Désolée de cet immense retard… En plus ce chapitre n'est pas très long, mais j'espère tout de même qu'il vous plaira. Il clôt la première partie de cette histoire et je pense qui me faudra pas mal de temps pour m'occuper de la seconde partie, mais quoi qu'il en soit, je vous promets que je n'abandonne pas ce projet ! Bonne lecture !

Ouvrir les yeux de l'âme :

Killua s'enfuyait, mais au lieu de l'apaiser, cette fuite ne faisait que renforcer sa colère. C'était la première fois qu'il filait ainsi. La première fois qu'il n'avait pas assez de force pour affronter lui-même un ennemi et cela, cette faiblesse, il ne pouvait pas l'accepter.

Chaque pas qui l'éloignait de la prison de son enfance durcissait son cœur et accroissait sa haine envers celui qui l'avait si cruellement trahi. Jamais personne ne l'avait mis dans un tel état de rage.

Ce gamin était plus roublard que toute sa famille réunie et pourtant il n'avait rien vu venir. Il faut dire que son jeune âge avait joué en sa faveur. Jamais il n'aurait cru qu'un simple humain pourrait le berner à ce point et lui, stupide imbécile, il avait marché jusqu'au bout, refusant l'évidence de sa malveillance qui transparaissait pourtant dans le côté impitoyable de sa vengeance. Non, lui il s'était plutôt laissé embobiner par les airs innocents qu'il arborait en sa présence, mais il savait pourtant, il savait que les gens étaient cruels et qu'ils pouvaient manipuler. Il suffisait de prendre n'importe quel membre de sa famille pour avoir un parfait exemple de ce que cruauté et machiavélisme signifiaient. Il avait commis l'erreur d'oublier que tout le monde était capable de jouer un rôle et son attachement pour ce maudit gosse l'avait empêché de percevoir sa malfaisance.

Au début il avait représenté une nouveauté intéressante, mais au fur et à mesure il avait pris de plus en plus de place dans sa vie et dans son cœur. Ce devait être pour cela qu'il avait été incapable de distinguer le vrai du faux chez lui. Néanmoins, il devait reconnaître que c'était un excellent acteur, certainement le meilleur qu'il ait rencontré, car il était plus simple de feindre la cruauté que l'innocence perpétuelle. Or, le jeune démon semblait avoir une réserve infinie de larmes de crocodiles et de mots doux.

Un instant, il recommença à douter, mais les images de cette scène immonde lui revinrent avec la force d'un coup de boule de grizzli tricéphale. Il était formel. Il n'y avait eu aucune contrainte dans cette déclaration pleine de cynisme et il était exclu que Gon soit parvenu à berner toute sa famille. Il avait certes certaines capacités, mais ses géniteurs étaient de véritables détecteurs de mensonges ambulants. De plus, ils n'étaient pas affligés de ce consternant manque de discernement qui avait déréglé toutes ses perceptions élémentaires.

Lorsqu'il parvint aux bas-fonds de la capitale, il en était presque à remercier sa famille d'avoir manigancé cet enlèvement qui lui avait permis de découvrir la vérité sur son traître d'amant.

Il était tombé de si haut qu'il n'éprouvait aucun remord d'avoir laissé celui qui avait été son compagnon pendant plus de sept ans aux mains de ces sadiques.

Il esquissa un rictus amer. Les humains avaient raison. La frontière entre la haine et l'amour était bien mince, mais heureusement pour lui, il avait pu passer de l'un à l'autre avant que ses sentiments soient trop profonds. Il en était encore à la découverte, aux balbutiements et cette haine qu'il ressentait avait balayé toutes les choses dérangeantes et inhabituelles que cet être était parvenu à déblayer en lui au cours des derniers jours.

C'était comme un enfant mort-né se dit-il avec satisfaction. On n'a pas le temps de s'y attacher. Dans quelques jours, il n'y paraitrait plus. Il oublierait cette histoire et reprendrait sa vie comme il l'avait toujours fait. En attendant, il fallait qu'il se défoule.

En entrant dans la ville pauvre, il jeta un coup d'œil aux avis de recherche affichés, puis il commença sa chasse. Il n'en déterra que deux sur la vingtaine de têtes qu'il avait mémorisées, mais cela suffit à amincir le voile rouge qui opacifiait sa vue depuis sa fuite.

Lassé et repu de sang, il finit par se diriger vers son repaire secret, cet endroit solitaire qu'il avait découvert étant enfant. Il avait toujours été fort pour son âge, du coup, il n'avait jamais été embêté malgré la sauvagerie des lieux. Là-bas, il pourrait raisonner en paix et recouvrer un peu sa sérénité…

Heureux de goûter à sa liberté retrouvée, le jeune démon savourait cette course avec délice, malgré l'incertitude de sa destinée. Il filait sans entrave tentant de noyer son angoisse dans la jouissance de la vitesse.

Etonnamment, ils ne firent que contourner les bas quartiers sans s'y arrêter. Tandis que Gon suivait son sortilège avec confiance, Kanaria restait avec lui, plus pour s'assurer qu'il ne lui arriverait rien que dans l'espoir de retrouver Killua. Ils ne s'adressaient pas la parole, mais leur silence était détendu, chacun étant plongé dans ses pensées.

Kanaria était à présent convaincue que Gon faisait fausse route. Elle avait un instant cru qu'il y avait une chance pour que le jeune homme sache réellement ce qu'il faisait. Après tout, il était parvenu jusqu'aux terrains de chasse de Killua sans la moindre hésitation et ce alors qu'il n'était pas censé être sorti de la propriété de l'argenté avant son enlèvement.

Cependant, lorsqu'ils les avaient dépassés sans s'y enfoncer, elle avait supposé que le démon avait dû évoquer son passé devant son amant. Sachant à quel point ces lieux étaient dangereux, il avait probablement eu peur d'y pénétrer. Elle était persuadée que Gon poursuivait sa route, car il ne voulait pas admettre sa défaite devant elle.

« Pff… quel entêtement ! » songeait-elle non sans une certaine irritation.

Elle continuait donc à suivre le jeune démon, soupirant contre la stupidité de l'orgueil masculin, mais profitant néanmoins de la balade. Ce n'était pas tous les jours qu'elle avait autant de temps libre. Or, au vu de l'agitation provoquée par Gon, ses maîtres mettraient un certain temps avant de s'apercevoir de sa disparition. Dans le pire des cas, elle pourrait toujours prétendre avoir été sonnée par l'explosion et n'avoir repris conscience que tardivement. De toute manière elle doutait qu'on parte à sa recherche.

Bientôt, elle se laissa totalement envahir par le plaisir de la course et regarda avec émerveillement le paysage devenir de luxuriant. Plus ils avançaient, plus le feuillage des arbres se faisait dense.

Soudain, un grondement se fit entendre dans le lointain. Gon et Kanaria s'arrêtèrent un instant, tentant d'analyser le bruit. Gon ferma les yeux, laissant tous ses sens s'évaporer pour se concentrer uniquement sur son ouïe. Au bout de quelques instants, il murmura pensivement :

-On dirait de l'eau bouillonnante… Y a t-il une chute d'eau dans le coin ? interrogea-t-il.

Kanaria réfléchit un moment. Elle essaya de recouvrer quelques repères, car elle n'avait pas vraiment prêté attention au chemin qu'ils avaient emprunté. Gon aurait pu l'emmener n'importe où, elle n'aurait pas bronché se rendit-elle compte avec effarement.

Perplexe, elle jeta un coup d'œil suspicieux à Gon en se demandant s'il ne l'avait pas envoûtée. Habituellement, elle ne faisait pas facilement confiance. Or, même après avoir entendu les ignobles propos qu'avait tenus ce gosse moins d'une heure auparavant, elle le suivait aveuglément. Décidant finalement de remettre ses réflexions tard, elle répondit :

-Il y en a bien une, mais il est fortement déconseillé d'y aller.

-Pourquoi donc ? demanda l'incorrigible curieux.

-Parce qu'il se trouve que c'est le point d'eau principal des animaux les plus dangereux de la forêt.

-Hum… pourtant, il faut qu'on aille là-bas !

-Je ne vois pas pourquoi !

-Il est là-bas, je le sens !

Kanaria allait protester, arguant qu'un orgueil égratigné ne valait pas la peine qu'on risque sa vie, quand tout à coup, une onde de rage pure la traversa et se propagea à toute la forêt. Démons et arbres frissonnèrent de concert.

En effet, Killua était là, plus menaçant que jamais et il venait d'apposer son empreinte sur son territoire.

-Il n'y a pas de temps à perdre. Allons-y ! fit impatiemment Gon.

Il voulut s'élancer, mais une poigne ferme le retint.

-Attends !

-Quoi ? Qu'y a-t-il ?

-Tu n'as pas senti ?

-Bien sûr que si !

-Et tu vas quand même y aller ? T'es suicidaire ma parole ! s'exclama Kanaria incrédule.

-Ecoute, peut-être que tu as l'habitude de courber l'échine devant ses colères, mais ce n'est pas mon cas. Ce ne sera pas la première ni la dernière que je subirai et puis je veux l'arrêter avant qu'il ne s'enfonce trop loin dans la haine. Je ne pense pas que j'aurais la patience d'attendre à nouveau sept ans pour me frayer un chemin jusqu'à son coeur.

-Mais…

-Il n'y a pas de mais. Avec ou sans toi j'y vais ! Cependant, si tu décidais de venir, sache que si jamais il devient violent, je jure que je te protègerai ! affirma le gamin avec un sourire désarmant.

-Tss… comme si tu pouvais faire quelque chose ! Personne ne peut l'arrêter quand il est dans cet état.

-Kanaria dois-je te rappeler que tu ne me croyais pas capable de m'en sortir face à la famille de Killua ?! Je ne suis peut-être pas un guerrier aussi émérite qu'eux, mais j'ai plus d'un tour dans mon sac et ma détermination est bien plus forte que n'importe quel obstacle alors cesse de me sous-estimer et fais moi confiance d'accord ?

Sur ces mots plein de défi, Gon partit sans même se retourner. Evitant avec grâce les branches sournoises des arbres qui se tendaient vers lui, il progressait encore plus rapidement qu'auparavant, comme si la présence toute proche de Killua l'avait galvanisé.

Peu après, il stoppa net sa course effrénée. Il se trouvait dans une vaste clairière où était nichée une puissante cascade aux reflets argentins.

Le brun ne remarqua même pas l'arrivée d'une Kanaria échevelée par le rythme intense de la course qu'elle avait eu un peu de peine à maintenir. Il était fasciné par la vision enchanteresse qui s'offrait à ses orbes rouges luisants d'avidité.

A quelques mètres de lui se trouvait le maître de son cœur qui, les yeux fermés, semblait savourer la chute violente de l'eau sur sa peau. Ses vêtements épousaient étroitement son corps musclé soulignant sa puissance et sa grâce.

Gon laissa errer son regard sur son amant, le dévorant des yeux sans pouvoir s'en empêcher. Rien qu'à cette vue tant chérie, il sentait son cœur se gonfler d'amour. Perdu dans sa contemplation muette et admirative, il en avait presque oublié les raisons de sa venue, mais lorsqu'il posa à nouveau ses yeux sur le visage de Killua, l'expression haineuse qu'il arborait se chargea de les lui rappeler.

La douleur qu'il éprouva lorsqu'il réalisa que ce regard lui était exclusivement destiné manqua de le plier en deux.

Péniblement, il se reprit et ancra sans flancher son regard dans celui de son vis-à-vis. D'un bond puissant, celui-ci se projeta vers lui et le saisit à la gorge sans que Gon fasse mine de se défendre. Son visage rayonna un instant de satisfaction perverse puis il siffla :

-Que fais-tu là et comment m'as-tu retrouvé ?

-Mes méthodes n'ont pas d'importance… Qu'as-tu fait Killua ? interrogea le jeune homme d'une voix triste en fixant les taches rouges pâles qui maculaient les habits de son amant.

-Comme tu peux le constater, j'ai été chasser ! D'ailleurs tu as de la chance. Sans ces crétins qui m'ont servi de proies, tu ne serais déjà plus de ce monde.

-Je n'en crois rien.

-Quoi ?! Tu crois peut-être que je vais t'épargner, que tu peux me manipuler comme bon te semble ?! Tu crois que je vais accepter de continuer à être ton garde du corps, que je vais continuer à te baiser toutes les nuits ?! Si c'est le cas, contrairement à ce que tu penses gamin, il te reste encore une grande naïveté ! Rappelle-toi que je t'ai laissé aux bons soins de ma famille. Bien sûr tu ne pouvais pas savoir ce qu'ils te réservaient, mais moi je le savais parfaitement et laisse-moi te dire une bonne chose… Normalement tu n'aurais pas dû t'en sortir vivant ! Je ne sais pas quel marché tu as passé avec eux, mais une chose est sûre, je ne te laisserai pas le temps d'accomplir ta part.

Le cœur de Gon frémit de peine en entendant ces mots crachés par Killua. Il avait repris les mêmes termes que ceux qu'il avait prononcés devant sa famille.

Pétrifié, il ne pouvait que contempler le masque haineux de son compagnon. Ce fut à peine s'il sentit les mains du démon se resserrer sur sa nuque, ni ses griffes encore marbrées de sang séché s'enfoncer dans sa chair, faisant couler son sang. Non il ne perçut rien de cela, car son seuil de douleur tolérée avait été dépassé par le visage déformé de son amant. Au-delà de la haine, il percevait la blessure encore mal cicatrisée et ça le brisait.

Il avait échoué à le protéger, il avait échoué à l'épargner. Cette confiance en l'amour que lui portaient ses proches, il l'avait déjà perdue une fois dans cette salle de tortures immonde et cette confiance que lui était parvenu à faire rejaillir, il venait de la perdre à nouveau. Définitivement. Il le savait. Il ne pouvait plus rien faire.

Sa vision se brouilla. Son esprit vagabonda jusqu'à ce qu'il retrouve cette image adorée. Celle du matin qui avait suivi leur première nuit d'amour, celle où les yeux de son ange débordaient d'une tendresse toute neuve.

Lorsqu'il vit le visage aimant sombrer dans les ténèbres, quelque chose en lui se rebiffa. Non ! Il ne voulait pas qu'il disparaisse lui aussi. Il ne voulait pas que cet amour s'évapore dans le néant et rejoigne la cohorte de souvenirs doux-amers qui peuplaient son esprit. Il savait que ce visage était encore quelque part en Killua. Alors, sans qu'il puisse s'en empêcher, un hurlement monta du plus profond de lui-même, témoin de son âme déchirée.

NNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNOOOOOOOOOOOOOOOOOO OOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOOONNNNNNNNNNNNNNNNN NNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNNN !

Un vent d'une force inouïe se leva et forma un tourbillon autour de Gon, masquant l'éclat bleuté de ses yeux. Puis, ce tourbillon explosa, envoyant paître tout ce qui se trouvait autour de lui.

Les arbres furent déracinés sur une dizaine de mètres à la ronde. Quant à Kanaria et Killua, ils furent projetés dans le bassin au pied de la cascade. Cet atterrissage, quoique peu délicat, leur sauva la vie.

Une trentaine de secondes plus tard, ils émergèrent hors d'haleine pour voir un Gon qui, à genoux sur l'herbe tendre, respirait tout son soul.

Lorsqu'il le vit ainsi, faible et haletant, le sang de Killua ne fit qu'un tour et il se précipita à nouveau vers lui, frustré de ne pas avoir pu l'achever. Mais un obstacle inattendu se dressa sur sa route.

-Kanaria, grogna-t-il, je t'avais pourtant prévenue de ne pas l'aider ! Est-ce toi qui l'as mis sur ma piste ? Est-ce toi qui lui as permis d'échapper à ma famille ?!

Sa main se leva, menaçante, mais une voix glaciale l'interrompit :

-Ne la touche pas Killua ! Elle n'a rien à voir là-dedans !

-Que fait-elle avec toi alors ?

-Elle a tenté de m'arrêter quand je lui ai dit que je venais te voir, mais elle n'a pas réussi. Alors, elle m'a suivi pour s'assurer que je ne te ferai pas de mal.

-Tss… Tu es stupide Kana… Tu sais bien qu'il en est incapable !

-Si j'en étais vraiment incapable Killua, nous ne serions pas dans cette situation !

-Tu crois que tu m'as fait mal ?! Pauvre fou, la seule chose que je ressens envers toi, c'est de la haine.

-Justement, ça prouve que tu as encore des sentiments pour moi. Autrement, tu serais simplement indifférent.

Le démon tiqua. Ses yeux se plissèrent jusqu'à être réduits à une simple fente suintante de haine. Il se tourna vers la pauvre rousse qui tremblait légèrement à cause de la tension meurtrière qui se dressait entre ces deux là.

Avant qu'elle ne puisse esquisser le moindre geste de défense, il l'avait saisie à bras le corps pour l'embrasser profondément. Malgré elle, elle ne put s'empêcher de répondre timidement à cet échange. Elle savait bien que c'était une punition, mais elle avait si souvent rêvé de ces lèvres dans le secret de sa chambre qu'elle fut incapable de leur résister et ce même lorsqu'elle sentit tout contre sa bouche le rictus méchamment satisfait de l'argenté.

Celui-ci la lâcha si brutalement qu'elle vacilla sur ses jambes. Elle serait tombée si Gon, ignorant sa douleur tout comme le regard triomphant de son ex-amant, ne s'était pas précipité vers elle pour la soutenir.

La jeune domestique eut tout juste le temps de lui adresser un petit sourire reconnaissant avant d'être arrachée de ses bras chaleureux par un Killua hors de lui qui éructa :

-Ne la touche pas avec tes sales pattes de traître !

Faisant fi de la morsure de la jalousie qui avait élu domicile dans son cœur, le petit brun lui lança un regard excédé avant de dire d'une voix lasse :

-Quoi que tu penses, je ne t'ai pas trahi !

-Tu mens ! En plus, tu es parvenu à ensorceler mon amie pour qu'elle te protège !

-Tu deviens ridicule Killua et puis tu as une bien drôle de façon de traiter tes amis ! Un instrument de vengeance, voilà tout ce que Kanaria représente à tes yeux ?

-Je ne vois pas ce dont tu veux parler.

-Je parle du fait que tu viens de profiter de l'amour qu'elle te porte pour l'embrasser et ainsi me faire souffrir.

-Te faire souffrir ?! Comme si tu étais capable d'éprouver quoi que ce soit. Le fait même que tu sois encore en vie prouve l'étendue de ton vice. Tu as passé un marché avec eux.

-En effet…

-Ah tu vois ! Je le savais ! Et après tu veux me faire croire que tu souffres ! Laisse-moi rire !

-Jeune maître, vous…

-Je t'ai déjà dit que c'était Killua pour toi Kana… la coupa-t-il avec une douceur qui brisa un peu plus le cœur de Gon.

-Killua… Vous vous tromp…

-Chut… ne dis rien Kanaria, ce n'est pas à toi de lui annoncer ça… Tu veux bien nous laisser s'il te plait ? la pria le jeune démon en lui lançant un regard tendre.

-Mais…

-Ne t'en fais pas… Je vais arranger tout ça. Tu en as déjà assez fait pour nous.

La jeune domestique acquiesça doucement, puis elle se détacha du démon qui tentait de la retenir et s'éloigna vers les arbres.

-Pourquoi l'as-tu fait partir ? Et pourquoi t'obéis-t-elle ?! tempêta l'argenté.

-Parce qu'elle connait la vérité. Celle que tu ne veux pas admettre parce que tu as peur de m'accorder ta confiance.

-Je ne fais confiance à personne !

-Eh bien tu devrais. Ça t'aurait évité bien des déboires. Soupira Gon pris de lassitude.

Il souffrait tellement que son corps semblait résonner comme du verre à chaque fois que Killua ouvrait la bouche.

-Tu vas mourir ! Rugit le démon en se jetant à nouveau sur lui.

Une fois de plus, Gon resta les bras ballants, mais alors que le hurlement d'alarme de Kanaria retentissait, vif comme l'éclair, il tendit la main où luisait un doux halo et plongea droit sur le cœur de son amour.

-Oculi animi. Murmura-t-il avant de se plier en deux.

Cependant, à la différence de son amant qui resta à genoux, il se releva bien vite.

-Que m'as-tu fait ? interrogea ce dernier en sentant avec étonnement des larmes couler sur ses joues.

Voyant cela, un sourire cruel étira les lèvres de Gon. Le brun se pencha et plongea son regard sans émotion dans celui larmoyant de son vis-à-vis qui contempla avec stupéfaction ces prunelles vides qu'il n'avait plus vues depuis bien longtemps.

Les seules fois où le jeune homme arborait ce regard était lorsqu'il se trouvait face à un des monstres qui avait assassiné sa famille. Jamais il ne l'avait fixé avec un tel air.

-Ainsi, voilà ton vrai visage ? souffla-t-il entre deux hoquets. Que m'as-tu fait ? Quel est ce poison que tu as injecté dans mes veines ?

- Oh si j'écoutais la voix en moi, je t'arracherais les yeux…

Légèrement stupéfait par ce qui venait de lui échapper, le brun secoua la tête pour tenter de reprendre ses esprits. Il pouvait le faire. Il arriverait à tenir une conversation civilisée avec Killua malgré la haine intense qu'il ressentait. Après tout, il y était habitué. Il l'avait éprouvé pendant sept ans, chaque fois qu'il se retrouvait face à l'un des quatorze monstres qui avait brisé sa vie. Il respira donc profondément et sentit la colère refluer peu à peu. Bientôt, il put répondre posément, mais sans la moindre chaleur :

-Ce n'est pas MON visage, c'est le tien Killua.

-Qu'est-ce que tu rac…

-Tais-toi, tu vas comprendre. Le « poison » comme tu l'as appelé, c'est tout simplement mon amour bafoué. Ce sort se nomme « les yeux de l'âme », un nom très significatif tu ne trouves pas ? Il permet à deux corps d'échanger leurs sentiments.

Voyant l'incrédulité se peindre sur le visage de l'argenté, Gon hocha la tête et précisa :

-Cette douleur que tu ressens en ce moment, est la mienne Killua. Tu pensais avoir souffert, mais as-tu jamais pensé à ce que Moi j'avais pu ressentir en constatant que tu ne m'avais pas laissé la moindre chance de m'expliquer ? Non bien sûr, tu t'es contenté de laisser ton cœur tremblant s'emplir d'une émotion familière et sécurisante : la haine. Mais vois-tu, je n'ai pas cette faculté.

Il éclata d'un rire amer qui résonna désagréablement aux oreilles délicates du démon prostré puis reprit sur un ton dur, presque triomphant :

-Si tu savais comme je suis soulagé de pouvoir te haïr ne serait-ce qu'un instant, de me débarrasser de ce sentiment d'insécurité perpétuel, de ne plus avoir le cœur qui saigne en songeant au fait que j'ai échoué à te protéger ! Contrairement à toi, je suis à même de gérer et la haine, et la douleur morale, toi en revanche, tu ne t'es jamais assez attaché à quelqu'un pour connaître un tel degré de tristesse. Maintenant, tu sais. Tu sais que je t'aime envers et contre tout.

-Tu m'aimes, mais alors pourquoi ? articula difficilement le démon qui tentait toujours de calmer sa crise de larmes.

Le brun s'agenouilla et posa son front contre le sien :

-Pour te protéger Killua. Simplement pour te protéger. Kanaria m'a emmené voir la salle où tu as été torturé et je me suis juré que je ne les laisserais pas te piéger. Je ne voulais pas que tu mettes ne serait-ce qu'un orteil dans cette maudite maison, alors j'ai élaboré un plan pour me sortir de là tout seul. J'ai mélangé mensonge et vérité pour pouvoir les berner en leur racontant toutes ces horreurs sur toi…

-C'est impossible…

Le jeune démon eut un claquement de langue impatient et s'exclama :

-Mais qu'est-ce que vous avez tous à me sous-estimer ?! Ecoute je suis parvenu à te cacher mon amour pendant trois ans, alors crois-tu sincèrement qu'une bande de démons imbus de leur personne allait me percer à jour ? Ils ne me connaissaient même pas. Tu es le seul qui aurait pu remarquer une anomalie sur mon visage, car grâce à toi je sais maîtriser les battements de mon cœur.

-Tu as pu leur dissimuler ta peur…

-Exactement ! sourit tristement Gon. Et tu sais ce qui est le plus ironique ?

-Non quoi donc ?

-C'est qu'au moment où tu as fait irruption dans le salon, je me réjouissais à la pensée de tout te raconter. Je voyais déjà le sourire fier que tu m'aurais adressé quand je t'aurais rejoint à la maison en te disant que nous avions un sursis d'un an pour trouver une solution.

-Oh Gon je suis…

-Désolé ?

-Oui.

-Pas autant que moi. Je n'en peux plus tu sais de lutter constamment contre tes soupçons. Pourquoi ne peux-tu tout simplement pas accepter que je t'aime ?

-Co…comment as-tu réussi à leur échapper ? murmura Killua en éludant maladroitement la question.

Pas dupe pour deux sous, Gon, le fixa un instant avant de sourire tristement :

-Je n'avais plus de raison de vivre.

-Et ça les a empêchés de te tuer ?

-En partie.

-Qu'est-ce que tu as encore fait ?

-Rien qui puisse t'intéresser. Bien, je suis désolé mon ange, j'aurais bien conservé ta haine, elle est plus reposante que le tumulte de mes sentiments, mais elle n'est pas assez violente pour me permettre d'atteindre mon but.

-Ton but ? Quel but ?

-Notre liberté à deux ! murmura Gon si bas que Killua crut avoir mal entendu.

Avant qu'il puisse demander des précisions sur cette phrase énigmatique, le jeune démon enlaça son cou et l'embrassa avec douceur comme pour lui faire oublier la sensation des lèvres de Kanaria sous les siennes.

Non sans un certain agacement, Killua s'aperçut, que les lèvres de Gon avait toujours la même faculté de tout lui faire oublier et il ne put s'empêcher de répondre à ce baiser infiniment plus passionné que celui qu'il avait échangé avec la jeune rousse.

Il était tellement pris par ces merveilleuses sensations qu'il retrouvait avec délice qu'il ne remarqua pas les mains de son amant qui s'illuminèrent de nouveau. Un filament bleu se créa entre leur deux cœurs et se rompit en même temps que leur baiser.

Le jeune démon sourit tout contre ses lèvres et lui caressa tendrement la joue, comme pour savourer la texture soyeuse de sa peau. Il fit remonter sa bouche sur sa joue, la parsemant de légers baiser et chuchota à son oreille :

-Je t'aime ! Ne l'oublie pas ! Quoi qu'il arrive !

Puis, il s'éloigna un peu et prononça fermement :

-Somniculus. Fais de beaux rêves Killua.

Il recueillit la tête de son amant sur ses genoux, lui caressa une dernière fois les cheveux et partit sans se retourner. Il alla jusqu'à Kanaria qui, inquiète de voir son jeune maître étendu sur l'herbe sans connaissance, le héla durement :

-Que lui as-tu encore fait ?!

-Rien du tout Kana, rien du tout. Il s'est juste endormi à cause du trop plein d'émotions. J'aimerais que tu restes à ses côtés jusqu'à son réveil pour lui transmettre un message de ma part.

-Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle méfiante.

Gon soupira. Décidément, la confiance n'était pas la maxime principale de ce monde. Néanmoins il se reprit et dit :

- Explique-lui le genre de pacte que j'ai passé avec son grand-père et prends bien soin de lui certifier que quoi qu'il arrive il sera libre de toute influence de sa famille.

-C'est tout ?

Le jeune homme hésita avant de décider qu'il n'était plus à ça près :

-Dis lui aussi que les six prochains mois, je passerai mon temps à m'entrainer seul et qu'il ne doit pas me chercher. En revanche, si je ne suis pas mort entre temps, dis lui que je l'attendrais ici-même dans six mois à partir de ce jour. S'il m'a pardonné et qu'il se sent prêt à m'aimer sans douter de moi constamment, qu'il vienne. Autrement je continuerai sans lui au moins pour prouver à sa fichue famille qu'elle a eu tort de se moquer des sentiments que je lui porte. Tu veux bien faire ça pour moi s'il te plaît ?

-Je le ferai. Je te le promets.

-Merci Kana. Je sais à quel point ça doit être dur pour toi, alors merci de tout cœur.

-Comment as-tu deviné ? murmura la jeune rousse.

-Dès notre première rencontre, j'ai compris qu'il existait un lien particulier entre toi et Killua. Ensuite, il m'a suffit de te voir parler de lui pour réaliser que la même émotion émanait de moi quand je pensais à lui. Je suis désolée de te faire souffrir comme ça.

-Ne t'en fais pas, depuis le début, je sais que rien ne sera jamais possible entre lui et moi. Même avec toi, même dans une autre maison, il restera toujours le jeune maître que je vénérais. Jamais je n'oserai le toucher. Je me suis toujours contentée de l'admirer de loin, je ne vois pas comment changer maintenant, surtout que je sais que je ne suis pas la personne qu'il lui faut.

Spontanément, Gon la prit dans ses bras et la serra fortement contre lui en murmurant :

-En tout cas, il a une chance immense d'avoir une amie comme toi. Prends bien soin de lui et de toi d'accord ?

-Promis. Bonne chance à toi.

Pour toute réponse le jeune brun lui dédia un sourire radieux et sur un dernier clin d'œil il s'enfonça dans les bois…