Titre : Insupportable Grotesque Incroyable

Auteure : gwenweybourne

Traductrice : Elizabeth Mary Holmes

Correctrice : ReachingforHeaven

Rating
: M

Genre(s)
: Romance/Humour

Chapitre: 1/3

Disclaimers
: Sherlock est une série télévisée produite par la BBC et réalisée par Steven Moffat et Mark Gatiss. Elle est basée sur l'œuvre de Sir Arthur Conan Doyle. Par conséquent l'auteure et moi-même ne gagnons rien sur cette fanfiction.

Notes
: Lien vers la VO sur mon profil. Mes remerciements à la bêta en or et traductrice émérite qu'est Heaven . Allez faire un tour sur son profil, ça vaut vraiment le détour.


Sherlock

Insupportable. Sherlock gisait sur le canapé, les doigts sous le menton. Il pensait à la situation dont il avait établi la liste des différents stades : intrigante, curieuse, vexante, troublante, très troublante et maintenant insupportable. Absolument insupportable. Il fallait faire quelque chose. Et vite.

Si la source du problème et par là même de la situation était simple à déterminer : le docteur John H. Watson, la solution était, elle, beaucoup plus difficile à trouver. Ou pour être plus honnête, il y avait une solution très évidente mais Sherlock s'y était refusé, considérant que le remède allait être pire que le mal. Ne plus voir John n'était définitivement pas une option.

Pour faire simple : John distrayait Sherlock de son travail de la manière la plus dérangeante qu'il soit. Même essayer d'analyser le problème l'empêchait de garder clair ses objectifs. Il avait essayé avec beaucoup de volonté de repousser ces réflexions aux moments insupportables entre deux affaires où il s'ennuyait terriblement.

Mais ça n'avait pas été le cas, même si leur dernière affaire remontait à presque une semaine. Il supposait que John avait dû remarquer un changement dans son comportement, mais il avait dû accueillir avec soulagement le fait que Sherlock ne soit pas en train de truffer les murs de balles ou encore de mettre l'appartement sens dessus dessous pour trouver des cigarettes et se mettre à bouder toutes les dix minutes.

Le problème nécessitait toute son attention, il devait en déterminer les causes exactes et comment il se présentait. Il avait fini par comprendre. Les femmes, ces foutues femmes ennuyeuses avec lesquelles John sortait. John semblait préférer leur compagnie à la sienne, ce qui de prime abord lui avait apparu grotesque.

Au début Sherlock avait essayé de s'immiscer dans la vie de couple de John jusqu'à ce qu'il retrouve le « chemin de la raison », mais finalement le médecin lui avait expliqué que sa présence suffisait pour l'empêcher de conclure avec une femme.

Il aurait dû s'en apercevoir plus tôt. Car contrairement à ce que croyaient la plupart des gens, il n'était ni un robot ni un alien. Il était un être humain, un homme avec des désirs et des envies, c'était inscrit dans ses gènes comme chez n'importe qui d'autre.

Mais la différence se faisait là où il avait jugé que les désirs de nature sexuelle étaient inutiles. Et puis le désir sexuel et la recherche du plaisir, c'était un moyen pour les gens ennuyeux de passer le temps. Il était après tout normal que leurs cerveaux quelque peu limités aient du mal à leur trouver de quoi se distraire. Et en dernier recours, ils se frottaient une partie du corps contre une autre, ce qui était parfaitement incompréhensible.

Il n'avait jamais compris. Même les affres de l'adolescence l'avaient laissé perplexe. Bien qu'il ait expérimenté les même désirs et envies que ses pairs, son absence d'ouverture sociale avait fait qu'il n'avait jamais pu les satisfaire.

Et il n'avait aucune façon acceptable d'informer de ses désirs le nombre très restreint de gens qui avait su susciter son intérêt. Et ses tentatives, encore plus rares, s'étaient soldées par des échecs retentissants. C'était humiliant.

Les très rares personnes qui s'intéressaient vraiment à lui et qui arrivaient à lui faire savoir ne recevaient que son mépris, il n'avait pas le moindre intérêt pour elles. Ayons ici une pensée pour toutes les Molly Hooper de ce monde.

Il avait calculé la probabilité de trouver quelqu'un qui ait des sentiments qui répondent à ses désirs, mais les statistiques n'étaient décidemment pas en sa faveur. D'où sa décision de ne plus s'en préoccuper et il avait toujours le temps de donner satisfaction à ses propres besoins même lorsque les travaux scolaires les plus prenants ou les projets les plus intéressants se refusaient à calmer ses pensées enfiévrées.

Et ainsi, il réussit à traverser son adolescence et put constater que ces envies décroissaient jusqu'à ce qu'il soit totalement capable de les maitriser. Il en avait été ainsi pendant des années. Les relations sexuelles étaient quelque chose d'ennuyeux et les gens qui désiraient en avoir rentraient dans la même catégorie.

Mais il semblait que John souhaitait avoir des relations sexuelles, et John n'était certainement pas ennuyeux. C'était même bien la dernière chose que l'on pouvait dire de lui. Il était assez perturbant pour Sherlock que quelqu'un puisse offrir à John quelque chose qu'il était incapable de donner. Ou plutôt qu'il n'ait jamais voulu donner. A personne.

Jusqu'à maintenant. Parce qu'il avait en tête des images assez déplaisantes de John en train de toucher ces femmes, Sarah, Jeannette, celle qui était toute recouverte de minuscules boutons, celle qui avait un grand nez… Leurs mains et leurs bouches touchant John. Son John. C'était révoltant. Et puis l'idée que John puisse les toucher. Affreux.

Il repensa à toutes les échanges tactiles qu'il avait eus avec John, qu'il s'agisse de leurs épaules se touchant à l'arrière d'un taxi, leurs doigts s'effleurant quand John lui donnait une tasse de thé ou encore la fois où il avait pris le visage de son ami en coupe dans ses mains pour l'implorer de se souvenir de l'ordre des cryptogrammes qu'il avait vus sur le mur.

Chaque contact lui avait provoqué une sorte de bouffée de chaleur à laquelle il n'était pas habitué. Et qui ne se produisait que lorsqu'il s'agissait de John. Mais il fallait se rendre à l'évidence : personne d'autre que le médecin ne touchait volontairement Sherlock.

Il avait plus de contacts physiques avec des cadavres et des poignées de mains avec de parfaits étrangers qu'avec les gens qu'il côtoyait au quotidien, Mycroft inclus, voire Mycroft plus spécifiquement.

A l'exception de John. John s'en foutait de le toucher. En fait, il semblait même le faire plus que nécessaire, mais certainement parce qu'il s'agissait d'une attitude normale entre amis et colocataires. Il s'était surpris à souhaiter davantage de contact, tout comme il souhaitait les félicitations et l'approbation de John.

C'était tout cela qui le distrayait de ses objectifs. Et maintenant, cela commençait à avoir un impact sur le Travail, ce qui était inacceptable. Le Travail était tout et tout devait servir le Travail. Quand il avait pris la décision d'éloigner de lui les questions d'ordre sexuel, ce n'était pas si idiot. Ses recherches approfondies lui avaient permis d'acquérir le savoir nécessaire à ses déductions.

Mais le sexe était une force motrice dans les dynamiques du comportement humain, et pour cela il avait essayé de comprendre. Il savait où il devait aller, mais il avait trébuché sur des listes sans fins de fétichismes, aberrations et sous-cultures.

Il savait faire la différence entre flirter et harceler, entre l'ours et la cougar, passif et actif, la nécessité d'envoyer des fleurs, des chocolats et une carte, d'attendre trois jours pour téléphoner et même à quelles heures on pouvait s'envoyer en l'air sans trop de risques dans le parc d'Hampstead Heath.

Mais quand il en venait à sa propre personne, Sherlock considérait que son corps était juste un moyen de locomotion et de logement pour son cerveau. Et son cerveau était l'ordinateur qui s'attelait au Travail. Malgré lui, mais que pour que tout reste fonctionnel, il mangeait (pas assez au goût de John), il se reposait (toujours pas assez selon le médecin), lui faisait faire de l'exercice, le maintenait en état de marche.

Son corps se devait être présentable et il le déplorait. Mais d'expérience, il avait pu constater que les gens avaient plus tendance à s'exprimer devant un homme qui avait l'air d'avoir confiance en lui et qui avait revêtu des vêtements sur mesure.

Et puis, le cerveau contrôlait les réponses au plaisir sexuel, mais le plaisir sexuel n'était pas indispensable à sa vie. Il pouvait faire ce qu'il voulait de son cerveau et de ses données. Et à ce jour, il était plutôt heureux de ne pas être entré dans le cercle infernal de la machine des désirs sexuels.

Voir les gens agir comme des idiots juste pour prendre leur pied, et puis tomber amoureux. Il y en avait partout, dans chaque scénario de film, de série télé, chaque publicité et chanson populaire. Tout n'était que sexe, et Sherlock Holmes pouvait se targuer d'être au-dessus de ça.

Mais sa maitrise de lui-même s'effritait. Ses pensées commençaient à prendre la tangente quand elles devaient garder leur acuité et leur précision digne d'un laser. Il s'était surpris à contempler John, à regarder sa bouche, à se demander quelle en était la saveur et ce à quoi ressemblait le corps de son ami sous ses ridicules pull-overs.

Mais aussi - quels étaient les muscles de son visage doux qui se relâchaient lorsqu'il serait en train de jouir ? Quelle combinaison de stimuli était nécessaire pour qu'il jouisse ? Il avait besoin de données, tellement de données. Données vraiment inutiles pour accomplir le Travail, mais que le Travail aille se faire foutre pour une fois. Dieu… qu'est-ce qu'il voulait faire ça… !

Sherlock grinça des dents, ferma les yeux et se passa la main dans les cheveux. Il se retourna, cligna des yeux, baissa les mains et le regard. Putain ! Il était encore une fois aux prises avec une érection. Son corps le trahissait encore une fois. C'est affreusement inconfortable et embarrassant. Il pouvait quand même contrôler ça.

« Insupportable », marmonna-t-il en changeant encore de position pour qu'il y ait moins de pression sur son membre. « Vraiment insupportable». Il essaya de se concentrer et de penser à autre chose, à tout sauf à John Watson.

Nu.

Gémissant le nom de Sherlock.

Passant ses mains calleuses sur le corps de Sherlock avec une précision chirurgicale.

Mais ce n'était définitivement pas un travail pour un chirurgien.

Il leva la tête et écouta. L'appartement était vide. John devait être à la clinique, ou peut-être pas ; Sherlock n'avait aucune idée de combien de temps s'était écoulé et il ne se souvenait pas d'avoir vu John partir. Mrs Hudson devait faire les courses. Il était seul.

Il aurait pu se rendre dans sa chambre pour un peu plus d'intimité, mais rien que l'idée d'avoir à se déplacer le fatiguait. Il caressa du bout des doigts la bosse qui s'était formée dans son pantalon et il frissonna. Il pouvait… cela faisait des années qu'il n'avait pas… mais là, ça devenait urgent.

Honteux d'en être venu à de telles extrémités, il déboutonna son pantalon et descendit doucement la fermeture éclair. Et alors que sa main était à moitié dans son boxer, il eut un sursaut : il avait entendu la porte du rez-de-chaussée claquer.

Puis un bruit de pas dans les escaliers. John. Avec environ trois kilos quatre cent de divers comestibles.

« Sherlock ! Navré d'être en retard. C'était un cauchemar à Tesco mais il ne m'a fallu que cinq essais avec la caisse automatique, cette fois ! C'est pas beau ça, Sherlock ? »

Le temps que John arrive dans le salon, Sherlock avait remonté sa fermeture éclair et s'était blotti dans le canapé de telle sorte qu'il tourne le dos à John, et il feignait le sommeil - mais avec difficulté. Sa respiration était en effet bien trop erratique pour quelqu'un qui dormait.

Mais John ne s'aperçut de rien, comme d'habitude. «Te reposer te fera le plus grand bien, je vais faire du thé dans ce cas-là. » chuchota le médecin. Sitôt seul, Sherlock ouvrit brusquement les yeux.

Il était dans la nature même de John de prendre soin des gens. Et ce non uniquement dans sa profession, mais aussi dans sa vie personnelle. Il n'était jamais aussi heureux que lorsqu'il s'occupait de Sherlock. Il n'avait que de faibles notions des domaines dans lesquels il pouvait se révéler utile.

Sherlock n'avait pas besoin d'une nounou ou d'une gouvernante, il n'avait besoin que de John. Mais la fausse image que John avait de son propre rôle allait lui être utile dans la résolution de son problème. Il eut un sourire satisfait.

Le détective manquait peut-être de discernement quand à ce qui était des tentatives de sociabilisassions, mais avec John, c'était différent. Et il en savait assez long pour pouvoir dire que John ne semblait pas totalement fermé à l'idée que leur relation s'étende à une relation sexuelle.

Il avait juste besoin de se montrer convaincant. L'expérience avec Irène Adler lui en avait dit assez long. Sherlock l'avait trouvé très… intéressante, et le fait qu'elle ne se soit pas soumise à la collecte habituelle de données accroissait encore l'intérêt du détective et la jalousie du médecin.

Sherlock s'en était rendu compte. Il aurait très bien pu remettre le bip sonore habituel pour l'arrivée de nouveau message à la place des gémissements de Miss Adler - mais il ne l'avait pas fait. Arriverait-il un jour à faire pousser de tels gémissements à John… zut, il avait dit qu'il devait rester concentré.

Il voulait vraiment savoir combien de messages seraient nécessaires pour que John ait une réaction visible. Apparemment, cinquante-sept. Il admirait la maitrise de soi dont faisait preuve le médecin, mais la conclusion de l'expérience fut celle qu'il avait escomptée : les attentions très suggestives d'Irène dérangeaient John.

Et si Sherlock avouait que c'était ce qui le distrayait de son Travail, John voudrait l'aider. Il allait l'aider. Sherlock ne savait plus quoi faire. Et il y avait toujours le problème des besoins de John. Si le détective pouvait le satisfaire, John serait heureux. Et Sherlock aimait l'idée d'un John heureux, se souriant à lui-même et les yeux plissés ; il cesserait de réserver une table des restaurants trop chers pour lui et de ramener des gens ennuyeux à Baker Street qui n'avaient rien d'autre à faire que lui imposer leur ennui.

Leur seul objectif était une partie de jambes en l'air, et ensuite des attentes dignes d'un roman à l'eau de rose avec un mariage et une tripotée de gosses qui allaient dévorer jusqu'à la moelle son John, le rendant vieux, gris, ennuyeux et pire encore, l'éloigner du Travail - et donc de Sherlock. Non, il fallait arrêter ça. Il fallait vraiment faire quelque chose.

Il prit la ferme décision d'en parler ce soir. Après le thé. Avoir presque été surpris en train de rechercher un quelconque soulagement sur le canapé - c'était vraiment la goutte d'eau qui faisait déborder le vase.


La suite très prochainement.