Bonjour à toutes et à tous ! Eh oui, après un long, trop long silence, me voici de retour. L'été étant là, je dispose en effet d'un peu plus de temps pour écrire et imaginer de nouvelles histoires... ^^
Je sais, cependant, que j'ai du retard sur une fic en cours (Le Tueur aux Boîtes à musique, pour ne pas la nommer), et que j'en ai une autre en préparation (ATTENTION : AVANT-PREMIÈRE: un truc sympa, qui emmènera nos deux comparses à... Venise !), mais, en finissant mes examens, j'avais cette idée qui me trottait dans la tête... alors, me revoici.
Le concept est simple : pas d'enquête pour cette fois (même si une affaire de meurtre transparaît, en filigrane), mais plutôt une série d'introspections. Chaque chapitre sera en effet dédié à un personnage différent. Point commun, cependant : chacun se retrouve à un moment où un travail (quel qu'il soit) est achevé (d'où le titre de cette fic, Achèvement). On se retrouve donc avec des personnages qui pensent, réfléchissent, à leur situation, à ce qu'ils viennent de terminer... les doutes, les interrogations et les questionnements seront donc à l'ordre du jour. - Avec peut-être également un petit trait d'humour... à voir.
Petite précision : cette histoire est une sequel de mes fics précédentes (L'Affaire du Tower Bridge, Tea time in London, Le Coucou, La Chasse au Dragon). De plus, elle s'inscrit après Le Tueur aux Boîtes à musique, qui n'est pas encore achevée : quelques indices pourraient donc éventuellement traîner, pour vous orienter sur la fin de cette aventure musicale... soyez à l'affût ! =)
Ne m'en voulez donc pas de vous soumettre une fic un peu moins palpitante, mais plus... psychologique. En tout cas, j'espère que cette histoire vous plaira ! Ce premier chapitre est inspiré des doutes qui saisissent les étudiants, en sortant de la salle d'examen : a-t-on bien tout dit, bien tout fait, bien tout expliqué ? Les réponses sont-elles exactes ? Bref, il s'agit des doutes qui attrapent les gens, alors que le travail est FAIT et TERMINÉ...
Bonne lecture !
Au passage, un grand MERCI aux revieweuses/revieweurs qui m'ont écrit sur mes différentes fics... et à qui, malheureusement, je n'ai pas eu le temps de répondre. À l'avenir, j'essaierai de vous répondre au fur et à mesure, pour éviter d'oublier à qui j'ai déjà écrit... =)
Remettre en doute.
Avec un sourire satisfait, il repousse le laptop qui ronronne doucement.
Un geste nonchalant, étirement calculé. – Les mains derrière la nuque, il se laisse aller. – Inspire. Longtemps.
Des points de lumière volent, virent, voltent, sous ses paupières closes. Il a de ces palpitations, pics épars de pression qui s'attardent encore, cliquètent, répètent, claquettent – peut-être, peut-être as-tu oublié, oublié quelque chose, chose… quelque chose – un détail, une miette, une infime piécette – un grain dans l'engrenage, et l'engrenage grince, puis se grippe ! Juste pour un grain – pas une graine, un grain – que tu as négligé, négligé… négligé.
Alors, les yeux fermés, il se rassure, se caresse, se susurre à lui-même que non, décidément, il n'a rien oublié, rien laissé de côté, rien raté, rien manqué. Parce que c'est impossible non ? Non. Impossible. D'oublier. Puisque – je n'oublie jamais rien. Mais sa conscience poursuit, continue et l'agresse, murmurant l'air moqueur qu'après tout l'être humain – même machiavélique – est loin d'être infaillible. – Et puis, l'erreur se glisse où naissent les certitudes : elle serpente, s'immisce entre les roches des fiertés. – À l'erreur, cette fois, il n'a plus aucun droit. – Pas cette fois.
Sans ouvrir les yeux, il refait mentalement le chemin parcouru : les sentiers de ses plans sont de belles autoroutes, balisées, éclairées par des spots agressifs. Les réflexions y suivent un cap bien tracé : coursiers rapides, elles filent sur la mer déchaînée de son esprit – folie ! –, emportées par un vent de malices vicieuses et de malicieux vices. Les voilures aiguisées traînent dans leur sillage des chapelets morbides, dont les grains trop lugubres s'égrainent sinistrement – squelettiques moignons ; crânes au bulbe défoncé ; odeur chaude des sangs…
Retrouvant – vieux amis ! – les horreurs de ses crimes – mais passés, bien passés… tant encore à venir ! –, il s'en frotte les mains, se congratule d'aise, oubliant un instant d'aiguiser son œil d'aigle à la critique sévère d'un jugement nécessaire. Il oublie, il oublie... – eh bien, d'examiner ! c'est ce qui est si bon ! Pourquoi se torturer d'un travail achevé ? ce qui est fait et fait ; pourquoi le disséquer ? – et se sent capitaine, flibustier, pirate ; sanguinaire corsaire apte à dompter les mers, les humains et les dieux – voué à tuer les cieux ! Dans sa main, le pouvoir, l'argent, la cruauté, sont les perles dérisoires de son avidité : qu'importe le pouvoir ? – il en a à revendre, et pourrait de ce monde ne laisser que des cendres ! – qu'importe ensuite l'argent ? – il le possède en masse, et aucune richesse n'échappe à sa nasse ! – la cruauté, enfin ! – ah ! l'argument ultime, et de tous, sans doute, l'acmé la plus sublime ! Pour elle, peut-être, alors, amasser des trésors, rançonner le destin, détruire le genre humain ! Il est proche, à présent, de mettre Londres à sang !
La curée est lancée le massacre, décrété. – Ce soir ou bien demain, il n'aura nulle pitié, nulle limite, nul respect. Pourquoi vivre dans ce monde sans en souiller la paix ? – Et au milieu des ruines, des cadavres, des ravages, il aperçoit alors la récompense sublime : l'Oiseau étrange et rare, qu'il destine à la cage… Plus encore que le monde, les enfants et les songes, c'est bien lui qu'il espère enlever à la vie – arracher toutes ses plumes en écoutant les cris ; voir son sang peu à peu couler et l'inonder ; attraper dans ses yeux la flamme des peureux, qui à l'heure de mourir supplient à s'en maudire ! – Oh ! arriver juste une fois, ainsi, du bout des doigts, à créer sur sa bouche le frisson d'un baiser, lui refuser l'étreinte pour une jouissance mortelle ! et caresser, cruel, l'ombre de ses prunelles, emprisonner son souffle et faire vibrer son être… pour mieux le déchirer, l'empalant à moitié, attendre en haletant ses rauques supplications, lui faire relever tête, lui redonner espoir, et pouvoir davantage le noyer dans le noir ! puis enfin l'achever, sentir son être gicler, larmes, salives et sangs, liquides espérés ! le voir se déverser, se perdre, s'étouffer ! le vaincre et l'écraser, lui, l'ennemi détesté ! – Oh, Dieu qu'il serait bon de voir cet homme brûler…
Un portail grince soudain – une ombre, dans le jardin. Il a ouvert les yeux, sans même s'en souvenir, tellement perdu, happé par son délire. L'ombre avance d'un pas lent ; il l'ignore royalement. Le bureau est baigné d'une douce lumière qui coule, harmonieuse, par la porte-fenêtre. Son songe délétère s'évapore en geignant, comme un lambeau de chair. – À quoi songeait-il donc ? Et pourquoi convoquer des corsaires, des voiliers, des étreintes terribles, et des amours horribles ? – Il ne se souvient plus. Il pensait… il pensait… à mes projets, bien sûr. – Ça y est, il s'en souvient. – Il laisse son regard errer dans le jardin. Examiner les plans : voilà l'idée première. – L'ombre, sur les graviers, projette un halo sombre. Quelques bourgeons timides se bousculent sur les branches encore nues – c'est trop tôt – du cerisier tordu. La dentelle claire des feuilles, nénuphars sublimes, fait un voile raffiné à l'étang immobile, où l'eau se ride à peine du souffle des poissons. – Il s'abandonne, muet, à une respiration : l'ombre a quitté l'écrin travaillé du jardin, et sur la porte-fenêtre a fait glisser sa main.
Le battant translucide coulisse sans un bruit – une brise livide s'engouffre dans le bureau, lui relève la tête pour qu'il esquisse un mot :
- J'avais dit quatorze heures. Tu as de l'avance.
L'ombre s'arrête, se ploie avec révérence :
- La mission était simple. Une balle en pleine tête. – J'ai préféré rentrer…
- … et par ta seule présence, me priver de tranquillité.
Il pousse un soupir, en étouffant un rire : le Colonel baisse la tête, l'air contrit et blessé, en amorçant un geste pour s'en retourner.
- Je peux revenir plus tard.
Un éclat amusé :
- Ne fais pas tant d'histoires ! Viens donc me raconter ! – Je reprendrai ce soir le fil de mes pensées.
- Qui étaient… ?
- … passionnantes, mais tu sembles t'oublier.
Il aime moins que tout être questionné. – Le dominant, c'est lui ; que les autres obéissent ! Qu'ils satisfassent, muets, les moindres de ses caprices – vices ! –, sans poser une question – sous peine de répression. Ses yeux s'attardent pourtant sur ceux du Colonel : il y lit l'attachement, la soumission fidèle. – Bien. C'est un bon lieutenant, un très bon élément… grand, fort, et sûr de lui… un tireur plus qu'hors pair – et alors, dans un lit… ! – Un sourire l'attrape ; il s'ébroue, agacé. Mais Moran dans ses gestes a vu la volupté… – Il se reprend :
- Eh bien ? Notre petite affaire en est-elle à ses fins ?
Acquiescement très bref :
- Comme vous l'aviez prédit. – Il n'a pas eu le temps de faire un trait d'esprit : je l'ai étalé, raide.
- Parfait. – Ses piques étaient devenues insupportables et mièvres. Il m'agaçait sans cesse, se croyant nécessaire… quelle vanité absurde ! Nul n'est indispensable.
Le Colonel frémit, dissimule un regret. – Il fronce les sourcils, tapotant le bureau de ses phalanges livides :
- Tu as des questions. Parle.
Légère hésitation.
- Allez ! Depuis quand oses-tu me cacher tes pensées ?
- C'est que… je me demandais juste… pourquoi m'avoir rappelé ? Votre mail de hier soir…
… reste opaque et noir. Aucune explication : la veille, sans comprendre pourquoi, Moran avait quitté Meringen et ses bois, ses montagnes, ses rochers, ses chutes aux milles dangers. Reichenbach derrière lui, la Suisse disparaissant – sans même jeter un œil dans l'hublot de l'avion –, il avait découvert son ordre de mission : on l'attendait à Londres ; une sorte de chimiste fou, génie extravagant, avait tout récemment découvert un poison qu'on disait fulgurant – et invisible. Son secret révélé, il ne restait donc plus qu'à l'éliminer… – Le Colonel secoue la tête : il connaît parfaitement les marottes de son maître : ne laisser aucune preuve, aucun témoin gênant ; prendre ce que les plus faibles ont à offrir, stupides, et regarder sans peine leur cadavre brûler. La quintessence même de son affreux métier. – Un souffle agacé le fait presque sursauter :
- … était bien assez clair. J'avais besoin d'un tireur. Je t'ai donc rappelé.
- Je ne suis pas l'unique...
- Toi seul faisais l'affaire ! s'écrie le Criminel, les yeux brillants de rage.
Ça plutôt qu'avouer… ce dont il n'a courage. – Il préfère se cacher derrière sa fierté :
- Travail délicat, mission particulière… je t'aurais cru flatté. – Londres ne te manquait pas ?
Le froissement délicat d'un tissu qui se tord : Moran se relève, s'adosse à la table. – Derrière son bureau, il peut sentir son souffle, sa chaleur virile, et son odeur étrange… sauvage, mais servile. Le Colonel le fixe :
- C'est vous qui me manquiez. Londres, je m'en contrefous.
Ces mots-là le capturent, jusqu'à le faire trembler. Il détourne les yeux, pour essayer en vain de composer son masque : sur le trouble, la moquerie peine à gagner ses marques. – Moran se redresse, le toise d'un air joueur : c'est qu'il connaît si bien les ressorts de son cœur… mais il n'en a aucun. Sous ses côtes d'acier bat un dur mécanisme, un détonateur froid qui attend d'exploser… – Et, sans rien lui laisser le temps d'ajouter :
- Je serai dans la chambre. S'il vous plait d'y monter…
La porte se referme. Il est seul à nouveau – avec tant de travail ! – À peine quatorze heures… Il sent frémir sa peau, sous des frissons qui saillent. – Je serai dans la chambre. S'il vous plait d'y monter…
Moriarty caresse les mots, leur trouve une violente saveur. – Il déserte le bureau, impatient et brûlant.
Voilà, voilà... J'espère que ce premier chapitre vous a plus. Il n'est pas très long ; les autres seront un peu plus courts. Je pense faire un développement sur 6 chapitres, en me centrant sur divers personnages, mais si vous avez des propositions à me soumettre, n'hésitez pas, et je pourrais éventuellement allonger mon histoire. ^^
Une petite review pour me donner votre avis ? Qu'il soit bon ou mauvais, je suis impatient de le connaître ! ^^
À bientôt ! =)