elle avait eu envie de lui demander ce qu'il lui était arrivé exactement... A quel terme était arrivé Astoria... S'ils avaient perdu une fille ou un fils, si celle-ci ou celui-ci avait déjà un nom... A défaut de réussir à partager sa douleur avec Ron, dont le regard meurtrit de cet après-midi l'avaient accablée, la partager avec un presque-inconnu aurait peut-être été une solution temporaire.

Elle renifle encore. Un peu trop fort.

Ron remue sur sa chaise et la veste sur lui tombe au sol quand il se précipite à son chevet.

- Hermione. Ma Hermione. Je suis là.

Ses sanglots redoublent tandis qu'il lui caresse les cheveux et qu'il baise son front avec tendresse. Pourquoi n'arrive-t-elle pas à lui parler ? Il ne sait pas tout ce qui la traverse, elle arrive à peine à mettre de l'ordre dans ses idées.

- Je suis désolée... Je suis tellement désolée...

- Hermione, ne le sois pas. Ne t'inquiètes pas.

- C'est ma faute ! Ambre... C'est ma faute, c'est ma faute, c'est ma faute.

Malgré la présence de Ron à ses côtés, sa douceur, ses mots, elle a toujours aussi froid. La main dans la sienne, dans son rêve, avait eu l'air si vraie. Si réelle. Elle pouvait encore la sentir. Et c'était une sensation qu'elle n'était pas prête de connaître et qui lui manquait pourtant déjà.

- Calme-toi, ma chérie.

- C'est ma faute !

- Mais non... Tu sais bien que non...

- C'est mon corps, elle était dans mon ventre. C'est de ma faute. Ce n'est certainement pas celle de quelqu'un d'autre !

Elle a l'air hystérique, mais Ron continue de la toucher, de cherche à l'apaiser par ses paroles et ses caresses. Molly, qui devait faire le guet de l'autre côté de la porte, ouvre la chambre à la volée et se précipite vers eux. Deux têtes rousses cherchent maintenant à la réconforter, à la rassurer, mais aucune d'elles n'arrivent à effacer cette maudite culpabilité qui la ronge.

- Je sais ce qu'on ressent, murmure Molly en lui prenant la main. Mais ce n'est pas ta faute. Ce n'est la faute de personne.

- De personne, appuie Ron, cherchant à la convaincre.

Hermione secoue la tête. Ils ne savent rien. C'est elle, qui vit le vide de son ventre avec tant de puissance. Son corps l'a trahie.

- Tu devrais te reposer, reprend Molly.

- Je ne peux pas. Je n'y arrive pas... Ce n'est pas possible... Je ne peux que penser à... à... cette solitude, sanglote-t-elle en froissant sa chemise de nuit au niveau de son abdomen.

C'est viscéral.

- Une potion, dit Molly en regardant Ron droit dans les yeux. Vas chercher une médicomage. Hermione a besoin d'une potion.

Molly l'étreint tandis que la crise d'angoisse la terrasse. Elle ne peut s'empêcher d'imaginer à quoi aurait réellement ressemblé Ambre. Point de cheveux blonds, ni de yeux gris. Mais certainement de beaux yeux bleus ou bruns, et des cheveux tout feu tout flamme comme le reste des Weasley. Peut-être aurait-elle eu les mêmes boucles sauvages qui bordent son visage. Peut-être aurait-elle eu la même fossette qu'affiche Ron lorsqu'il rit.

Comme elle aurait été belle !

La douleur rebondit partout, donne de violent coups à l'intérieur de son corps. Sa tête, son cœur, ses entrailles, ses jambes. Son corps subit et ne semble plus lui appartenir, déchiré en même temps que le départ d'Ambre.

- Nous sommes là, Hermione, murmura Weasley en la regardant droit dans les yeux, cherchant à l'ancrer dans le présent. Nous serons toujours là et nous t'aiderons de toutes nos forces. En attendant, il faut que tu te reposes. Tout ton être en a besoin, bois-ça.

Quand elle lui tend la gobelet fumant, dont émane une douce odeur de citrouille, Hermione réalise avec grand chagrin que Ron est revenu et qu'elle ne l'a ni vu ni entendu, perdue dans ses espoirs réduits à néants, perdue dans sa folie passagère. La main que son mari tient dans la sienne est tout aussi traitre que son ventre. Pas une seconde, celle-ci ne lui a murmuré son retour. Ses sanglots reviennent malgré elle. Jamais elle ne pourrait prononcer à voix haute assez d'excuses.


Des avis ?

Certaines éléments sont strictement les mêmes. Et d'autres sont complètement différents. Je pense que ça se verra mieux dans la suite, pour ceux qui se souviennent des anciens chapitres. Là, ce ne sont que les prémices.

J'espère que vous avez aimé ce premier chapitre réécrit et je vous dit à bientôt !

Slyth.