Renaissance


Le Monde de Narnia ainsi que ses personnages appartiennent à C.S. Lewis.


CHAPITRE 1: La Descente en Enfer


19 Juillet 1941

POV Laureen

Il faisait nuit depuis plusieurs heures déjà.

Vêtue d'une simple blouse d'hôpital, j'errais dans les rues sombres avec une seule envie : disparaître de ce monde.

J'avais mal.

Du sang recouvrait mon visage ainsi que le reste de mon corps, glissant, goutant sur le trottoir de béton. Je laissais derrière moi de longues rivières pourpres.

La douleur lancinante de ma cheville droite me forçait à boiter, mes pieds nus frottaient sur le sol inconfortable, un tapis irritant sur ma peau. J'avais encore l'odeur du sang dans la bouche : le mien…

Les passants étaient terrorisés mais personne ne tentait de me venir en aide, trop occupés à me montrer du doigt avec une grimace écœurée en voyant tout le sang qui maculait mes « vêtements », et à vrai dire je m'en moquais.

Je me sentais répugnante, souillée, sale.

Je ne me souvenais pas vraiment ce qu'il s'était passé, mon corps avait fini par flancher sous la violence des coups, me laissant sombrer dans un monde de ténèbres rassurant. Je n'avais plus peur, je n'avais plus mal, j'étais bien, presque comme en apesanteur.

La réalité avait fini par reprendre le contrôle j'étais là, laissée pour morte dans le salon de mes parents, ma robe n'était plus qu'un amas de tissus qui gisait près de mon corps nu. J'avais été secourue par mes deux jeunes frères : Peter et Edmund, qui avaient entendus mes faibles gémissements de douleur lorsqu'ils étaient rentrés à la maison. Les médecins qui m'avaient examinée en étaient certains : « Il » m'avait violé.

Le simple fait de penser à Lui me donna la nausée. Je m'arrêtais et tentais de calmer les battements erratiques de mon cœur. En vain, je vomis sur le bord du trottoir.

Des larmes coulaient en abondance le long de mes joues. Lorsque je les essuyais, j'apercevais l'endroit où m'avait conduit mon errance : l'étang de mon enfance.

Je m'assis au bord de l'eau, frottant mes pieds nus sur l'herbe fraîche. J'entendais seulement le clapotis de l'eau et le bruissement des feuilles dans les arbres qui entouraient le lac, mais cela ne calma pas mes craintes et mon anxiété. Mes jambes relevées contre ma poitrine, mes bras noués autour d'elle, je continuais de pleurer en silence.

_ Ne pleure pas mon enfant, dit une voix douce et rassurante.

Je relevais la tête pour voir à qui appartenait cette voix, mais il n'y avait personne. L'endroit était désert. J'avais sûrement rêvé.

_ Ne pleure pas! tenta-t-elle de me consoler.

La voix provenait de l'étang.

Je me redressais, me mettant sur mes genoux et contemplais l'eau. Tel un miroir, mon reflet m'apparut : mes longs cheveux châtains dissimulaient une partie de mon visage et mes yeux qui, habituellement, brillaient d'un éclat bleu pétillant de joie de vivre, ne reflétait plus que de la tristesse et de la peur. Très vite, mon reflet fut remplacé par l'image d'un lion. Majestueux, imposant, il me contemplait de ses yeux dorés.

_ Garde confiance, Laureen. L'espoir amène à la Renaissance. Crois en Aslan. Crois en Narnia ! gronda-t-il en me fixant de ses yeux d'ambre avant de disparaître, emporté par le vent.

Narnia...

J'avais déjà entendu mes frères et sœurs; Peter, Susan, Edmund et Lucie en discuter entre eux. Je pensais qu'il s'agissait d'un simple jeu d'enfant, un monde qu'ils auraient eux-mêmes créé et dont je ne faisais pas partie.

Lucie me racontait souvent leurs aventures fantastiques où ils étaient les Rois et les Reines de l'Ancien Temps, s'aventurant dans les contrées de ce Monde, tentant de sauver leurs amis : Aslan, Monsieur Tumnus et le Roi Caspian, qui d'ailleurs ne laissait pas Susan indifférente.

Je ne les ai jamais crus, mais j'écoutais leurs histoires avec avidité, imaginant ce Monde, ses habitants.

Puis, je me suis fiancée, enfin mes parents m'avaient fiancé, avec le fils aîné d'un ami de mon père Evan. Au premier abord, il semblait courtois, bien élevé, mais en fait, il en était tout autre, ce n'était qu'une façade, un masque qu'il usait afin de nous manipuler.

Pendant mes réflexions, deux mains se posèrent sur mes épaules, je sursautais et me relevais rapidement. Devant moi se tenaient Lucie et Edmund. Lucie avait pleuré, ses yeux rougis par les larmes étaient gonflés. Elle s'approcha de moi et me prit dans ses bras.

_ On était inquiet, me dit-elle de sa voix tremblante. Je sais que c'est dur mais tu dois retourner à l'hôpital, il faut les laisser te soigner.

_ Non, tu ne sais rien Lucie, lui dis-je sèchement. Tu ne peux pas comprendre ce que je ressens, à vrai dire, personne ne le peut.

Les larmes coulèrent le long de mes joues.

_ Et puis, ils ne pourront pas tout soigner, soufflais-je faiblement.

_ Nous t'y aiderons !

_ Nous sommes là pour toi, rajouta Edmund. Comme tu as toujours été là pour nous.

Il vint auprès de nous et après une longue réflexion, nous prit toutes les deux dans ses bras. J'eus un geste de recul mais je me laissais tout de même aller à ce câlin fraternel après tout, il était mon frère, jamais il ne me ferait souffrir. Je décidais donc, pour mon bien, mais aussi pour eux, de retourner à l'hôpital.