My friend

Comme tous les matins depuis plusieurs mois maintenant, je m'éveille à contrecœur, redoutant encore les heures pénibles qui s'annonçaient. J'aurais aimé rester dans ce lit toute ma vie, au chaud dans les couvertures, comme dans un cocon, fermer les yeux et ne jamais me réveillé afin de ne plus voir le monde qui m'entoure, quittant la Terre avec délectation et sans un remord. Malheureusement, cela m'est impossible et croyez-moi, je le regrette profondément.

Mon nom est Harry. Du moins, j'aurais voulu être juste Harry. Les autres m'appellent Harry Potter, le Survivant, l'Elu, Celui-qui-as-survécu. Cela fait beaucoup de noms n'est-ce pas ? A force on s'y habitue. Je ne vais vous raconter toute mon histoire, je suppose que vous la savez déjà ? Parfait.

J'ai 16 ans aujourd'hui. N'imaginez pas que je m'en réjouis. Je sais que tous les élèves et les professeurs (mis à part Rogue) viendront me souhaiter mon anniversaire et cela ne m'enchante guère. Je déteste que l'on me prenne pour ce héro que je ne suis pas. Ils croient tous que je suis invincible, que je suis heureux de mon sort, que je tuerais Voldemort et que je sauverais ainsi le monde. Non mais, vous m'avez regardé ? Je ne suis encore qu'un gamin pourtant j'ai déjà l'impression d'être un vieillard. Je suis aussi maigre qu'une brindille, aussi pâle qu'un cadavre et aussi faible qu'un malade. Mais, ça personne ne le voit. A cause de ce masque je suis forcé de porter chaque jour, même mes amis ne peuvent se douter de mon mal être. Je cache mes peines et mes souffrances derrière un sourire, une parole gentille, et tout le monde y croit.

C'est ridicule…

Je ne crois plus en leurs mots doux, en leur regards tendres, je sais qu'ils ne voient qu'une arme en moi et cela me révulse à un point que je pourrais presque leur cracher à la figure de dégout. Personne ne se rend compte que je dépéris à vue d'œil, que je ne mange presque plus, que je dors plus, que je suis obligé de m'appuyer aux murs pour marcher, que le sol tangue sans cesse autour de moi et que je me retiens pour ne pas m'effondrer. Non, personne ne le voit. Même pas Sirius, mon bien aimé parrain. Je l'aime énormément mais je le déteste aussi de me prendre toujours pour mon père. Je suis fier d'être le fils de Lily et James Potter, mais je ne veux pas être une sorte de substitution. Je veux juste être moi. Quelque fois, j'en viendrais presque à haïr mon nom de famille.

Je me force à soulever mes paupières lourdes de sommeil et me redresse doucement, mon corps tremblant sous l'effort. Oui, même me lever devient un combat. En même temps, je n'ai plus que la peau sur les os alors…

Ma tête tourne et je cligne des yeux pour apaiser mon malaise. J'ouvre ensuite les rideaux de mon lit et grimace sous le soleil aveuglant qui agresse ma peau sensible. Les autres dorment encore, je vois Ron serrer son oreiller contre lui comme si c'était un énorme nounours, Neville marmonner des choses que je ne comprends pas et Dean et Seamus sont dans le même lit, dans les bras l'un de l'autre. Ils s'étaient mis ensemble il y a quelques jours et depuis, ils étaient inséparables. Je souris tendrement en les regardant, la peau noire de Dean contrastant incroyablement avec celle blanche de Seamus m'amusant légèrement. Je respirais ensuite profondément et me mit debout, sur mes deux jambes qui cédèrent sous mon poids trop léger. Je me rattrapais à mon lit, dégoulinant de sueur, haletant bruyamment en sentant mes forces trop maigres me quitter. Lorsque je fus certain de pouvoir tenir sur mes pieds, je lâchais le rebord du lit avec prudence et marcha lentement vers mon armoire. Je pris un pantalon et un pull trois fois trop grands pour moi afin que personne ne voit ma maigreur et me rendit dans la salle de bain. Je m'accoudais à la porte en soupirant avec lassitude et me déshabilla doucement. Je jetai un coup d'œil à mon reflet et ce que j'y vis aurait fait peur à n'importe qui. Un squelette. Voilà le mot qui résumait mon apparence. Mes muscles étaient presque inexistants sous ma peau diaphane, contrairement à mes os qui ressortaient de mon cou, de mon ventre, de mes bras, mes mains, mes jambes et même mes pieds. J'étais un monstre, un monstre créé par la folie des hommes.

Mes bras, terriblement longs, étaient striés de fines coupures, coupures que je m'inflige chaque jour avec le couteau que m'a donné Sirius. La douleur me permettait de ne pas sombrer dans les ténèbres, de me faire réagir le temps d'une journée. Lorsque je m'infligeais cette douleur, c'était comme un électrochoc. Je me dis : « Non. Je ne peux pas leur faire ça. Pas maintenant. Attendre. D'abord le tuer. Après. Libre. »

Et comme tous les jours, je tire ce couteau d'un des tiroirs dans lequel je l'avais caché et m'assis sur le carrelage froid de la douche après avoir ouvert le robinet. L'eau martèle mon corps squelettique comme des milliers de petites aiguilles, faisant rougir ma peau devenue trop fragile. La lame du poignard glisse sur mes poignets, effleure une de mes veines, mais ne l'atteint pas. Je prends toujours soin de ne pas me couper une veine car je sais que si je venais à partir, le monde sorcier serait perdu. Mais cela n'empêche pas ce bout de métal d'entailler mon épiderme, le caressant lentement, faisant jaillir le liquide rouge si familier qui circulait en moi. De longs filets de sang coulent le long de mes poignets et de mes doigts à présent et je sens la fatigue devenir plus pesante. C'est le signal que j'attendais. L'eau devenue pourpre m'entoure et m'écœure. Avec une immense difficulté je me lève dans la cabine de douche et commence à me laver, ne prêtant pas attention au sang qui continuait de rouler le long de mes avants bras. Une fois propre, je ferme le robinet et me sèche avec des gestes lents et amorphes. J'enfilais un jean noir et fouilla sur les différentes étagères à la recherche de bandes et de désinfectant. Aspergeant mes estafilades d'alcool, je me mordis la langue pour ne pas hurler face à la brûlure que cela m'infligea. J'enroulais mes poignets dans d'épais bandages afin que mes balafres ne se frottent pas au tissu de mon pull et mit ledit pull en faisant bien attention à ne pas les toucher.

Je sortis de la salle de bain et remarqua que mes amis étaient éveillés. Ron me regarda avec soin de son regard bleu, méfiant. Je lui souris erronément, sourire auquel il répondit bien vite, croyant sans doute parfaitement à mon rôle d'enfant bienheureux.

_Bien dormis ?demandais-je avec un intérêt poli.

_Comme un loir ! Et toi ?

_Pareil.

C'était un mensonge effronté bien sûr, mais je refusais qu'il soit attristé juste parce que je ne dors pas par la faute de tous ces gens qui espèrent sans cesse que je vais sauver leur monde, et dont il fait partie.

_Je descends à la bibliothèque, annonçais-je avec un entrain forcé. On se rejoint en cours ?

_OK. A plus tard…

Je pars après un signe de la main amical et me rend, non pas à la bibliothèque, mais à la Tour d'Astronomie. Ce lieu était devenu mon sanctuaire. Mon refuge. J'y allais chaque fois que je le pouvais, m'asseyant sur le rebord du balcon de pierre, les jambes dans le vide, regardant le sol avec envie, résistant tant bien que mal à la tentation de me jeter dans le vide. Cela serait si facile. Je n'aurais qu'à sauter dans les bras accueillants de la mort, sans reproche, sans componction. Simplement heureux de pouvoir enfin partir.

Je m'assis donc sur le muret, mes bras frêles entourant mes jambes, la tête enfouie dans mes genoux, ruminant ma consternation et mon amertume

A 8h30, je décidais de me trainer jusqu'à la salle du professeur Rogue, potions étant mon premier cours de la matinée. Trainer était un bien grand mot, puisque je devais me retenir aux murs tant marcher était devenu épuisant. En chemin, je fixais mes pieds, comme étonné de savoir comment mettre un pied devant l'autre. Je faillis tomber plusieurs fois, mes jambes ne me portant plus à cause de ma malnutrition. Je finis par arriver à la salle de cours sans dommage, le premier qui plus ai, je n'avais donc pas besoin de me cacher. Je m'appuyais à la porte, essayant de reprendre mon souffle, essuyant la sueur qui dégoulinait le long de mes tempes. Je brûlais de fièvre mais comment ne pas avoir chaud lorsqu'il faisait 26°C dehors et que je portais encore un gros pull à col à rouler ?

Soudain, je sentis une immense douleur s'emparer de mon côté droit. M'arc-boutant, je me mis à tousser violement, une main plaquée sur ma bouche d'où sortit un liquide familier, liquide que j'avais contemplé avec fascination pas plus tôt que ce matin : du sang. Il fallut plusieurs minutes avant que ma toux ne se calme. Une fois fait, je fis disparaitre le sang grâce à ma baguette et m'écroulait au pied de la porte en bois, en larmes. J'en avais plus que marre de cette putain de vie ! Marre de rester debout pour une cause qui ne me concernait en rien ! Marre de masquer ma peine et mon mal juste parce que d'autres seraient incapables de les comprendre ! Pourquoi me considèrent-ils comme un héros lorsque je fais preuve d'autant égoïsme en voulant mourir ?

Epuisé, je ferme les yeux, essayant, en vain, de stopper le flot de larmes qui coulait le long de mes joues.

_Eh Potter ! Potter ! Tu vas répondre oui !

C'est cette voix exaspérée et exaspérante qui me tira de ma somnolence. Une voix que j'aurais préféré ne pas entendre dans un moment pareil, une voix qui me fit frissonner d'appréhension et de honte. S'il-vous plait…Faites qu'il se taise…

_T'as pas l'air dans ton assiette Potty ! Tu veux que je t'aide à te relever peut-être ?

M'empoignant par le col de mon pull, Draco Malfoy me remit sur mes pieds, me plaquant contre le mur derrière moi, une main sur ma gorge.

Et c'est là que mon monde s'écroula.

Humilié, je plongeais mon regard emplis de pleurs dans le sien, à la couleur si étrange, d'un gris/bleu profond, flamboyant de colère avant que cette étincelle de rage ne s'éteigne lorsqu'il vit l'eau sur mon visage. Surpris, il me regarda pendant une éternité me semble-t-il, avec incompréhension tandis que mes sanglots redoublaient de vigueur. Puis, une lueur de colère traversa son regard avant qu'il ne m'entraine dans une classe vide, abandonnée depuis longtemps.

Toujours en pleurant, tremblant de tous mes membres, je m'effondrais sur le sol, tapant le sol du poing pour ne pas hurler de douleur.

_Potter ! Potter ! HARRY, ARRETE !

Je sentis ses bras encercler mon corps maigre et il me cala entre ses jambes alors que j'étouffais mes hurlements dans sa chemise qui ne tarda pas à être trempée par mes larmes. Hésitant, il posa ses mains dans mon dos et je me blottis plus contre lui, quémandant juste un peu de chaleur pour réchauffer ma peau glacé, enfouissant mon nez contre son cou en gémissant tel un chien blessé. Son étreinte se raffermit. Je savais qu'il ne comprenait rien à mon comportement, qu'il pensait que je ne devrais pas me montrer aussi faible devant lui, lui qui était mon ennemi depuis plus de 6 ans. Mais je n'en peux plus. Je ne peux plus vivre dans ce mensonge que je me suis créer. Je ne peux terminer ce combat dans lequel je me suis engagé car je me suis rendu compte que j'étais le seul qui n'étais pas concerné par cette guerre, cette guerre que de pauvres fous égoïstes avaient déclarée sans réfléchir aux conséquences Que cela aurait. J'ai perdu mes parents. J'ai perdu mon espoir. J'ai perdu tout ce qui me maintenait en vie. Alors…Draco…s'il-te-plait…

_...Tue-moi…, soufflais-je.

Je le sens se tendre quand mes paroles atteignirent son cerveau, mais je répète ces mots comme une litanie sans fin, suppliant de mettre fin à cette existence qui m'insupportait.

_Tue-moi ! Je…je ne peux plus…J'en ai assez…Je t'en prie…

_Tais-toi !

_...Je t'en supplie…Achève-moi ! Draco, pour l'amour du ciel, TUE-MOI !

_ARRETE !

Tout d'un coup, il prit ma tête entre ses mains blanches et écrasa ses lèvres contre les miennes. Abasourdis, je ne réagis pas à son baiser. Mes larmes cessèrent aussitôt de couler, mes cris se turent, mon corps s'alanguit contre son torse musclé et mes mains desserrèrent sa chemise avant de se poser sur le sol, inertes. Ses lèvres douces, roses, chaudes, caressaient les miennes avec avidité, presque avec colère. J'avais l'impression que ma peau, froide il n'y avait pas un instant, brûlais d'un feu impossible à éteindre qui enflammait mes sens. Ses longs doigts caressaient mes joues, séchant mes larmes, d'une douceur désarmante que je n'avais jamais vue chez lui. Il détacha-malheureusement-sa bouche de la mienne et je le regardais de mes yeux écarquillés par l'étonnement.

Ses yeux brillaient d'une tendresse et d'une chaleur telle que les larmes revinrent. Son visage aux traits fins et parfaits était à un centimètre de distance du mien. Son nez droit et légèrement pointu effleurait le mien en une caresse légère, et quelques mèches de ses cheveux blonds voilaient son regard.

_Pour…Pourquoi… ? Bégayais- je.

_Que serait ma vie si tu n'en faisais plus parti ?dit-il tout bas en souriant gentiment.

Qu'il était beau lorsqu'il souriait sans méchanceté ! Sa figure devenait plus détendue, ses joues devenaient roses, ses yeux devenaient plus étincelants.

_Nous…nous sommes ennemis…, dis-je. Pourquoi devrais-je faire partis de ta vie ?

_Parce que…Je ne veux plus…que tu sois mon ennemi…

_Quoi ?

_Cela fait un moment que j'y pense. Depuis que mon père est en prison… J'ai essayé de comprendre cette haine que l'on se voue chaque jour de notre vie. Et je n'ai pas compris. Pourquoi se hait-on ?

_Parce que…parce que nous en avons besoin. Nos disputes incessantes nous aident à extérioriser notre colère sur quelqu'un d'autre que nous même. Elles nous aident à avancer. A s'accrocher.

_Oui…Tu as raison. Mais quelque fois, ne souhaite-tu pas la changer en quelque chose d'autre ? Moi si. Quand je te vois avec Weasley et Granger, quand je te vois rire à leurs blagues, leur sourire avec cette lueur dans ton regard…je n'ai qu'une envie, c'est de vous rejoindre, afin que tu me souries tout comme tu leur souris. Afin que tu me regarde tout comme tu les regarde. Juste pour voir cette lueur au fond de tes prunelles et ton sourire qui illumine tant mes journées et qui hante mes nuits. Je vois bien que tu vas mal. Que tu as maigri. Que tu as des cernes sous les yeux. Et ces bandages que tu as aux poignets. Et cela me fait si mal…

_Draco…, sanglotais-je. Pourquoi ne m'as-tu rien dis ? Pourquoi ne m'as-tu rien demander ?

_Parce que je pensais qu'une fois m'avait suffi. Cette fois où tu as refusé ma main, as été le premier jour du calvaire qu'est notre relation. Alors, je n'ose pas te le redemander car j'ai peur que tu la rejette une fois de plus.

Je reste silencieux un moment. Ce que me dis Draco semble complétement irréel. Et pourtant, je sais qu'il dit la vérité. Et je sais que je veux y croire plus que tout…

_Demande le moi….Et j'accepterais…

_Harry, répondit-il, est-ce que tu voudrais…devenir mon ami ?

_Avec plaisir, Draco…

Et mon premier sourire véritable depuis plus d'un an lui fut dédié.