CHAPITRE 1 : Mon frère, le héros
Toutes les familles, grandes ou petites, ont des squelettes dans leurs placards. Moi, je suis un Black et, sincèrement, ce ne sont pas des squelettes que cache ma famille, mais une armée d'inféri. Tout au long de ma vie, les événements ont été rythmés par le passé et par la façon dont les autres doivent percevoir notre futur. L'instant présent ne compte quasiment jamais, sauf quand il est devenu du passé.
Mon père était un homme strict et colérique. Lorsque, enfant, mon frère Sirius et moi, faisions la moindre bêtise, c'était à coup de ceinturon qu'il nous châtiait. Il n'utilisait jamais sa baguette sur nous et je me suis toujours demandé si c'était pour nous humilier en nous infligeant des punitions de moldu ou si c'était par crainte de ne pas savoir se refréner. En tant que Mangemort, c'était, et il ne s'en cachait pas, un assassin. Je savais qu'il aimait ça et que tuer lui prodiguait un plaisir que jamais je n'ai pu comprendre.
Ma mère était d'une autre étoffe. Froide, digne, elle ne laissait jamais transparaître la moindre émotion. Jamais elle ne nous a serré dans ses bras. Jamais elle ne nous a dit le moindre mot d'encouragement. Mais lorsque le précepteur lui rapportait un mauvais comportement ou une mauvaise note, elle nous chargeait d'insultes.
Il y avait également Kreattur, notre elfe. Contrairement à Sirius, je l'aimais bien. Il avait toujours une certaine attention pour nous et il veillait sur nous mieux que nos parents. Sirius ne l'aimait pas beaucoup parce qu'il approuvait tout ce que disait ma mère et notamment les têtes réduites que l'on affichait sur la cheminée.
Et puis, il y avait mon frère, mon aîné d'un an. Mon frère, toute une histoire...
« Sirius ! Dernière fois que je te rappelle à l'ordre ! »
Je sursaute et pourtant ce n'est pas moi qu'on appelle. Sirius a onze ans et il part pour Poudlard, aujourd'hui même. S'il savait à quel point je l'envie ! Mais si le départ est imminent, il n'en reste pas moins complètement indifférent. D'ailleurs, je me demande comment il fait. A sa place, je serais dévoré de nervosité.
« Est-ce que tu sauras ce soir dans quelle maison tu vas aller ? »
Je parierais pour Serpentard. Tous les Black vont toujours à Serpentard. C'est papa qui me l'a dit. Enfin tous, non, quelques-uns sont allés ailleurs comme ma cousine Androméda. Papa m'a raconté qu'elle était la honte de la famille. En plus, elle a épousé un sang-mêlé ou un né-moldu, je ne me souviens plus très bien. D'ailleurs, je ne sais même pas réellement ce que ça signifie mais ça avait l'air d'avoir beaucoup d'importance pour mes parents.
« Normalement oui. Tu veux que je t'envoie un hibou ? »
Appuyé sur le montant du lit de mon frère, je l'observe tandis qu'il ajoute quelques effets à sa valise, notamment une plume qui chante des chansons et qu'oncle Alphard lui a offert pour son anniversaire et aussi ce miroir qui montre des images de troll quand on se regarde dedans. Si maman le voyait faire, je ne donnerais pas cher de sa peau.
« Sirius ! »
La voix de maman est pleine d'impatience comme chaque fois qu'elle s'adresse à Sirius. Dans quelques instants, elle va se mettre à crier.
« Jeunes maîtres, il faut vous hâter. »
Je me redresse. Kreattur vient d'entrer. Il s'incline tellement que son nez touche presque le sol.
« On se dépêche, dis-je. Promis. »
Sirius, lui, est beaucoup moins poli. Il attrape l'un de ses chaussons et le lance sur l'elfe qui, avec un glapissement et un regard de colère, quitte la chambre.
« Pourquoi est-ce que tu es toujours méchant avec lui ? je demande.
_ Parce que c'est un espion de papa et maman.
_ Mais non, c'est notre elfe ! »
Sirius lève les yeux au ciel. Des fois je me dis qu'il a quand même beaucoup de patience avec moi. Je suis encore petit, je n'ai que dix ans, et je ne comprends pas tout. Lui, c'est un grand et il sait beaucoup de choses. C'est mon frère. Tout ce qu'il me dit est pris pour argent comptant. Il a toujours raison, il sait tout et il sait tout faire. C'est mon exemple.
« Regulus ! Tu ne dois pas te fier à ce que racontent papa et maman et tu ne dois faire confiance à personne. »
Il se tourne vers moi avec un air grave.
« Est-ce que tu comprends ? Ne fais confiance à personne.
_ Pas même à toi ?
_ Si, à moi tu peux parce que moi je ne te laisserai jamais tomber.
_ Tu promets. »
Il prend ma main et la serre vigoureusement.
« Promis juré.
_ Sirius ! Est-ce que je dois monter te chercher ?
_ J'arrive mère ! »
Il lâche ma main et referme sa malle d'un coup sec puis, à deux, nous la traînons vers l'escalier. Là, Kreattur nous donne un coup de main.
« Ce ne sera plus pareil sans toi, dis-je. Tu vas me manquer.
_ Tu vas me manquer aussi mais je vais revenir pour les vacances. Et puis, l'année prochaine on sera tous les deux à Poudlard.
_ Oui et on va mettre le feu à la salle commune des Serpentard. »
Un drôle de petit sourire étire les lèvres de mon frère et, l'espace d'un instant, je me demande ce que j'ai bien pu dire pour qu'il soit aussi mystérieux d'un coup.
Je n'ai cependant pas le temps de lui poser la question. Nous arrivons en bas des escaliers. Mes parents font leurs dernières recommandations à Sirius puis Kreattur transplane avec lui. Il est huit heures et demi et mon frère vient de partir pour de longs mois. Il a à peine disparu et pourtant, il me manque déjà. Je l'envie tellement d'aller à Poudlard, de découvrir tout ce monde de magie auquel je n'ai pas encore droit sous prétexte que je suis trop petit. Et puis, si ça se trouve, je n'irai pas, moi, à Poudlard. Peut-être que je ne recevrais jamais ma lettre, comme Marcus. On dit que c'est un cracmolle et qu'il ne faut pas prononcer son nom.
Moi, Regulus Black, j'ai dix ans, et c'est encore une chose que je ne comprends pas.