Hello, voilà la fin complète. Seigneur, je ne sais même pas quoi dire. Merci à tous pour vos reviews, votre soutient et votre gentillesse ! C'était magique, parce qu'on a tous écrit, on a tous rit et peut-être avons-nous été tristes au même instant car vos mots à tous m'ont inspiré à un moment où un autre. Cette histoire en bas n'est là que parce que je voulais la partager avec vous, elle n'est là que pour vous. Merci.


Now, darling,
don't lose your head,
cause none of us were angels
and you know I love you...

/

Maintenant chéri,

ne perds pas l'esprit

car aucun de nous n'était un ange

et tu sais que je t'aime...

-Speeding cars/ Imogen Heap


Le temps est une magie ancestrale dont on n'a jamais pu assimiler toutes les données. D'où vient-il ? Quelle raison peut-on prêter à son œuvre ? Nous l'ignorons toutefois, cela ne nous empêche pas de le laisser régner en maître sur nos existences. Il fait de nous des prodiges, des records men, des ''à peu près trente ans'', il efface nos peines et nos chagrins et transforme nos espoirs fraîchement nés en désespoirs d'une vieillesse risible. Le temps n'a pas épargné mon amour pour Sherlock Holmes et aussi brillant était-il au début, il s'est bien vite mué en une breloque terne et passée de mode. Car trois ans se sont écoulés depuis mon acte impardonnable. Acte que le détective a soigneusement feint d'oublier, chose que je peine à présent à lui excuser. Les secondes chutaient, les minutes glissaient, les heures couraient, le temps m'effritait. J'ai longtemps pensé que mes sentiments suffiraient à supporter le cachot de notre relation, j'ai prié pour qu'il en soit ainsi. Lorsque le scientifique se dressait contre l'une de mes sorties, je ne sortais plus, quand son imagination injuste prétendait m'avoir vu converser trop longuement avec le boulanger, la caissière ou même un vendeur quelconque, je me faisais livrer nos commissions. Nous sommes bien vite arrivés au stade où aucune sortie ne m'était permise sans la présence du brun. Là où j'allais, il me suivait tel un spectre vengeur, son regard inquisiteur analysant le moindre de mes gestes. Que dire de cela si ce n'est que j'avais pris perpétuité pour un crime dont j'avais moi aussi été la victime ?

Je peux dès lors dire sans mentir que j'ai compris ma leçon et que je pourrais la réciter les yeux clos : L'amour ne suffit pas, il n'a jamais suffi.

Par conséquent, je ne peux supporter cet emprisonnement un jour de plus, pas une seconde même. Je nous ai donné le temps de nous unir à nouveau mais ce même temps nous a séparés plus que de raison.

Je me relis une dernière fois, le cœur d'une légèreté lancinante, la tête emplie de ténèbres amorphes, expié de toutes fautes. J'ai assez attendu, j'ai trop attendu. Me redressant silencieusement, j'empoigne ma canne ainsi que ma valise. Droit au centre du salon, j'observe une dernière fois l'appartement, notre appartement. Ce qui était censé être notre refuge, parodié impitoyablement en cage dorée. Hésitant à l'idée de laisser mon journal afin que le scientifique prenne conscience de cette horreur que j'ai tue durant trois longues années, en une sorte de lettre d'adieu, je finis par l'empoigner lui aussi et à le glisser sous mon bras. Il n'y a pas homme sur terre plus à même de comprendre cette épreuve que Sherlock Holmes. Un silence assourdissant m'accompagne comme je quitte la pièce, fermant consciencieusement derrière moi avant de glisser la clé sous le paillasson. Madame Hudson est au marché, Sherlock ne rentrera pas avant quinze heures. Un sourire amer naît sur mes lèvres, il est bien singulier le désespoir qui vous anime lorsque vos jours se résument à épier l'existence des autres en dépit de pouvoir prendre soin de la vôtre.

Devant l'immeuble aux briques rouges, je retrouve Mike qui, me délestant de mes bagages, s'enquiert :

« Tu t'en sors ? »

« Je vais pouvoir commencer à le faire. »

Nous prenons place dans l'auto grise et mes pensées m'entraînent cruellement à ce que Sherlock et moi étions, avant. Nos débuts hasardeux, nos sentiments incompréhensibles, puissants et irrévocables. Cette affection qui semblait faire partie de nous tant elle était naturelle, nos moments d'alchimie, nos instants de paradis. Cet amour que je pensais inébranlable, cet amour si ancré en nous qu'il débordait de nos regards et brûlait ce monde dont nous n'avions conservé que les cicatrices. Cela aurait pu marcher, on aurait pu être magnifiques, on aurait pu...

« Roule plus vite je t'en conjure. » Je déclare, effondré, abruti de tristesse.


XXX


POV SHERLOCK

Être un génie représente bien des inconvénients. Tout savoir avant tout le monde, même lorsque nous préférerions évoluer dans l'ignorance la plus totale. J'observe le paillasson légèrement de biais, une affliction terrible, sourde et vicieuse m'embrasant, mes os semblant vouloir jaillir de mes chairs. Il est parti. Inutile de me dire qu'il ne reviendra pas et pourtant, l'analyse est déjà faite. Il s'en est allé sans se retourner. Prenant place dos à la porte de l'appartement, les jambes étendues devant moi, je songe, réfléchis et retrace mon parcours, notre parcours, au point de provoquer une douleur pénétrante au cœur de mon crâne.

La vérité est que je ne parvenais pas à pardonner, j'étais incapable d'effacer cette donnée de mes circuits. J'ai pourtant fermement prétendu le contraire. J'ai menti avec une foi que je ne me connaissais pas. Mais à chaque battement de cil, à chaque inspiration, j'y repensais. Son visage n'était plus fait que de glaise et d'incertitude. Un sentiment d'insécurité m'empêchant tout bonnement de l'aimer comme j'aurais dû, comme je savais l'aimer.

Il m'appartient, il est à moi, cependant, il est également la multitude de possibilités qui lui permettent d'agir comme bon lui semble, d'appartenir à sept milliards d'autres personnes. Je ne peux tolérer cela. L'amour devrait pouvoir changer cela, l'amour devrait supprimer le monde extérieur, créer une dépendance aussi morale que physique. L'amour devrait être une garantie incorruptible, attestant le trépas de la personne chérie si celle-ci venait à s'éloigner des sentiments partagés, à nourrir une envie d'éloignement quelconque. Mais l'amour est inutile, l'amour n'est pas suffisant.

Allumant silencieusement une cigarette, j'inspire son poison à m'en retourner les tripes, le monde vacille autour de moi puis reprend sa position initiale. J'ai tenté d'exécuter cette garantie de mes mains, d'en créer et gouverner chaque part. De contrôler ses allées et venues puisque l'amour n'en était pas capable, de proscrire tout éloignement moral et physique, de recentrer toute son attention sur ma personne et sur personne d'autre. Car il est mon univers et cela doit être réciproque. Je souhaite le voir vivre avec moi et pour moi.

J'ai échoué.

Une colère foudroyante gonfle en mon sein, ravageant tout sur son passage, mes membres se crispant à en faire grincer mes articulations, ma cigarette se broyant entre mes doigts alors qu'un cri de rage m'échappe, rugissant dans le couloir vide en une plainte animale déchirante. Il ne reviendra pas, j'aurai beau mentir, fabuler, extrapoler à en perdre le souffle, il ne reviendra pas car cet homme-là me connaît mieux que quiconque sur cette maudite planète. Il sait que je ne change pas d'avis, je ne reviens pas sur mes décisions et encore moins sur celle que mon esprit a prise pour moi. Je ne peux pas ! JE NE POURRAI JAMAIS LUI PARDONNER !

« Non ! Non ! Non ! » Je tonne avec violence, mon crâne frappant durement la paroi dans mon dos.

Cela ne se peut pas ! Je DOIS lui pardonner ! Je le souhaite follement alors pourquoi en suis-je incapable ? Fou de rage, je m'empare de la clé abandonnée par l'ex-soldat et pénètre dans ce qui fut notre logis. Chaque détail, le moindre artifice, accessoire décoratif, coussin, meuble me saute au visage. Aussi maigre que furent ses possessions, leurs absences n'en sont pas moins remarquées. Il n'a rien laissé, pas même le plus insignifiant des bibelots, rien. Tout à ma colère, je m'empare du premier objet à ma portée et le détruit dans un grand fracas, aveuglé par une rage pleine à ras-bord de frustration et d'un désespoir primitif, je me laisse aller à ces sentiments qui m'ont jadis refusé le plus petit échantillon de leurs substances. Ravageant le salon avec frénésie, les gestes désordonnés, le souffle bruyant, les dents serrées, je m'emploie à détruire ce monde qui n'a pas su nous contenir, ces quatre murs qui nous ont vus mourir. Mes forces me quittent peu à peu avant de m'abandonner tremblant au pied du canapé, les mains encadrant douloureusement mes tempes. Mes yeux se portent sur le ciel à la fenêtre, une impulsion léthargique balançant mon buste d'avant en arrière. J'ai été fait prisonnier par mon propre esprit, ma seule envie d'aimer, mon désir d'être chéri moi aussi pour ce que je suis. S'il existe une hypothétique entité là-haut, elle doit se jouer de moi en m'affublant d'innombrables défauts sans m'accorder tout ce à quoi un être peut aspirer. Que le Diable emporte mon palais mental, maudit soit mon génie tant envié, que le vent balaie ma science ! Que faire de tout cela s'ils m'empêchent d'être humain ? Ma conscience n'a plus que faire de l'incartade de John Watson mais mon cerveau lui refuse le pardon. Eh bien, je veux être abruti, je choisis John.


XXX


Je passais deux jours entiers reclus dans notre appartement à m'asseoir, à me coucher, à observer par la fenêtre, les bras ballant au milieu du salon, les yeux clos sous la douche, refusant toutes visites, abandonnant l'idée de me nourrir. Je laissais les vagues d'un malaise vertigineux m'assaillir, le silence bercer mes divagations, mes songes compulsifs. Mes sens s'exacerbant, la plus petite envie, les gestes les plus insignifiants, impulsifs et sans logique apparente retranscrivant mon comportement dans son entièreté. Un retour brutal aux instincts, une renaissance éblouissante. Lorsque vint le troisième jour, j'étais si éreinté que le moindre mouvement semblait requérir une force bien au-dessus de mes capacités physiques. Je me redressai pourtant lentement, accueillant avec plaisir le vertige secouant mes membres, et pris place devant le placard de l'entrée où devaient encore reposer les présents envoyés par Jim Moriarty. John l'ignore sans doute, mais j'ai conscience que, plus que l'offrande elle-même, ce sont les cartes qui lui plaisent. Il les lit avec application, un sourire naissant imperturbablement sur ses lèvres et ce sans qu'il n'en prenne conscience. Peut-être est-ce là l'attitude qui me répugne le plus chez lui. Autant peut-elle être louable, autant elle m'irrite au plus haut point : sa sensibilité. Il en faut si peu pour l'émerveiller ! Et pourtant, je n'y parviens plus et cet honneur revient à un arnaqueur sans scrupule pas plus grand qu'une pile de tabourets.

Ouvrant le placard avec nonchalance, je me décidais à découvrir ce que ces cartes avaient de si fantastique. Les premières missives furent d'une banalité douloureuse, d'un ennui que je ne saurais décrire. Leurs mièvreries sentimentales manquant de me faire rendre le contenu de mon estomac (eau, bile et boyaux). Puis vinrent les plus récentes, déconcertantes, me confortant remarquablement dans ma décision :

John Chéri,

J'espère que vous vous portez bien.

Je suis de retour à Londres depuis peu.

Bien que je ne compte pas y séjourner plus de quelques jours,

je ne peux décemment me résoudre à ne pas vous rencontrer.

Je serai à l'estaminet où nous sommes allés boire ce fameux café le 28 à 15 heures 30.

Soyez certain que je vous y attendrai jusqu'à la fermeture.

Je vous aime,

JM

La missive du vingt-neuf accélérant les battements de mon pauvre cœur :

Mon amour,

Je ne suis pas surpris par votre absence à notre rendez-vous.

Cependant, je me répète, c'est indéniable

mais sachez qu'aussi intelligent que puisse être Sherlock Holmes,

il reste un sociopathe dont le premier amour est et demeurera sa propre personne.

Aussi dérangé que puisse être mon esprit,

lui, il ne vous négligera jamais comme le sien s'applique à le faire.

John, n'avez-vous pas une once de compassion pour moi ?

Lorsque vous fermez les yeux et songez à nos entrevues passées,

ne ressentez-vous que du dégoût ?

Vous et moi savons bien que non.

Vous m'aimez John.

J'étais l'homme derrière le masque, l'homme dans votre cœur.

Que l'affection que vous me portez soit bien maigre face à celle que vous nourrissez pour ce dérangé m'est bien égal.

L'amour reste l'amour et ce malgré sa quantité.

Lorsque vous en aurez assez de lui, lorsque cette parodie pitoyable et tragique prendra fin,

je serai toujours là.

J'attendrai et il vous suffira d'aller prendre place dans notre café pour que je vienne à vous.

Je vous aime John Watson,

JM

Mes doigts laissent mollement échapper la missive qui, chutant en un tourbillon faible, échoue au sol dans un bruit tendre de caresse volatile. John n'a pas failli, il n'a pas abandonné. Malgré les arguments plus que pertinents, même à la vue de cet étrange amour que cet homme étalait devant lui, cet amour au cœur de pierre semblant capable de tout, il est demeuré mien. Il eût pourtant été mieux inspiré de céder à ses avances car voilà un homme qui promettant monts et merveilles, ne se dérobe par quand vient le temps de les acquérir. Moriarty est capable de vous garantir la lune et de s'en emparer le soir même.

Alors que moi, Sherlock Holmes, je ne saurais même définir ce qu'est une merveille en soi. Après tout, c'est d'une relativité absurde. Aussi, quel intérêt aurais-je à promettre ces inepties ? À quoi bon acheter des fantaisies si je reste incapable de dire un simple ''Je ne t'en veux pas.'' ? Toutefois, j'ai pris ma décision. Tout est immuable, rien n'est constant, nulle chose n'est imprescriptible tout comme moi, ma personnalité, ma science. Il n'est sur terre sacrifice qui ne puisse être accompli. Je suis né avec ce don, cette folie inaltérable, assurément, je mourrai avec elle. Cependant, bien que je ne sache vivre autrement, bien que ce monde me semble bien trop grand, mal défini et d'une instabilité effrayante, bien qu'il me serait plus aisé de perdurer dans cet état comateux, dans cet univers sublime fait de couleur, de sensations déchirantes, de vagues de chaleur frigorifiées, d'images hurlantes et d'obscurité dansante, je vais m'en défaire, avancer et apprendre à vivre sans elle, ma science. Il est certain (Dieu, rien n'est plus sûr.) que je ne pourrai la refréner mais elle ne guidera plus mes pas. Je serai homme.


XXX


Le train glisse en silence, les yeux rivés sur mes chaussures, je savoure ma douce folie, je lui adresse milles baisers d'adieu, furieux, enfiévré, désespéré et larmoyant, inondant les textures, les surfaces tantôt lisses et rugueuses de mon palais mental. Cela a toujours été difficile d'afficher sur ce visage extérieur, le tumulte intérieur m'accablant. Pourtant, là-bas, tout est si simple, cette face au cœur de mes méninges, cette figure en tout point semblable à celle qui s'affiche sur l'emballage est noyée de larmes roulant sur des joues d'un rose candide, ce visage fascinant qui pâle, torturé, affligé aux lisières du concevable, se retire dans un état de détresse pleine, sans nuance, ni faux-semblant. Une désolation saisissante balançant son corps en tous sens, ses lèvres laissant échapper haut dans cet univers défait de gravité, des plainte déchirantes, des appels tourmentés d'une voix rauque et se jetant au sol, ici, puis, là-bas, il se secoue, tremble, hurle sa peine, ses sillons d'eau salée englobant la substance changeante des lieux et bientôt, c'est tout le palais entier qui se lamente, les mémoires hurlent à en briser leurs tranches, les connaissances se cognent au murs, les souvenirs s'arrachent le visage, se griffent sauvagement, les données s'entrechoquent, les capacités se replient dans des chagrins faits de spasmes, de contractions sèches et douloureuses. Le deuil de l'insurmontable, le désarroi de tout un monde. Deux longues heures durant, je m'apitoie, je supplie, j'accepte puis quémande le pardon, j'hurle, soupire, saigne, pleure silencieusement mais lorsque s'approche la fin, je me jette à genoux, crie à m'en briser la voix, plaide mon sort, en appelle à la pitié, et je me vois tremblant, déclarant d'une voix torturée : « Qu'est-elle donc cette humanité ? N'avons-nous jamais été qu'un châtiment à tes yeux ? N'avons-nous pas été un paradis pour toi ? Nous nous sommes mis à ta disposition, nous avons grandi avec toi, t'avons protégé et secouru à chaque moment. Nous ne t'avons jamais trahit alors pourquoi ? Je t'en supplie... Elle, elle ne saura que te rendre malheureux, elle n'est rien, elle trouble les esprits puis les réduit à néant. L'humanité est une damnation, elle n'apporte jamais que malheur et folie. Tu dois entendre raison... » Mais rien n'y fait et je me vois perdre espoir, je vois ma figure blêmir, mon corps frémir et mon double s'enfuir dans les dédales de couloirs s'assombrissant un peu plus chaque instant. La nuit s'abat pourtant sur le palais mental, un cri d'une souffrance épouvantable s'élevant dans les tréfonds obscurs de mes pensées, un cri sauvage de terreur pure faisant trembler mon corps entier, le vrai, celui fait de chair et de sang.

Je relève alors les yeux, posant un regard nouveau sur le paysage à la fenêtre, un regard défait de toutes analyses, un regard simple dont l'action n'est pas suivie de déduction, un regard humain. Je suis prêt à me faire pardonner, je suis prêt à aimer John Watson.


Voilà ! Merci mille fois !

J'espère vous retrouver très vite pour une autre histoire :)

Bisous

A.