CHAPITRE 1 : Jalousie

BULSTRODE Millicent

La première chose qui vint à l'esprit de Millicent fut : « tiens, comme par hasard ». Lorsque le Coupe de Feu avait recraché le nom de Harry Potter, elle s'était dit que c'était très probablement un coup de Hermione Granger. Potter tout seul n'était certainement pas capable d'une telle prouesse.

Tandis que les murmures s'élevaient au travers de la Grande Salle, Millicent afficha sur son visage un rictus moqueur. Potter n'allait certainement pas tenir plus de dix minutes dans le tournoi. La perspective de le voir se ridiculiser en public lui donnait envie de hurler de rire.

Mais il y avait autre chose. Quelque chose d'un peu plus sournois, d'un peu plus âcre aussi qui lui laissait un vilain goût amer dans la bouche. Millicent Bulstrode ne voulait pas se l'avouer parce que, pour elle, il était hors de question d'accepter ce qu'elle ressentait. Mais les faits étaient là et elle ne pouvait pas l'ignorer : elle était jalouse.

Oh bien entendu, elle n'était pas jalouse de Hermione Granger qui était amie avec Potter, ni de Potter lui-même pour sa notoriété. Non, elle était jalouse du fait que toutes les meilleures choses semblaient ne vouloir arriver qu'à lui.

Bien entendu, nombreux étaient ceux qui lui diraient que ce qui arrivait à Potter était tout sauf bien. Mais du point de vue de Millicent, battre un troll à l'âge de onze ans, découvrir qu'on est lié à l'un des criminels les plus réputés de toute l'histoire à l'âge de treize ans et participer au tournoi des trois sorciers à l'âge de quatorze ans, c'était quand même le genre de choses dont tout enfant rêvait.

Elle glissa discrètement un coup d'œil vers Drago, assis un peu plus loin. Lui aussi affichait un rictus moqueur mais ses yeux brillaient de haine et de colère. Il devait certainement ressentir une certaine jalousie mais il y avait fort à parier qu'il ne l'avouerait jamais.

La porte du fond se referma sur les professeurs Dumbledore et McGonagall. Dans toute la Grande Salle, la rumeur avait enflé. Le professeur Flitwick, debout sur sa chaise, agitait sa baguette dans tous les sens pour tenter de ramener le calme mais les éclats de voix grossissaient encore et encore jusqu'à devenir assourdissants.

Millicent entendait ici et là des bribes de conversation. Un garçon se plaignait de ne pas avoir trouvé la solution lui aussi, un autre clamait à qui voulait l'entendre que c'était lui qui avait vendu la « recette miracle » à Harry pour pas moins de cent gallions. Une fille ajouta qu'elle n'était pas surprise, son voisin mentionna le fait que Potter avait certainement dû se faire aider.

Millicent, elle, ne savait pas trop quoi en penser. Evidemment, ce n'était pas normal. Ça lui rappelait également à quel point elle détestait Potter et tous ses copains Gryffondor qui, eux, n'avaient de cesse d'applaudir ou de siffler dans leurs doigts.

Comment aurait-elle réagi si c'était Drago ou Blaise qui avait réussi à mettre son nom dans la coupe ? En aurait-elle ressenti de la fierté ? Oui, certainement. Donc, au final, elle comprenait les Gryffondor.

Elle soupira, leva les yeux au ciel et se tourna vers la table de ses ennemis jurés. Oui, ils pouvaient bien siffler et parader, Potter allait tout de même sacrément se ridiculiser et là, ils verraient tous à quel point il n'était pas à la hauteur.

Mais… de quoi s'agissait-il ?

Millicent fronça les sourcils. Parmi tous les élèves aux cravates rouges, un seul ne semblait pas se réjouir. De tous les amis de Potter, s'il y en avait bien un qui n'avait aucune raison de faire la tête, c'était bien lui, Ronald Weasley, le petit chien-chien aux cheveux roux. Le rictus de Millicent se transforma en un véritable sourire joyeux. Y avait-il de la jalousie dans l'air ? Oh mais c'était tellement délectable, tellement agréable qu'elle aurait voulu que cet instant dure à jamais. D'ailleurs, elle se retint à grand peine de ne pas sauter sur Weasley pour l'embrasser, dans un élan de joie qu'elle contint de justesse.

Dans les jours qui suivirent, l'affaire fit beaucoup de bruit. La majeure partie des élèves de Poudlard avait décidé de soutenir Cédric Diggory. Millicent faisaient partie de ceux-là bien qu'elle n'ait trouvé aucun réel intérêt au Poufsouffle. Il était plutôt beau garçon, ça c'était un fait, mais il n'avait pas de caractère, pas de tempérament et même pas beaucoup d'amis.

Lorsqu'un groupe de Serpentard eut l'idée de lancer la mode des badges indiquant que Potter puait la triche, Millicent adhéra immédiatement au mouvement. Pourtant, lorsqu'elle épingla le sien sur le devant de sa robe d'uniforme, elle se prit à penser que si Potter avait été de ses amis, elle aurait été particulièrement vexée et outrée. Qu'à cela ne tienne, elle n'était pas à Poudlard pour sympathiser avec le balafré et sa petite bande d'amis sournois.

Le jour de la première tâche approchait à grands pas et, comme la plupart des autres Serpentard, elle trépignait d'impatience à l'idée de voir Potter s'humilier devant toute l'école mais également devant les délégations de Beauxbâtons et de Durmstrang. Chaque fois qu'elle y pensait, elle sentait son cœur s'emballer dans sa poitrine.

Tout en déposant ses affaires de cours sur le bureau devant elle, Millicent ne put s'empêcher de jeter un œil par-dessus son épaule pour contempler, le plus discrètement possible, Potter et son air pitoyable. Etait-ce elle ou avait-il une légère couleur verdâtre ? A qui pouvait-il bien faire croire que le mystère de son nom dans la coupe de feu n'était qu'un coup monté ? A Granger évidemment, mais celle-ci avait beau être particulièrement intelligente, elle n'en restait pas moins très crédule.

Non, sérieusement, qui pouvait le croire ? Même Weasley avait compris que Potter avait dupé tout le monde. En réalité, Millicent était persuadée qu'il jouait les victimes là où il n'était qu'un maître chanteur. Et après, on irait crier dans tous les couloirs que les Serpentard étaient des vicieux. Ceux qui le pensaient ne connaissaient certainement pas les Gryffondor.

Sur cette dernière pensée, Millicent se tourna vers le tableau et plume à la main, entreprit de noter ce que racontait le professeur Binns. Potter allait payer pour tout et elle se frotterait alors les mains de délectation.

Oh, comme il lui tardait !

Indice pour le personnage du chapitre 2 : elle a appartenu à l'Ordre du Phénix et a connu une fin tragique. On ne sait pas grand-chose d'elle, si ce n'est qu'elle était dévouée et encore jeune lorsqu'elle a été tuée.