~ Prologue ~


Ses lèvres la caressèrent…

Il était si gentil. Étrange n'est-ce pas ? Quelqu'un était gentil avec elle ; personne n'avait jamais été gentil avec elle.

Il voulait qu'elle l'embrasse en retour, alors elle l'embrassa en retour…

Elle fit courir sa main entre les fils soyeux de ses cheveux... Elle aimait chaque recoin de sa personne, que cela soit le petit bout émergeant de son être, où chacun de ses muscles dont elle adorait se repaître. Une fois la partie douloureuse terminée pour elle, il adorait tant la câliner ; comme il s'extasiait de goulûment l'embrasser.

Elle savait qu'elle était laide ; car personne n'osait lever le regard sur elle. Les gens l'insultaient, la haïssaient, l'évitaient, et la blessaient indéniablement, inévitablement, indéfiniment…

Il la blessait également lui aussi, toutefois, de manière bien pire... Bien plus subtile, bien plus cruelle... Mais il était si doux

Alors, il gémit un nom.

Le nom d'une autre personne.

Il devait y avoir une fille chanceuse au dehors qu'il devait sans doute aimer. Il la lui soufflait à chaque fois qu'il la chevauchait. Cela était seulement la troisième fois en deux mois, mais cela lui faisait toujours atrocement mal — et cela restait horriblement douloureux les jours d'après. Mais Naruto le supportait, comme elle arrachait toute l'affection qu'elle pouvait recevoir de lui. Qu'il ne l'aimait pas en fond, elle l'acceptait :

Personne n'aimait un monstre.

Ses cheveux blancs neige lui taquinèrent alors le nez, et elle aurait gloussé sans cette langue étrangère pénétrant l'intérieur de sa bouche.

Elle n'aimait pas ça à vrai dire. Elle n'aimait pas la partie douloureuse qui suivait non plus.

Tout ce qu'elle voulait, en vérité ; c'était que des bras chaleureux l'encerclent. Comme elle voulait tant qu'il s'endorme à ses côtés pour qu'elle puisse prétendre en avoir autour d'elle... Et elle adorait se serrer contre lui lorsqu'il dormait... car elle se sentait en sécurité auprès de lui... Elle pouvait ainsi le regarder dans les yeux et prétendre, prétendre qu'il était son père, qu'elle avait eu un cauchemar et qu'il était venu la réconforter. Elle pouvait également rêver qu'il était son amant, qu'elle était une fille plus âgée et que cela était plus juste pour elle, sa situation et son état. Elle pouvait aussi s'illusionner qu'il était son meilleur ami, qu'il était là pour la choyer et la chérir. Et elle pouvait ainsi prétendre qu'il n'était pas le monstre qui la hantait toujours à chacun de ses pas... Et qu'il était au dessus d'elle ; encore...

Debout, s'étendant sur elle...

S'était-elle endormie ? pensa l'homme.

Mizuki lui sourit, un sourire où des dents blanches transparurent malicieusement.

« Eh bien, monstre, n'était-ce pas adorable ? »

Elle ne pouvait se retenir de lui sourire en retour. Elle, qui ne pouvait que le regarder avec admiration.

Le son d'une braguette se fit entendre lorsqu'il releva son pantalon. « N'oublie pas le test demain, chapitre treize et quatorze ! », murmura-t-il lui-même embarrassé, dirigeant ses yeux loin de la minuscule créature.

Naruto ne faisait juste que le regarder entre ses diaphanes pupilles.

De longs et d'innocents cils...


Quelque chose est bizarre avec moi... pensa Naruto vomissant pour la vingtième fois de suite. Que se passe-t-il avec mon corps ?


Ino snobait vicieusement la petite blonde marchant vers elle, en dévergondant son corps d'une rude manière qu'elle avait prise de sa mère :

« Salut la Grosse ! la salua-t-elle mélodieusement. Encore en train de porter cet hideux gilet orange à ce que je vois ! »

Je porte ce gilet seulement parce que tu m'as dit de le mettre... Car tu as dit que les grosses devaient justement cacher leur poids...

Naruto tourna la tête en souriant piteusement.

Sakura était là également... Toujours présente aux côtés d'Ino... Elle devait toujours s'incruster dans une discussion qui ne la regardait pas :

« Tu pues le vomis comme d'habitude ! » lui sourit la peste aux cheveux roses bonbons avec mépris.

Naruto baissa la tête. Elle s'assit sur la balançoire ; celle qui était toujours abandonnée comme personne d'autre ne désirait la toucher après avoir été utilisée par elle. C'était toujours après les cours que ces deux filles venaient la harceler, encore et encore, comme toujours...

« Tu as vraiment besoin de surveiller ce que tu manges, la Grosse ! rajouta Sakura. Ce n'est pas parce que tu n'as pas de parents que cela signifie que tu peux faire ce que tu veux. »

Naruto traça de petits cercles avec son pied dans la terre.

Ino agita rudement deux doigts devant les yeux sombres de la blonde. « Eh ! Eh ! La Grosse ! On te cause ! »

Naruto releva la tête.

« Je suis désolée Ino-san, Sakura san, qu'étiez-vous en train de dire ? » demanda Naruto avec politesse.

Pourquoi suis-je si calme ? Pourquoi suis-je donc si polie ? Oh... Que je suis fatiguée...Mon gros ventre est comme une sangsue, une sangsue pompant toute mon énergie...

Son ventre formait une large bosse, une très grosse bosse pour une bien si petite créature bien qu'en vérité, il n'était pas si gros... Elle portait toujours sa même veste orange, qui la camouflait avec ses shorts gris lui descendant jusqu'à ses genoux, mêlés à des chaussettes cachant également ses jambes enflées. Les minuscules chaussures qu'elle portait étaient encore plus minuscules en comparaison du reste de son corps. Elle ressemblait à une misérable créature, une misérable créature fatiguée de tout. Ses cheveux étaient enchevêtrés, sa face présentait une grimace permanente et seuls ses yeux ressortaient de sa peau désolée ; elle était l'image même de la petite fille zombifiée.

Et alors, sentant sa misère, les deux autres filles qui étaient haïes et qui se faisaient pareillement brutaliser par leurs camarades se retournaient vers une cible plus petite et plus facile d'accès... Naruto était la seule qu'elles pouvaient blesser au travers de leurs piètres et risibles insultes. Et Naruto supportait la douleur... cette blessure... ainsi que toute la haine qu'elle emmagasinait dans une place secrète de son cœur, une place qu'elle montrait seulement à une seule personne, Mizuki... Lui qui la saisissait dans ses bras et qui la consolait en la laissant pleurer sur son épaule, qui lui pardonnait, enfin...

Pardonner et encore pardonner...

Finalement, lorsqu'elle réalisa qu'elle ne pouvait plus marcher ; elle se roula en boule du mieux qu'elle le pouvait, pour supporter ce ballon gonflé qu'était son ventre, qui était devenu presque aussi gros qu'elle ne l'était elle-même... elle qui pleurait silencieusement sur un coussin, rêvant de cauchemars d'un monstre sortant de son estomac et l'achevant.


Mizuki la nourrissait.

Mizuki lui apportait de l'eau.

Mizuki lui pardonnait.


Et enfin, la douleur commença.

En premier lieu, ce n'était rien d'autre qu'une secousse la réveillant cahotée. Silencieusement, elle priait pour que le monstre de son estomac ne la tuerait pas alors qu'elle retombait dans un sommeil épuisant.

Alors... les secousses reprirent. Avec plus d'ardeur et d'insistance, obligeant l'enfant émancipé à crier une poignante angoisse, mais les secousses se terminèrent assez vite, et ne reviendraient la déranger que plus tard.

Le premier signe de cette terrifiante souffrance fut l'éclaboussure entre ses jambes. Elle n'était pas encore capable de pouvoir marcher pour se soulager et Mizuki nettoyait comme d'habitude son bazar après son passage en l'aidant à se relever, avant de la jeter dans la baignoire remplie d'eau froide. Mizuki lui pardonnait alors pour ensuite lui faire la grimace, lui disant ô combien elle était hideuse et repoussante, en lui avouant qu'il se demandait même comment il pouvait la supporter... Mais c'était une évidence, lui assurait-il, qu'il devait être certain que le travail était fait, et que son putain de chakra ne lui laisserait tuer la créature.

Ainsi, Naruto devint négligente à propos de cette répulsive éclaboussure... jusqu'à qu'une sorte d'alarme lui signale dans sa tête qu'il était temps... et que cela arrivait... et surtout :

Qu'elle n'était pas prête.

C'était horrible ; elle poussa un hurlement si fort que celui-ci l'étourdit. Son agonie était au-dessus de tout ce qu'elle n'avait jamais ressenti !

C'était un monstre, une créature qui se collait à elle... et qu'importait le nombre de fois qu'elle frappait son estomac, hurlait ! Celle-ci refusait de s'en aller, refusait de la laisser... tout en revenant constamment à la charge :

Douleur, horreur, agonie...

Naruto cria de douleur cette nuit. Cri, qu'elle alimenta durant des jours, des nuits, des semaines même.

C'était inflexible et impitoyable.

Tant qu'au final, elle céda :

Elle trouva un bout de verre pointu par terre, puis tenta de s'ouvrir là où son monstre intérieur essayait de s'échapper en lui écrasant ses vertèbres avec une chose qu'elle trouva incroyable dure.

Alors, enfin... la souffrance absolue allait bientôt cesser.

Naruto s'évanouit, flasque, épuisée... mais quelque chose à l'intérieur d'elle lui soufflait de ne pas s'endormir. Quelque chose à l'intérieur d'elle lui ordonnait de regarder.

Elle entendit quelque chose crier.

Elle baissa alors son regard sur la chose la plus immonde qu'elle n'avait jamais vue.

Mais en dépit de ça, quelles que soient les raisons, étrangement... Naruto l'adorait.

Et ce fut dans cette euthanasiante félicité qu'elle sombra dans l'inconscience.


Mizuki était là lorsqu'elle se réveilla :

« Chut. Ne dis rien, retourne à l'école et oublie tout.

— Où ? Quoi ? croassa Naruto.

— Fini... soupira Mizuki. Fini pour de bon... Terminé. »

Sa voix avait un aspect définitif. Une sorte d'immense poids semblait se soulever de Naruto pour atterrir sur l'épaule de l'homme qui lui sourit apaisé.

Le corps de Naruto commença alors à se convulser intensément. Un tremblement terrible qui lui ceignait le cœur de folie, lui faisant écarquiller les yeux d'horreur :

« Non, non, non, non ! cria-t-elle désespérément. Je veux-

— Nous n'obtenons pas toujours ce qu'on veut, n'est-ce pas ? lui coupa Mizuki. Moi qui espérais une fille facile, au lieu de ça, j'ai une affaire de neuf mois avec une fille qui était supposée être trop jeune. »

Naruto cligna des yeux avec confusion avant de répéter inlassablement des « Je veux ! » en tendant les bras, puis s'arrêta lorsqu'elle remarqua que Mizuki demeurait stoïque à son égard.

« Mien ! », rajouta-t-elle embarrassée d'une voix tragiquement fébrile... Sa gorge lui brûlait si intensément que ce fut la seule chose qu'elle arriva à dire.

Mizuki se mordit les lèvres pensivement en la fixant. « Bien... », intima-t-il finalement, avant de souffler : « Mais tu ne diras à personne ce que tu as ici, ou quoi que ce soit qui a un rapport avec moi ou sinon... »

Il la fixa durement.

« Je le tue, toi avec. Compris ?! »

Me tuer ? « Oui... » Pourquoi agit-il si étrangement ?

Mizuki se leva puis se dirigea vers la porte.

Naruto sourit au paquet bleu qu'elle tenait dans ses bras.

« Merci... »

Mizuki lui sourit amèrement en retour avant de battre des cils apparemment surpris, voire touché.

« Hum.. Ouais... Bien... » murmura-t-il, en regardant loin d'elle — de honte ?

Naruto adressa un sourire éblouissant à la créature. Des cheveux blanc-neige teignaient sa légère face bronzée où de petits yeux bleus se perçaient, ainsi qu'un minuscule braillement s'en échappait, révélant de parfaites dents blanches.

« Tu sais que tu es une merveilleuse petite chose? » souffla la petite blonde.

Il y eut un bruit sournois, et les yeux de la fille se connectèrent soudainement avec de furieuses pupilles brunes.

« Toi…, grogna Mizuki dangereusement en lui saisissant sèchement le poignet. Ne le dis à personne, ou je tuerai la merveilleuse petite chose que tu portes dans tes bras, saisis ? »

La petite fille acquiesça.

Et Mizuki lui daigna un rictus, tirant sur son T-shirt d'une seule main, où avec l'autre, il prit dans sa poigne l'un des seins de Naruto qui étaient assez développés en dépit de son âge.

« Crois-tu vraiment que tu seras capable d'allaiter cette chose seulement avec ça ? »

Elle se pinça les lèvres pour se prévenir d'extérioriser sa peine tandis Mizuki riait aux éclats en la laissant filer.

Il était bien trop fort pour elle et il l'avait pleinement sous sa coupe. Comme il se délectait d'avoir une telle impression de puissance sur elle...

« Toi, sale gosse ! murmura-t-il sinistrement. Tu risques d'avoir des difficultés avec cette créature, d'autant plus que personne ne t'aidera ! »

Naruto acquiesça faiblement. Elle devait tout accepter ; si ce n'était ne serait-ce que pour avoir l'acceptation d'un homme qui autrefois avait été gentil avec elle.


Elle voyait Mizuki à l'académie. Elle tentait de lui sourire, de lui parler, mais toujours, il l'ignorait. La seule reconnaissance qu'elle recevait était les petites enveloppes contenant une poignée de yen, et qu'elle trouvait dans son sac de temps à autre.

La bouche de la sangsue en dessous de son shirt l'atteignit tout d'un coup, puis suça.

« Tu prends trop », murmura Naruto à la chose en lui souriant tout de même, malgré tout.

Même si elle mangeait autant qu'elle le pouvait, elle était toujours fatiguée, surtout tôt dans la matinée. La terreur de ne savoir que faire lorsque la sangsue braillait la ceignait continuellement et lui faisait ressentir un besoin permanent de s'en occuper.

« J'arrive ! », hurla d'ailleurs cette fois là Naruto de la chambre. Elle sortit du tas la créature gémissante en soupirant : « Pourquoi ne puis-je pas te laisser seule pour partir à l'école ? » En colère, elle réalisa qu'elle devait encore nettoyer ses draps. Elle hocha la tête dépitée.

Il doit certainement avoir un moyen plus simple de faire...


Naruto courait vers une femme qui portait une créature ressemblant exactement à sa sangsue.

« Excusez-moi madame... »

La femme se retourna en arrière comme elle avait entendu quelqu'un prononcer cette légère complainte. Elle fut surprise de trouver une adorable petite fille blonde avant de lui roucouler doucement : « Oui, ma mignonne ? »

Naruto blêmit légèrement à l'étrange surnom que lui avait attribué la femme, mais elle préféra l'ignorer au final.

« Je me demandais ce que c'était », requit-elle en pointant la sangsue que la femme portait.

La femme eut un rire perlé.

« Ceci, jeune fille, est mon bébé. »

Bébé ? La sangsue était un bébé ?

« Et comment obtenez-vous en un, madame ? » questionna poliment Naruto.

La femme rougit.

« Eh bien… répondit-elle embarrassée. C'est une question pour ton papa et ta maman, petite. Où sont-ils d'ailleurs ? »

La femme regarda aux alentours gênée, réalisant que personne ne venait réquisitionner l'enfant.

« Alors, comment faites-vous pour vous en occuper ? »

La femme hocha la tête dépitée à la jeune fille.

« Tu n'as pas à t'en inquiéter avant un bon moment. Va plutôt voir ta maman, ma mignonne… » rétorqua-t-elle. Naruto la vit s'en aller au loin, comme si elle fuyait sa présence — comme tous les autres.

Pourquoi ? Pourquoi aurais-je à m'en inquiéter plus tard ? J'ai besoin d'aide pour la sangsue tout de suite !

Naruto se permit de verser des larmes d'injustice, mais elle les nettoya aussitôt qu'elles avaient été versées.


Elle leva un doigt autoritaire.

« Retourne dans ta barquette, sangsue ! » commanda-t-elle, luttant contre la volonté d'un enfant qui apprenait à marcher et essayait de prouver désespérément ses talents à sa mère. Celui-ci essayait tout le temps de grimper sur ses épaules, bien qu'elle lui dise constamment non de la tête.

Elle tenta d'ailleurs de le ramasser et de le remettre dans sa boite — celle qui résidait à côté de son lit. Cette même boîte était remplie de couvertures blanches, où seul un unique jouet fait-maison y était disposé. Celui-ci ressemblait plus à une chaussette incrustée dans une autre qu'autre chose en vérité.

— Espèce de singe ! gronda Naruto au bambin qui l'escaladait et lui donnait un gros bisou baveux sur sa joue marquée.

— Ma ! piailla l'enfant avec tant d'enthousiasme qu'elle fut obligée de répondre exaspéré par un « Oh superbe ! Maintenant, tu as appris à parler ! »

Elle sentit dans son apparent écœurement un magnifique sentiment l'étreindre à ce moment. Toutefois, avant qu'elle ne réalise que son propre bébé avait déjà recommencé à piailler... Ce qui la fit soupirer encore : « Tu n'es pas prêt de la fermer de si tôt, c'est moi qui te le dis... »

— Ma ! Ma ! Ma ! rétorqua avec verve le bambin.

Naruto planta un gros bisou sur le front de l'enfançon, alors qu'elle se préparait à le remettre dans sa boite avec l'habileté tirée tout droit de l'Académie.


Pour la douzième fois d'affilé, Naruto se retrouva elle-même en train de toiser un gros F rouge sur son test.

Pour la troisième fois de suite, elle tenta de l'oublier aussitôt en cachant la feuille venant d'être remise.

L'ayant aperçu, Ino s'assit à côté d'elle en poussant un gloussement : « Ha ! », pesta Ino en couvrant son propre B. « On dirait que la grosse Vache a raté un autre test ! »

Naruto lui convia un sourire affable en répondant avec désinvolture : « Je suis spéciale, je présume. »

Et comme tous les jours, les élèves commencèrent alors un très stupide jeu innommé, auquel néanmoins tout le monde jouait : ce jeu était un concours de celui ou celle qui obtenait tel ou tel score. Celui-ci ne semblait bien entendu suivre aucune logique, considéra Naruto, qui avait sagement appris à laisser filer combien elle obtenait à ses devoirs, avec quelques autres qui luttaient ardemment pour avoir une bonne note, mettant en relief leur souffrance et leur inaptitude devant l'ensemble de la classe.

Sakura la surdouée, quant à elle, s'écria comme d'habitude de façon tapageuse : « Cent ! J'ai eu un cent ! »

« Eh bien, même les moches ont leur jour, n'est-ce pas Sakura ? », rétorqua haut et fort Naruto cette fois là avec délectation.

Quelques personnes parmi les commis rigolèrent mais les membres régulières du Sasuke Fan Club les firent taire du regard avant de fixer Naruto avec détestation. D'autres filles que la blonde teigneuse ne connaissait pas s'empressèrent de chahuter en criant à tue-tête que « Naruto était la fille la plus stupide du monde » puisque « Sasuke avait eu aussi un cent et que Naruto n'était rien d'autre qu'une grosse Vache avec de gros seins, trop bête de toute façon pour être aussi intelligente que le dernier Uchiwa.»

Naruto rougit d'embarras et de rage d'être victime d'une telle coalition, mais réussit à s'affirmer fièrement en répliquant vicieusement :

— Marrant... Et moi qui pensais que les filles qui flirtaient avec des bâtards, ne récoltaient au final que des bâtards et que personne ne pensait au final qu'elles étaient si intelligentes que ça.

Crack !

Les yeux bleus de Naruto s'écarquillèrent momentanément. Elle sentit une vive douleur lui brûler la face alors qu'elle fut projetée au sol. Levant la tête, écartant une mèche rebelle, elle vit Ino armée d'un sourire mesquin, avec une main levée dans sa direction.

Ino l'avait giflée car elle avait traité Sasuke de bâtard.

Ino lui tira la langue.

Naruto se leva promptement, poings serrés, prête à se battre, mais Ino recula rapidement, connaissant la dangereuse réputation de sa vis-à-vis lorsqu'elle était en colère.

L'Uzumaki la regarda avec mépris battre en retraite auprès de sa troupe de harpies. Soufflant de hargne, elle tenta de se calmer en fermant résolument les yeux, la lèvre ouverte et la joue boursouflée. Elle avait été prévenue qu'au prochain combat qu'elle engageait, elle serait suspendue... et cela amoindrirait ses chances d'être diplômée et seul Dieu savait d'ô combien elle avait besoin de ce diplôme.

Ino venait d'une famille riche et haut placée. Naruto savait tout autant que ses parents pourraient s'assurer qu'elle n'obtienne jamais son diplôme s'il arrivait qu'elle ne touche ne serait-ce qu'à un ongle de leur fille. Et comme Naruto n'avait personne de toute façon pour prendre sa défense, elle ravala la dernière once de fierté qu'elle détenait encore en ouvrant des yeux remplis de larmes, avant de se rasseoir définitivement et de se jeter ainsi délibérément en pâture aux hyènes présentes dans l'amphithéâtre, soit huit des dix femelles de la classe.

Les bras croisés, elle savait qu'elle devait digérer ce problème coûte que coûte :

Avoir un diplôme et devenir ninja était la seule façon pour gagner assez d'argent afin de prendre soin de sa petite sangsue. Elle rêvait d'obtenir ce diplôme pour qu'un jour, elle puisse envoyer son fils à l'Académie et qu'il puisse réussir bien mieux que jamais elle n'aurait jamais l'occasion de le faire, tel Mizuki, qui était de son côté un magnifique Chuunin et qui était le père de la sangsue. C'est pourquoi elle devait apprendre à vivre avec des idiots. Toutefois...

Bien plus tard...

Elle était si fatiguée.


Elle ne pouvait acheter la nourriture de bébé lorsque la sangsue en demandait. Si elle essayait, les commis la regarderaient avec dédain et pire, s'ils étaient d'une génération au dessus, ils essaieraient simplement de passer la nourriture de bébé au travers d'un scanner pour lui refuser, au final, de la lui donner en lui faisant payer cher sa folie.

Donc...

Si elle voulait acheter de la nourriture pour bébé à la carotte, elle achetait des carottes et du lait qu'elle broyait tout deux à la maison.

Si elle en désirait aux pois, elle prenait des pois et du lait qu'elle broyait ensemble à la maison.

Elle disposait de quatre jarres dans son cabinet où chacune avait un nom associé, comme « Carottes », « Pois », « Haricots Verts » et « Patates ». Elle n'était pas sûre si les patates étaient en fait une sorte de nourriture pour bébé, mais elles étaient si faciles à concasser...

Les ramens et le riz étaient les choses les moins chères au dehors, et elle était absolument satisfaite du fait qu'elle adorait les ramens !

Si elle n'aimait pas la nourriture pas chère, cela aurait causé beaucoup de souffrances inutiles de toute façon...


Elle faillit à son test d'admission.

Elle faillit à son fils.

Elle faillit à Mizuki.

Elle faillit au Hokage.

Elle faillit à elle-même.

Elle faillit à Iruka.

Elle faillit à tout le monde, mais d'autant plus grave ; les autres élèves de l'académie avaient fait des paris qu'elle échouerait et ils en gagnaient désormais le tribut.

Elle faillit indéniablement à Hinata qui était la seule qui avait pariée pour elle alors que tous les autres avaient misé l'intégralité de leur argent contre elle. Et elle avait échoué... Maintenant, Hinata devait rembourser de l'argent à une bande de joyeuses créatures déjà faites ninjas et qui étaient rémunérées pour leur clairvoyance d'avoir prévu l'échec de l'idiote de la classe...

Elle chuta.


Mizuki marcha jusqu'à elle alors qu'elle oscillait sombrement sur la balançoire. Le cœur de Naruto bondit à sa vue, bien qu'elle ne le montrait pas sur son visage. Elle ne lui en voulait pas de lui avoir refusé l'examen parce qu'il était son...

Les yeux humides d'espoir, elle leva alors la tête dans sa direction, et le vit lui affirmer avec un sinistre rictus : « Tu sais, je trouve que Iruka-san a été bien cruel, mais il y a un autre moyen de passer, un autre test de passage... »

Et comme une idiote, elle le crut.


Mizuki avait tort ! Mizuki l'avait trompée ! Comment pouvait-il avoir raison ?! Comment pouvait-elle être un monstre ?!


Alors, il tenta de la tuer...


Iruka la sauvait ?


QU'EST-CE QUE JE SUIS AU JUSTE ?!


Ikura lui sourit calmement malgré tous ses bandages :

« Tu comprends tout maintenant ? »

Naruto lui sourit brillamment en retour malgré les récents événements. Elle déclara alors avec clarté pour la première fois depuis des lustres :

« Oui, je suis... une Jinchuuriki. Le vassal d'un monstre, pas le monstre lui-même ! »

Satisfait d'avoir sauvé l'une de ses élèves, et de l'avoir faite sorti de l'ombre, l'homme, blessé de la précédente bataille, lui ébouriffa joyeusement les cheveux, tandis que Naruto, elle, dans une plaisante complainte, acheva son dixième et dernier bol à Ichiraku Ramen.

« C'était délicieux ! soupira-t-elle enfin repue.

— Fais attention à surveiller ton poids ! Je me rappelle encore d'il y a encore quelques années à l'académie… »

Naruto gloussa :

« Je ne vais certainement pas grosse ainsi une nouvelle fois, Iruka-sensei ! Jamais ! » lui assura-t-elle avec un immense sourire.

Une étincelle scintilla alors soudainement dans ses yeux, comme si elle venait de rendre compte d'un fait merveilleux.

« Eh Iruka-sensei ! Mizuki est parti hein ? Il ne reviendra jamais ? »

Iruka acquiesça, fronçant légèrement les sourcils à la manière familière avec laquelle Naruto se référait au traître aux cheveux blancs. Il la vit s'écrier joyeusement :

« J'ai quelque chose de merveilleux à te montrer, alors ! »

Mais la vit rajouter également moins enthousiaste :

« Je n'étais jamais capable de te le montrer avant comme Mizuki m'avait dit qu'il nous aurait tués, "ça" et moi si jamais je l'avais soufflé. »

La fin de sa phrase se termina dans un murmure. Une sonnette d'alarme retentit immédiatement dans l'esprit d'Iruka. Il se délesta d'une invraisemblable quantité d'argent sur le comptoir avant qu'il ne se penche soudainement vers Naruto et qu'il la fixe avec attention :

« Mizuki a dit qu'il te tuerait ? » l'interrogea-t-il d'une voix inquiète.

Naruto acquiesça avec exubérance :

« Et je ne l'ai jamais montré ou en ai parlé à quiconque avant ! Mais je peux te le montrer maintenant puisqu'il est parti et que je suis désormais une ninja à part entière ! »

Elle prit la main d'Iruka en l'emmenant avec elle, au grand malheur du chuunin qui récupérait encore de ses blessures.

Naturellement, elle fit une halte abrupte en face de la porte de son appartement et Iruka faillit se ramasser contre le mur en raison du soudain arrêt. Naruto déposa un doigt sur ses souriantes lèvres, en demandant à son escorte de demeurer discret. Pour l'amuser, Iruka plaça à son tour un doigt sur sa bouche, signifiant qu'il comprenait tandis que ses yeux brillaient par leur gaieté ainsi que de sa propre curiosité.

Naruto inséra la clé dans la serrure et s'infiltra dans l'appartement avec un maximum de soin alors qu'il la suivait toujours de près.

Il fut surpris de l'état du logis. À première vue, il semblait être dans un désordre complet jusqu'à ce qu'il en réalisa le but caché ; les couvertures et les coussins étaient entreposés sur le sol pour matérialiser une sorte de tapis. Une nappe épaisse mais rapiécée recouvrait la table et tous les objets pointus ou dangereux étaient positionnés le plus haut possible. De même, tous les appareils ménagers étaient impeccablement rangés dans un même coin.

Il sourit alors encore à la jeune fille avec fierté en lui ébouriffant affectueusement les cheveux. De son côté Naruto prétendait ne pas aimer sa gestuelle en ronchonnant. Iruka, toujours espiègle, regarda autour de lui animé d'une folle curiosité.

« Alors, quelle est cette "merveilleuse chose" que tu voulais me montrer ?

— Elle est dans la caisse dans la chambre, je ne la laisse jamais sortir dehors à moins que je sois là, et j'ai même placardé des barricades anti-singe! » rétorqua Naruto en franchissant le palier menant à sa chambre.

Iruka lui questionna silencieusement.

« Tu as un singe comme animal de compagnie ? »

Naruto le fixa confuse.

« Non. Pourquoi aurais-je donc un singe ? »

Le professeur hocha la tête pour dissiper la question. Il s'étira un peu, grimaçant à son douloureux dos mais un sourire inquisiteur retourna aussitôt sur ses lèvres.

« Alors, où est cette merveilleuse chose ?

— Là ! » Naruto ouvrit la porte de sa chambre et Iruka la suivit encore à l'intérieur.

La chambre était encore plus remplie que le salon tant qu'elle débordait en draps et en coussins de partout. Exceptés certains habits qui avaient été jetés sur le haut d'une commode, il n'y avait seulement que deux piles de vêtements, un petit lit, et un assez large carton empaqueté dans du linge blanc. En outre, il semblait également y avoir une balle de jeu qui avait été apparemment emportée de l'Académie ainsi qu'un shuriken en caoutchouc.

Cependant, ce fut sur le lit que se convergea toute l'attention d'Iruka :

Un minuscule petit garçon portant un survêtement d'un gris terne était endormi au milieu du divan, s'enroulant autour d'un coussin. Il avait des cheveux d'un blanc crayeux, mêlé à du blond clairsemé. Il s'agrippait à un jouet, qui ressemblait plutôt à une chaussette sur laquelle on avait dessiné un visage souriant et qui était enfouie à l'intérieur d'une autre. Le petit garçon quant à lui bavait allègrement sur son lit et constituait l'image absolue de l'adorable enfançon.

« C'est ma sangsue, murmura Naruto devant le chuunin ahuri.

— Naruto, c'est un enfant ! » chuchota Iruka avec un effroi d'une telle intensité qu'il n'arriva point à arrêter le tremblement de ses mains.

Le petit garçon s'étira légèrement au bruit de leur voix. Il agita sa main avec légèreté, comme pour enlever une mouche volante qui lui aurait bourdonné à l'oreille. L'enseignant toisa son élève d'un air abasourdi, laissant la réalité s'inscrire dans son esprit de façon impitoyable.

« N'est-il pas merveilleux ? témoigna Naruto en levant ses yeux vers son tuteur figé. C'est le mien Irukai-sensei ! »

Iruki porta sa main au visage avant de prendre une profonde inspiration :

« Où l'as-tu trouvé ? » demanda-t-il dans un murmure étouffé.

La jeune fille fronça les sourcils, ne saisissant pas le sens de sa question. Elle lui demanda ce qu'il voulait dire par là. Iruka clarifia en déglutissant :

« D'où tu sors cet enfant ? »

Naruto prit un moment avant de trouver un sens à sa formulation. Enfin, elle visualisa ce qu'il voulait dire, même si elle prit sa phrase de manière incongrue :

« Je l'ai eu de Miruki-sensei ! C'est le mien et celui de Mizuki ! », souffla-t-elle en dévoilant d'étincelantes pupilles.

Elle était bien trop embarrassée pour utiliser des mots crus tels que « sexe » ou « viol » , comme depuis longtemps déjà, elle avait réalisé l'ignominie de Mizuki. Toutefois, ce fut suffisant pour qu'Iruka comprenne l'ampleur du désastre qui s'était produit. Il ferma alors les yeux pour n'intimer qu'un « bien ». Lorsqu'il les rouvrit, il fixa d'un air mortellement sérieux la jeune fille blonde. Ses mains ne tressautaient plus mais sa mâchoire demeura serrée alors qu'il prononça ces mots :

« Naruto... Tu aurais dû le dire à quelqu'un... À n'importe qui... »

Il vit la frustration et la douleur qu'il lui infligea devant son visage décomposé. Voyant une veine tressaillir sur son front, il craignit une crise tandis qu'elle se mit à s'écrier éhontée :

« Mais Mizuki m'avait dit qu'il nous tuerait tous les deux si j'avais prononcé ne serait-ce qu'un mot à son sujet ! »

Se rendant compte que son éclat aurait pu réveiller le bébé, ils tournèrent tous deux la tête, avant de réaliser que celui-ci était toujours profondément endormi.

Le chuunin soupira lourdement et passa une main à travers sa manne brune pour calmer son désarroi latent :

« Mais... est-ce que Mizuki s'en est occupé ? » demanda-t-il en tentant de se concentrer sur le problème.

Naruto croisa les bras en hochant la tête avant de déclamer vivement :

« J'ai pris soin de lui Iruka, pas Mizuki-sensei. Mizuki en est peut-être le père, mais il est une affreuse personne ! »

Iruka acquiesça, ne pouvant réfuter ses propos. Il lança un sourire amer devant la jeune fille, ne pouvant concevoir ce qu'elle avait traversée. Il murmura sur un ton peiné :

« Oui, Mizuki est une personne affreuse. Alors il en est finalement le père... Et pourquoi t'a-t-il demandé de prendre soin de l'enfant ? Était-il effrayé car il allait être marié... ou… »

Il laissa sa question en suspens.

« Je lui ai demandé Iruka, car Mizuki voulait juste l'oublier. Mais je ne pouvais pas. J'aime ce singe-sangsue... bébé... rajouta Naruto après un moment en hésitant sur la formulation. Chose… » finit-elle lamentablement ne sachant exactement comme appeler son fils.

Iruka la fixa un moment en ravalant sa salive. En tant que professeur, il avait été formé pour se charger de garnements mais certainement pas à gérer ce genre de problèmes. Il requit à l'adolescente d'un air fâché :

« Mais pourquoi en prendrais-tu soin Naruto ? Pourquoi ferais-tu ça ? Pourquoi t'es-tu incommodée d'une telle responsabilité avec tous les problèmes que tu avais déjà à l'Académie ?! Pourquoi as-tu presque sacrifié ta vie, ta vie de ninja et ton avenir pour un enfant qui n'est que le fruit d'un vio… »

Iruka se figea avant de prononcer le terrible mot. Il hocha la tête d'incompréhension puis la fixa sévèrement avant de la fustiger d'une voix tremblante :

« Tu n'es qu'une orpheline Naruto ! Avec seulement l'allocation dédiée à une orpheline de Konoha ! Comment as-tu donc pu penser que tu serais capable de l'élever seule ! »

Au moment où il allait rajouter qu'elle avait été irresponsable et qu'elle aurait dû le laisser à l'académie, elle lui cria dessus en levant ses poings :

« Nous avons été parfaitement bien en notre seule compagnie Iruka ! Pendant tout ce temps où personne n'a osé m'accorder ne serait-ce qu'un regard ! lui rétorqua-t-elle rancunière en levant des yeux remplis de colère. Même toi ! Personne ! Je dis bien personne n'a daigné même faire attention à moi pendant ces douze années de solitude que j'ai vécues ! Et tu veux que je lui fasse subir un tel sort !? Et tu veux peut-être qu'il vive comme moi j'ai vécu !? Je l'interdis ! Ou du moins, je l'interdirai tant que j'aurai un souffle de vie ! »

Elle saisit violemment la main d'Iruka, immobilisé par l'étalage de son ressentiment tandis qu'elle lui montrait du doigt son fils :

« Regarde le Iruka ! Il est en pleine forme ! Il est sain, heureux, vigoureux ! »

Et son sourire devint radieux lorsque son regard descendit sur l'enfançon. Il la vit rajouter avec fierté : « Il peut même prononcer plein de mots maintenant ! »

Iruka la jaugea sans rien dire, jusqu'à ce qu'il entendit l'enfant sur le lit prononcer un « Ma ? » retentissant. Il baissa les yeux vers lui à son tour pour y croiser d'immenses yeux bleus, qui lui parurent ô combien familiers.

« C'est Iruka, » prononça Naruto à côté.

Il se retourna vers elle, sortant de sa transe momentanée.

« Un ami… » suppléa-t-elle.

Son sourire ne s'estompa pas malgré le long regard du chuunin. Il rebaissa ses yeux en entendant l'enfant bailler, puis piailler un «sawut ». Malgré lui et en dépit de ce que cet enfant représentait, Iruka ne put que répliquer ému :

« Salut…

— Peux fouer vec mua ? demanda le petit garçon avec espoir. Foue beaucoup ! Ballon ! Et Chaussette-san ! » s'exclama-t-il en levant son « jouet » d'une petite main.

Le professeur le fixa la gorge sèche.

« Comment t'appelles-tu ? »

L'enfant cligna des yeux en ouvrant grandement la bouche. Iruka retourna un œil interrogateur vers Naruto, qui rougit furieusement :

« Étais-je supposée lui donner un nom ? »

Iruka poussa un long soupir et bifurqua son regard plusieurs fois entre la blonde et l'enfant blond-neige.

« Naruto ? », demanda-t-il sans crier gare.

La jeune fille lui répondit avec de grands yeux bleus remplis d'attente :

« Oui ?

— Si cet enfant est bien l'enfant de sa mère… Quand l'as-tu eu ? », demanda-t-il de but en blanc, devant Naruto qui le fixait toujours aussi intensément.

Un long moment passa... un moment si long qu'il parut durer une éternité... si bien qu'à la fin, Naruto ferma les yeux :

« Trois ans… » murmura-t-elle devant Iruka figé par l'horreur de la révélation.

Elle rouvrit des yeux d'un bleu polaire, des yeux qui ne recelaient nulle merci, ni pour la vie qu'elle avait vécue, ni envers les personnes qui avaient permis qu'elle avait subi jusque là un tel calvaire.

« Et ce... lorsque j'avais dix ans, le douze Décembre... » termina-t-elle sur un fatalisme assourdissant.

Puis elle se tut. Iruka ne pouvait qu'être épris de peine en la regardant, la gorge serrée... Il lui demanda maladroitement encore une fois :

« En es-tu certaine ? »

Elle plissa ses yeux de colère avant de rétorquer d'une voix âpre :

« Certaine d'avoir donné naissance ? »

Son expression était pleine de mépris et de hargne, une hargne qu'elle avait retenue pendant des années et des années et qu'elle délivrait enfin sur l'homme qui l'avait tout juste sauvé dans la nuit qu'ils venaient de partager.

« Ma ? » bredouilla l'enfant au ton dur que prenait sa mère, observant cet échange de ses grands yeux bleus qui reluisaient — et ruisselaient — l'innocence ; la pureté.

Et ainsi, toute la colère, de même que toute la haine disparut du visage de Naruto pour ne laisser à la place qu'à un sourire de complétude. Elle prit délicatement son enfant entre ses bras protecteurs, lui faisant pousser un piaillement de joie, alors qu'elle toisait toujours Iruka-sensei, avec la fierté propre à celle d'une mère portant sa plus belle réalisation.

« Je le nommerai Saru, au nom du seul homme qui m'a aidé dans ma vie ! », affirma-t-elle enfin.

« Il est toujours comme ça… », poursuivit Naruto.

Perdu dans tout ce bazar, le nouveau baptisé Saru tenta encore d'insérer son pouce dans sa bouche, que Naruto enleva encore une fois distraitement. Il remit son pouce dans sa bouche et Naruto le ré-enleva avec plus de fermeté. Ils se regardèrent un moment ainsi sans que Iruka ne comprenne le bref échange qu'ils avaient partagé.

« Il est toujours comme ça… dit-elle, faisant une pause avant de demander soudainement : tu veux le porter ? »

Naruto releva son regard vers Iruka, qui paraissait encore plus troublé par la situation. Il était en train d'hésiter entre prendre ce garçon dans ses bras et refuser son étreinte. Il assimilait que tendre les mains vers lui serait comme accorder son pardon à l'abominable traître du village, l'apatride ambitieux, l'homme immonde ayant succombé à ses désirs et ayant violé une enfant démunie. Un lâche... un salopard même...

Et ce... jusqu'à ce que Saru lui envoie son sourire le plus resplendissant. Iruka ne put se retenir de lui sourire en retour. Il lui rappela alors ce qu'avait été auparavant son partenaire, son camarade, son ami avant de se remémorer également la provenance de cet enfant — qui avait été le fruit d'un crime.

Iruka hocha la tête.

Non, personne n'était jamais responsable de sa nature. Iruka le savait, comme il savait que Naruto le savait et qu'il savait également que cela avait été le sort qu'ils avaient tous deux partagé en tant qu'ex-parias — du fait de leurs origines. Comment pouvait-il haïr un être qui n'avait commis aucun méfait, qui n'avait même jusque là à peine vécu ?

Devant ce dilemme, Iruka ne put alors que déployer ses bras vers l'enfant que Naruto lui confia enfin. Il ressentit finalement une étrange sensation, une sensation comme il n'en avait jamais ressenti ; ce sentiment d'accomplissement pour avoir effectué son devoir, soit celui de perpétuer une descendance et un avenir, un futur pour les incommensurables racines du verdoyant village de la Feuille. Se ressaisissant de son émoi, il perçut la voix fluette alors de Naruto parvenant à ses oreilles :

« L'aimes-tu ? »

Iruka cligna des yeux surpris par l'absurdité d'une telle question, à laquelle il rétorqua avec un doux sourire :

« Oui. Bien sûr que je l'aime ! Puisqu'il provient de toi... » rajouta-t-il en redonnant l'enfant à sa mère.

L'enfançon se tourna son visage vers Iruka, en ouvrant des bras chaleureux dans sa direction.

« Je t'aiveuh ! »

L'enseignant cligna des yeux en même temps du sourire déridé de Naruto.

« Et il dit ça à tout le monde, et à toute chose, puisque c'est la première phrase qu'il a apprise.

— M'en voudrais-tu si j'en informais le Hokage ? lui demanda-t-il en la regardant avec un sourire mi-figue, mi-raisin. Je veux dire, pour tout… pour lui… et son nom… »

Naruto hocha la tête avant de fermer les yeux.

« Non... Une chose juste... »

Lorsqu'elle les rouvrit, ceux-ci s'embrasèrent d'une vive langueur rougeâtre :

« Ne le dis juste pas ni à Ino-pig, ni à Sakura-truie, ni à tous ces sales gosses de l'académie s'étant gaussés de mon échec à l'examen. Je ne veux pas qu'ils sachent, eux qui m'appelaient la Grosse Vache, eux qui se sont moqués de moi pendant ma grossesse et mon malheur, eux qui ont osé se foutre de moi alors que je peinais à survivre tandis qu'eux baignaient dans l'oisiveté de leurs clans et de leurs riches familles. »

Ses larmes se tarirent avant même de s'écouler. Iruka continuait de la scruter figé, estomaqué devant la sordide dureté qui avait atteint la nouvelle génération. Celle-ci semblait, en l'absence d'atroces guerres, présenter des vices que ne portaient naguère les ninjas de Konoha. Seule Naruto avait conservé cette dignité propre aux anciens guerriers. Et dans tout son bagage académique, Iruka s'en rendit compte enfin désormais ; seule elle avait conservé la vigueur propre au shinobi : la bravoure, la ténacité face aux difficultés et le désintérêt de soi au service du bien commun.

Mais ceci n'empêcha pas Iruka d'être malgré tout étonné par la fermeté qu'allait prendre Naruto entre ses incisives finement limées :

« Ni même à Sasuke ! »