Dollophead :merlin jeune serviteur/merlin vieux magicien, je pense que ça pourrait donner lieu à des situations cocasses ;) mais comment ça marchera ? je ne le sais pas encore ! Saroura : hé oui, le chapeau à pointe, EXACTEMENT XD ! Ma: merci d'être fidèle au poste ! Legend : Solel a plus d'un tour dans sa manche... ses motivations vont encore s'éclaircir ;) narilla snape : merci de nous rejoindre, et de ta review fantastique ! ton blabla n'est ni futile ni interminable, il me donne du courage pour continuer ! et oui, c'est un peu une école de magie qu'a montée Morgane ;). Quelques réponses à tes questions dans le chapitre qui vient, mais pas toutes ! Lo : Looooo tu es de retouuuuuuuur ! youppie ! et je t'ai fait rigoler... :) Je savais que mes brigands te plairaient j'ai rigolé aussi en écrivant cette scène XD

Je viens de regarder le superbe 502, et je suis encore sous le choc ! Cette saison 5 est vraiment fantastique... mais les choses tournent mal pour tout le monde !

Je ne peux pas attendre pour vous offrir ce chapitre ! C'est le dernier de cette trilogie... je pense que vous apprécierez le twist final ! Les choses se corsent ! Je voulais faire une fin complètement ouverte... je pense que ce n'est pas raté ;).

Je comptais m'arrêter là... mais vos reviews enthousiastes me donnent de plus en plus envie de vous emmener vers Camlann ! Je crois bien qu'il y aura un quatrième volet... Mes idées se mettent en ordre peu à peu...!

CHAPITRE 18

La Reine Guenièvre était étendue dans son lit, profondément endormie...

Il s'approcha silencieusement, et se pencha sur elle, étendant sa main au-dessus de son ventre...

Le sort qui lui permettrait de l'empêcher à jamais de concevoir un enfant était facile à lancer; en quelques instants, il s'assurerait qu'Arthur Pendragon n'engendre jamais d'héritier, et que sa lignée mourrait avec lui... La Reine endormie ne lui avait causé aucun tort. Elle semblait innocente dans son sommeil. Il n'éprouvait envers elle aucune haine... Mais elle avait fait l'erreur d'épouser le mauvais homme, et à cause de cela, jamais elle ne connaîtrait la chance de porter la vie.

Elle ne sentirait rien; elle ne souffrirait pas... Il concentra ses pouvoirs, prêt à frapper...

Quand soudain, quelque chose le retint. Une intuition...

Il retint son sortilège, et sonda prudemment les alentours avec son pouvoir. C'était bien ce qu'il avait cru percevoir ! Un puissant bouclier de protection magique entourait la Reine ! Il réussirait peut-être à le désactiver, mais s'il le faisait, l'auteur de la barrière enchantée détecterait aussitôt sa présence... Et il serait découvert !

Merlin, pensa-t-il, avec haine, furieux de voir ses plans être contrecarrés...

Il ne pouvait pas se permettre d'être démasqué. Il devrait trouver un autre moyen que la magie d'empêcher la Reine de concevoir...

Il y a toujours un moyen, pensa-t-il, avec un sourire glacial.

Il devrait y songer plus tard... Dommage pour elle le sortilège aurait été indolore... alors que l'autre alternative, elle, serait forcément douloureuse. Il recula d'un pas, puis, se détourna de la Reine. C'était la dernière fois que Merlin se mettait en travers de sa route.

Lorsqu'Arthur rentrerait avec lui, il se ferait neutraliser, et c'en serait terminé une fois pour toutes de ses pouvoirs.

Fort de cette pensée, il disparut de la chambre.

Il voulait profiter de cette nuit pour faire un voyage qu'il n'avait que trop reporté...

Il arriva sur l'Ile des Bénis grâce à l'aide de sa magie.

Il ne s'était jamais rendu dans ce lieu auparavant, mais il en avait entendu maintes descriptions, et il le croyait abandonné depuis longtemps; d'après ses informations, les grandes prêtresses qui y avaient régné jadis étaient toutes mortes, et les palais où elles avaient vécu étaient tombés en ruines... Il s'étonna de découvrir l'île habitée il ne s'y attendait pas il était rare qu'il soit incapable de prévoir l'avenir... et il n'aimait pas être surpris.

Cependant, le spectacle face auquel il se retrouva n'était pas pour lui déplaire...

Au milieu des ruines des anciennes habitations se dressait une grande maison de maître, construite en marbre blanc autour d'un patio, et entourée d'un jardin verdoyant, soigneusement entretenu, où croissaient des pommiers et des cerisiers. Face à la maison, entourée de vieux sycomores, se dressait la majestueuse silhouette d'un Temple de l'Ancienne Religion, dédié à la magie, dont les douze colonnades représentaient les douze préceptes des Grandes Prêtresses... l'édifice était bâti sur un nœud de pouvoir, et il en émanait une puissance paisible; l'autel qui se trouvait au centre du Temple était recouvert d'offrandes : fruits frais, pétales de fleurs et coupes d'eau claire, à destination des esprits de l'eau, de la terre et du ciel. Des drapeaux à prières étaient accrochés entre les colonnades, recouverts des symboles de l'ancienne langue. Un bouclier magique entourait la maison et le Temple, les nimbant d'un ciel ensoleillé, d'un ciel magique. En-dessous du bouclier, l'aube était douce comme en été et le vent perçant qui balayait l'île se changeait en brise au parfum de fleurs...

Des enfants jouaient dans le jardin, autour de l'eau vive d'une grande fontaine de pierre, à côté de la statue du dragon – une statue magnifique, qui avait sans doute nécessité des heures de travail acharné même pour un magicien talentueux. Il admira le dessin des ailes de la créature et le sculpté ciselé de son visage, si parfaitement rendu qu'on l'aurait cru vivant...

Il regarda les enfants, avec stupeur. Ce n'étaient pas des enfants ordinaires, et leurs jeux ne l'étaient pas davantage... Il dépassa une petite fille qui jouait à faire graviter une pomme au-dessus de sa tête, se figea devant trois jeunes garçons qui jouaient à « vole-corde » en lévitant à tour de rôle. L'espace d'un instant, il leur envia leur innocence. Trop tôt, sa propre insouciance lui avait été ravie, trop jeune, il avait cessé de jouer et de rire. Il ne pensait pas qu'il existe encore un lieu en ce monde où les enfants magiciens puissent avoir cette chance...

Il entendit un grondement sourd, et son regard se leva instinctivement vers le dragon... Comment pouvait-il émettre ce son s'il était fait de pierre ? Ce fut alors qu'il réalisa qu'il ne s'agissait pas d'une statue immaculée, mais d'un dragon bien vivant. Il eut un choc. Les deux adolescentes se cachaient sous ses ailes, tenant chacune un tout petit garçon par la main, cessèrent de parler et de rire pour lui adresser des regards effrayé dragon tourna lentement vers lui ses yeux d'argent, chargés d'une hostilité et d'une défiance qui lui étaient entièrement destinées, et il sentit une terreur sourde ramper en lui face à l'expression de menace silencieuse de la créature. Ce fut cet instant que choisit l'un des jeunes magiciens, un garçon qui n'avait pas plus de quatorze ans, pour courir en direction de la maison en criant :

-Dame Morgane ! Dame Morgane !

Il sentit un sourire s'inscrire sur ses lèvres...

Il ne s'était pas trompé en venant la chercher ici; même s'il ne s'attendait certes pas à la trouver en telle compagnie... Il sentit son cœur battre plus fort lorsque le garçon réapparut sur le seuil de la porte.

Elle émergea un instant plus tard, et il frissonna. Sa beauté était encore plus saisissante que dans ses souvenirs. Son visage d'ivoire où étincelaient les joyaux de ses yeux verts était encadré des longues boucles brillantes de ses cheveux noirs. Elle portait une robe de soie bleu nuit, dont les voiles caressaient le sol derrière elle, et ses pieds étaient nus. Elle semblait paisible. Plus paisible qu'elle ne l'était dans ses souvenirs, et aussi, bien plus puissante. L'aura de pouvoir qui l'entourait le galvanisa, et il pensa : ma Dame...

Le regard de Morgane passa sur lui, puis, croisa celui du dragon. Dans un frémissement de jalousie, il les sentit communiquer tous deux en silence; il était incapable de comprendre ce qu'ils se disaient, mais il pouvait ressentir la force du lien qui les unissait.

Les enfants avaient interrompu leurs jeux, sentant que quelque chose d'inhabituel était sur le point de se produire, et tous leurs regards étaient fixés sur lui.

-Rentrez maintenant, leur ordonna Morgane, d'une voix douce et impérieuse.

Ils lui obéirent aussitôt, les plus grands prenant les plus petits dans leurs bras pour les emmener au plus vite. Ils étaient peut-être une trentaine; la plus grande n'avait pas plus de seize ans le plus jeune commençait à peine à tenir sur ses jambes. Le dernier d'entre eux referma la porte de la maison derrière lui.

Le dragon déploya ses ailes, et s'envola.

Morgane, et lui, restèrent seuls face à face.

Elle s'avança sur l'herbe émeraude, marchant vers lui en silence si légèrement qu'elle semblait flotter au-dessus du sol. La brise agitait les longues boucles de ses cheveux noirs et sa démarche était majestueuse, aérienne.

Il vint à sa rencontre, et, lorsqu'ils furent face à face, il s'immobilisa.

Elle le dévisagea un long moment, les yeux brillants, mais le visage indéchiffrable, comme si elle cherchait à retenir la joie instinctive qu'elle éprouvait à le revoir...

Elle n'a pas oublié, pensa-t-il, les yeux plongés dans les siens.

Puis elle dit :

-Bonjour, Mordred.

-Tu m'as reconnu, murmura-t-il, émerveillé.

Il n'était pas certain qu'elle en soit capable. Il avait beaucoup changé depuis l'époque où elle l'avait connu, petit garçon. Il était un homme aujourd'hui. Il avait longtemps attendu avant de chercher à la retrouver...

Elle eut un léger sourire.

-Oui. Bien sûr, je t'ai reconnu. Tu n'étais qu'un enfant la dernière fois que nous nous sommes rencontrés, mais je serais capable de te reconnaître entre mille.

Il eut envie de la prendre dans ses bras.

Mais elle ne fit pas un geste vers lui.

-Que viens-tu faire ici ? lui demanda-t-elle d'un ton calme.

Elle était sur ses gardes, prête à utiliser sa magie pour protéger...à nouveau, il sentit la jalousie monter en lui. Sa famille. C'était ainsi qu'elle considérait les enfants qu'elle avait envoyés à l'intérieur. A l'abri. Il pouvait sentir la farouche tendresse qu'elle leur portait, et sa méfiance envers lui, malgré le lien qui les unissait...

-Je suis venu te voir, dit-il.

-C'est chose faite, répondit-elle.

-Que fais-tu ici ? demanda-t-il avec curiosité.

-Je suis la grande prêtresse de ce lieu, dit Morgane. Je perpétue la tradition de l'Ancien Culte. Je fortifie la magie de l'île afin qu'elle redevienne pour les nôtres la source de puissance qu'elle était jadis. Je secours les enfants sorciers abandonnés ou convaincus de crime à cause de leur pouvoir. J'enseigne la magie à ceux qui possèdent le don afin qu'ils apprennent à ne pas craindre ce qu'ils sont.

-Crois-tu avoir les connaissances nécessaires pour ce faire ? demanda-t-il, étonné.

-J'en ai suffisamment, dit Morgane, en plissant légèrement les yeux de colère face à son incrédulité. J'ai l'approbation des druides en cette oeuvre et plusieurs grands magiciens sont déjà venus prier dans ce Temple et rendre visite à mes enfants. De plus...

Elle lui adressa un regard hautain.

-Je ne crois pas avoir besoin de ton avis pour affirmer que je sais ce que je fais, Mordred.

Il pouvait sentir la colère tirer en elle, mais elle la maîtrisait.

Il eut un signe de paix.

-Loin de moi l'idée de questionner tes pouvoirs, dit-il. Je peux sentir à quel point ils se sont développés. Mais dis-moi... quels sont tes projets en ce qui concerne Camelot ?

-Pourquoi cette question ? Camelot est un souvenir d'une autre vie pour moi, répondit Morgane.

-Je croyais que tu rêvais d'en être la Reine, ès tout, tu es l'aînée des Pendragon. Arthur a usurpé ton héritage.

-L'héritage d'Arthur est fait de terre et d'hommes, Mordred. Le mien est la magie.

Il hocha la tête, et sourit légèrement.

-Tu es... encore plus radieuse que dans mes souvenirs, Morgane. Je n'ai jamais pu oublier la belle dame qui m'avait sauvé de la colère d'Uther Pendragon. La douceur de sa voix, ou l'éclat de son regard. Pendant toutes ces années, pas un instant je n'ai cessé de penser à toi. La mémoire de ton visage m'a donné le courage de continuer... et la force de me battre.

Morgane regarda Morded, bouleversée par ses paroles. Il la regardait avec, dans les yeux, un éclat qui la troublait. Elle se souvenait de l'enfant qu'il avait été mais aujourd'hui, il n'était plus un enfant. Et le beau jeune homme qui prononçait ces mots faisait vaciller son cœur malgré elle.

Dès la première fois que leurs regards s'étaient croisés, il y avait eu entre eux un lien spécial.

Elle pouvait toujours sentir ce lien, et il la déstabilisait. Comme le bleu de ces yeux rayonnants de pouvoir qui la dévisageaient fiévreusement, ou la noblesse de ce visage d'enfant, qui avait grandi pour devenir celui d'un homme. En elle, le démon eut un sursaut, qui la glaça d'effroi. Non ! pensa-t-elle, en l'enchaînant fermement à sa volonté.

-Et toi... as-tu pensé à moi ? demanda-t-il.

-Parfois, reconnut-elle. Ces dernières années ont été troublées pour moi. J'ai traversé des moments difficiles. Je me suis égarée dans les ténèbres.

-Comme tous les magiciens d'Albion, répondit Mordred.

Il la toucha, de ses longs doigts fins. Elle baissa les yeux sur cette main qui effleurait la sienne, impuissante face à la chaleur qui l'envahissait. Elle se souvint du baiser de Merlin, qui l'avait faite revivre... C'était la première fois depuis si longtemps que des lèvres s'étaient posées sur les siennes, et ces lèvres avaient été si chastes, si innocentes... Le contact de Mordred était bien différent; il était chargé d'une passion fervente, d'une adoration silencieuse. Morgane se rappela de la tristesse qu'elle avait ressentie en regardant Merlin partir, pour rejoindre Arthur. Elle s'était répété : Emrys n'appartient qu'à son destin. L'amour n'était ni pour lui, ni pour elle. Tout au moins, pas cette sorte d'amour.

Dumoins était-ce ce qu'elle avait cru...

Le démon tira sur sa chaîne, avec plus de force.

Pourquoi l'amour te serait-il interdit, Morgane ?

Elle retira sa main, vivement, s'obligeant à garder la tête froide. Ce n'est pas de l'amour, pensa-t-elle. C'est juste un vertige. L'amour est dans ce que je bâtis ici. L'amour est dans le lien que je partage avec Aithusa. L'amour est dans le Temple de l'Ancien Culte, et dans l'enseignement que je prodigue à mes enfants.

Son moment de faiblesse passa.

Mais le visage de Mordred était doux quand elle leva les yeux pour croiser son regard, faisant ressurgir la tendresse instinctive qu'elle éprouvait pour lui. Elle revoyait le petit garçon blessé qu'elle avait soigné jadis comme si sa vie en dépendait...

-J'ai parcouru un long chemin, moi aussi, depuis cette époque. Je suis un chevalier de la table ronde aujourd'hui, dit Mordred à mi-voix. Pour tous, mon nom est Solel. Le peuple de Camelot m'admire, et Arthur me fait confiance.

Morgane le regarda en silence.

Puis elle demanda :

-Est-ce un titre de gloire pour toi, qu'ils t'admirent et t'apprécient alors qu'ils n'ont pas la moindre idée de ce que tu es ?

Mordred eut un sourire glacial.

-C'est une preuve de leur stupidité, répondit-il.

Morgane ne lui rendit pas son sourire.

-Quelles sont tes intentions ? demanda-t-elle sans ambages.

-As-tu regardé dans l'avenir ces temps-ci ? lui demanda-t-il.

Elle secoua la tête.

-J'évite de le faire. Mes visions me parlent de ténèbres.

-Laisse-moi te parler de la vision que j'ai eue, dit Mordred. Arthur n'aura pas d'héritier. La gloire de sa jeunesse s'efface déjà. Dorénavant, il ne fera plus qu'accumuler les erreurs. Son règne s'avèrera aussi décevant que celui d'Uther. Guenièvre ne lui donnera pas d'enfants. D'ici quelques années, il me désignera comme son successeur, et le peuple en sera ravi...

-Et ensuite ? demanda calmement Morgane.

-Je renverserai Arthur, répondit Mordred. Après lui avoir retiré la confiance du peuple. J'arriverai au pouvoir porté par les applaudissements des sujets de Camelot. Et je deviendrai le premier Roi Sorcier qui ait jamais régné. Je dirigerai Albion. Les ennemis de la magie plieront devant l'étendue de mes pouvoirs. La magie sera enfin libre, Morgane. Et l'Ancien Culte pourra être restauré dans toute sa gloire.

Morgane continua de le dévisager pensivement. Elle ne savait pas quoi penser. Les quelques fois où elle avait regardé l'avenir, la crainte l'avait fait reculer. Les images de la grande bataille qui se préparait remplissaient son cœur d'ombre... Dans l'une d'elles, elle voyait son frère giser dans son sang, transpercé par sa propre épée, et elle s'entendait crier son nom. Jadis, elle avait désiré la mort d'Arthur. Mais quand elle avait rêvé cette scène, elle n'avait ressenti que des regrets, et de la pitié pour lui.

-Quand ce jour arrivera... quand je serai Roi. Je voudrais... que tu soies ma Reine, Morgane.

Elle regarda Mordred, bouleversée.

-Tu es une puissante sorcière. Si tu t'unis à moi, rien ne nous résistera plus, et une nouvelle ère pourra commencer... Réfléchis à ce que pourra être le monde que nous gouvernerons ensemble. Les enfants que tu formes aujourd'hui pourront un jour constituer l'élite d'un noble peuple de magiciens, réléguant pour toujours le temps des purges et des bûchers dans l'oubi.

Elle désirait cela, autant que lui. Oublier le temps des persécutions. Faire renaître la magie. Mais quelque chose, dans cette argumentation précipitée, l'incitait à la méfiance. Et Arthur...

-Tu veux tuer mon frère, dit-elle, en le dévisageant.

-J'ignorais que tu avais de tels sentiments pour lui, répondit Mordred, surpris.

Elle ferma les yeux. Arthur, à l'agonie, gisant dans une mare de sang, le regard, plein de douleur et de détresse... sa vision la hantait. Elle avait combattu son frère lorsqu'elle était sous l'emprise du démon; elle l'avait haï elle avait cherché à le tuer. Mais aujourd'hui, elle ne ressentait plus de haine envers lui. Il avait beau être stupide, il avait beau commettre des erreurs, son cœur était innocent. Elle se souvenait des combats qu'ils avaient livrés ensemble, elle se souvenait de sa bonté. Arthur n'était pas responsable du fait qu'Uther lui ait enseigné à n'avoir pour la magie que de la défiance...

-C'est mon frère, dit-elle.

-Je ne veux pas le tuer, dit Mordred. Mais le détrôner ? Oui. Parce que je sais que sous son règne, les traditions de l'Ancien Culte, et la magie, ne feront que s'affaiblir... jusqu'à disparaître, si nous le laissons faire.

-Tu n'en sais rien, dit Morgane.

Mordred plissa les yeux.

-Emrys pense qu'Arthur est le Roi Présent et à Venir qui unifiera l'ancien monde, et le nouveau.

-Emrys est faible. Arthur l'a banni, et il s'est laissé faire. Il n'arrivera jamais à rétablir la magie en Albion. Il a eu sa chance, et il a échoué...

-Emrys n'est pas faible. Il a peut-être commis des erreurs... mais il a aussi accompli de grandes choses. J'ai foi en lui.

-Il t'a dupée, Morgane.

Elle secoua la tête.

-Je ne crois pas, non.

-Veux-tu que je te montre, comment lui et ton frère réconcilieront l'ancien, et le nouveau monde ? Je peux te faire voir, l'avenir qu'ils construiront ensemble. Je peux te le faire voir, jusqu'au-delà du voile.

Morgane frissonna.

-Prends ma main, dit Mordred.

Elle hésita un instant. Puis, elle obéit. Dans l'étincelle de leur contact, elle sentit la puissance de la magie déferler. Ils étaient tout proches de la Source; Mordred puisait directement dans le pouvoir qui émanait de l'île des Bénis pour construire sa vision... Morgane vit un cristal de Neathid rayonner dans sa main; puis, comme lorsque Merlin l'avait emportée avec lui, quelques semaines plus tôt, elle se sentit enlevée... mais cette fois, vers l'avenir. Ce n'était pas un saut dans le temps de quelques années. Ils enjambèrent près de deux mille ans, qu'elle vit défiler en-dessous d'eux avec une rapidité qui lui donna le vertige. Mordred étreignait sa main avec force, guidant leur voyage, et elle pouvait sentir la puissance qui émanait de lui. Elle n'avait rien à envier à celle d'Emrys, mais elle était loin d'être aussi chaleureuse; il y avait en elle une douleur qui pulsait, irrémédiable...

Les pouvoirs de Mordred n'étaient pas assez grands pour que la vision de l'avenir qu'il voulait lui montrer soit entièrement nette. Mais Morgane se sentit horrifiée dès qu'elle posa pied dans ce futur. Tout était gris, mort, froid, étrange. Les gens avaient les yeux vides et le pas pressé au milieu de leurs inventions prodigieuses. Il n'y avait pas d'arbres. Il n'y avait pas d'eau. La terre elle-même paraissait exsangue et épuisée. Un bruit assourdissant régnait partout dans les rues de la ville hideuse où ils avaient été transportés, assorti d'une odeur pestilentielle...

-Sens-tu les esprits de l'eau, de la terre et du ciel ? dit Mordred, à ses côtés. Vois-tu les étincelles du pouvoir briller dans les yeux des gens de cette époque ? Perçois-tu la Source ?

Elle ne ressentait rien d'autre qu'une absence, qui était en elle comme une plaie béante.

-Il n'y a plus de magie, souffla-t-elle, horrifiée.

-Voilà le monde qu'Emrys et Arthur Pendragon bâtiront ensemble, dit Mordred. Voilà la merveilleuse Albion qu'ils réussiront à construire.

Morgane pâlit, et ses yeux s'emplirent de larmes. En elle, le démon gronda, avec violence.

-Non, dit-elle, d'une voix terrifiée. Non, c'est impossible.

-Viens avec moi, dit Mordred.

Il l'entraîna dans une rue grise et silencieuse, au milieu des piétons de cette époque étrange. Ils s'arrêtèrent devant une boutique, et Mordred l'entraîna à l'intérieur... Sur les étagères s'alignaient des centaines, et des centaines de livres. Mordred en prit un, et l'ouvrit pour elle. Morgane regarda le titre. Il était écrit :

La Légende du Roi Arthur.

Il lui montra la première page, et Morgane sentit ses yeux se brouiller, quand elle vit inscrit, en tête de chapitre :

Merlin l'Enchanteur.

-Veux-tu voir la conclusion ? lui demanda Mordred.

Elle secoua la tête. Elle ne voulait rien voir. Elle voulait rentrer chez elle, sur l'Ile des Bénis. Elle avait besoin de revoir Aithusa... Elle avait l'impression que cette époque exsangue drainait ses pouvoirs. Elle était certaine qu'elle deviendrait folle si Mordred prolongeait cette vision plus longtemps...

-Regarde, dit-il.

Merlin avait gagné...

Ainsi l'Ancien Culte, porteur de Chaos, s'abîma-t-il dans l'oubli, et une nouvelle époque radieuse put-elle voir le jour; celle de l'honneur, de l'ordre, et de la chevalerie, que le règne du Roi Arthur devait inaugurer...

Morgane sentit son souffle lui manquer. Aithusa, pensa-t-elle, en se sentant glisser, irrémédiablement.

Mordred la regarda, impitoyable.

-Crois-tu qu'il y ait des dragons dans cette époque, Morgane ? lui demanda-t-il avec ironie. La magie est morte. Il y a bien longtemps que les dragons aussi ont disparu.

-Non, c'est impossible ! s'écria Morgane.

Ses yeux flamboyèrent comme l'or, et elle rejeta le livre loin d'elle, pantelante.
L'instant d'après, elle et Mordred étaient de retour sur l'Ile des Bénis. Elle s'écarta de lui comme si son contact le brûlait. Les larmes ruisselaient sur ses joues. La vision brûlait ses yeux, mordait son coeur. Elle poussa un cri terrifiant, et une fissure apparut dans la première des colonnades du Temple. Elle saisit sa tête à deux mains, en répétant : "non, non, non !". Puis elle tomba à genoux, une main sur son cœur. Emrys ne pouvait pas trahir la magie; il était la magie... Elle ne pouvait pas croire qu'il ait donné naissance à un tel avenir. Elle ne pouvait pas croire qu'il les ait tous abandonnés...

-Est-ce cela que tu veux, Morgane ? demanda Mordred, d'une voix calme.

Lentement, elle leva les yeux sur lui.

En elle, le démon rugissait...

-Va-t'en, supplia-t-elle.

-Vas-tu le soutenir, lui ou me soutenir moi ? insista Mordred.

Elle secoua la tête.

-Je ne soutiens que la magie, dit-elle, à travers ses larmes, se cramponnant à ses convictions pour lutter contre le démon dont les chaînes faiblissaient, d'instant en instant. Je suis la dernière des grandes prêtresses. Ce que je veux – c'est rétablir l'Ancien Culte pour que la magie redevienne puissante en ce monde. Reconstruire les palais en ruines de l'Ile des Bénis. Voir se multiplier les écoles sacrées où les enfants magiciens pourront apprendre à utiliser leurs dons. Dresser des Temples pour propager le pouvoir de la Source. Et vivre dans un monde peuplé d'autant de dragons que d'hommes.

-C'est ce que je veux, moi aussi. Et tu auras toutes ces choses, si je deviens Roi, dit Mordred, avec douceur, en s'agenouillant devant elle.

-Je n'ai pas besoin de ton aide pour réaliser ce projet, répondit-elle, les yeux flamboyants. Regarde autour de toi, Mordred. J'ai déjà commencé. Je suis ici, au milieu des miens, et j'oeuvre pour la magie pour qu'elle puisse refleurir enfin. Toi, qu'as-tu fait jusqu'ici, hormis te cacher et réfléchir aux moyens d'accéder au pouvoir ?

-Je t'ai montré la vérité, répondit-il. Tout ce que tu as accompli ici sera détruit et sombrera dans l'oubli. Le règne d'Arthur restera dans toutes les mémoires comme celui où la magie s'éteindra au profit de l'ordre et de la chevalerie. Le futur ne se rappellera pas de Merlin comme de celui qui aura rétabli la magie, mais comme du plus puissant des magiciens de tous les temps parce qu'il sera aussi le dernier. Je suis comme toi, Morgane. Je veux oeuvrer pour la magie.

-Non, Mordred. Tu veux que la magie œuvres pour toi, rugit-elle.

-C'est faux.

-Tu veux devenir Roi.

-Pour sauver ce qui peut encore l'être, dit Mordred. Pour empêcher que cet avenir immonde n'advienne.

Elle haleta, et parvint à museler le démon qui cognait contre les murs de sa prison de toutes ses forces.

-Prends garde, Mordred. La soif de pouvoir corrompt. Elle dévorera ton âme si tu la laisses faire. Je le sais, je suis déjà passée par là.

Elle ferma les yeux et, dans un ultime effort, réussit à faire battre le démon en retraite. Ses larmes se tarirent. Son souffle s'apaisa. Elle se redressa lentement, et invoqua les esprits de la terre, du ciel, et de l'eau. La Source frémit, l'inondant des longs doigts étincelants de sa magie, stabilisant ses forces.

Elle pouvait respirer, à nouveau.

Mais elle savait qu'elle n'aurait plus de repos désormais. Pas après avoir vu cet horrible avenir que lui avait montré Mordred. Pas après avoir ressenti l'absence de la magie dans le monde. Elle ne cesserait plus de se demander comment Merlin, le si puissant Merlin, au cœur si généreux, au regard si rempli d'amour, Merlin dont la merveilleuse magie faisait reverdir les arbres, guérissait la terre, et libérait les âmes condamnées aux ténèbres, Merlin dont l'infinie tendresse l'avait ramenée à la lumière, avait pu laisser un futur aussi désespéré advenir. Un futur sans magie ni dragons, un futur où tout ce en quoi elle croyait était mort.

-Vas-tu réfléchir à ma proposition ? demanda Mordred..

Elle le dévisagea avec horreur, et répondit :

-Oui.

Un sourire victorieux se dessina sur ses lèvres, et il voulut faire un pas vers elle.

-Non, dit-elle, en étendant sa main devant elle pour l'empêcher d'approcher.

Il se figea sur-place.

-Va-t'en, maintenant, ordonna-t-elle. Va-t'en, je t'en prie, Mordred. J'ai besoin d'être seule.

Il hocha la tête, en silence, puis se mit à reculer.

Elle resta où elle se trouvait, sous le bouclier ensoleillé, au centre du patio enchanteur, à côté de la fontaine. Sa tête était légèrement inclinée sur le côté, ses yeux étaient clos. Elle semblait écouter le bruit de l'eau, immobile comme une statue, et il pouvait presque sentir le va et vient de ses pensées, entre lumière et ténèbres.

FIN

Oui, je sais, toutes ces questions sans réponses ! Mais je vous jure que je pense à une suite :). Moi-même, je n'arrive pas à me dire que c'est terminé !