Prologue.

Prélude de la première suite pour violoncelle solo – Jean Sébastien Bach.

Il s'appelait James Potter, et dans la vie, tout lui réussissait. Tout, absolument tout. Il était né comme ça. C'était presque un don. Il était toujours prêt à braver l'inconnu. Mais ça, ce n'était pas bien compliqué. Puisque l'inconnu lui-même n'aurait pas voulu contredire la volonté de James. Il réussissait toujours partout. Même pendant les cours durant lesquels il s'endormait. Il aurait presque pu trouver ça énervant. Tout lui était acquis. Il avait une famille heureuse, un père et une mère aimants, une grande maison chaleureuse, un compte en banque bien remplit. Il collectionnait les balais, aimait les comparer les uns les autres, les tester, puis les admirer autant qu'il le pouvait. Il aimait rire, s'amuser, ne se préoccuper de rien. Il était toujours doué pour se faire des amis.

C'était ainsi qu'il avait réussi sa plus grande fierté jusqu'à présent, James Potter avait réussi à se créer le meilleur cercle d'amis du monde. Il ne leur aurait jamais avoué cela, bien sûr, mais ça ne l'empêcha pas de le penser en sortant de son lit à baldaquin. Alors que Sirius Black se contorsionnait pour se gratter l'omoplate, que Remus Lupin s'accroupissait pour vérifier si sa chaussette gauche n'était pas sous son lit et que Peter Pettigrow ronflait sur son propre lit, sa jambe droite dépassant du matelas.

Oui, tout lui réussissait toujours. Et pourtant, il avait échoué à la seule tâche qui lui importait vraiment à présent. James Potter n'avait jamais su comment faire pour que Lily Evans, ô grande divinité sur ce monde, accepte de sortir avec lui. Il savait au fond de lui, instinctivement, que ce challenge que lui offrait sa vie serait dur à accomplir, mais qu'il y arriverait. Il était, après tout, James Potter. Chose à ne pas oublier.

Mais ce qu'il ne savait pas, c'est qu'il lui faudrait attendre encore une année avant que son rêve ne devienne réalité.

Bien sûr, il se doutait que la tâche serait pire que ce qu'il imaginait. Parce que James Potter, aussi doué pour les relations publiques qu'il fusse, ne savait en aucun cas dire ce qu'il fallait devant Lily Evans. Il y avait quelque chose en elle qui lui faisait perdre le contrôle de ses paroles. Elle savait toujours comment lui lancer un regard qui le déstabiliserait juste assez longtemps pour qu'il oublie ce qu'il comptait lui dire. Et elle semblait savoir exactement ce qu'il fallait répondre dans n'importe quelle circonstance. Elle était tout simplement parfaite. Et, chose qu'il apprit en la côtoyant, il était tout sauf parfait.

Elle s'appelait Lily Evans, et dans la vie, tout l'exaspérait. Des cours d'Histoire de la Magie aux regards amers que Severus Rogue lui lançait depuis l'été dernier, en passant par James Potter. Particulièrement James Potter.

Lily Evans était, selon elle, modérément douée en tout. Elle s'acharnait à maintenir un niveau assez haut dans tout ce qu'elle pouvait. Elle passait des heures à travailler dans la bibliothèque de Poudlard, ce qui était au départ une obligation était devenu une passion. Elle aimait lire plus que tout. Elle en oubliait même parfois d'aller prendre son repas dans la Grande Salle avec tous ses camarades. Chose qui ne la dérangeait qu'à moitié, puisque c'était là-bas qu'elle croisait le plus souvent toutes les personnes les plus indésirables de Poudlard.

Elle avait fait une liste de ces dîtes personnes. Mais elle ne l'avouerait jamais à personne. Puisque dans cette école, personne ne savait garder un secret. Et que le simple fait de murmurer un seul mot de cette liste pourrait finir par la faire placarder sur tous les murs. C'était ainsi que tout fonctionnait. Si l'on voulait faire en sorte que rien ne se sache, alors l'on devait le garder pour soi.

C'était ainsi que Lily Evans n'avait jamais dit à personne quoique ce soit à son sujet qui ne soit trop personnel. Peut-être par instinct de conservation, ou juste par pulsion égoïste. Oui, Lily Evans était égoïste, en fait, elle était tous les adjectifs servant à insulter une personne.

Elle ne savait pas comment faisait James Potter pour lui rappeler à la moindre occasion. Rien que par sa présence, il la faisait se sentir mal de ne pas être assez bien. Il était toujours prêt à se moquer d'elle en lui « demandant de sortir avec lui ». Elle savait que c'était sa façon à lui de lui rappeler qu'elle n'était rien. Rien d'assez bien pour lui, en tout cas. C'était pour ça qu'il se permettait de lui demander de l'accompagner partout où elle allait. Parce qu'il était sadique. Et qu'il savait que l'idée était si grotesque qu'il pouvait se permettre de lui demander sans qu'elle ne le prenne au sérieux. Et elle le haïssait pour ça. Elle ne savait pas pourquoi il s'acharnait autant sur elle en particulier. Mais plus le temps passait plus elle se sentait prête à le tuer.

Il avait passé la moitié de son existence à se moquer d'elle et de gens comme elle. Il y avait un temps où elle partageait son mépris avec quelqu'un d'autre, qui médisait James Potter autant qu'elle. Mais Severus Rogue aussi se moquait d'elle à présent. Pas de la même façon, cependant. Elle n'aimait pas parler de Severus Rogue. Elle n'aimait parler de quoique ce soit qui la concerne.

Lily Evans se complaisait à définir son existence en tant que « vagues jours et semaines s'enchainant dans le seul but de prolonger sa vie ». Elle n'y voyait pas tellement l'intérêt, mais vivre était ce qu'on attendait d'elle. Et elle ne se voyait pas enfreindre une seule règle.

James Potter était lui plus enclin à définir la vie en tant que «l'aventure que j'ai pas le droit de foirer. Pas vrai, Sirius ? » Il voyait chaque instant comme le prochain défi qu'il arriverait sans aucun doute à surmonter. Et il aimait ça plus que tout.

Dans la vie, Lily Evans et James Potter étaient symétriquement opposés. Ils vivaient et voyaient la vie de manière différente. Et pourtant, ils finiraient par être prêt à mourir l'un pour l'autre.