Bonjour à toutes !

Quelle surprise, n'est-ce pas ? Je viens d'avoir l'aval de ma très chère " bêta " à défaut d'un autre titre, la très grande Ptite Vampire, et je suis en mesure de vous livrer mon premier - pas très long - chapitre de cette fic de fin d'année... Qui est totalement différente de mon autre fic en cours. J'espère seulement ne pas être un peu gnangnan mais ma très chère correctrice m'a assurée que non !

Je vous laisse plonger doucement mais sûrement dans la merveilleuse ambiance de Noël et vous dis à très bientôt !

Ce soir, j'ai la confirmation de mon départ pour les fêtes - non, je ne les fête pas chez moi ! - et surtout de mon retour, parce que je ne sais pas si je pourrai poster avant ou pas, je vous tiens au courant ! Prenez soin de vous et couvrez-vous bien ! Et surtout... Joyeux Noël en avance :) xoxo


Underneath the Christmas tree

A 19 heures tapantes, je rangeai rapidement mon bureau et filai droit vers les ascenseurs.

C'était la sixième journée consécutive où j'effectuais plus de 12 heures d'affilé et mon corps commençait à réclamer un peu de repos.

Vérifiant malgré tout que j'avais pris mon plus gros dossier en cours dans mon porte-documents, j'attendis avec nervosité le ding qui me sauverait de mon enfer professionnel pour une petite dizaine d'heures. Les portes finirent par s'ouvrir devant moi et je m'engouffrai derechef à l'intérieur sans prendre le temps de regarder qui s'y trouvait, Last Christmas des Wham commençant à résonner en sourdine depuis les petits haut-parleurs qu'avait fait installer Aro Volturi, mon PDG, quelques semaines auparavant.

« Salut, Bella. »

Je sursautai en m'obligeant à me sortir le refrain de la chanson de la tête et me retournai pour faire face à une jeune femme brune d'environ mon âge, vêtue d'un tailleur noir et d'une écharpe rouge vif, qui travaillait dans le secteur économie de l'entreprise.

« Bonsoir, Angela. On rentre tard ? Lui souris-je.

_ Autant que toi, apparemment. » Répondit-elle sur le même ton.

Je fis une légère grimace désabusée.

« Je crois que je vais demander une augmentation l'an prochain. Monsieur Volturi devrait l'afficher en haut de la liste de ses bonnes résolutions de début d'année.

_ Ben m'a dit que tu avais hérité du dossier Mc Fly.

_ Exact. Apparemment, je suis le dernier atout de notre cher directeur.

_ Tu sais que Yorki et Newton sont déjà passés avant toi sur le cas ? S'amusa-t-elle, les yeux pétillants.

_ C'est bien ce que je disais. Le dernier atout… Valable. J'ai quand même réussi à lui faire comprendre qu'il fallait qu'il modernise son affaire s'il ne voulait pas la voir couler d'ici un an ou deux.

_ Vraiment ? » Fit-elle, visiblement impressionnée.

Une légère rougeur envahit mes joues.

« Hmmm… Il y a dix jours, quand Volturi m'a présentée officiellement lors d'un dîner au Ritz. J'ai dû mettre des talons aiguilles pour l'impressionner, alors crois-moi, j'ai vraiment tout fait pour qu'il accepte. Maintenant, je dois lui trouver des solutions d'ici les fêtes si je veux que ma prime de fin d'année soit acceptable. Et toi ? Lui demandai-je.

_ Oh… Rien d'aussi palpitant. Du moins sur le plan professionnel. »

Nous arrivâmes au rez-de-chaussée et sortîmes de l'ascenseur dans le grand hall d'entrée où une dizaine de personnes s'emmitouflaient dans leurs écharpes et bonnets pour affronter le froid et la neige qui tombait depuis quelques jours déjà.

Angela resserra son écharpe et remonta le col de son manteau pendant que je frissonnai par anticipation.

« Est-ce que je peux te demander un conseil ? » Me demanda-t-elle d'un ton presque abrupt.

Je plongeai mon regard dans ses yeux noirs.

Elle semblait nerveuse tout à coup, comme si elle avait pensé à un moyen d'avancer le sujet sans vraiment y parvenir.

Elle se mordit la lèvre, sans doute pour s'excuser du ton de sa voix, et je lui souris pour la rassurer.

« Si tu ne me demandes pas de transformer ton salon en Laponie bis, pas de problème. » Plaisantai-je.

Elle sourit en retour avant de regarder rapidement qui se trouvait autour de nous, puis elle se rapprocha de moi, comme pour me murmurer un secret terrible.

« Je suis enceinte. »

J'ouvris la bouche d'hébétement. Puis un large sourire éclaira mon visage fatigué.

« Félicitations, Angie. »

A son tour, ses joues se colorèrent légèrement tandis qu'elle baissait les yeux.

« Merci… Ben ne le sait pas encore.

_ Tu ne sais pas comment le lui dire ?

_ C'est stupide, n'est-ce pas ? Me demanda-t-elle en relevant les yeux.

_ Non… Pourquoi ça serait stupide ?

_ On est ensemble depuis tellement longtemps… Depuis le lycée ! Grand Dieu, je suis avec lui depuis près de 12 ans ! Mais là… Je ne sais pas… »

Elle me lança un regard brillant et éperdu, attendant silencieusement de l'aide.

Je posai une main compatissante sur son bras et lui souris une nouvelle fois.

« C'est une excellente nouvelle. Il sera fou de joie. Renchéris-je.

_ … Je n'en suis pas sûre.

_ Pourquoi ? Vous êtes ensemble depuis une éternité, mariés depuis 4 ans, l'étape suivante, c'est le bébé.

_ Mais mon corps va changer, je vais prendre du poids. Et s'il n'a plus envie de moi après ? Si je deviens grosse et laide ?

_ Tu portes en toi un des plus grands bonheurs de sa vie. Pourquoi le gâcher avec des peurs inutiles ?

_ C'est ce que ma mère m'a dit…

_ Ta mère est au courant et pas le premier intéressé ? M'écriai-je faussement scandalisée.

_ Ma mère est la réincarnation de Big Brother. Elle a su que j'étais amoureuse de Ben avant moi, tout comme elle a su me prédire quel jour il allait me demander en mariage. Je lui ai juste dit que depuis quelques temps, j'avais des nausées matinales… »

Elle se passa une main légèrement tremblante sur le visage et la porta ensuite inconsciemment à son ventre.

« Un des plus grands bonheurs de sa vie. Répétai-je.

_ Et je lui annonce comment ?

_ Achète un paquet de couches, emballe-le et mets-le au pied du sapin. Il comprendra de suite. »

Elle éclata de rire, soudain détendue.

« Je suis ridicule, n'est-ce pas ? » Murmura-t-elle.

Je haussais des épaules, un sourire compatissant aux lèvres.

« On dit que les femmes enceintes ont leurs sentiments à fleur de peau.

_ C'est vrai ! S'exclama-t-elle.

_ Alors dis-toi que c'est normal et tout se passera bien. »

Elle s'avança vers moi et me serra un moment contre elle.

« Merci… Super Bella. » Murmura-t-elle.

J'essayais de la fusiller du regard.

« Tu sais que j'ai horreur qu'on m'appelle comme ça.

_ Newton a eu une bonne idée, pour une fois. Sourit-elle.

_ C'est un surnom sarcastique à cause de l'affaire Mc Fly.

_ Et il te va à merveille… Sinon, à part ça… Des projets pour ces fêtes ? »

J'eus un léger pincement au cœur tandis que mon sourire se faisait plus triste et que je détournai mon regard.

Pour la première fois de ma vie, j'allais passer Noël et le Nouvel An seule en tête à tête avec ma télé et mon lecteur de DVD, en jogging et sweat-shirt, un plateau-repas sur les genoux. Et peut-être… Oui… Peut-être un petit tour sur les toits.

« Mon père est à la chasse à l'élan au Canada. Je ne pouvais pas lui reprocher de me laisser en plan alors qu'il a prévu ça depuis des mois avec un de ses amis les plus chers. Fis-je dans un sourire contrit.

_ Oh… Et ta mère ?

_ En Europe. Epargne-moi les regards compatissants et évite de me rajouter au dernier moment sur la liste de tes invités. Ris-je.

_ Mais Bella… Noël… C'est important. Ça ne se passe pas seul.

_ Noël est une fête familiale, du moins c'est ce que mes parents m'ont toujours répété. Et il faut que le tien soit parfait. Pas avec un parasite en plus. Et puis, j'ai le dossier Mc Fly pour me tenir compagnie. Ne t'inquiète pas pour moi. Je me contenterai d'un bout de dinde que ma vieille voisine de palier m'apportera sûrement en voyant que je reste chez moi cette année, avec du vin à défaut de Champagne et le chauffage à fond à défaut d'un feu dans la cheminée. Et peut-être une boîte ou deux de chocolats et quelques DVD dégoulinants de guimauve. »

Elle secoua la tête avec un sourire limite affligé.

« Tu devrais rentrer… Ben va s'inquiéter. » Lui dis-je après un moment de silence.

Elle regarda sa montre et écarquilla les yeux.

« Bientôt 20 h ! Je lui avais dit que je rentrerai à 19 h 30 au plus tard. Bon, je vais te laisser. Et… Merci. Si au dernier moment tu changes d'avis et que tu veux un traditionnel et assommant repas de Noël avec un énorme sapin et une cheminée… Tu connais mon adresse. A demain, peut-être. »

Elle m'embrassa sur la joue, entra la tête dans le col de son manteau et sortit dans un tourbillon de neige.

Je la regardai s'éloigner à travers les grandes baies vitrées du rez-de-chaussée de Volturi and Son, un sourire toujours accroché aux lèvres et me préparai à rentrer à mon tour chez moi.

Entourant mon épaisse écharpe en laine autour de mon cou et fixant mon bonnet sur mes oreilles, je me précipitais dans l'enfer hivernal new-yorkais, me glaçant jusqu'aux os.

Je courus plus que je ne marchai vers mon appartement, situé heureusement qu'à quelques pâtés de maisons de là, slalomant entre les gamins agglutinés contre les vitrines des grands magasins en poussant des « oh ! » émerveillés, croisant lutins et Pères Noël frigorifiés devant les devantures de certaines boutiques, mères et pères de famille les bras chargés de cadeaux.

Quelques minutes plus tard, je refermais bruyamment la lourde porte de mon immeuble derrière moi et m'autorisais un soupir de soulagement.

Comme tous les soirs, je me dirigeai vers les dizaines de boîtes aux lettres alignées contre le mur de gauche et comme tous les soirs, mon regard se posa sur le nom de mon voisin du dessus.

Edward Cullen.

A la seule lecture de son nom, mon cœur eut un raté et mes joues s'embrasèrent.

Je l'avais rencontré environ deux mois auparavant, lorsque mon meilleur ami d'enfance, Jake, m'avait appelée pour m'annoncer qu'il avait pris la décision de demander la main de celle qui constituait notre trio infernal, comme le disait trop souvent mon père, Leah.

Le 18 Octobre, date à laquelle nous nous étions jurés une amitié sans faille et éternelle lorsque nous n'étions encore que des enfants. Une promesse infantile et vaine selon certains, mais qui avait perduré.

Jake était la tête brûlée de notre micro groupe, celui qui nous faisait rire au temple le dimanche, celui qui enfermait un putois dans la chambre de mon père quand, pour me punir, il m'interdisait de le voir, celui qui avait volé la moto de son prof de sport en Terminale à la suite d'un pari et qui avait roulé jusqu'à Seattle avant de téléphoner pour dire à son père où il se trouvait.

Leah était le calme personnifié. Posée, la tête sur les épaules, parfois même trop terre à terre, elle était celle qui essayait toujours de le remettre sur le droit chemin quand je n'y arrivais pas – c'est-à-dire les trois quarts du temps -, celle qui arrivait à le comprendre en un seul regard.

Ils avaient passé leur adolescence à se tourner autour et un beau jour, étaient venus chez moi main dans la main.

J'avais été ravie.

Ils étaient l'eau et le feu, le jour et la nuit. Complémentaires.

Ils étaient actuellement en lune de miel à Bora-Bora et je maudissais Jake d'avoir eu une idée aussi lumineuse, alors que je me retenais chaque jour de ne pas mettre la moitié des pulls de ma penderie pour ne pas mourir prématurément de froid.

Je récupérai mon courrier, regardant une nouvelle fois le nom affiché à côté de ma boîte aux lettres, me demandant s'il serait là ou pas ce soir.

Tout en prenant l'ascenseur, je tentais de m'interroger sur la forme d'addiction qu'il avait fait naître en moi en quelques semaines.

Je me rappelais son regard dans le vague en train de se jurer solennellement que c'était la dernière fois qu'il fumait une cigarette, en laissant tomber dans le vide le mégot qu'il tenait entre ses doigts étonnamment longs. Momentanément, j'avais été distraite de ma conversation avec Jake, observant ses traits creusés, son profil droit, limite trop parfait. Ses lèvres pleines qui s'étiraient en un sourire de regret alors qu'il regardait sa dernière cigarette disparaître.

En entendant le son de ma voix, il s'était détourné et m'avait lancé un sourire d'excuse car il était interdit de fumer dans l'immeuble, même sur le toit.

Moi, j'étais figée comme une idiote à la porte du toit aménagé, le seul endroit de New-York où je pensais être seule au monde, où je me rendais fréquemment pour réfléchir. C'était la première fois que j'y voyais quelqu'un, malgré la piscine qui s'y trouvait.

Nos regards s'étaient accrochés durant un temps interminable, lui figé à une vingtaine de mètres d'où je me trouvais.

J'avais tenté de lui rendre son sourire et de lui faire comprendre que je ne le trahirais pas pour son entorse au règlement.

Il avait légèrement incliné la tête et s'était éloigné, sans doute pour me laisser plus d'intimité.

Je l'avais regardé se diriger vers l'autre bout du toit, répondant par des sortes de borborygmes plutôt que par des phrases cohérentes à Jake.

J'avais détaillé son dos, ses épaules, plutôt larges, ses cheveux d'un auburn foncé que je n'avais jamais vu auparavant, sa démarche presque aérienne et nonchalante, son détachement face aux choses.

Plus tard, bien plus tard, bien après la fin de ma conversation avec Jake, quand il s'était décidé à réapparaître de mon côté – il n'avait pas le choix s'il voulait rejoindre la résidence – et qu'il s'était rapproché de moi, la couleur de ses yeux où le Soleil couchant se reflétait m'avait abasourdie, limite sonnée. D'un vert riche, chaud et froid en même temps.

Les pieds dans l'eau, je ne pouvais que le regarder, sa silhouette se détachant du ciel comme un être seul au monde.

Les mains dans les poches de son pantalon à pinces, il me regarda un instant avant de s'asseoir nonchalamment à mes côtés et de remonter les pans de son pantalon sur ses jambes musculeuses et plongea à son tour ses jambes dans l'eau froide de la piscine.

« C'est vous qui êtes au 116 B ? Me demanda-t-il, son regard flottant à la surface de l'eau.

_ Euh... Oui. Répliquai-je, le cœur battant légèrement vite.

_ Et qui montez le son de votre chaîne le Samedi soir ? »

Je sentis mes joues s'empourprer, ma bouche entrouverte, cherchant une excuse minable à mes moments de folie et de détente du Samedi soir.

« Ma fille aime beaucoup ce que vous écoutez. » Sourit-il en relevant ses yeux vers moi.

Il me tendit sa grande main en se présentant :

« Edward Cullen. Le voisin d'au dessus, 216 B. »

Par automatisme, je la serrai et remarquai qu'il n'avait pas d'alliance.

Je ressentis une légère ondée d'électricité et retirai prestement ma main de sa paume avant de murmurer pitoyablement :

« Bella Swan... La voisine bruyante du dessous le Samedi soir. 116 B.

_ Je sais. J'ai repéré votre nom sur les boîtes aux lettres. Et votre charmante voisine, Miss Shelling, comme elle me l'a très gentiment souligné malgré ses cheveux blancs, m'a montré il n'y a pas si longtemps que ça une photo de vous. Savez-vous qu'elle possède une photo de tous les habitants de l'immeuble ? »

Notre première conversation. Assez surréaliste.

Nous avions parlé durant des heures de ma voisine de palier, une ancienne secrétaire en chef d'un cabinet d'avocats, d'origine anglaise, célibataire car étant la cadette de ses frères et sœurs, elle avait dû s'occuper de ses parents malades, passionnée par les chats et le tweed et présidente imminente de nos réunions de propriétaires. Cela se faisait obligatoirement chez elle sur toute une semaine – Lundi, premier étage, Mardi, deuxième étage, etc – où nous prenions le thé, mangions des biscuits secs qu'elle gardait précieusement dans de grandes boîtes en fer et finissions photographiés comme un merveilleux moment passé en famille.

J'étais rentrée chez moi au milieu de la nuit, un sourire étrange et indécollable sur mes lèvres.

Le lendemain, j'avais regardé son nom sur les boîtes aux lettres et le faisais tous les jours depuis.

« Parlons littérature. »

C'était près de quinze jours plus tard.

J'avais passé mes soirées sur le toit, espérant le voir revenir, enfreindre le règlement ou non. Juste le voir aurait illuminé ma journée.

Je n'arrivais pas à savoir pourquoi.

Je n'en avais même pas parlé à Leah.

Pour la première fois depuis des années, un homme avait su susciter mon intérêt.

C'était sûrement ses yeux. Oui… Ses yeux hypnotiques. Ou sa façon de parler. Ou peut-être même sa façon de sourire. Ou la lueur qui illuminait ses yeux quand il parlait de sa fille.

Il s'était assis à mes côtés, dans la même position dans la quelle nous étions quinze jours plus tôt, mise à part que j'avais pris un châle pour me protéger de la morsure du froid qui commençait à tomber.

Il portait toujours une chemise blanche. Il l'avait toujours ouverte au col. Et il avait toujours un pantalon à pinces qu'il avait relevé sur ses mollets.

Momentanément, je regardais ses pieds brasser l'eau à côté des miens, me demandant si j'entretenais une sorte de relation avec cet homme.

J'avais l'impression que nous étions sur la même longueur d'onde. Que si nous nous étions rencontrés, ce n'était pas un hasard.

« Vous préfèrerez peut-être parler base-ball… »

Sa voix m'arracha à mes réflexions.

Je plongeais avec délice dans les profondeurs abyssales de ses yeux verts et me rendis compte qu'ils m'avaient manqué. Au bout de seulement une unique conversation.

Il me regarda avec curiosité, peut-être même avec perplexité.

Que se passait-il dans sa tête ?

Pourquoi une entrée en matière si incongrue ?

Pourquoi maintenant ?

« J'étais en déplacement à Los Angeles. » Me dit-il au bout de longues minutes à m'observer.

Je rougis, soudain mal à l'aise.

Pouvait-il voir toutes mes interrogations dans mes yeux ?

Puis soudain, je souris.

Je l'avais attendu durant quinze jours, je commençais à me dire qu'il ne reviendrait pas, qu'il n'avait pas autant que moi apprécié notre interlude. J'avais même demandé de ses nouvelles à Miss Shelling dont les yeux s'étaient faits tout à coup aussi scrutateurs que ceux d'un aigle avant qu'elle me réponde qu'elle ne l'avait pas vu non plus.

« Je peux parler des deux. » Finis-je par répondre en lui lançant un regard plein de malice.

Il sourit à son tour, visiblement impressionné.

« Je suis allé voir un match entre les Dodgers de Los Angeles et les Mariners de Seattle.

_ Sans doute les deux équipes favorites de mon père.

_ Vraiment ? J'apprécie plus les Dodgers.

_ Il apprécie plus les Mariners. Sans doute à cause de la proximité avec ma ville natale.

_ Vous êtes donc loin de chez vous.

_ Forks, bourgade de 3000 habitants, 5200 en été, état de Washington. Si vous aimez taquiner le poisson ou faire du rappel, cette ville est faite pour vous. » Plaisantai-je.

Il éclata de rire en s'inclinant légèrement en arrière pour s'appuyer sur ses deux mains.

« Mon père adorerait. Répondit-il.

_ Il ne faut pas avoir peur de l'humidité.

_ Ce n'est pas un problème.

_ Ni des – 25° régulièrement affichés sur le thermomètre l'hiver.

_ Ça non plus.

_ Ni des ours.

_ Ça… »

Il me lança un regard effaré.

« Des ours ? » Hallucina-t-il.

J'éclatai à mon tour de rire.

« Et des pumas. Précisai-je.

_ Seigneur… En gros, il faut venir avec un fusil de chasse.

_ En gros, oui.

_ Je suis originaire de Chicago. J'ai plus côtoyé l'urbanisme que la nature dans ma vie.

_ Il faut aussi y aller avec un fusil si on ne veut pas avoir de sentiment d'insécurité. »

Ses yeux pétillèrent, me gonflant le cœur, puis il détourna son regard, soudain rêveur, presque triste.

« C'est la ville où est née ma fille. Je ne pourrai jamais la dénigrer. » Souffla-t-il.

Puis il replongea son regard dans le mien, un léger rictus sur les lèvres.

« Je ne parlerai pas de ma vie privée avant la dixième semaine. »

Mon rythme cardiaque s'accéléra : était-il en train d'instaurer une sorte de… rituel du Vendredi soir ?

Voyant sans doute mon trouble, il précisa avec un air d'excuse :

« J'ai aimé parler avec vous la dernière fois. Ça ne m'était pas arrivé depuis très longtemps.

_ Moi aussi, j'ai aimé parler avec vous. Répliquai-je, la gorge soudain nouée.

_ J'ai pensé à vous. A votre exubérance. »

Nos pieds dans l'eau se touchèrent et un long frisson me traversa la jambe qui me mit mal à l'aise.

« Vous me trouvez exubérante ? Soufflai-je, mes yeux dans le vague.

_ C'est une qualité chez vous. Et je suis sûr que vous en recelez d'autres. »

A nouveau, nos regards se croisèrent.

Et à nouveau, ma gorge s'assécha.

Je me sentais oppressée, me disant que j'imaginais sans doute des choses qui n'existaient certainement pas.

« William Tennessee. C'est l'auteur que je lis en ce moment. » Dit-il.

Un nouveau sourire flotta sur mes lèvres : si je devais un jour lui présenter mon père, il serait ravi de le rencontrer.

« Je crois que je connais par cœur le recueil de Dans l'hiver des villes.

_ « Après que vous ayez couché ensemble pour la première fois

sans l'avantage ou le désavantage de toute connaissance antérieure,

l'autre vous dit très souvent,

Parlez-moi de vous-même, je veux tout savoir de vous,

quelle est votre histoire ? Et vous pensez que, peut-être, ils veulent réellement et vraiment

connaître sincèrement l'histoire de votre vie, aussi allumez vous

une cigarette et commencez-vous à la leur raconter,

tous deux étendus ensemble dans une position de détente complète,

tels une paire de poupées de chiffon qu'un enfant ennuyé a laissé tomber sur le lit. […] » Récita-t-il, les yeux plongés dans le vide.

Je frissonnais.

Tant par le son de sa voix que par les paroles du regretté poète.

« L'Histoire d'une vie. Soufflai-je.

_ L'Histoire d'une vie. » Acquiesça-t-il.

Il m'avait parlé de Jim Harrison, j'avais débattu avec passion sur Shakespeare. Il préférait les choses qui sortaient de l'ordinaire, je préférais le classique…

Et ainsi, depuis le 18 Octobre, nous nous étions retrouvés tous les Vendredis soir sur le toit, où nous avions débattu sur le base-ball, la cuisine, les voyages, l'utilité des transports en commun, la tranquillité de Central Park, la femme et sa passion pour la soie et la dentelle…

Je pris l'ascenseur jusqu'au sixième étage en regardant mon courrier, calculant les factures dont j'allais devoir m'acquitter avant de penser aux cadeaux de Noël et me dirigeais vers mon appartement, quand la porte de Miss Shelling s'entrebâilla.

« Est-ce vous, Isabella ? »

J'inspirais profondément pour me donner patience ; il était quasiment 21 h et nous nous retrouvions sur les toits à 21 h 30, invariablement. Si je voulais ne pas sauter en plus de mon repas du midi celui du soir, j'allais devoir l'éconduire rapidement. Avec délicatesse, mais l'éconduire tout de même.

« Bonsoir, Miss Shelling. Je suis assez pressée ce soir, excusez-moi… » Commençai-je en redoutant qu'elle ne veuille me montrer le nouvel album photos de ses quatre chats au quel j'avais échappé toute la semaine.

Elle ouvrit plus largement sa porte, ses yeux bleus délavés me lançant un regard perçant. Elle s'essuya ses mains couvertes de farine sur son tablier rouge bordé de sapins de Noël blanc, avant de rajuster inutilement le médaillon qu'elle portait au col.

« Mr Cullen est passé chez vous il y a environ une heure. » M'apprit-elle.

Elle me jaugea, attendant sans doute une réaction qui trahirait une relation entre lui et moi, et pour mon plus grand malheur, mes joues s'empourprèrent.

« Il vous demande d'aller chez lui à 22 heures car les toits sont impraticables. »

Nouveau regard inquisiteur.

Nouveau rougissement.

Mon cœur s'accéléra subrepticement : chez lui ! Il m'invitait chez lui !

Malgré moi, je jetai un regard à mon tailleur strict et réglementaire et eus un grognement dépité. Je passais mentalement en revue mon dressing en me demandant ce que j'allais porter : une robe ou jean ? Rendez-vous galant ou décontraction ?

Passait-il à une sorte de vitesse supérieure ? Il m'invitait à dîner chez lui ?

Je remis nerveusement une mèche de mes cheveux derrière mon oreille.

Non, impossible. Nous ne faisons que discuter d'habitude, et son comportement n'avait jamais suggéré…

Et s'il avait remarqué que j'avais trop regardé ses lèvres la dernière fois ?

« Apparemment, il a besoin de vous pour décorer son sapin. Il a dit qu'il vous avait rencontré chez le marchand au coin de la rue et que vous le lui aviez proposé en début de semaine. »

Je croisais une nouvelle fois ses yeux bleus qui m'inspectaient pour déceler une trace de mensonge et me forçai à lui lancer un sourire pas trop crispé.

« Oui. Sa fille arrive la semaine prochaine, il voudrait que tout soit parfait. »

Il acquiesça sans mot dire et continua à me lorgner.

Resserrant ma prise sur mon porte-documents et mon courrier, je lui adressai un signe de tête et m'engouffrai dans mon appartement en m'affalant contre la porte.

Que m'attendait-il ce soir ?


On ne m'en veut pas pour la fin en... suspense !

Merci de m'avoir lue et pour les reviews, à très bientôt xoxo