Rêve, Cauchemar... ou Réalité ?

Auteur : Moi, alias Rubis01

Anime : One Piece

Genre : Horreur, angoisse, drame, amitié, général...

Crédits : Le monde de One Piece ainsi que ses personnages appartiennent à Maître Oda. Je ne fais que les emprunter (pourtant c'est pas faute d'avoir essayé de les obtenir XD). Par contre it's my scénario. :)

Le petit mot de l'auteur : Hello everybody ! J'espère que vous allez bien ! ^^

Oui, je sais, je sais, j'ai un retard impardonnable de plus de six mois. Et pourtant il n'y avait rien de particulier, juste une certaine flemme et ininspiration (ça existe ? xD). Bref, la moitié du chapitre était rédigée depuis des mois, mais pas possible d'écrire la suite. Mais maintenant, c'est revenu alors tout va bien. =)

Cependant, je m'excuse encore, je ne sais pas du tout quand la suite arrivera. Tout ce que je peux vous dire c'est que je terminerai cette fiction coûte que coûte, même si cela doit me prendre des années.

Bonne lecture et j'espère que ce chapitre vous plaira ! :D


Dans le secret de la cuisine…

Zoro avisa dès l'entrée de la voleuse les lèvres pincées de cette dernière, signe discret de sa contrariété. Remarquant les yeux pensifs et sombres de l'historienne dans le même temps – bien que cela soit presque indétectable pour un œil non-averti –, il fit rapidement le lien avec la tension qui régnait entre elles.

Malgré qu'il soit peu bavard, cela n'empêchait pas qu'il soit observateur. Il avait appris à comprendre et à lire en ses compagnons, à force de les côtoyer chaque jour en vivant sur le même bateau. De plus, depuis que Sanji lui avait fait part de ses doutes concernant l'archéologue, il faisait beaucoup plus attention à celle-ci, analysant son comportement et ses gestes.

S'inquiétait-il pour elle ? Sûrement. Il était loin le temps où il refusait de lui accorder sa confiance – à juste titre sans doute. Mais depuis Enies Lobby, elle était devenue pleinement leur compagne. Même certainement plus, une amie. Et on se souciait des êtres qui nous étaient chers n'est-ce pas ? Il était donc normal qu'il se préoccupe de l'état de la jeune femme, comme celui de tous ses coéquipiers – de celui du cuistot également, malgré que cela l'horripile de le concevoir comme une personne importante –, même s'il ne le montrait pas. En conséquence, discrètement, sans que l'on ne se doute de rien – ou du moins, cela devait passer inaperçu aux yeux de plusieurs personnes –, il observait, guettait, faisait sa petite ronde mentale quotidienne afin de surveiller si tout allait bien.

Et tout n'allait pas bien, il le sentait. Les mystères qui se jouaient sur le navire ces derniers jours avaient un impact relativement conséquent sur Robin. Oh bien sûr, c'était normal que la perte de ses pouvoirs la fasse s'interroger. Mais, il y avait autre chose. Il en était certain. Et c'était là qu'intervenait l'hypothèse du cuisinier – théorie qu'il partageait. Nami paraissait le soupçonner également, aux vues des regards à la fois soucieux et suspicieux qu'elle lançait à la jeune femme. La connaissant, elle avait certainement tenté de faire parler la brune, mais sa tentative avait apparemment échoué : le climat tendu entre ces deux-là le prouvait. Ou alors se méprenait-il ?

De toute façon, cela n'avait pas beaucoup d'importance. Quoi qu'on lui dise, l'archéologue ne se confierait pas. Elle était de ces gens mystérieux et taciturnes qui, s'ils acceptaient de partager certaines choses, gardaient soigneusement enfermé le reste. En général le mauvais, le douloureux, le trop intime. N'en était-il pas l'exemple ?

Alors, à moins d'y vraiment forcer l'historienne en l'acculant dans un cul-de-sac, obtenir des aveux d'elle serait très ardu. On ne pouvait donc que supposer, sans preuve, sans confirmation, en assemblant avec difficulté les quelques indices qu'on était assez sagace pour relever.

L'escrimeur avait remarqué que l'historienne s'isolait de plus en plus dans la bibliothèque, et dans la vigie lorsqu'elle était de garde. Elle s'y proposait souvent d'ailleurs, c'était étrange… Cherchait-elle simplement à réfléchir sur les récents événements ou y avait-il quelque cause plus profonde ? Ou encore, se délectait-elle d'un livre si passionnant qu'elle n'en pouvait détacher le regard ? Le sabreur exclut presque immédiatement cette dernière explication. Non, ce n'était pas avait bien noté que la jeune femme ne lisait plus vraiment, ou du moins ne se concentrait plus autant sur sa lecture qu'auparavant, se contentant de déchiffrer vaguement les caractères imprimés en tournant mollement les pages encrées, discrètement perdue dans ses pensées. Ses prunelles semblaient presque hantées à ces moments-là, si lointaines que la fine lame s'obligeait à délibérément provoquer le cuisinier pour tirer l'archéologue de ses rêveries. Le blond se prenait facilement au piège, tombant à pieds joints dans celui-ci, tant, que cela en aurait été risible si le bretteur n'avait pas soupçonné là de quelconques stratagèmes et arrières-pensées. Les mêmes qui s'agitaient sous son crâne sans doute. Il fallait croire que le love-cook n'était pas aussi stupide qu'il y paraissait au premier abord…

Zoro ricana mentalement. Il en venait même à complimenter le cuistot raté ! A croire que la situation présente le touchait plus qu'il ne voulait bien l'admettre… Situation qu'ils – tous ensemble – devaient résoudre avant qu'elle ne se complique davantage et devienne critique.

Peut-être, sûrement, était-ce dramatiser, tenir là un discours un peu trop alarmiste, affolant jusqu'à en devenir insensé. Pourtant, l'homme aux cheveux verts avait cette sorte de pressentiment irraisonné, désagréable et fugace, qu'il s'empressait de chasser dès qu'il effleurait son esprit sans arriver à s'en défaire complètement. Un pressentiment qui lui susurrait doucereusement que le pire restait à venir…

Décidément, l'équipage devait impérativement converser de ce problème.

Le second repoussa vivement une main vindicative qui tentait de lui soustraire son morceau de viande et entoura ensuite son assiette d'un bras protecteur. La paume en caoutchouc battit piteusement en retraire avant de s'attaquer à la nourriture d'une rousse incendiaire.

« Luffy ! Essaie encore une seule fois de voler l'entrecôte – préparée avec amour – de Nami-chérie et je te prive de viande pendant un mois ! » tonitrua Sanji, menaçant, en abattant son talon sur la tête de son capitaine.

Ledit capitaine alla bouder sur son tabouret, croisant puérilement les bras pour montrer son mécontentement. A ses côtés, Chopper et Usopp l'ignoraient royalement, se régalant du délicieux repas du gentleman. Franky buvait goulûment sa bouteille de cola tandis que Brook mâchait avec application ses pommes dauphine. En face d'eux, sa chaise contre le mur, le cuisinier du navire picorait dans son plat, bondissant fréquemment pour défendre le déjeuner des demoiselles du terrible trou sans fond qu'était le D. A sa droite – ô ravissement – se tenait la navigatrice, songeuse et ayant à peine touché à la nourriture. Bien entendu, cela n'échappa pas au regard acéré et observateur du blond qui s'acharna immédiatement à en trouver la cause. Une œillade discrète – néanmoins pas assez pour ne pas être remarquée du coq – de la cartographe à l'égard de l'archéologue eut tôt fait de répondre à ses interrogations. A l'instar de l'épéiste, il fit rapidement le lien avec l'atmosphère tendue qui semblait régner entre les deux femmes et en vint, lui aussi, bientôt à la conclusion qu'une réunion de l'équipage s'imposait, et que le plus vite serait le mieux.

Restait désormais à faire passer le mot à tous ses nakamas sans attirer l'attention de la principale concernée.

Prévenir Luffy et Chopper serait le plus difficile et s'avérait risqué, par leur insouciance ces deux zouaves étaient bien capables d'ébruiter l'information par une quelconque maladresse. Et Robin, malgré son trouble, aurait tôt fait d'être au courant du stratagème. Avertir au dernier moment le capitaine et le petit médecin était donc la seule option envisageable. Informer Nami et Zoro serait facile. Pour les trois autres, soit Franky, Usopp et Brook, le blond avait également sa petite idée. Le cuisinier était confiant, il y arriverait, surtout si tout cela était fait pour sa mellorine.

Obnubilé par ses pensées, Sanji n'en ressentit pas moins le regard insistant qui pesait sur lui. Un peu agacé et légèrement sur la défensive – l'historienne aurait-elle déjà découvert le pot aux roses ? – il releva tranquillement sa tête inclinée et parcourut d'un oeil faussement nonchalant l'assistance. Il réprima un soupir de soulagement quand il saisit les pupilles émeraude du sabreur sur lui. Ce n'était pas Robin, il était rassuré, elle n'était pas encore devenue télépathe. Celle-ci mangeait toujours d'un air distrait, assise entre le bretteur et le canonnier.

Le gentleman ancra ses saphirs dans les pierres de jade de l'épéiste, le questionnant silencieusement. Un regard éloquent de la part de ce dernier lui fit comprendre que Zoro avait eu la même idée que lui – comme quoi, l'algue pouvait avoir de brefs éclats d'intelligence parfois, rit-il intérieurement. A travers une conversation visuelle, ils convinrent finalement de se retrouver dans la cuisine après le repas.


Petit à petit, les assiettes se vidèrent et, au plat principal, succédèrent les desserts. Une fois crèmes caramel, flans, clafoutis et salades de fruits engloutis – en grande partie par leur goinfre de capitaine –, la table fut peu à peu désertée, les chaises abandonnées. Sanji commença à débarrasser tandis que ses compagnons se levaient et s'apprêtaient à quitter la pièce. Le plan allait pouvoir commencer.

« En fait Usopp, c'est toi qui es de corvée de vaisselle aujourd'hui, lança négligemment le coq.

– Quoi ?! Mais je t'ai aidé avant-hier ! Trouve-toi un autre larbin, j'ai plein de choses à faire ! s'exclama le sniper, guère coopératif.

– Comme tout le monde sur ce navire quand il s'agit de faire la vaisselle ! rétorqua vertement le cuisinier. Cesse de te trouver des prétextes et ramène tes fesses ici ! »

Le tireur abdiqua à contrecœur, convaincu par la menace qu'était la jambe vêtue de noir levée vers lui. Le blond sourit, satisfait. Et d'un. En outre, il faisait d'une pierre deux coups. Parfait.

« Ah, et Franky ! apostropha-t-il ensuite. Tu pourrais venir jeter un coup d'œil au four après ? J'ai eu du mal à l'allumer tout à l'heure.

– Pas de problème bro' ! » répondit le cyborg en sortant de la cuisine.

– Tu sais même plus allumer correctement un four, sourcil roulé ? ne put résister le vert – plan ou pas, il n'allait pas s'empêcher de s'amuser. Et puis… il devait bien donner le change non ?

– Toi, tête de gazon, je t'emmerde ! Et bien profond ! répliqua ce dernier, entrant dans le jeu.

– Pas autant que moi, répondit le bretteur, taquin.

– Et d'abord, qu'est'ce que tu fous encore là, pelouse ambulante ?! Tu t'es pas déjà assez bourré la gueule ? reprit Sanji, faussement énervé.

– Bah écoute, vu comment tu séquestres toutes les bouteilles, pas vraiment non, baka-cook, lui apprit le sabreur.

– Grand bien leur fasse aux bouteilles ! Pourquoi crois-tu que je les tiens loin de toi, sale ivrogne ?! » rétorqua le blond.

Zoro ne trouva rien à redire. Le cuisinier, lui, laissa un sourire vainqueur se dessiner sur ses lèvres. Désormais personne – notamment une certaine archéologue qui avait la manie de laisser traîner des oreilles partout, même si elle en était temporairement incapable – ne pourrait s'interroger quant à la présence tardive de l'escrimeur dans la cuisine, grâce à cette raison implicite mensongère – pas si éloignée de la réalité en vérité. De plus, pour couronner le tout, il avait brillamment rabattu le clapet de l'autre empoté – il se doutait bien qu'il y avait quelques accents de vérité dans cette récrimination factice du bretteur. Tout fonctionnait à merveille.

Lorsqu'il ne resta plus dans la salle que la jambe noire, la fine lame et le canonnier, et après avoir soigneusement fermé la porte, les deux comploteurs informèrent ce dernier du stratagème prévu. En lavant la vaisselle pour deux d'entre eux, et finissant du rhum pour l'autre, ils conversaient.

« Donc vous aussi vous pensez que Robin nous cache quelque chose ? Je croyais que seul le grand capitaine que je suis l'avais noté ! s'exclama le sniper.

– Qui ne l'aurait pas remarqué, triple imbécile ?! s'offusqua Sanji tout en essuyant une assiette.

– Chopper, Luffy ou encore Brook qui a rejoint l'équipage il y a peu, dit le vert indifféremment.

– Ouais c'est vrai ça, répondit d'un air blasé le blond. Enfin toi, Usopp, ça ne m'étonne pas que tu aies deviné si vite, on ne trompe pas un menteur professionnel.

– Hé ! se vexa le tireur.

– Bref, maintenant passons aux choses sérieuses, reprit le coq, grave. Je propose que l'on se réunisse ici cette nuit, le plus tôt sera le mieux. »

Ses nakamas acquiescèrent.


Tard dans la nuit, la cuisine était sombre, plongée dans une semi-obscurité que perçaient seulement les rayons ténus de la lampe à huile posée sur un coin de table. Un silence tendu régnait, troublé seulement par l'écume qui fouettait la coque et les tic-tacs réguliers de l'horloge accrochée au mur.

Pourtant, la pièce était remplie. Du capitaine au petit docteur, tous étaient venus, prévenus plus ou moins tardivement par, au choix, une visite improvisée – et factice – du bretteur à l'infirmerie, une boisson fraîche accompagnée de quelques mots offerte à la navigatrice, ou un entraînement à l'épée qui avait viré confessions discrètes. Sans oublier le morfal du navire réveillé en sursaut alors qu'il était censé monter la garde – ce que la cartographe n'avait décidément pas apprécié découvrir aux vues des bosses qui ornaient le front de l'homme élastique.

Tout ce beau monde s'était donc réuni autour de la table à manger et après un bref résumé de la situation, entrecoupé des exclamations étonnées et naïves du petit médecin qui n'avait pas encore véritablement saisi l'ampleur des évènements, les questions et les propositions avaient fusé jusqu'à ce que la déclaration inattendue de Luffy ne stoppe l'agitation de l'équipage.

Désormais tous le fixaient, immobiles, surpris, incompréhensifs, attendant des explications qui ne venaient pas.

Un poing cogna brusquement contre le meuble de bois, faisant sursauter un renne pelucheux et un squelette plaisantin. Nami ancra ses prunelles chocolat dans celles du Chapeau de Paille, le regard dur.

« Et pourquoi ne devrions-nous rien faire, hein ? » lâcha-t-elle vertement, criant presque, s'arquant vivement vers lui, le surplombant de toute sa hauteur.

Le brun, la jambe droite pliée de sorte qu'un de ses pieds soit posé sur la chaise qu'il occupait, fixa longuement sa vis-à-vis sans répondre, profondément sérieux. Cette dernière reprit, le ton acerbe :

« Alors ? Pourquoi, d'après toi, on ne devrait rien faire pour comprendre ce qui tourmente Robin ?

– Oui, Luffy, je ne comprends pas, se plaignit Chopper d'une voix larmoyante.

– Si on savait ce qui lui arrivait, on pourrait la rassurer et l'aider. » renchérit Usopp à grand renfort de mouvements de bras.

Les quatre autres se contentèrent, eux, de regarder sombrement leur capitaine, attentifs et crispés. Puis, celui-ci parla enfin :

« Ca ne sert à rien d'harceler Robin ou de l'obliger à nous dire ce qui ne va pas, elle ne dira rien. Laissez-lui le temps, elle se confiera le moment venu. Faites-lui confiance.

– Bien sûr que je lui fais confiance ! Mais… » insista la navigatrice.

Surprenant tous ses compagnons, Sanji l'interrompit, tirant sur sa cigarette :

« Luffy a raison. Si tu harcèles Robin, elle ne se confiera pas. Elle se refermera sûrement davantage en fait.

– D'autant plus qu'elle est suffisamment habile pour éviter qu'on la coince. » ajouta Franky en rajustant ses lunettes.

L'avare incendiaire ancra ses mains sur la table et lança, cinglante, au cuisinier :

« C'est pourtant toi qui nous a rassemblés ici. Si tu es d'accord pour ne pas agir, pourquoi as-tu pris cette initiative dans ce cas ?

– Pour vous avertir, prévenir ceux qui n'avaient rien remarqué, faire le point, trouver une solution peut-être, répondit tranquillement le blond tout en écrasant son mégot dans un cendrier.

– Mais si on ne sait rien, ta mise au point est complètement inutile ! se récria la rousse, de plus en plus furieuse.

– Même si tu sais que dalle, comme tu dis, qu'est-ce qui t'empêche de la rassurer et de la soutenir quand même ? dit alors Zoro, les bras croisés tout en jaugeant la jeune femme.

– Toi, je t'… » répliqua avec emportement cette dernière.

La voix de l'homme élastique claqua comme un fouet, coupant court l'échange qui s'échauffait.

« Nami, ça suffit. » intima fermement ce dernier.

Il n'avait pas haussé le ton, mais il y avait dans son timbre cette autorité propre aux hommes nés pour mener, cet avertissement fugace et pourtant intense qui ne souffrait aucun refus et qui saurait se montrer intransigeant si on le provoquait, malgré son apparent calme. La volonté d'un chef, le charisme d'un dirigeant. L'essence d'un capitaine.

La cartographe se tut, lèvres pincées, et se rassit sèchement sur sa chaise, croisant jambes et bras comme témoins de son mécontentement.

Un silence gêné se faufila parmi les membres d'équipage.

La jeune femme fixait le vide, sourcils froncés, tandis que, à côté d'elle, le médecin triturait les bords de son chapeau maladroitement. Le sniper se grattait, embarrassé, la joue, cherchant le soutien d'un musicien concentré sur ses doigts osseux. L'épéiste semblait dormir alors que le coq laissait son menton se poser sur ses deux mains jointes, l'œil soucieux. Franky regardait en l'air, exhalant quelques discrets soupirs à l'occasion. Leur commandant les contemplait en jouant avec son chapeau.

Puis, après un long temps, quelqu'un parla :

« Yohoho ! Et si on omettait le mystère qui entoure notre chère amie pour nous concentrer sur un autre qui la concerne tout autant ? proposa Brook. Eh bien, docteur Chopper, qu'en est-il des analyses sanguines de Robin-san ? »

Cela eut le mérite de détendre l'atmosphère, les yeux se rouvrirent peu à peu, avides et inquiets d'obtenir enfin quelques brides d'information. Le renne se dressa sur son tabouret et partagea avec les autres son diagnostic, le ton professionnel :

« C'est à dire que… Je ne sais pas vraiment si c'est une bonne nouvelle ou non, mais il semble qu'il n'y ait aucun corps étranger dans le sang de Robin. Sa composition sanguine est tout à fait normale, je n'ai relevé aucune anomalie particulière. Cela exclut donc la possibilité qu'elle ait contracté une quelconque maladie comme j'y avais pensé au départ. Cependant, cela se révèle inquiétant par le fait que la perte de ses pouvoirs reste toujours inexplicable.

– Merci, Chopper. » répondit Luffy d'un air grave avant que les conversations ne reprennent.

Ils ne virent, ni n'entendirent l'ombre fugace qui quittait le coin de fenêtre où elle s'était dissimulée pour s'évaporer dans la nuit et regagner sa chambre…


Une explosion. Puis une deuxième. Un goût âcre qui s'infiltrait dans la bouche, asséchant la langue. L'arôme du piment mélangé à celui de la poudre qui flottait dans l'air. Et la fumée, tant de fumée qui empoisonnait ses bronches. Ses yeux qui pleuraient, à la fois d'irritation et de désespoir.

Qu'avait-elle encore fait ?

Un long cri qui résonnait longtemps avant de s'éteindre, glaçant son cœur et son esprit. Puis… le silence. Et le bruit lourd d'un corps qui tombait.

Sa chute subite sur le sol qui se gorgeait de sang frais. La mare de pourpre qui se répandait peu à peu autour du mort. Les premiers effluves du fer et de la terre ensanglantée qui caressaient insidieusement ses narines. Une petite bille d'acier qui roulait tranquillement, trop tranquillement, à ses pieds. L'immobilité glacée d'une âme hébétée.

Puis un sursaut, un sanglot. Violent, brusque, hystérique. Déchirant la mer sombre et ses vagues noires, déchirant le ciel gris d'orage et ses nuages, déchirant tout et rien à la fois. Et elle avec.

Une larme. Puis deux et bien d'autres. Un second cri qui ricochait durement sur le bois tendre de la croix funéraire et la chair figée du cadavre.

Sa fuite éperdue à travers la forêt. L'obscurité qui envahissait lentement sa conscience et qui lui paraissait pourtant l'unique salut possible. Ses mains qui tremblaient sans qu'elle ne puisse les arrêter. Les épines qui s'enfonçaient dans sa peau et les buissons qui lacéraient ses genoux. Sa course effrénée contre elle-même et l'infini qui coulait de ses yeux, contre lui et son regard vide qui la fixait.

Et puis finalement… le noir.


Je me réveillai encore une fois en sursaut, le cœur battant brutalement la chamade sous ma peau bouillante, le sang tambourinant furieusement à mes tempes trempées de sueur. Mes mains tremblaient et un désagréable frisson parcourait à intervalles réguliers mon corps caché sous les draps. J'avais froid.

Froid de la peur que je sentais ramper dans mon dos.

Je me recroquevillai pitoyablement sur moi-même dans une tentative futile de protection – comme si cela allait me délivrer des cauchemars… – avant de relever les yeux et promener un regard hagard sur l'intérieur de la chambre.

La lune éclairait la pièce par le hublot, enveloppant les meubles d'un halo fantomatique et étrangement inquiétant, ne faisant que renforcer mon malaise, d'autant plus accentué par les ténèbres et le silence – en cet instant suffocant – qui hantaient la chambrée. Seuls les vagues qui heurtaient la coque du navire et le roulis de l'eau laissaient échapper quelques murmures étouffés qui mouraient ensuite sur les murs. Je n'entendais même pas la respiration calme et posée de Nami. Une œillade sur son lit m'en donna la raison les couvertures, défaites et éparses, révélaient un matelas ridé d'aucun pli. L'oreiller était d'un plat tranquille, aucune mèche rousse ne serpentait entre les sillons de tissu. La chambre était vide.

Un vide oppressant.

« Pourquoi n'était-elle pas couchée ? Où était-elle ? » furent les questions qui émergèrent de mon esprit remué. Déboussolée, voire même inquiète – mais n'était-ce pas normal après un tel rêve ? –, je me concentrai pour faire apparaître des yeux sur tout le bateau avant de me souvenir que j'en étais inexplicablement incapable. Je réprimai une angoisse insensée. Il était totalement impossible qu'il lui soit arrivé quelque chose, pas avec les monstres guerriers qui résidaient sur ce bateau. Elle était sûrement juste sortie se soulager ou prendre l'air, rien de plus.

Je me rassurai comme je pouvais tout en poussant un soupir agacé. Ma récente paranoïa m'énervait, cela ne me ressemblait pas. Encore secouée par mon songe, je me massai doucement les tempes, tout en tentant de chasser le souvenir effrayant de cette explosion qui m'avait ébranlée comme si elle était réelle.

Légèrement apaisée, je m'extirpai des couvertures dans l'optique de me rasséréner sur le pont et piochai au hasard un pull dans mon armoire. La fraîcheur de la nuit me mordait la peau, faisant éclore des myriades de petits monticules neigeux sur celle-ci.

A l'image des angoisses qui creusaient lentement et sûrement ma chair peut-être…

Me chaussant de sandales quelconques, je m'aventurai dans le couloir désert du Thousand Sunny, éclairé seulement des quelques vitres qui reflétaient la mer immense et bleue. Le bois craquait un peu sous mes pas mais j'y trouvai un étrange réconfort au moins comblait-il cette immobilité inquiétante qui semblait régner partout…

En passant devant la chambre de Chopper, je remarquai de la lumière filtrant de la porte entrebâillée. Notre petit médecin n'était donc lui aussi pas couché ? Je m'approchai, furtive, du battant entrouvert et jetai un coup d'œil.

Il n'y avait personne, ni de renne, ni de chapeau rose à l'horizon. Juste une bougie qui finissait lentement de se consumer sur le bureau et promenait une lueur expirante sur le parquet clair. Esquissant un sourire amusé – n'était-ce pas déconseillé de laisser ainsi un cylindre de cire sans surveillance ? – tout en me demandant sérieusement pour quelle raison deux de mes camarades ne dormaient pas dans leur lit, je pénétrai dans la pièce à pas de loup et éteignis la mince flamme d'un souffle, avant de ressortir tout aussi discrètement. Cela n'était pas vraiment digne des convenances – ni même de mes habitudes – d'entrer ainsi dans la chambre d'autrui sans y avoir été invitée, mais c'était nécessaire après tout, et personne n'en saurait rien.


Lorsque je poussai délicatement la trappe menant au pont, le vent du soir caressa mon visage et me fit légèrement frémir. C'était cependant une sensation agréable, de celles qui apaisaient plus qu'elles n'indisposaient. Posant les pieds sur le gazon, je laissai les brins verts m'effleurer les chevilles, allant même jusqu'à me déchausser pour mieux apprécier la douceur de l'herbe sur ma peau. Le soleil avait brillé fort toute la journée, de telle sorte que le sol était encore gorgé de ses rayons, imprégné d'une chaleur réconfortante.

J'humai avec délice l'air marin et les relents d'iode jusqu'à en emplir totalement mes poumons et mes sens. La brise jouait tranquillement avec mes mèches noires, auréolant mes traits d'une cape sombre et mouvante. La lune y ajoutait ses couleurs irréelles, créant des dizaines de reflets opalins qui ressemblaient à ceux de la mer, brillante sous l'astre du ciel.

M'enivrant de ces visions, je tentai de chasser le fantôme de mon cauchemar et de tous les autres, de toutes mes interrogations des derniers jours, qui ricanaient dans mon esprit, me narguant méchamment. Et surtout ce goût de sang qui dansait paresseusement sur ma langue, y ancrant froidement ses arômes.

Bientôt, m'oubliant dans la symphonie nocturne de la nature et de l'océan qui berçaient doucement mes oreilles, dans le chant aussi timide qu'un murmure des insectes et la valse langoureuse de l'eau, le vide se fit dans mon âme apaisée.

Je rouvris les yeux.

La nuit me parut plus belle, plus claire, délivrée que j'étais. Ses senteurs capiteuses me donnèrent presque un instant le tournis. Je m'approchai du bastingage. Je me sentais libre et légère. J'ancrai mes pupilles dans le bleu profond de la mer.

Mais, le doute et l'angoisse revinrent soudainement à la charge, invaincus, avides de m'assujettir à nouveau. Les abysses noires de Grand Line n'étaient soudain plus que les gouffres insondables et terriblement vides de tous mes nakamas tués en rêve. Le vent était leurs cris, il s'était mué en un incessant mugissement qui poignardait brutalement mes tympans. Et la lune, cette lune si ronde, cette lune auparavant si belle, et son sourire machiavélique qui pulsait dans le ciel ! Elle brillait, tout brillait d'un éclat fantomatique et cruel, le même que celui de la chambre, se détachant durement sur la voûte obscure, comme si rien n'était déjà plus de ce monde, comme si tout était déjà mort.

Fantomatique.

Mort.

Je m'arrachai abruptement à ma contemplation la tête me tournait.

Tout autour de moi, m'enveloppant, m'asphyxiant, les parfums de l'ombre me paraissaient désormais relents de mort. Et il y avait à nouveau ce goût de fer dans ma bouche, sur mes papilles, en moi, partout, comme si j'en débordais.

Je déglutis ma gorge n'avait jamais été aussi sèche.

J'avais l'impression de devenir folle.

Ma vision se troubla. La peur comprima ma poitrine, se répandant dans mes veines. Mon cœur s'emballa, semblant prêt à imploser. Et cette angoisse, toute cette angoisse…

Que m'arrivait-il ?

Je m'agrippai à la rambarde, vacillante, sur le point de m'effondrer.

J'haletai.

Et tout qui tournait, tournait à n'en plus finir…

Je me sentais au bord de l'évanouissement, mes yeux se faisaient noirs.

Je tombai.

Et tout qui tournait, encore et encore…

Je sombrai.

Puis… Une lueur.

Orangée, chaude, rassurante, salvatrice. Jurant parmi le flou de mon regard. Proche…

Comment ne l'avais-je pas remarquée avant ?

Mon corps s'était calmé, ne restait qu'une horrible sueur froide qui agitait faiblement mes membres. Ma vue se fit plus claire tandis que mon rythme cardiaque s'apaisait.

Je relevai ma joue du sol – Comment avais-je atterri là déjà ? – et tendis le cou vers la source de lumière. Celle-ci émanait de la cuisine et à nouveau je me demandai comment j'avais fait pour ne pas la voir plus tôt. Elle était apparemment allumée depuis que j'étais arrivée sur le pont.

Je m'agenouillai lentement, encore tremblante. Et surtout complètement incompréhensive. Que s'était-il passé exactement ?

Un malaise ? Une crise ? Une autre sorte de pulsion ? Je n'avais pas de réponse.

L'angoisse ressurgit – mais n'était-elle pas là en vérité depuis le début ?

Non… je n'avais pas de réponse…

Je savais juste qu'il fallait que je me rapproche de cette lueur réconfortante, de ce phare illuminant la pénombre. Tout de suite, immédiatement, avant que la lune n'ait à nouveau cet éclat fantomatique, avant que tout ne me paraisse à nouveau mort, avant que je ne sombre définitivement dans la folie.

Me relevant fébrilement, je me dirigeai – ou me traînai peut-être plutôt –, le plus silencieusement possible – je craignais juste qu'elle s'évapore au moindre bruit… – vers cette lumière éclatante et réelle, elle.

A mesure que je rejoignais la cuisine, les forces semblaient me revenir tandis que je commençais à distinguer des voix agitées et des brides de mots.

Ainsi, mes amis étaient donc là ? Que faisaient-ils ?

La curiosité chassa pour un temps ma peur – car j'étais convaincue qu'elle reviendrait aussitôt après à la charge –, l'oreille attentive et l'œil scrutateur, je me plaquai doucement contre le mur de la salle à manger, près de la fenêtre.

Prenant garde à ne pas être visible – si mes compagnons ne m'avaient pas conviée à cette petite réunion, ce devait être pour une bonne raison –, je risquai une œillade par la vitre.

Ils étaient tous assis autour de la table, paraissant en pleine conversation. Tous étrangement concentrés, ils se turent après une déclaration – que je ne réussis pas à entendre – de notre capitaine. Luffy avait cet air sérieux qui ne souffrait aucune discussion et ce regard sombre qu'on ne lui voyait que peu. Les autres le regardaient, silencieux, soucieux, interloqués.

Et tout ce malaise qui me serrait le cœur…

Mes longs doigts se replièrent sur eux-mêmes.

Parlaient-ils de moi ?

La virulente réplique de Nami qui claqua dans l'air comme son poing sur le bois m'apporta une réponse des plus équivoques.

Ainsi, j'étais bien la cause de cette tension, la cause de tout. Encore une fois, la culpabilité remonta insidieusement ma gorge, je déglutis tristement alors que mes yeux se faisaient lointains.

Je m'en voulais d'affecter de cette manière mes compagnons les plus chers, de distiller entre eux une atmosphère pesante et dérangeante, d'allumer une lueur songeuse et inquiète dans leurs pupilles normalement toujours rieuses. Oui, je m'en voulais. Beaucoup. Je n'avais pas le droit de ternir ainsi ces soleils, mes soleils, qui éclairaient chaque jour un peu plus mon ciel teinté de mélancolie et de solitude. Non, je n'avais pas le droit. Je leur devais tant de choses, tant d'espoir, tant de tout. Ils méritaient tellement plus, tellement mieux qu'une misérable femme qui se complaisait seule dans ses secrètes angoisses alors même qu'elle se prétendait leur amie, alors même qu'elle n'était pas capable de s'ouvrir, même un peu, à eux.

Les paroles calmes et sûres de Luffy m'atteignirent en plein cœur.

Et pourtant… Ils me faisaient confiance. Totalement. Ils m'offraient leur soutien dans son entièreté même quand ils savaient que je ne leur disais pas tout.

Je sentis des gouttes picoter mes paupières et glisser un peu sur mes cils noirs tandis qu'un sourire ému se dessinait sur mes lèvres. Etaient-ce des larmes de joie ou de culpabilité ? Je ne savais pas, et étrangement je n'en avais que faire.

Je voulais juste m'enivrer de ce sentiment grisant d'être acceptée, totalement, de ce bonheur d'appartenir enfin à un groupe qui croirait toujours, même dans les pires instants, en moi.

Ils étaient finalement venus…

Ces amis que m'avait promis Sauro il y a bien longtemps et que je n'avais jamais vraiment espérés.

Ils étaient là.

Je le savais déjà, mais c'était la première fois que je le réalisais aussi pleinement.

Ca avait quelque chose d'euphorisant, d'extatique, et qui suffit à me redonner courage, à faire courir dans mes veines un optimisme nouveau que rien ne semblait pouvoir ébranler.

Emplie de cette sensation, mes traits peignirent un sourire reconnaissant dans la pénombre.

J'appuyai mon dos contre le mur de la cuisine, regardant le ciel, écoutant le ton acerbe de notre cartographe qui ne cachait en vérité que son inquiétude.

Mais, malgré leur apparent énervement, je la sentais cette foi qu'ils avaient en moi.

Alors, riant presque, me mordant les joues pour rester silencieuse, des perles joyeuses gouttant sur mes joues, j'ancrai mon regard dans la nuit redevenue soyeuse et les étoiles qui piquetaient sa toile sombre, l'illuminant. Comme eux le faisaient sur ma vie.

Le lendemain matin, dès qu'ils seraient complètement éveillés et sortis des torpeurs du sommeil, je leur dirais. Tout. Mes angoisses irraisonnées, mes cauchemars affolants, mes pulsions bizarres et traumatisantes. Tout.

Il n'y avait pas de honte à éprouver, ils ne me jugeraient pas. Il n'y avait pas d'appréhensions à avoir, ils ne me repousseraient pas. Il n'y avait pas de culpabilité à supporter – autre que celle d'avoir attendu bien trop de temps pour me confier –, ils ne m'en voudraient pas.

Ce serait dur, sans doute, mais cela me ferait un bien fou d'enfin délivrer ce que je gardais enfermé, de leur retourner cette confiance qu'ils m'offraient sans rien attendre en retour.

Cette situation désagréable de non-dits que je pensais meilleure prendrait fin.

Et, tous ensemble, nous trouverions une solution.

Rien ne réussit à troubler ce positivisme novateur qu'ils m'avaient insufflé, même pas mes résultats sanguins nuls – comme je m'y attendais –, alors que je regagnais discrètement ma chambre pour y dormir, sereine et apaisée.

Et dans mon esprit, terriblement simple mais porteur de tant de messages, un petit « Faites-lui confiance » qui signifiait tout et brillait comme un soleil.


Voilà, la lecture a-t-elle été agréable ? =) Je l'espère en tout cas ! Tout comme j'espère une petite review peut-être ? Alors ? ^^

Ah, si ça intéresse quelqu'un, j'ai publié un nouvel OS sur un de mes personnages favoris. Sait-on jamais~

Merci de votre intérêt !

A la prochaine~