CHAPITRE 73 : Abdication forcée
FUDGE Cornelius
Depuis qu'il avait été nommé ministre de la magie, Cornelius Fudge s'était employé à faire de son mieux, à rendre justice à tous les sorciers, sauf les criminels bien entendus, et à garder précieusement leur secret vis-à-vis des moldus. Il voulait bien avouer ne pas avoir été parfait au cours de toutes les années où il occupa le poste mais il estimait s'être plutôt bien débrouillé.
Bien entendu, certaines personnes de son entourage clamaient à grands cris que c'était facile pour lui dans la mesure où il n'avait exercé qu'au cours d'une période de calme. Ce à quoi Cornelius s'était défendu en répondant que le ministre de la magie ne savait pas ce qu'était une période de calme, qu'il y avait toujours quelque part quelque chose de grave qui menaçait le fragile équilibre dans lequel les sorciers évoluaient.
Et puis il y avait eu Harry Potter. Quand il avait appris, de la bouche d'Albus Dumbledore lui-même, que le gamin entrait à Poudlard, Fudge avait été presque déçu de ne pas avoir de fils ou de fille du même âge que lui. Il aurait aimé que les deux enfants soient amis. Il avait une certaine affection pour l'enfant qui avait anéanti Celui-dont-on-ne-devait-pas-prononcer-le-nom.
Parce que Cornelius était convaincu que ce dernier était mort et même bien mort et que jamais, au grand jamais, il ne pourrait réapparaître. C'était impossible. D'ailleurs, comme il le disait souvent à ceux qui lui soutenaient le contraire, si le Seigneur des Ténèbres avait été en vie non seulement il n'aurait pas laissé un bébé de un an s'en tirer aussi facilement mais encore en plus il n'aurait pas attendu si longtemps pour réapparaître. Et puis, et là-dessus Albus Dumbledore était d'accord avec lui, même s'il faisait partie de ceux qui émettaient des réserves quand à la mort définitive du Seigneur des Ténèbres, nul sorcier, aussi versé dans la magie noire soit-il, n'était encore parvenu à vaincre la mort pour de bon.
La première année du jeune Potter avait débouché sur quelques incidents et sur la mort d'un professeur. Quirrinus Quirrel semblait avoir attaqué l'enfant pour une raison que Cornelius n'avait pas bien saisi. Qu'à cela ne tienne, il avait aidé à étouffer l'affaire. Parce que ça, malheureusement, c'était la matière dans laquelle excellait Cornelius Fudge. Pour étouffer des affaires, cacher des combines et masquer des faits, il n'y avait pas meilleur que lui. Il avait dépêché quelques langues de plombs et plusieurs aurors sous l'égide de Rufus Scrimegeour sur place pour entretenir les quelques élèves et professeurs ou autres membres du personnel qui avaient été mis au courant des conditions dans lesquelles Quirrel avait perdu la vie.
La version officielle disait que le jeune homme s'était employé à essayer de voler la Pierre Philosophale de Nicolas Flamel que l'école avait en garde et qu'il n'était pas parvenu à passer les défenses mises en place. Pour éviter que trop de questions ne soient posées, le gigantesque chien à trois têtes qui gardait la trappe menant aux tréfonds de l'école avait été accusé de l'avoir déchiqueté. Evidemment, quelqu'un d'un peu soucieux pourrait se rendre compte qu'il y avait là un léger problème de cohérence. Cornelius avait fait passer un parchemin de condoléances à la famille de Quirrel pour leur assurer qu'il n'avait pas souffert. Ceci dit, il doutait que quelqu'un puisse périr entre les crocs d'un gigantesque chien à trois têtes sans en ressentir quelque douleur. Quoi qu'il en soit, personne ne semblait avoir remarqué ce point.
L'animal avait été évincé de l'école, pour le plus grand malheur de ce benêt de Hagrid.
Et Cornelius avait pensé que les choses iraient mieux. Mais l'année suivante, c'était une élève qui avait failli être tuée et un nouveau professeur qui avait été gravement blessé. Ou plutôt… enfin Cornelius ne savait pas réellement comment il devait qualifier la nature du mal qui avait atteint Gilderoy Lockhart. Quoi qu'il en soit, c'était assurément un grand sorcier que l'Angleterre avait perdu parce que le pauvre garçon n'était même plus capable d'écrire correctement son prénom.
Et puis les choses s'étaient précipitées. Dumbledore n'avait pas arrangé les choses en engageant un loup-garou pour prendre la relève de Lockhart. Et comme tous s'y étaient attendus, les choses avaient dérapé et avaient failli aboutir sur un génocide dans les couloirs de l'école. Le professeur avait démissionné avant d'être viré et Cornelius ne décolérait pas. S'il avait eu l'occasion de lui mettre la main dessus avant qu'il ne s'évapore dans la nature, il lui aurait certainement fait passer quelques semaines bien à l'abri à Azkaban où il ne risquait pas d'égorger un enfant. Là-dessus, Dumbledore s'était montré évasif, clamant qu'il n'avait aucune idée de l'endroit où il était passé. Cornelius se demandait dans quelle mesure il était réellement sincère.
Il y avait également eu cette évasion d'Azkaban. D'abord Sirius Black qui avait terrorisé l'Angleterre et menaçait jusqu'aux moldus. Jusqu'à ce jour, personne n'avait encore réussi à mettre la main sur lui. Là encore, l'opinion publique était divisée en deux. Certains assuraient que Black aurait dû recevoir depuis longtemps le baiser des Détraqueurs afin d'être sûr qu'il ne puisse plus jamais nuire. D'autre étaient persuadés qu'il était innocent. Ceux-là, cependant, étaient en minorité. Mais l'évasion de Black avait fait des émules et quelques temps plus tard, c'était la moitié des Mangemorts d'Azkaban qui avaient joué la fille de l'air.
Mais l'apothéose avait eu lieu quelques jours plus tôt seulement. Pourtant, après le fiasco du Tournoi des Trois Sorciers qui avait tourné au cauchemar avec la mort de Croupton et du jeune Cédric Diggory, Cornelius avait pris toutes les dispositions possibles pour qu'aucun autre drame n'arrive plus jamais. Il avait dépêché Dolores Ombrage elle-même à Poudlard et lui avait donné les pleins pouvoirs. Mais Harry Potter avait tout de même trouvé le moyen d'échapper à son contrôle et Celui-dont-on-ne-devait-pas-prononcer-le-nom était revenu livrer bataille au ministère. La seule bonne chose de cette horrible tragédie était qu'une victime était à compter et certainement pas à déplorer : Sirius Black.
Et ce soir, la tête entre les mains, Cornelius Fudge n'osait lever les yeux vers Rufus Scrimegeour, le chef des aurors qui, la mine sévère, se tenait debout devant son bureau.
« Les évènements sont tragiques, n'est-ce pas Rufus ?
_ Oui monsieur le ministre. Je suppose que vous avez réfléchi à ce que je vous ai dit. »
Oh que oui il y avait réfléchi. Il avait pesté, il avait même brisé la joli lampe en poil de chameau que sa grand-mère lui avait envoyer du Moyen-Orient, il y avait bien longtemps et à laquelle il tenait tout particulièrement.
« Il n'y a aucune autre solution vous pensez ? »
Cornelius leva les yeux vers son subalterne. Il avait beau dire beau faire, il fallait quand même avouer qu'avec son teint pâle et ses yeux injectés de sang, il avait l'air d'un vampire.
« Aucune solution, monsieur. Si vous voulez sauver notre monde, il faut abdiquer.
_ Et vous laisser les rênes du pouvoir. »
Scrimegeour écarta les bras en signe d'impuissance.
« A moins que vous n'ayez une meilleure proposition à me faire. Je vous jure que cette décision ne m'enchante pas. »
Cornelius en doutait tout de même. Mais Scrimegeour n'avait pas tort. La charge de ministre pesait maintenant trop lourd sur ses épaules et les sorciers commençaient à accumuler trop de griefs contre lui. Il était temps d'apporter un œil neuf au ministère. La mort dans l'âme, il se leva, contourna pour la dernière fois de sa vie le bureau qui lui était si cher puis il tira sa baguette de son étui, l'appuya sur l'épaule gauche de Scrimegeour, à quelques centimètres à peine de son cœur.
« Pas les pouvoir qui me sont conférés, Rufus Scrimegeour, je vous nomme ministre de la magie du Royaume-Uni pour assurer ma succession. Puisse la main de Merlin vous guider. »
Ces mots, il les avait appris par cœur lorsqu'il avait été nommé mais il avait toujours pensé que le moment de les prononcer était trop loin pour qu'il puisse s'en soucier. Le temps passe cependant toujours trop vite et les meilleures choses finissent toujours pas se retrouver derrière nous, à l'état de souvenirs et de sourires nostalgiques.
« Bonne chance à vous… monsieur le ministre. »
Et avant de se déshonorer totalement devant Scrimegeour, Cornelius quitta le bureau.
Indice pour le personnage du chapitre 74 : Membre de l'Ordre du Phénix, il est également conseiller spécial auprès du Mangenmagot. On sait de lui qu'il est un grand ami de Dumbledore et probablement même l'un des plus fidèles.