26 Pieces

Auteur : Lanning

Traduction : ReachingforHeaven

Nombre de mots : 28 235 mots en version originale, soit un peu moins de 40 000 en français ; cette partie en fait environ 6 000.

Disclaimer : Rien n'est à moi, ni les personnages ni même l'histoire dont je ne suis que la traductrice !

Résumé : Mycroft confie à Sherlock une tâche à première vue des plus faciles : parvenir à ouvrir un casse-tête de bois contenant une puce électronique volée. Mais ce n'est pas si simple.

Notes de la traductrice : Hello les enfants ! Bon, je ne me suis toujours pas faite aux changements du site (genre, plus besoin de mettre le rating au début du chapitre, puisque magie magie tout est marqué en haut de la page ! Mais rien à faire, je continuerai à écrire le résumé ici, je suis assez old school actually), mais me revoilà néanmoins avec une de mes deux case!fics préférées (l'autre s'apelle Parallel et vous pouvez la trouver sur Archive of Our Own, en anglais, pour ceux qui lisent cette langue) ; ça fait un certain nombre de jours que j'en ai fini la traduction, mais j'ai eu du mal à contacter l'auteur pour lui demander la permission de publier (ce qui est tout à fait normal, on a tous une vie à côté d'internet), so vous ne l'avez que maintenant ! L'auteur m'a dit qu'il s'agissait de sa première fic sur Sherlock BBC, et qu'elle était vraiment ravie qu'on la traduise :) Je pense publier un nouveau chapitre tous les trois ou quatre jours.

Sans plus attendre, je remercie mon cher beta-pokémon, F., et bonne lecture à toutes et à tous !

Quelques précisions : Mafeking est le nom d'une ville anglaise de la colonie du Cap qui a été assiégée à partir du 13 octobre 1899 par les Boers pendant la Deuxième Guerre des Boers ; les Boers étaient des fermiers d'origines néerlandaise, allemande et française, qui supportaient mal l'occupation anglaise en Afrique du Sud. Durant le siège en question, la garnison anglaise a fait face à 8000 soldats Boers ; ils ont tenu le coup et finalement la ville a été libérée par des renforts anglais le 17 mai 1900. Ce siège est un des épisodes marquants de cette guerre, et il a notamment eu pour conséquence la création du scoutisme par le colonel anglais Baden-Powell. Si le sujet de ces guerres vous intéressent, je vous conseille entre autres Mes jeunes années de Winston Churchill =)

Le pont de Blackfriars est un pont qui traverse la Tamise au niveau de la City.


26 Pieces


John fit la grimace quand il entendit son téléphone biper. Une fois de plus. Il reposa son journal et s'empara de son portable, à peu près déjà certain de ce qu'il allait découvrir.

DES PROGRES ? - MH

John risqua un coup d'œil en direction de Sherlock qui, assis à son bureau, était occupé à tourner et retourner dans ses mains un petit objet en bois ; son expression de frustration intense le faisait ressembler à un écureuil à qui l'on aurait volé ses noisettes.

Après un soupir, John tapa une réponse.

ETAT TROP INSTABLE POUR QUE JE POSE LA QUESTION. DEMANDE ASSISTANCE ARMEE DE TOUTE URGENCE.

« S'il s'agit de l'idiot qui me sert de frère, réponds-lui poliment que j'ai des choses plus importantes à faire que de perdre mon temps avec cette histoire infantile. » Sherlock était penché sur le jouet, ses doigts crispés sur l'objet de bois s'efforçant désespérément de l'ouvrir et une expression véritablement terrifiante sur le visage.

« Mmm », fit John, diplomate. Sherlock pouvait bien dire tout ce qu'il voulait ; mais en vérité John savait que l'opinion du public comptait pour lui, même s'il aurait préféré être pendu que d'avoir à l'admettre. Vivre avec lui alors qu'il prétendait n'en avoir rien à faire - ça, c'était un challenge. Il ajouta un post-scriptum.

SITUATION DESESPEREE. MAFEKING DOIT ETRE SECOURUE. - JW

« Foutu petit… qui a eu l'idée absurde de transporter des informations secrètes et volées dans un casse-tête chinois ? Le but premier de ce genre d'objets est justement de donner envie aux crétins de les ouvrir. Ils attirent l'attention sur eux en s'en référant à un des plus bas instincts de l'humanité. Les voleurs auraient tout aussi bien fait de mettre la puce dans une boîte en carton et de marquer en majuscules et en rouge 'SECRETS D'ETAT DU ROYAUME-UNI NE PAS REGARDER' dessus. Bordel de - putain ! » Sherlock frappa la boîte sur son bureau, sans aucun effet.

« Mmm », fit à nouveau John. Les défis que lui posaient le fait de vivre avec Sherlock ne le dérangeaient pas. D'habitude. C'était fascinant - tout était fascinant, avec Sherlock. Il avait même commencé à trouver attachante l'habitude qu'avait prise ce dernier de laisser des morceaux de cadavre n'importe où, dans un certain sens. Son portable bipa à nouveau.

DATE LIMITE APPROCHE VITE. PROGRES SONT IMPERATIFS. - MH

« Dis-lui de me laisser tranquille », gronda Sherlock, jeta un coup d'œil furieux dans sa direction.

Les regards noirs de Sherlock n'avaient jamais eu beaucoup d'effet sur lui, à part attirer l'attention de John sur ce qu'il avait toujours considéré comme des yeux d'un gris éblouissant ; il lui rendit donc son regard, imperturbable. « Est-ce que tu veux que j'essaie d'ouvrir la boîte avec ma scie chirurgicale ? »

« Non, surtout pas ! Tu pourrais endommager la puce. » Sherlock retourna son attention vers la boîte.

« On pourrait l'emmener à Barts, et la faire passer aux rayons X avant. »

« Ridicule ! »

John savait reconnaître les moments où il ne servait à rien de chercher à argumenter. « Tu as faim ? »

« Non. »

John se leva, tapant toujours sur son portable. « Tu viens me tenir compagnie, alors ? »

LA NATION EST PERDUE. SORTONS MANGER. - JW

Sherlock hésita, avant de soupirer. « Très bien. J'ai besoin d'air. » Il se leva et s'empara de son manteau qu'il avait laissé sur le dossier de son fauteuil. « Tu as dit à Mycroft d'aller brûler en enfer ? »

« Absolument. » John le vit glisser le casse-tête de bois dans la poche de son manteau avec résignation. « Je pensais que tu voulais prendre l'air. »

« Et c'est ce que je vais faire sur le chemin, jusqu'à chez Angelo. » Sherlock avançait déjà vers la porte. « Je pensais que tu avais faim. »

« Je suis affamé. » La façon dont il marche. John se força à ne pas y penser et suivit son ami dans les escaliers.

Sherlock ouvrit la porte d'entrée à la volée. « Pas la moindre affaire décente depuis des semaines. Je soupçonnerais presque Mycroft d'être intervenu lui-même auprès de chaque société criminelle de Londres, si un tel projet n'impliquait pas qu'il ait besoin de quitter son bureau. »

« Il sait qu'il ne se passe pas grand-chose ces derniers temps. » John ferma la porte à clef derrière eux. « Il a probablement pensé que ce truc allait t'amuser. »

Sherlock lui lança un regard condescendant. « Tu sous-estimes terriblement la malveillance de mon frère. »

John eut une grimace et emboîta le pas à Sherlock. « C'est ton frère. »

« Et alors ? »

« Il s'inquiète à ton sujet. »

« Qu'est-ce qui te fait dire ça ? »

« Il garde un œil sur toi. » John observa la caméra de surveillance au coin de la rue pivoter dans leur direction alors qu'ils traversaient la chaussée. « Il t'envoie des affaires pour que tu ne t'ennuies pas. Et, juste au cas où tu l'aurais oublié, il m'a kidnappé pour m'interroger sur mes intentions. »

Sherlock eut un reniflement hautain. « Il voulait que tu m'espionnes. Sans aucun doute pour que tu lui fasses un rapport exact et précis quand j'aurais ma première et tout aussi inévitable crise psychotique. »

John serra les poings dans ses poches. « Il ne pense pas ça - je veux dire, au sujet de ton état psychologique. »

Sherlock lui jeta un rapide coup d'œil. « Toi, tu n'y crois pas », corrigea-t-il non sans une certaine douceur. « Merci. »

John détourna les yeux à la hâte. L'étrange petit sourire en coin de Sherlock réussissait toujours à fragiliser son propre self-control - dangereux. « Tu ne devrais pas y croire non plus. »

« Oh, je me suis joyeusement résigné à quitter un jour la réalité dans laquelle vivent le reste de mes semblables. »

« C'est Mycroft qui t'a convaincu de croire à ces conneries ? » Malgré tous ses efforts, John ne put réussir à dissimuler la colère dans sa voix.

Sherlock lui lança un nouveau coup d'œil. « Tu te prépares à défendre mon honneur - une fois de plus ? »

Bordel. Oh, il ne fallait vraiment pas qu'il s'engage sur ce sujet. « Ton honneur n'a pas besoin d'être défendu. »

« Anderson se cache toujours à chaque fois que tu viens avec moi sur une scène de crime. »

Il y avait une joie dissimulée dans sa voix, un ravissement étouffé qui fit sourire John malgré lui ; il tourna la tête sous le prétexte de vérifier si une voiture arrivait lorsqu'ils traversèrent la rue suivante. « Je t'ai dit déjà qu'il s'agissait juste d'un malentendu. »

« Oh, oui, c'est ce que tu m'as dit. Je n'ai plus entendu personne de cette équipe murmurer le mot 'taré' depuis que vous avez eu ce malentendu, tous les deux. Tu me pardonneras de m'être trompé sur la cause de ce soudain silence. »

John haussa les épaules, évitant de croiser son regard. « Peut-être que Lestrade leur a dit quelque chose. »

Sherlock le surprit en éclatant de rire. « Lestrade. Vraiment, John. Tu peux faire mieux que ça. »

John garda les yeux fixés sur la porte du restaurant d'Angelo, qui se trouvait maintenant à un pâté de maison. « Rien de ce que je peux dire n'aurait eu d'effet sur Anderson. »

« Tu te sous-estimes, comme d'habitude. Tu peux être véritablement terrifiant quand tu t'y mets. John ? »

« Oui ? »

« Tu as remarqué que nous étions suivis ? »

John ne se retourna pas. « Je suppose que tu veux dire par quelqu'un d'autre que Mycroft. »

« Mmm. » Sherlock lui lança un regard de triomphe. « Nous avons des admirateurs. Un derrière et un sur le trottoir d'en face. »

John réduisit la distance qui les séparait, son bras effleurant celui de Sherlock. Sa main se referma sur la crosse de son arme, dans la poche de sa veste.

« Du calme », murmura Sherlock, souriant à nouveau. « Ils ne s'approchent pas pour l'instant. Ils ne font que nous observer. »

« La boîte ? »

« Mycroft est le seul à savoir que nous avons la boîte. »

« Sauf s'il n'a pas pris ses précautions. »

« Je suis choqué que tu fasses une telle suggestion. » Sherlock ouvrit la porte du restaurant, souriant de plus belle. « Après toi. »

John rentra dans le restaurant, scrutant avidement les visages des clients. Il n'y en avait pas beaucoup ; il était encore tôt et la salle était à moitié vide. Rien ne semblait sortir de l'ordinaire. Ses observations furent bien vite interrompues par Angelo en personne, qui s'avançait vers eux les bras ouverts.

« Et vous voilà ! Mon couple préféré ! »

John retint un soupir. Quant à Sherlock, il permit au patron de lui donner une accolade amicale. « Notre table habituelle, Angelo ? »

« Oui, oui, bien sûr, la table près de la fenêtre ! Là où vous avez passé votre premier rendez-vous. C'est tellement romantique. » Angelo les conduisit à la table en question, l'air absolument ravi. John s'empêcha de sourire ; quel drôle de monde devait être celui d'Angelo, si Sherlock Holmes y était considéré comme un romantique invétéré. « Une nouvelle affaire, c'est ça ? »

Sherlock s'assit avec une expression presque indulgente. « Dis-moi comment tu le sais. »

« Toi, tu n'as pas l'air d'avoir faim. Ton petit ami, oui. Je remarque ce genre de choses. Ah, la bougie ! » Angelo s'éclipsa, après avoir claqué des doigts en direction de la serveuse pour l'alerter de l'arrivée de ces nouveaux clients.

John se glissa à sa place habituelle et regarda au-dehors, cherchant des yeux leurs nouveaux admirateurs dans la lumière de la nuit tombante.

« L'homme sur le trottoir d'en face, avec une écharpe rouge et qui essaie de refaire ses lacets depuis une bonne minute et demie », fit Sherlock, imperturbable. « Et celui avec le pull atroce et les chaussettes de deux couleurs différentes qui vient de passer devant la porte d'Angelo pour la troisième fois. »

John hocha la tête ; il réussit à se retenir de dire à Sherlock à quel point il le trouvait brillant. Il regarda l'homme au pull violet et vert passer sur le trottoir avec une stupéfaction considérable. « Ils n'essaient pas vraiment d'être discrets, non ? J'aurais cru - »

« Tu ne le rectifies plus, maintenant », l'interrompit Sherlock sans hausser la voix.

John lui jeta un coup d'œil, surpris. « Angelo ? »

« Oui. »

« Je n'en vois pas l'intérêt. »

« Ca ne te dérange plus ? »

« Ca ne m'a jamais dérangé. C'est juste que je ne sors pas avec toi, c'est tout. »

Sherlock haussa les sourcils. « Si mes souvenirs sont exacts, tu as pris bien soin de te présenter à Sebastian en tant que mon collègue. »

John sentit la chaleur lui monter au visage. Cela remontait à presque un an auparavant ; il avait espéré que Sherlock aurait oublié. Mais il aurait dû savoir à quoi s'attendre. Ses mains eurent un sursaut incontrôlé lorsqu'il se souvint avec exactitude de cette rencontre ; même maintenant, rien ne lui aurait fait plus plaisir que d'aller tordre le cou à cette pathétique excuse d'être humain. « Je ne me suis jamais excusé pour ça, non ? »

« Tu n'en as jamais eu besoin. »

« Je ne voulais pas dire ça comme ça, en fait. Il y avait quelque chose chez lui qui m'a tout de suite… mis mal à l'aise. » C'était la vérité.

Sherlock fronça les sourcils. « Sébastian ? Il est relativement inoffensif. Certainement pas quelqu'un que j'aurais imaginé te mettre mal à l'aise. »

Ils se trouvaient maintenant en terrain dangereux. Sherlock était inhabituellement communicatif ce soir. « Je suppose qu'il me rappelle quelqu'un que je connaissais. Un espèce de connard sadique à l'esprit terriblement étroit, pour être honnête, et - »

« Et tu voulais éviter ses remarques désobligeantes ? »

« Je voulais t'éviter à toi d'avoir à subir ses remarques désobligeantes. A l'évidence, je ne me suis pas si bien débrouillé que ce que je croyais. »

« Oh, c'est… » Sherlock avait l'air sincèrement surpris. « Tu as cru que j'aurais pu être affecté par quelque chose venant de Sebastian Wilkes ? »

Le souvenir de l'expression de Sherlock durant cette conversation lui revint à l'esprit. Bordel, bien sûr que c'est ce que je croyais - et j'y crois toujours d'ailleurs. Et j'irai avec joie lui mettre mon poing dans le visage si j'en ai l'occasion. « Je ne te connaissais pas très bien, pas vrai ? »

Angelo revint avec la bougie, une bouteille de vin et deux verres. « C'est la maison qui offre, bien sûr. » Il leur fit un clin d'œil et se hâta de retourner en cuisine.

« De toute évidence non. » Sherlock sortit un briquet de sa poche et alluma la bougie. « Mais j'apprécie ce que tu essaies de dire. »

John déglutit et détourna les yeux. Oh, Sherlock éclairé par une bougie - on aurait pu s'attendre à ce que rien ne le rende encore plus séduisant qu'à son habitude, et pourtant… John fixa son attention sur la rue, à la recherche de leurs admirateurs, mais il ne les voyait nulle part.

Sherlock leur versa chacun un verre de vin. « Sous le porche, sur le trottoir en face. L'autre est parti au coin de la rue ; il surveille sûrement l'autre porte du restaurant, celle de derrière. » Il sortit la boîte de la poche de son manteau et l'examina à la lumière de la bougie.

John se pencha vers lui. « Sherlock, si c'est cette boîte qui les intéresse - »

« - alors je viens juste de confirmer que c'est bien nous qui l'avons », murmura Sherlock. « Ce qui nous assure une confrontation dans un très proche avenir. »

John réussit à retenir son grognement. Cet homme était profondément brillant, incroyablement courageux, et terriblement dangereux pour lui-même quand il n'avait pas eu de bonne affaire pour l'occuper depuis des jours. Si l'on ajoutait à cela sa propension à agacer son frère chaque fois qu'il en avait l'occasion, John pouvait déjà prévoir quelques crânes fêlés et la série de questions des plus gênantes que ne manqueraient pas de leur poser les officiers de Scotland Yard, deux choses dont il pouvait tout à fait se passer. John sortit son portable de sa poche.

« Qu'est-ce que tu fais ? »

« J'envoie un texto à Mycroft. »

« Absolument pas. » Et Sherlock lui enleva le téléphone des mains. « Nous n'avons rien à lui dire, pour le moment. »

« On peut déjà lui dire qu'on est suivis, et que les tendances suicidaires de son frère viennent de refaire leur apparition. » John fit une tentative pour reprendre son portable, mais Sherlock l'avait déjà fait disparaître dans la poche de son manteau.

« Bois ton vin. » Sherlock leva son verre, et lui adressa de nouveau un sourire énigmatique. « Aux distractions qui nous attendent ce soir. »

John fit la grimace, et trinqua avec Sherlock. Bon, Echarpe Rouge et Pull Affreux ne semblaient certes pas constituer une si terrible menace. Aussi longtemps qu'ils les gardaient dans leur champ de vision, Sherlock et lui se tireraient probablement de leur future petite réunion sans encombre. « Dis-moi que tu es armé. »

« Bien sûr. » Sherlock but une gorgée de vin et fit un signe à la serveuse. « Tu as besoin de manger, John. Manger améliore toujours ton humeur. »


Sherlock était, à l'occasion, surpris du plaisir qu'il éprouvait à regarder John manger. Durant les derniers mois, c'était même devenu une sorte de passe-temps, et lui procurait une inexplicable sensation de bien-être. C'était parfaitement ridicule - comme si pour lui, tout allait pour le mieux si John Watson pouvait se nourrir correctement.

« Je préférerais ne pas être arrêté cette fois, Sherlock. Est-ce qu'on pourrait se mettre d'accord là-dessus, au moins ? » John leva sa fourchette de lasagnes vers sa bouche, et Sherlock ne put empêcher de laisser ses yeux s'égarer sur ses lèvres, puis sur sa gorge. John avait une gorge fascinante.

« Hmmm ? » Il continuait de faire tourner la boîte entre ses doigts alors qu'il examinait le pull que John avait mis. Il était primordial de prêter une attention toute particulière à ce que John portait chaque jour ; cela lui offrait des indices précieux sur son état d'esprit, et l'état d'esprit de John était généralement étroitement relié à la qualité de la journée que Sherlock allait passer. Ce qui était, bien sûr, jusqu'ici un phénomène sur lequel il était terriblement peu documenté et il manquait cruellement de faits vérifiables sur la cause même de cet état de fait ; mais la corrélation était indiscutable, et ce cas exigeait que Sherlock l'étudie avec attention.

John eut une expression agacée. « Arrêté, Sherlock. Je préférerais ne pas être arrêté. »

« N'est-ce pas le cas de tout le monde ? Finis ton assiette, John. » Sherlock regarda avec satisfaction la dernière part de lasagne disparaître dans la bouche de son ami. « Comment c'était ? »

« Excellent, comme d'habitude. » John s'essuya la bouche avec sa serviette et but une gorgée de vin. « Je suppose que tu ne veux toujours pas que j'envoie un texto à Mycroft ? »

« Absolument pas. Mycroft prendrait les choses en main, et il n'y aurait que lui qui pourrait s'amuser. Honnêtement, John, regarde-le. » Sherlock indiqua de la tête la direction d'Echarpe Rouge, qui s'était adossé à une porte sur le trottoir d'en face et fixait Sherlock et John sans ciller, comme s'il était bien déterminé à entrer dans le restaurant d'une seconde à l'autre. « C'est une honte. Une insulte à l'art de la filature. Il y a forcément une raison à cet étalage de maladresse. »

« J'en suis sûr, oui », répliqua John sur un ton maussade en sortant son porte-monnaire. « C'est juste que je n'ai pas vraiment envie de finir étranglé par cette écharpe ou étouffé par le pull affreux de l'autre type. »

Sherlock sentit ses lèvres tressaillir. John réussissait à rendre plus intéressante même une affaire aussi ennuyeuse que celle-ci. Il laissa quelques billets sur la table et se leva, faisant taire d'un geste de la main les protestations de John. « Tu pourras m'inviter à dîner quand cette affaire sera terminée. »

« Ne crois pas que je vais l'oublier. »

Quelque chose dans la voix de John lui fit monter le rouge aux joues ; stupéfait par sa propre réaction, il se détourna rapidement et prit la direction de la cuisine. « Allez, viens. »

John eut un soupir exaspéré alors qu'il lui emboîtait le pas et traversait à sa suite la salle du restaurant, maintenant bondée. « Dans l'allée de derrière ? Vraiment ? »

« Même ces crétins n'oseraient pas s'en prendre à nous en pleine rue. » Sherlock poussa la double porte et se retrouva brusquement plongé en plein milieu du chaos qui régnait en cuisine ; il adressa un signe à Angelo alors qu'il s'avançait déjà vers la porte de derrière.

« Ca fait un moment que je voulais te parler de tes tendances masochistes, Sherlock. »

John se glissa entre un flambé et Sherlock pour atteindre la porte le premier, et Sherlock sentit quelque chose qu'il ne parvint pas à identifier se serrer dans sa poitrine. John Watson, une fois de plus sur la brèche. « John », se hâta-t-il de dire en posant une main sur son épaule. « Ralentis. »

John lui lança un regard amusé par-dessus son épaule. « Je m'occupe de celui avec le pull. Je te préviens, c'est moi qui prend son pull - je le mettrai sur la prochaine scène de crime. » Et il ouvrit la porte.

Quelque chose poussa Sherlock à lui passer un bras autour des épaules et John trébucha sur le pas de la porte. Il passa son bras autour de sa taille et se raccrocha à lui. « Tu aurais pu me prévenir », lui murmura John à l'oreille alors qu'ils s'avançaient dans l'allée.

« La spontanéité rend toujours une performance d'acteur plus crédible », murmura Sherlock en guise de réponse ; il sentit plus qu'il ne vit qu'ils n'étaient pas seuls.

« Si tu vomis sur mes chaussures cette fois, tu m'achètes une nouvelle paire », fit John d'une voix forte ; sans un bruit, il sortit son arme de la poche intérieure de sa veste. « Sherlock - »

L'attaque, qui survint de deux directions différentes, fut rapide et violente ; sans avoir eu le temps de réaliser ce qui venait de se produire, Sherlock se retrouva allongé sur les pavés et un homme entièrement vêtu de noir se précipita sur lui. Cheveux bruns ; les yeux bleus ; lèvres minces ; le nez un peu de travers ; les dents refaites ; eau de cologne assez chère ; silhouette mince mais athlétique ; légère odeur d'eau stagnante et de décomposition sur ses habits. Donnant un coup de pied en plein dans l'estomac de son attaquant, il se retourna et en profita pour se relever ; il sortit son arme de sa poche et s'empressa de regarder autour de lui, à la recherche de John. Il l'aperçut enfin quelques mètres plus loin ; John venait d'envoyer son adversaire au tapis avec un crochet du gauche particulièrement impressionnant.

Il s'était comporté comme un idiot. Comme un véritable crétin, même. Pas d'écharpe rouge, et pas de pull immonde - juste deux hommes qui connaissaient définitivement bien leur affaire. On s'était joué de lui. Levant son arme, il se retourna vers celui qui l'avait attaqué - et s'immobilisa lorsqu'il se retrouva aussitôt avec un couteau passé sous la gorge. L'homme qui le tenait lui sourit. « Donnez-moi votre flingue. »

Sherlock sourit à son tour. « Donnez-moi votre couteau. »

Son adversaire sourit de plus belle. « Pas mal. Je suis impressionné, vraiment. Mais… »

« Sherlock, tu veux que j'appelle les flics ? »

Oh, seigneur, et voilà Angelo. Du coin de l'œil, Sherlock l'aperçut qui se tenait dans l'encadrement de la porte de derrière, incertain ; la moitié de son personnel se trouvait derrière lui.

« Oh, oui, si ça ne vous dérange pas trop », répliqua John sur un ton irrité alors qu'il se baissait pour éviter un coup. « Ca nous donnerait un sacré coup de main, vous voyez. » Se déportant sur la gauche, il asséna avec un admirable enthousiasme un coup de revolver à son assaillant qui l'envoya à terre, à demi-conscient.

Sherlock sentit plus qu'il ne vit l'homme devant lui écarter les pans de son manteau ; un rapide coup d'œil lui confirma la présence d'un Browning dans sa poche intérieure. « Retournez à l'intérieur ! » ordonna vivement Sherlock à Angelo. Le couteau s'enfonça dans sa gorge lorsque ce dernier referma la porte qui donnait sur l'allée, et une main s'empara de son poignet et y appuya jusqu'à ce que ses doigts ne puissent plus tenir son propre revolver. Il entendit l'arme tomber sur les pavés. Impressionnant. Gênant pour lui, mais impressionnant.

Se retournant vers lui, John se figea l'espace d'une seconde, juste une seconde ; Sherlock vit le soldat en lui - la façon dont il étudia la situation dans laquelle ils se trouvaient, la manière dont il se tenait. John leva alors son arme et se rapprocha d'eux. « Eloignez-vous de lui. Tout de suite. » Sherlock nota avec satisfaction qu'il avait eu raison ; John pouvait être tout à fait terrifiant quand la situation l'exigeait.

Cependant, au lieu de s'exécuter, leur ami au couteau força Sherlock à faire volte-face et lui donna un coup à l'arrière du genou avant qu'il n'ait eu le temps de reprendre son souffle. Il saisit alors Sherlock par les cheveux et tira sa tête en arrière, l'incitant à exposer sa gorge. Sherlock pouvait sentir le couteau qui s'enfonçait imperceptiblement dans sa chair. Ah. Inattendu. Dents Refaites ne se laissait pas avoir si facilement. Une longue expérience de la violence, donc.

« Laissez tomber votre flingue. » La lame commença à s'enfoncer vraiment dans sa gorge, millimètre par millimètre. Sherlock plongea son regard dans celui de John, s'efforçant de garder une expression impassible. Si John pensait, ne serait-ce que l'espace d'un instant, qu'il était vraiment en danger, il était capable de prendre une de ces initiatives ridiculement courageuses dont il avait le secret. John Watson était, après tout, un homme ridiculement courageux. Sherlock essaya de hocher imperceptiblement la tête, mais son assaillant raffermit sa prise sur ses cheveux.

« Arrêtez ! » s'exclama John, s'approchant toujours. Au vu de la distance qui les séparaient maintenant, il n'aurait certainement aucun mal à faire exploser la boîte crânienne de Dents Refaites ; ce dernier aurait peut-être eu une meilleure chance de s'en sortir s'il avait utilisé Sherlock comme bouclier humain. « Je vais tirer. »

« Bien sûr que vous allez le faire. » La voix de leur opposant était maîtrisée, calme même. « Et vous allez probablement me tuer ; votre adresse au tir est connue, docteur. La question est la suivante : pourrez-vous me tuer avant que je ne lui ouvre la carotide ? »

Intéressant. L'homme faisait reposer tout le succès de son entreprise sur le fait que John accorde plus d'importance à l'artère carotide de Sherlock qu'à sa propre protection, et soit donc prêt à abandonner son arme. Soit il s'agissait d'un idiot qui tentait sa chance au hasard, soit il avait non seulement eu accès à des informations au sujet de l'efficacité de John un revolver en main, mais aussi sur sa personnalité. Une fois de plus, une conclusion inattendue - et tout à fait déplaisante. La situation était bien plus dangereuse que le couteau qu'il avait sur la gorge ne le laissait deviner.

« Vas-y », dit-il, la voix rauque. Il y avait pire façon de mourir. John, il y a de bien plus terribles façons de mourir. Sherlock put voir l'homme que John avait assommé se relever tant bien que mal, et il sut qu'ils étaient sur le point de perdre l'avantage - aussi mince fut-il - qu'ils avaient réussi à obtenir.

« C'est mon dernier avertissement », fit Dents Refaites.

John eut un sourire amer, et abaissa son arme.

« Non », protesta Sherlock. La lame glissa à nouveau contre sa gorge, et il serra les dents.

« Envoyez-le par ici. »

John fit glisser son arme dans leur direction et leva les mains. « Très bien. Vous pouvez vous calmer maintenant. »

« A genoux. »

« Pour l'amour de - » Sherlock ravala un gémissement quand le couteau s'enfonça un peu plus.

John se laissa tomber à genoux comme si quelqu'un l'avait frappé. « Arrêtez. Prenez juste ce que vous voulez et partez. »

« Pete, relève-toi et prends leurs flingues. »

John ne dit rien, et chercha le regard de Sherlock. L'homme blessé se releva - non sans peine - et tituba jusqu'à lui. John serra les dents et ne fit pas un geste alors qu'il s'approchait ; puis le criminel leva un pied et lui asséna un violent coup à l'estomac. John se laissa tomber sur les mains, haletant.

Sherlock eut un mouvement vers l'avant qu'il ne put retenir. « John - »

« Pete ! Leurs armes. »

Pete eut une grimace avant d'obéir ; alors qu'il s'emparait de leurs deux revolvers, Sherlock enregistra chaque élément de son apparence physique. Oh, oui, ils allaient sûrement se croiser de nouveau. Ne serait-ce que la boue sur ses bottes lui donnait déjà un indice pour le retrouver. Sherlock se raidit lorsque Pete revint vers John, l'arme de Sherlock dans sa poche, et pointa le canon de celle de John sur la tête de ce dernier avec une satisfaction évidente. Sherlock sentit ses mains tressaillir. Celui-là, dans moins de vingt-quatre heures, il le forcerait à ramper à ses pieds.

Il prit une brusque inspiration lorsque le couteau sur sa gorge disparut. « Ce n'est pas lui qui a ce que vous voulez. Laissez-le partir. »

« Pourquoi est-ce que je ferais une chose pareille ? Enlevez votre manteau. »

Sherlock grimaça, mais fit ce qu'on lui avait ordonné. Mycroft allait s'en donner à cœur joie, il n'allait jamais le laisser oublier une humiliation pareille. Il allait entendre parler de cet échec abyssal pendant des années. Il allait… Le regard de Sherlock s'égara sur John, à genoux, qui avait toujours du mal à respirer, et toute pensée concernant Mycroft s'évanouit aussitôt. John avait eu des doutes, et lui ne l'avait pas écouté. Il aurait dû, pourtant. John avait un très bon instinct, excellent même ; Sherlock avait commencé depuis un moment à se fier de plus en plus souvent à lui. Et ce soir, il s'était montré trop insouçiant, et John en avait payé le prix.

Sherlock entendit au loin le son des sirènes qui se rapprochait ; et pour une fois il s'en réjouit, même si les conséquences de cette débâcle allaient sans aucun doute se révèler des plus humiliantes.

« Qu'est-ce vous avez fait avec cette boîte ? »

Sherlock tourna la tête et vit Dents Refaites mettre son manteau de côté, avant de commencer à tourner et retourner la boîte de bois entre ses doigts ; il appuya en plusieurs endroits, essaya d'en déplacer plusieurs morceaux, mais il ne réussit pas à obtenir de meilleurs résultats que Sherlock.

« Rien. » Du coin de l'œil, Sherlock vit John lever la tête, un sourire sardonique sur les lèvres. Oui John, au moins la stupidité de ton ami ne va pas mettre la nation en danger.

« Dites-moi ce que vous avez fait ! »

« Quelle est la notion qui vous échappe dans le mot 'rien' ? Je n'ai pas pu l'ouvrir, moi non plus. »

« Elle s'ouvrait très bien la semaine dernière. »

« Ce sont des aveux ? »

« C'est un faux », fit sèchement Pete.

« Non », murmura Dents Refaites, passant ses doigts sur le dessous de la boîte.

Sherlock s'efforça de supprimer toute trace de satisfaction de ses traits. Donc les marques qu'il avait remarquées sur le bois avaient leur importance, après tout. Il avait dit à Mycroft -

« Très bien. Bon, on y va. » Sherlock reconnut le son de menottes qu'on sortait d'une poche. « Enlève la veste de celui-là et mets-lui ça. » Les menottes s'élevèrent dans les airs et Pete les rattrapa au vol.

« Vous n'avez pas besoin de lui », dit immédiatement Sherlock, le regard fixé sur Pete qui forçait John à retirer sa veste. « Il ne sait absolument rien de tout - »

« On va où ? » demanda Pete, comme s'il n'avait rien entendu. Il mit les bras de John dans son dos et le menotta. John redressa les épaules ; il avait bien trop l'allure d'un homme qui se rendrait à son exécution aux yeux de Sherlock.

« Vous avez entendu ce que j'ai dit ? Laissez-le - »

« Dans un endroit où on pourra tranquillement faire notre boulot. » En dépit de l'agacement que lui inspirait l'indifférence des deux autres hommes face à ce qu'il disait, Sherlock se sentit ridiculement soulagé quand le deuxième homme lui passa les menottes aux poignets et le força à se lever. Pendant un terrible instant, il avait pensé qu'ils n'allaient emmener que John.

« Pas dans ton trou à rats, mec. Il t'a dit de pas improviser, Cullen, t'as pas écou - »

« Ta gueule ! Fais-le monter dans la voiture. »

Cullen.

Sherlock avait déjà entendu ce nom récemment. Il avait déjà entendu ce nom… Le fil de ses pensées fut brutalement interrompu lorsqu'il vit John se faire entraîner plus loin dans l'allée. « Vous n'avez pas besoin du Dr Watson », répéta-t-il avec acharnement. « En fait, vous n'avez pas besoin de nous du tout. Aucun de nous n'est capable d'ouvrir cette boîte. »

« J'espère pour vous que vous vous trompez. » Cullen le poussa brutalement pour le faire avancer.

Plissant les yeux, il vit que Pete était occupé à plaquer John contre la portière d'une voiture garée un peu plus loin dans l'allée sombre. Il ouvrit le coffre.

Oh, seigneur, le coffre d'une voiture - encore. C'était plus que cliché - carrément ennuyeux, en fait. Ou cela l'aurait été, si John ne venait pas quasiment de se faire balancer à l'intérieur par un abruti que Sherlock allait à n'en pas douter forcer à ramper à ses pieds dans moins de - non, pas vingt-quatre heures… avant le foutu lever du soleil. Sherlock se retint de tressaillir quand il entendit le corps de John heurter le fond du coffre. Oh oui, il allait les faire ramper. Tous les deux.

Sherlock retint le numéro de la plaque d'immatriculation. Très certainement une voiture volée, mais l'information pouvait toujours servir.

« Allez hop, à l'intérieur. » Cullen le força à se pencher, puis lui prit les jambes, et le poussa dans le coffre. Sherlock tomba la tête la première sur John. Et voilà que s'envolaient les derniers lambeaux de sa dignité. Que le lever du soleil aille se faire foutre ; il les aurait à ses pieds avant minuit.

« Salut », dit John ; il eut un sourire tendu, mais sans aucun doute amusé. La gorge de Sherlock se serra, sans qu'il puisse expliquer pourquoi. John Watson, une fois de plus sur la brèche.

Le coffre fut bientôt refermé dans un claquement et ils se retrouvèrent plongés dans les ténèbres. Le moteur fut allumé, et bientôt la voiture se mit en route - dans la direction opposée à celle des bruits de sirènes qui se rapprochaient. Sherlock se dégagea de John et s'allongea tant bien que mal à côté de lui.

« Dis-moi, John », fit-il au bout d'un moment, avec une certaine hésitation. « Est-ce que tu as déjà regretté de m'avoir rencontré ? »

John eut un petit rire. « Je ne vois pas pourquoi tu me demandes ça. »

« John - »

« Non, vraiment, alors qu'on vient de passer une soirée si charmante. »

« Je me suis complètement trompé au sujet de cette affaire depuis - »

« Même les dieux doivent descendre de l'Olympe de temps en temps. Bordel, tu saignes toujours à la gorge. Tu peux - »

« C'est superficiel. Tu aurais dû tirer. »

« Est-ce que je peux te faire remarquer… »

« Non », fit Sherlock avec mauvaise humeur, sachant très bien ce que l'idiot qui lui servait d'ami était sur le point de dire.

« … qu'avoir dit à Angelo de rentrer à l'intérieur pour que personne ne soit blessé a donné à l'artiste auquel nous avons donné le nom de Pull Affreux l'opportunité de te désarmer ? » La voix de John était affectueuse et taquine - le résultat, sans aucun doute, de son illusion persistante selon laquelle Sherlock Holmes était un homme bien meilleur que ce qu'il n'était en vérité.

« Tu aurais pu l'avoir. »

« Et il pouvait te tuer toi. Tu n'as pas vu ce que j'ai vu. »

« C'est-à-dire ? »

John garda le silence pendant un instant. « Il avait ce regard. Lorsqu'un homme sait vraiment se servir d'un couteau, il a une façon particulière de le tenir. Lorsqu'il aime s'en servir. »

Mycroft lui avait offert la possibilité de lire le dossier militaire de John, une fois. Sherlock avait eu une moue dédaigneuse et lui avait dit que tout ce qu'il voulait savoir au sujet de John, il pouvait tout à fait le découvrir par lui-même. Peut-être qu'il n'aurait pas dû.

« Il t'aurait ouvert la carotide. Ce n'était plus juste à propos de la boîte. Il voulait - »

« Me mettre à genoux. »

« Pas juste toi. Ca n'a rien de personnel. Intime, mais pas personnel. »

John avait tellement baissé la voix que Sherlock avait du mal à l'entendre, par-dessus le son du moteur et de la circulation ; il pencha la tête vers lui jusqu'à ce qu'elle touche celle de John. « Tu es en train de décrire un interrogateur. »

« On peut dire ça, oui. »

« Ce n'est pas un ancien militaire. »

« Non. »

« Ni un de ceux du MI-6, ceux-là - »

« Sûrement quelqu'un qui travaille en freelance. »

« Oui, ça expliquerait - » Sherlock s'interrompit, brusquement conscient du souffle erratique de John et du rythme bien trop rapide de son cœur. Oh, seigneur. Bordel. Pourquoi n'avait-il pas lu le dossier de ses états de service ? « John. Je vais te sortir de là. Je vais - »

« Nous », le coupa John.

« Quoi ? »

« Nous. Tu vas nous sortir de là. C'est ce que tu voulais dire, non ? »

« Bien sûr que c'est ce que je voulais dire. »

John prit la main de Sherlock. « Il tourne en rond. »

« Pour essayer de nous perdre. Ca ne fait rien, je sais très bien où il va. »

« Vas-y, dis-moi. »

« Rive nord, près du pont de Blackfriars. Il a passé pas mal de temps dans les égouts là-bas, ces derniers temps. »

« Ce n'est pas vraiment une bonne nouvelle, Sherlock », fit John en baissant à nouveau la voix. « On ne peut pas le laisser nous emmener là-bas. »

« Bien sûr que non. »

Comme si elle les avait entendus, la pluie se mit justement à tomber.


TO BE CONTINUED