Titre en vo : The Green Blade

Auteure : Verityburns ( /u/2494960/verityburns)

Traductrice : Falyla

Paring : Sherlock Holmes/John Watson

Rating: T (pas de slash)

État de la fic en vo : complète. 15 chapitres.

Disclaimer : Rien n'est à moi. Sherlock Holmes et ses comparses appartiennent à l'univers de Sir Arthur Conon Doyle. L'intrigue m'a été aimablement prêtée par la merveilleuse auteure qu'est Verityburns. Je ne mets que mes modestes talents de traductrice à votre service pour vous faire découvrir cette histoire.

Sommaire : Un tueur en séries fait les gros titres, une police au désespoir, la prochaine victime déjà choisie, la confiance placée en Sherlock Holmes au plus bas, cette affaire va pousser la loyauté dans ses derniers retranchements…

Note de la traductrice : Voilà, c'est le dernier chapitre. J'espère que vous prendrez autant de plaisir à lire ce final que j'en ai pris à traduire toute cette histoire. Certes, ce n'était pas un slash mais on a toutes remarqué la bromance tapie derrière toutes ces allusions ^^

Un petit mot pour Badou qui n'a pas laissé son e-mail quand elle a posté sa review, merci beaucoup pour tous tes compliments, c'est vraiment gentil et ça me touche mais n'oublie pas que je ne suis pas l'auteur de cette histoire, uniquement la traductrice.

Bonne lecture.

La lame verte

Chapitre 15/15 Règlement de comptes.

- Est-ce que ça va ?

Les yeux de John étaient posés sur Sherlock mais il était très conscient que Sally était en train d'hyperventiler sur sa droite. Il ne jeta même pas un œil à Tim, il savait que son tir ne laissait aucune place au doute. Sherlock hocha brièvement la tête.

- Va voir Sally.

John soutint son regard un instant puis obtempéra. Il posa son flingue sur la coiffeuse avec regret. Avec Sally sur les lieux, il pouvait difficilement le mettre en lieu sûr et prétendre à un tir hasardeux. Il s'agenouilla à ses côtés et promena un œil averti sur son visage meurtri.

- Vous avez d'autres blessures ? demanda-t-il d'une voix douce.

Sally secoua la tête, le regard féroce.

- Dégagez-moi…

Elle inspirait difficilement et luttait pour parler.

- Dégagez-moi de cette chaise !

Elle tirait sur ses liens et faisait des mouvements désespérés.

- Je n'y arrive pas… Je vous en prie !

John était un peu stupéfait par sa véhémence mais dieu seul savait ce qu'elle avait traversé ici. Si elle voulait qu'on la dégage de la chaise alors il allait la dégager de cette foutue chaise. Il examina les liens qui maintenaient ses poignets. Elle n'était pas directement attachée au siège mais ses bras étaient passés autour.

- Utilise les ciseaux de Tim, lui conseilla Sherlock mais Sally tressaillit et trembla un peu plus fort.

- Je vais vous soulever, d'accord ? lui proposa John et elle acquiesça vivement.

Il passa un bras sous ses genoux et glissa l'autre sous ses aisselles puis il se redressa pour la soulever en grognant sous l'effort.

- C'est une bonne chose que vous ne mangiez pas de gâteaux, plaisanta-t-il faiblement.

Il ne prit la peine de la remettre sur pied parce qu'elle avait l'air prête à s'écrouler. Il la porta à travers la chambre et la déposa sur le bord du lit.

- Ça ira ? demanda-t-il.

Elle s'arrangea pour hocher légèrement de la tête, en inspirant profondément.

- Laissez-moi juste libérer Sherlock, ensuite, on sortira d'ici, okay ?

Elle acquiesça encore une fois et lui adressa un sourire tremblant cette fois.

- C'est bien.

Il lui tapota l'épaule et reporta son attention sur Sherlock.

- Par terre, fit Sherlock en lui indiquant les ciseaux qui étaient tombés près de la main déployée de Tim.

John enjamba le corps pour les récupérer et les étudia, dubitatif. Ça n'allait pas être facile. Ce le fut pourtant. Les ciseaux tranchèrent le solide tissu qui retenaient les poignets de Sherlock comme un mouchoir en papier, révélant les blessures qui deviendraient – John le savait – de profondes contusions. Il tendit la main pour les examiner mais Sherlock les retira promptement.

- Sally, dit-il en indiquant d'un signe de tête l'endroit où elle était assise, toujours tremblante.

- D'accord.

Sherlock prit les ciseaux et se plaça derrière elle, John s'assit sur le lit à ses côtés et posa un bras hésitant sur ses épaules. Elle s'affaissa contre lui avec un soupir et il sentit sa tension se relâcher. Après un moment, il entendit une exclamation basse et frustrée et il regarda par-dessus son épaule. Il vit Sherlock qui luttait avec la paire de ciseaux. Il avait réussi à enfiler ses doigts dans les anses mais ses mains tremblaient et il n'arrivait pas à manipuler les lames. Il leva les yeux.

- Je ne peux pas…

Sa bouche se pinça, il détestait reconnaître ses faiblesses.

- Tes doigts sont engourdis à cause des liens, comprit John. Je suis désolé, j'aurais dû y penser.

Il frottait distraitement le haut du bras de Sally pendant qu'il parlait et, manifestement, ce contact l'apaisait.

- Heu… on échange nos places ? suggéra-t-il.

Les yeux de Sherlock s'écarquillèrent quand il vit la position de John mais il acquiesça et s'installa de l'autre côté de Sally. Elle parut se sentir en sécurité entre les deux, elle gardait les yeux clos et respirait plus calmement. Elle n'objecta pas quand John la poussa doucement de l'autre côté afin qu'elle repose contre Sherlock.

S'emparant des ciseaux, John se recula sur le lit et coupa promptement les liens. Une fois qu'elle eut les mains libres, il s'accroupit devant elle et soulagea ses bras tandis qu'elle grimaçait.

- Vos épaules se sont ankylosées manifestement, fit-il en examinant ses poignets qui étaient rouges mais pas aussi meurtris que ceux de Sherlock. Mais je crois que ça ira.

Elle hocha la tête en affichant un faible sourire puis son visage se froissa.

- Je suis désolée, fit-elle en essayant d'essuyer ses yeux sur sa veste puisque John lui tenait encore les mains. Je vais bien. C'est juste la réaction.

Sherlock paraissait complètement perdu et bizarrement impassible tandis que les larmes de Sally continuaient de couler.

- Hé, tout ira bien, lui promit-il en relâchant ses mains avant de reprendre place sur le lit. C'est une réaction parfaitement normale due au stress. Il n'y a pas de quoi en être embarrassé.

Il remit son bras autour de ses épaules et Sally se tourna immédiatement dans cette étreinte, en pressant son visage contre le pull. John leva son autre bras et se mit à la bercer en murmurant des paroles apaisantes tout en lui caressant le dos pendant qu'elle pleurait.

Il regarda en direction de Sherlock.

- Et toi, ça va ? demanda-t-il encore une fois.

- Bien sûr que ça va, confirma Sherlock, lapidaire.

Il se leva et se dirigea vers le corps de Tim. John n'avait pas la moindre idée de ce qu'il comptait en déduire à ce stade de la partie.

Ce ne fut pas long avant que les larmes de Sally ne tarissent. Elle se sentit gênée et se dégagea de l'étreinte en murmurant merci lorsque John sortit un paquet de mouchoirs.

- Aucun problème, lui répondit John avec fermeté. Comme je l'ai dit, cette réaction est tout à fait normale.

Sally renifla.

- J'ai l'impression d'être une mauviette, dit-elle en se mouchant.

Sherlock émit un ricananement sans se retourner.

- Maintenant, vous êtes stupide, asséna-t-il. J'aurais dû savoir que ça ne durerait pas.

- Hé !

L'indignation lui donna l'air d'être bien plus elle-même et John gloussa, en poussant son épaule avec la sienne.

- Il veut dire que vous avez été brave, expliqua-t-il.

Elle lui lança un regard incrédule et il lui sourit.

- Il faudra travailler votre Sherlockien.

Elle parut dubitative un moment puis secoua la tête.

- J'avais peur.

Sherlock émit un autre bruit en signe de dérision et Sally dévisagea John une nouvelle fois.

- C'était ça, la bravoure, lui dit-il. Sans crainte, vous n'avez pas besoin de courage.

- Bien sûr, il est aussi possible d'avoir trop de courage et pas assez de foutu sens commun, fit la voix de Lestrade depuis le seuil de porte. Ce qui s'applique pareillement à vous tous.

Il porta sa radio à ses lèvres.

- La situation est maîtrisée, reporta-t-il en englobant la scène.

Ses yeux se fixèrent sur le flingue et sa bouche se pinça.

- Ah, fit-il.

Il y une pause embarrassante.

- Et ceci appartient à… ?

Il sonda la pièce. John ouvrit la bouche.

- À lui.

Tout le monde se tourna vers Sally quand elle parla. Elle pointait le corps sur le sol.

- Bien sûr, fit Lestrade. Je suppose qu'il y a eu une sorte de lutte, durant laquelle…

- John…, avança Sherlock.

- … John. Évidemment, approuva Lestrade. Donc, John s'est arrangé pour arracher le flingues des mains de… je suppose que lui, c'est Tim ?

Les sourcils de Sherlock se haussèrent en entendant l'identification mais il hocha la tête.

- Bon, eh bien, ça me semble assez clair. J'imagine qu'il n'y aura aucun moyen de savoir où Tim se l'est procuré ?

- Je ne pense pas, intervient Sherlock. On dirait bien que le numéro de série a été limé.

- Ce n'est vraiment pas de chance, répondit Lestrade tandis que des pas résonnaient dans les escaliers.

Il reporta son attention sur Sherlock.

- Alors, ça y est ? L'affaire est close ? demanda-t-il. Ou on cherche toujours une connexion avec Moriarty ?

Tous les yeux étaient sur Sherlock mais il évita tous les regards.

- Aucune connexion, confirma-t-il en fixant Tim. Juste un tueur en série qui avait une dent contre moi. L'affaire peut être classée.

Son ton était égal et John se sentit mal à l'aise. Lestrade avança vers Sally.

- Vous allez bien ?

Elle acquiesça.

- Je serai contente de sortir d'ici, Monsieur, fit-elle en se remettant sur pied.

Lestrade examina encore une fois la chambre du sous-sol qui se remplissait d'officiers.

- Allez, venez. On va parler dehors.

- Comment nous avez-vous trouvés ? s'enquit Sally tandis qu'ils montaient l'escalier.

Lestrade fouilla dans sa poche et en sortir une note gribouillée sur le dos d'un ticket de caisse de chez Tesco.

- Il s'avère que l'un d'entre vous n'est pas tout à fait aussi stupide que les autres, déclara-t-il en le passant à Sally, alors qu'ils émergeaient dans le corridor.

- À l'intention du détective Lestrade, lut-elle, si je ne reviens pas, allez vérifier chez notre voisin Tim.

Elle fit une pause et jeta un œil à Sherlock qui semblait tout aussi déconcerté.

- PS : Désolé pour les gressins, termina-t-elle.

- Ah, fit John. Je ne pensais pas que vous auriez ce mot si rapidement.

Il avait l'air embarrassé. Lestrade leva les yeux au plafond.

- Si vous pensiez sincèrement que j'allais gober votre histoire de rendez-vous alors que Sherlock avait disparu, vous êtes dingue. J'ai envoyé Hopkins vous suivre et il vous a vu mettre ceci dans la boîte aux lettres quand vous êtes parti. Malheureusement, le temps qu'il récupère le mot, vous aviez disparu. C'est pourquoi nous sommes un peu en retard puisqu'on a supposé que vous vous rendiez sur son lieu de travail ou quelque chose comme ça. Le temps qu'on identifie lequel de vos voisins était Tim et qu'on trouve la bonne maison, sa logeuse nous a dit qu'elle avait entendu du bruit inhabituel à côté.

- Et comment êtes-vous entré ? demanda Sherlock en jetant un œil sur la porte d'entrée qui n'était pas endommagée alors qu'ils la passaient et se retrouvaient dehors pris dans les gyrophares clignotants qui dominaient la rue.

Il posa son regard sur John qui fronçait les sourcils. Lestrade afficha un rictus moqueur.

- Vous n'êtes pas le seul qui peut faucher quelque chose dans une poche, vous savez, fit-il remarquer. Je pensais qu'une copie de vos clés pourraient être utiles un jour et je suppose que j'ai eu raison. Une entrée silencieuse semblait assurément avisée étant donné les circonstances.

Sherlock grogna en réponse puis se crispa lorsque John posa sa main sur son bras.

- Désolé, fit John en reculant immédiatement. Tiens.

Il lui tendit le manteau qu'il avait récupéré quand ils avaient quittés le sous-sol. Sherlock le prit d'un air absent, son regard était fixé sur John et il affichait la plus étrange des expressions. C'était le genre de regard que vous pourriez poser sur votre chien si vous lui demandiez d'aller chercher le journal et que vous trouviez les mots croisés déjà remplis.

- Merci, fit-il en enfilant le manteau.

Il prit un sac plastique à collecter les preuves de sa poche intérieur et se mit à vérifier les autres jusqu'à ce qu'il localise le téléphone que Tim avait planqué sur lui puis l'en sortit en utilisant le sac comme gant.

- Preuve, annonça-t-il en le tendant à Lestrade. C'est le téléphone que Sally a appelé hier soir, celui que Tim a utilisé pour l'attirer ici.

Lestrade le prit.

- À ce propos, fit-il, ne croyez surtout pas que je vais oublier ça. Mais bon dieu, à quoi vous pensiez, tous les deux…

Il pointa son doigt sur Sally puis sur Sherlock.

- … en vous fourrant dans une situation aussi dangereuse sans aucun plan de repli et sans en avertir personne.

Il leur adressa un regard noir de colère et se tourna vers John.

- Mais pour l'instant, continua-t-il, je veux savoir comment vous, vous avez compris ceci ?

Il reprit la note des mains de Sally et l'agita un peu.

- Et, ajouta-t-il avec emphase, pourquoi vous n'avez pas trouvé utile de le partager avec nous au lieu de partir tout seul comme ces deux clowns avant vous ?

Il secoua la tête.

- C'est vous qui êtes censé être le plus raisonnable de tous !

John parut embarrassé.

- Eh bien, c'est quelque chose que Hopkins a dit, commença-t-il. Hum… quand on regardait la vidéosurveillance avec les filles en minijupes.

Sally renifla, se méprenant sur le sens de la remarque.

- Continuez, insista Lestrade.

- En fait, Jamieson a dit qu'elles allaient attraper un rhume et Hopkins a fait remarquer que les rhumes étaient d'origine virale.

Les sourcils de Sherlock se haussèrent, tout se mettait en place. Il dévisagea John.

- Extraordinaire, fit-il.

Les oreilles de John rosirent. Lestrade semblait aussi perdu que Sally qui haussa les épaules.

- Tim a beaucoup toussé, lui indiqua-t-elle. Je suppose qu'il se remettait d'un rhume mais je ne vois pas…

- Pourquoi tu ne leur expliques pas ? invita Sherlock, toujours fixé sur John. D'après tes propres déductions.

John commença à secouer la tête mais Sherlock le devança en lui touchant très brièvement l'épaule.

- Vas-y.

Il sourit.

- Tu m'as vu faire ça des centaines de fois, c'est ton tour.

John le regarda, hésitant mais Sherlock l'encouragea d'un mouvement de tête et il s'éclaircit la gorge.

- Voilà, Tim a surgi dans mon esprit parce qu'il se mouchait quand je l'ai vu plus tôt. C'était lui sur le pas de la porte quand vous m'avez déposé, ajouta-t-il à l'intention de Lestrade.

- John m'a envoyé un texto pour m'indiquer qu'il rentrait à la maison et Tim avait mon téléphone, intervint Sherlock qui récolta un regard lourd de la part de Lestrade. Désolé, ajouta-t-il pour John. Continue.

- Alors il avait laissé ces deux-là en bas et prétendait frapper à la porte au lieu de la fermer derrière lui ? s'enquit Lestrade. C'est gonflé. Mais pourquoi ?

- Il voulait savoir si j'avais une clé du sous-sol, précisa John. Et probablement juste vérifier ce que je faisais là, je suppose.

- Mais comment êtes-vous passé de : Tim a un rhume à Tim est un salopard de meurtrier psychopathe complètement dingue ? demanda Sally.

John cligna des yeux dans sa direction.

- Je n'aurais pas mieux dit, fit-il. Heu… eh bien, j'ai pensé à Sherlock et je me suis souvenu qu'il en avait déduit que la victime avait eu le rhume lors de la première affaire où on a été appelés, parce qu'il a dit…

Il poussa Lestrade du coude.

- Vous vous rappelez ? Il a dit ce truc à Anderson…

Lestrade ricana.

- Oh, oui ! Qu'il viendrait à bout d'une boîte de mouchoirs s'il n'était pas régulièrement…

Sa voix mourut. Sally soupira comme si ce qu'elle souffrait un calvaire.

- Bref, reprit rapidement John, ensuite j'ai pensé : et si le tueur avait attrapé son rhume ?

Il jeta un coup d'œil à Sherlock pour vérifier comment il s'en sortait puis poursuivit :

- Les symptômes du refroidissement commencent généralement deux ou trois jours après la contagion et atteint son apogée deux ou trois jours après, expliqua-t-il. Et je me suis rappelé que Tim reniflait quand je l'ai vu la première fois mercredi soir puis, vendredi, Peter a dit qu'il était malade.

Il regarda les visages dubitatifs qui l'entouraient.

- Je remarque les symptômes, dit-il. Je ne suis pas comme Sherlock, je ne vois pas tout mais je remarque les maladies ou les blessures, c'est juste machinal. Comme votre genou quand vous avez percuté la bibliothèque, ajouta-t-il pour Lestrade.

Il y eut quelques hochements de tête puis il continua :

- Ensuite, j'ai juste écarté l'idée par… eh bien… c'était Tim, quoi.

Il ouvrit les bras dans un grand haussement d'épaules.

- Et de toute façon, il ne te ressemblait pas, indiqua-t-il en s'adressant à Sherlock. Avec ses cheveux blonds qui flottaient et son visage rond le tueur était censé être au moins un peu similaire.

Il secoua la tête.

- Mais… ensuite je me suis souvenu que je m'étais trompé deux fois pour Peter quand il avait les cheveux cachés et que Peter te ressemble un peu. De dos, du moins, ajouta-t-il promptement. À l'évidence, personne ne peut confondre tes traits avec ceux de Peter.

- Heu… merci, fit Sherlock, dubitatif.

John lui sourit, il avait trouvé son rythme maintenant.

- Et après, j'ai repensé aux perruques et Tim est coiffeur. Et il avait accès à notre appartement, il pouvait très bien prendre une carte de légitimation et déposer une preuve.

Il accéléra son débit.

- Et je me suis rappelé qu'il avait demandé une clé du sous-sol ce matin puis j'ai entendu le claquement de la porte d'entrée mais que je ne l'avais en fait pas vu sortir et que Sally était sorti du métro à Baker Street et…

Il laissa sa phrase en suspens, l'air gêné encore une fois.

- Alors, j'ai décidé d'aller vérifier, termina-t-il.

Il y eut un court silence. Sally avait l'air impressionnée. Sherlock avait l'air fier. Lestrade avait juste l'air emmerdé.

- Bon, fit Lestrade en prenant la parole en premier. Tout ça, c'est très bien. Sacrément bien, en fait, je dois l'admettre. Mais pourquoi, nom de dieu de bordel de merde, avez-vous décidé d'y aller seul ?

John baissa les yeux, apparemment, il cherchait l'inspiration dans ses chaussures.

- Hum, eh bien… tergiversa-t-il avant de redresser les épaules et répondre à la question. Je me trompe presque tout le temps, admit-il. Parfois, je crois que j'ai tout pigé et que c'est aussi clair que de l'eau de roche…

Il lança un regard à Sherlock puis revint à ses pieds.

- Mais ensuite, il s'avère en fait que c'est quelque chose de complètement différent.

Il haussa les épaules.

- J'ai pensé que j'avais sans doute mal compris comme d'habitude et je n'ai pas voulu faire tout un foin s'il s'avérait que ce n'était rien, fit-il. Je me suis dit que je pouvais juste aller vérifier, ensuite…

La fin de sa phrase mourut.

- Eh bien, moi, je pense que vous êtes génial, s'exclama Sally à haute voix.

Elle s'avança d'un pas et le serra dans ses bras. Sherlock plissa les yeux avec intérêt parce que c'était une étreinte très différente de celle dont il avait été témoin dans le sous-sol. Il n'y avait plus de faiblesse ici, aucun besoin de réconfort. C'était l'appréciation et la gratitude d'une femme forte qui avait repris le contrôle d'elle-même.

- Vous m'avez sauvé la vie, déclara-t-elle en l'embrassant sur la joue.

John rougit mais sembla content.

- Je suis heureux que vous alliez bien, fit-il quand elle le relâcha avant de reculer. Ces deux-là deviennent frénétiques quand vous manquez à l'appel.

Sherlock adopta promptement une expression insultée mais c'était inutile tandis que Lestrade sautait sur une autre question.

- Mais comment êtes-vous entré dans le sous-sol puisque vous n'avez pas de clé ? demanda-t-il. Je veux dire, à l'évidence, vous aviez laissé la porte ouverte et c'est pourquoi je l'ai remarquée mais elle n'a pas l'air endommagée et vous deviez vous garder de faire le moindre bruit de toute façon.

Il hausse les sourcils.

- Vous avez menti à Tim en lui disant que vous n'en aviez pas ?

John secoua la tête.

- Pas du tout, rétorqua-t-il. Mais Mrs Hudson en possède la clé bien sûr et nous, nous avons les clés de chez Mrs Hudson.

Son visage redevint sérieux tandis qu'il dévisageait Sally.

- Je suis allé la prendre quand je vous ai entendu crier. Ensuite, j'ai ouvert la porte du sous-sol un peu plus rapidement que je ne l'aurais fait autrement et elle a fait un horrible grincement.

Il grimaça.

- J'ai cru que tout était fichu mais quelqu'un – ce devait être Sherlock – a commencé à faire un vacarme de tous les diables, et j'ai saisi ma chance.

- Vous avez entendu la porte, comprit Sally en s'adressant à Sherlock.

- J'ai entendu la porte, confirma-t-il en baissant les yeux sur sa main dont il fit bouger les doigts.

Il y eut un cri provenant de plus loin dans la rue, tout le monde se retourna et vit Anderson se précipiter vers eux. Il se jeta sur Sally et elle tressaillit quand il lui pressa les épaules.

- Tu vas bien ! s'exclama-t-il. Mon dieu, j'étais tellement inquiet !

Il l'attira dans une étreinte.

- Dès qu'ils ont dit que ton téléphone était éteint, j'ai su que tu avais des ennuis, déclara-t-il. Parce que tu n'éteins jamais ce foutu truc – j'ai même dû le cacher parfois juste pour nous soyons ensemble un moment !

Il se recula encore une fois en la tenant à bout de bras maintenant et l'examina de haut en bas.

- Tu as fait quoi ? demanda Sally.

Il leva une main vers son visage mais sans toucher son œil enflé.

- Oh, bon sang, que s'est-il passé ? Est-ce qu'il… ?

- Qu'est-ce que tu veux dire exactement quand tu dis que tu as dû cacher mon téléphone ? l'interrompit-elle.

Anderson agita la main pour balayer la question.

- Ce n'est pas important maintenant, dit-il. Allons te faire examiner par un médecin digne de ce nom.

Il essaya de la diriger vers l'ambulance toute proche. Sally ne bougea pas d'un pouce.

- J'ai déjà été vue par un médecin digne de ce nom, affirma-t-elle d'une voix significative avec un signe de tête en direction de John. Quand as-tu caché mon téléphone ?

Il haussa les épaules, en jetant un coup d'œil aux autres, mal à l'aise.

- Oh, juste une fois ou deux, concéda-t-il, évasif. On peut parler de ça plus tard ?

Il tira sur son bras un peu plus fort mais elle se dégagea.

- Tu n'as quand même pas… commença-t-elle, mais ses mots étaient pleins de suspicion.

Anderson se tortilla sous son regard scrutateur.

- Oh, mais si, décida-t-elle. Je me suis toujours demandé comment mon mobile était tombé sur le côté de ton siège de voiture cette fois-là. Il ne m'est jamais venu à l'idée que tu aurais pu délibérément le mettre là.

Elle lui jeta un regard meurtrier.

- Et tu n'as jamais rien dit. Pas un seul foutu mot. Même quand j'ai blâmé Sherlock et que je l'ai fait bannir.

- Mais c'était de sa faute, se défendit Anderson. Je veux dire, qui t'a envoyé uniquement un texto ? Tu as dit toi-même qu'il aurait dû t'appeler, ensuite, quand il a compris que tu n'avais pas ton téléphone, il aurait pu appeler quelqu'un d'autre. Il n'a pas pris cette peine !

- Heu… fit John en attirant l'attention de Sally. Sherlock n'a pas appelé au cas il y aurait un risque, lui dit-il à mi-voix. Parce que vous suiviez une piste et souvent, vous…

- … je mets ton téléphone sur silencieux, termina Sally, en le dévisageant avec une compréhension naissante.

Elle se tourna vers Sherlock qui se tenait de l'autre côté sans dire un mot.

- Pourquoi ne me l'avez-vous jamais dit ?

Il haussa les épaules.

- C'était inutile.

Il jeta un coup d'œil à John qui lui sourit pour l'encourager. Sherlock grimaça.

- Et…

Il fit une longue pause.

- Et vous aviez raison, reconnut-il, l'expression douloureuse. J'aurais dû m'assurer que vous aviez eu le message.

Il serra les dents mais soutint son regard.

- Je vous présente mes excuses, lâcha-t-il finalement.

Sally en resta bouche bée, sous le choc, et elle ne fut pas la seule. John se demanda s'il était le seul qui pensait qu'il y avait plus derrière les excuses de Sherlock que ce que disaient les mots.

- C'est pas trop tôt… commença Anderson de sa voix la plus sournoise.

Sally lâcha un juron indistinct, pivota sur ses talons et le frappa en plein visage. John siffla entre ses dents.

- Joli crochet du droit, murmura-t-il à Lestrade qui acquiesça.

Anderson tituba en arrière, la main sur son nez.

- Tu ne vas quand même pas le défendre? protesta-t-il, les yeux écarquillés, incrédule.

Sally avança jusqu'à lui.

- Espèce de branleur à la con ! s'exclama-t-elle. Il s'agit de moi, pas de lui. Tu savais à quel point je m'accusais de ce qui s'était passé et tu n'as jamais dit un seul mot ! T'es un vrai salopard !

- Tu ne peux pas juste me frapper comme ça ! s'écria Anderson, les yeux humides tandis qu'il regardait sa main à la recherche de sang. Spécialement devant témoins.

Une bonne douzaine de têtes se détournèrent aussitôt bien que la plupart continuaient à regarder du coin de l'œil. John avança vivement d'un pas.

- Elle est sous le choc, expliqua-t-il en plaçant une main apaisante dans son dos.

Sherlock agita un bras et un auxiliaire médical s'approcha.

- Apportez une couverture à cette femme, exigea-t-il.

oOo

La soirée était bien avancée quand John ouvrit enfin la porte de leur appartement. Ils avaient été à Scotland Yard pendant des heures à faire leurs dépositions et à donner des explications, après quoi, Lestrade avait servi à Sherlock une engueulade sans équivoque. John était content d'être de retour à la maison.

Il jeta un œil sur le visage impassible qui lui faisait face, soupira puis se dirigea vers la cuisine. Il prit la bouilloire et fut stupéfait de trouver Sherlock juste derrière lui quand il se retourna.

- Heu… tu veux une tasse de thé ? s'enquit-il en se déplaçant vers l'évier.

Il n'y eut pas de réponse. John remplit la bouilloire puis la brancha.

- Tu prends les mugs ? demanda-t-il encore puisque Sherlock se tenait maintenant devant l'égouttoir.

Il n'y eut toujours pas de réponse alors John le contourna avec son bras et en attrapa deux.

- Je suppose que c'est ton tour maintenant ? fit Sherlock à mi-voix.

- Qu'est-ce que tu veux dire ?

John prit les sachets de thé puis pivota vers le frigo. Il se stoppa net quand il vit que son chemin était bloqué à nouveau.

- Écoute, pourquoi tu n'irais pas t'asseoir ? suggéra-t-il. Tu es au beau milieu du passage.

Sherlock se poussa du frigo et s'approcha de la table.

- Je préférerais récolter les cris en premier, dit-il.

John prit le lait et le posa puis il se retourna et s'appuya contre le plan de travail pour examiner la posture défensive de l'homme qui se tenait devant lui. Les lèvres de Sherlock se tordirent.

- Je sais à quoi tu penses, dit-il. Je n'ai pas besoin de couverture.

- Eh bien, en tout cas, tu as besoin de quelque chose, rétorqua John. Et te faire crier dessus n'est certainement pas ce qu'il te faut.

- J'ai merdé.

- Je t'ai averti que ça pourrait se reproduire.

Sherlock secoua la tête, dédaigneux.

- Oui, mais je voulais parler de tout ce qui est délicat ou émotionnel, pas d'une affaire !

John pencha la tête de côté.

- Ce que tu fais… eh bien, ce n'est pas un tour de passe-passe comme ce branleur de Sebastian l'a décrit, même si ça semble magique parfois. Tu prends de minuscules indices et de simples soupçons, tu les mets ensemble et tu en déduis une chose que personne n'aurait pu rêver obtenir et tu as presque toujours raison. Mais il y aura toujours les fois où Harry est une sœur. C'est ce qui rend tout ça si impressionnant, en un sens, parce qu'autrement, ce serait vraiment surnaturel.

La bouilloire se mit à siffler et il tendit la main pour l'éteindre. Il fronça les sourcils en se retournant vers Sherlock.

- J'ai réfléchi à ça et à ta théorie et je comprends ton raisonnement : pourquoi amener Sally ici, à Baker Street, si ce n'était pour contourner ton alibi ? Et pourquoi contourner ton alibi pour ensuite ne pas prendre avantage de ce fait ? Tes déductions étaient parfaitement logiques.

Il eut un haussement d'épaules.

- Sauf que Tim… ne l'était pas, lui.

- Je jouais contre Moriarty.

- Oui, je sais, acquiesça John. D'une certaine façon, tu t'es montré trop intelligent, tu as présumé que ton adversaire l'était tout autant.

Il y songea un instant.

- Mais ta plus grande erreur a été de t'y rendre seul. Tu aurais dû me le dire.

Sherlock soupira lourdement.

- J'avais pleinement l'intention d'enquêter sur la scène de crime sans en faire un compte-rendu. Te prendre avec moi t'aurait placé dans une position intenable.

- Tu me laisses m'inquiéter de ma position, lui dit John avec fermeté. Je crois que tu sais parfaitement bien où je place ma position.

- Pour l'instant.

Les yeux de John se plissèrent et il vit que Sherlock crispait la mâchoire et baissait la tête comme s'il était agacé que ses mots se soient échappés.

- J'ai seulement entendu la fin, un peu plus tôt, dit-il lentement. Quelles autres saletés a sorti Tim ?

Sherlock haussa les épaules.

- Juste d'autres du même genre, dit-il. Que je n'étais qu'un enfoiré froid et sans émotion. Que je me fichais de tout le monde et que tout le monde se fichait de moi.

Il afficha un demi-sourire mais c'était un effort plutôt pathétique.

- Le truc habituel.

Il remua inconfortablement sous le regard scrutateur de John et s'appuya contre le bord de la table.

- Tu sais bien que ce sont des conneries, pas vrai ?

Nouveau haussement d'épaules.

- Mrs Hudson est positivement folle de toi.

- Je l'ai débarrassée d'un mari abusif, fit remarquer Sherlock. Je suis sûr que c'est de la gratitude.

- Très bien, fit John.

Sherlock n'avait pas une énorme confiance en sa conscience émotionnelle et le peu qu'il possédait en avait pris un coup. John envisagea brièvement d'amener la famille sur le tapis mais Mycroft était rarement un sujet apaisant.

- Et moi, alors ? demanda-t-il à la place. Parce que je me rappelle t'avoir fait une déclaration plutôt spectaculaire il y a moins de vingt-quatre heures. Tu l'as déjà effacé ?

Sherlock se moqua mais parut encore plus fasciné par ses chaussures. Il semblait si seul, John n'avait qu'une envie : lui mettre la main sur l'épaule ou lui ébouriffer les cheveux mais il ne pouvait se permettre d'oublier l'aversion de Sherlock pour les attouchements. Il croisa les bras sur sa poitrine et ne bougea pas.

- Il a suggéré que tu étais juste ébloui par moi.

Sherlock renifla au mot employé.

- L'implication étant qu'une fois la nouveauté passée, tu… eh bien…

- … je ficherais le camp ? suggéra John en essayant de cacher son sourire.

- Quelque chose comme ça, confirma Sherlock en tournant son attention vers la fenêtre.

- Est-ce que je t'apparais comme quelqu'un qui a un caractère changeant ? Qui ne sait pas ce qu'il veut ?

- Je ne veux pas être normal, murmura Sherlock, en prenant apparemment la tangente.

- Eh bien, je ne pense pas que ce soit un danger imminent, déclara John avec prudence, en ce demandant où tout ça menait.

Sherlock lui jeta un regard frustré.

- Tu as dit que la réaction de Sally était parfaitement normale, fit-il remarquer. C'est sûr, ce n'est pas moi, n'est-ce pas ? La description de Tim est bien plus proche. Pas d'émotion. Pas de cœur. Froid. Un sociopathe, mais un sociopathe de haut niveau. Ça, c'est le moi que j'ai construit toutes ces années. C'est ce que je suis.

John était stupéfait par la colère contenue dans sa voix.

- Je n'ai jamais cru ça, démentit John à mi-voix.

- Pourquoi le croirais-tu ? reconnut Sherlock en se passant une main lasse sur le visage. Le mieux qu'on puisse en dire c'est : ce que j'étais.

Il laissa tomber sa main et reporta son attention sur John.

- Maintenant, j'achète des gants, dit-il sur un ton désespéré. Je prends l'ascenseur au lieu des escaliers quand ta jambe est douloureuse. Je regarde d'épouvantables programmes télévisés qui encombrent mon cerveau et je joue du Bach alors je veux jouer du Tchaïkovski. Je mange quand je n'ai pas faim et je dors quand je ne suis pas fatigué et le pire de tout – le truc absolument terrifiant – c'est que je ne veux pas revenir en arrière.

John le dévisagea. Il avait l'air misérable.

- Tu n'as pas à revenir en arrière, le rassura John. Je suis ton ami.

Il se redressa et avança d'un pas.

- Je suis ton meilleur ami et je vois ce que tu es réellement. Je ne suis pas ébloui ou trompé et je n'attends pas non plus que tu sois ce que tu n'es pas. Alors, je t'en prie, dis-moi si j'ai tout faux parce que la dernière chose que je veux est te mettre mal à l'aise. Mais tu as mentionné la réaction de Sally et tu m'as suivi dans la cuisine. Bon sang, tu as l'air d'en avoir sacrément besoin, alors, à moins que tu ne me dises de m'arrêter, je vais t'enlacer maintenant.

Sherlock en resta bouche bée parce que la seule chose qu'il avait trouvé impossible à demander venait soudainement de lui être offerte. L'approche de John était lente, il lui donnait du temps et tout ce que ce Sherlock avait à faire était… de ne rien dire. Il resta silencieux. Il sentit des bras autour de ses épaules et ils ne le serraient pas. Une main se posa sur l'arrière de sa tête mais elle n'essaya pas de diriger ses mouvements. Un corps se pressa contre le sien mais il ne se tortillait pas ni ne se frottait contre lui, il était tout simplement là, chaud et solide. Sherlock éleva ses propres bras, les enveloppa autour de son ami et il se sentit réconforté au plus profond de lui-même.

- Est-ce que tout va bien ? demanda John et le grondement de sa voix se répercuta à travers leurs deux poitrines.

- Je suis toujours là, confirma Sherlock avant de fermer les yeux.

oOo

- La lame verte ? se moqua Sherlock, en lisant par-dessus l'épaule de John, une semaine plus tard. On dirait le nom d'un héros de bande dessinée !

- Eh bien, j'ai pensé à vert pour la jalousie, expliqua John en continuant son laborieux travail de frappe. Tout tournait autour de la jalousie et tout ça. Et il a employé une lame. Et cet acier molybane contient une nuance de vert, je crois.

- Molybdène, corrigea Sherlock avec dédain avant d'aller s'asseoir à son bureau.

- Si tu veux écrire sur les affaires, ne t'en prive pas, l'invita John. Tu verras bien si les gens auront envie de le lire s'ils ont besoin d'un dictionnaire tous les trois mots. Mais ça, c'est mon blog.

Il regarda son écran avec un peu plus d'attention puis s'appuya à nouveau contre sa chaise.

- De plus, il y a comme un lien avec les autres cas : Une étude en rose, La bernacle bleue, c'est comme un thème.

- Je suppose que je devrais être à la recherche de La fourche pourpre.

Sherlock ouvrit bruyamment son journal et se mit à la recherche de quelque chose d'intéressant. John leva les yeux vers lui.

- D'accord, alors tu l'appellerais comment, toi ? exigea-t-il de savoir. Le tueur du crépuscule ? On dirait le nom d'un pancake géant !

Une expression distraite passa sur le visage de Sherlock, ce que John voyait rarement mais qui était toujours bienvenue. Il sauvegarda son travail et ferma son ordinateur portable.

- Cet endroit, à Soho ? demanda-t-il.

Sherlock parut stupéfait mais ensuite il sourit d'un air piteux.

- Celui qui est près du Breakfast Club ? vérifia-t-il.

John sauta sur ses pieds.

- Exactement. Une affaire de crêpes [1]. C'est toi qui régales.

- On ferait bien de s'arrêter à un distributeur de billets alors, ça m'a coûté une fortune de te nourrir cette semaine. J'ignorais que tirer sur les gens donnait un tel appétit.

John ouvrit la bouche pour faire remarquer que Sherlock mangeait la moitié de ses repas mais il en fut empêché par le coup frappé au cadre de la porte.

- Bonjour, les salua Lestrade.

Hopkins hésitait, juste derrière lui.

- Sois gentil, rappelle-toi, murmura John à mi-voix. C'est toi qui as plongé Hopkins dans les ennuis.

Sherlock se rassit dans sa chaise et claqua ses mains au-dessus de son estomac en fixant Lestrade d'un air interrogateur alors qu'il pénétrait dans la pièce.

- Une nouvelle affaire ? Quelque chose d'intéressant ?

- Non, non, juste une petite visite en passant, fit Lestrade. Une sorte de visite sociale, on pourrait dire.

Il produisit ensuite un vigoureux gloussement qui était si manifestement faux que même Hopkins sembla embarrassé pour lui. Il soupira.

- D'accord. J'ai pensé que j'avais peut-être été un peu dur la semaine dernière et je voulais m'assurer que vous n'étiez pas…

Ses yeux se perdirent traîtreusement jusqu'au crâne.

- … en train de me shooter pour oublier ma peine ? suggéra Sherlock, sardonique. Ne vous inquiétez pas. John me maintient dans le droit chemin. Bon, ajouta-t-il avec un sourire mauvais, quand je dis droit[2]

- Pourquoi tu n'irais pas brancher la bouilloire ? suggéra John d'une voix forte en se plaçant derrière Sherlock. Fais l'effort d'être un hôte décent pour une fois. Je m'occupe de ta chaise.

Sherlock se mit sur pied juste au moment où John retirait le siège d'un coup sec.

- Merci, chéri, dit-il, d'un ton flirteur en lançant un clin d'œil dans la direction de Lestrade avant de se diriger dans la cuisine à grands pas.

- Heu… je vais voir s'il a besoin d'un coup de main, se proposa Hopkins en disparaissant après lui.

- Fermez la porte, fit Sherlock sur un ton qui pouvait passer pour du commandement. Votre patron veut parler à John.

Les portes se fermèrent. John secoua la tête.

- Ne me posez pas de questions parce que, bon dieu, je n'en ai pas la moindre idée, dit-il à Lestrade. Il a été comme ça toute la semaine. La plupart du temps, il est plutôt normal et ensuite il a un de ces… épisodes.

Il se passa une main sur le visage.

- Et il continue à me présenter comme son partenaire. Je ne sais pas ce qui lui prend.

- Pas vous, donc ? demanda Lestrade qui leva aussitôt une main. Désolé. Désolé, oubliez ça, fit-il. C'était déplacé.

Il regarda autour de lui et ses yeux se posèrent sur le canapé.

- Je peux ?

- Quoi ? Oui, bien sûr.

John agita son bras, il était toujours un peu ébahi par la remarque suggestive. Il s'installa à l'autre bout. Lestrade hésita.

- Donc, Sherlock et vous, vous n'êtes pas vraiment…

Il laissa traîner la fin de sa phrase.

- C'est juste que… je n'ai jamais pensé que vous l'étiez mais ensuite il a semblé que peut-être c'était le cas – et c'était bien, peu importait ce qui vous rendait tous les deux heureux – mais ensuite vous m'avez sorti cette excuse comme quoi vous aviez rendez-vous et…

- Je ne suis pas le meilleur menteur au monde, manifestement, dit John. Je n'ai pas vraiment l'occasion de m'exercer avec Sherlock puisqu'il est totalement impossible de lui cacher quoi que ce soit.

- Eh bien, il y a de ça, reconnut Lestrade. Mais c'est plus la manière dont vous avez sorti ça étourdiment, comme si avoir rendez-vous avec une femme était, pour vous, une chose parfaitement normale.

John siffla.

- Vous savez, vous n'êtes pas mauvais, vous le savez, n'est-ce pas ? C'est moins évident quand vous vous tenez près de Sherlock mais vous ne manquez pas de ruse.

Lestrade haussa les épaules, il semblait à la fois déterminé et gêné.

- Donc, vous n'êtes pas en train de le balader ?

John le fixa longuement.

- On a vraiment cette conversation ? Celle du si vous lui brisez le cœur et c'est moi qui vous briserai ? s'enquit-il, incrédule. Sérieusement ?

- Oh, bon sang.

Lestrade se renfonça dans son siège et examina le plafond.

- Ce ne sont pas mes affaires, je le comprends bien.

Il soupira.

- Mais vous ne savez pas comment il était à l'époque, John. Et, franchement, je n'arrive pas à imaginer ce que vous vous auriez fait ensemble – je ne sais pas si vous, vous auriez persévéré face à ce junkie chic et si lui aurait reconnu ce qu'il voit en vous maintenant.

Il ferma les yeux un instant.

- Pour être honnête, je n'aime pas penser à cette période, admit-il. Et c'est ridicule de décrire comme innocent quelqu'un qui a fait moitié des choses qu'il a faites et pourtant, il l'est.

Il pivota pour regarder droit vers John.

- Je ne lui ai jamais connu aucune vraie relation, de quelque nature que ce soit avant, qu'elle en soit l'implication, mais il vous a clairement laissé entrer et je suis inquiet de ce qui se passerait si vous le quittiez.

- Je ne vais pas le quitter, affirma John.

Ce n'était pas une conversation qu'il avait prévu d'avoir un jour et certainement pas avec Lestrade mais il n'était pas aveugle et il pouvait voir une inquiétude sincère derrière tout ça.

- Oh, j'aurai des rendez-vous, ajouta-t-il. Et Sherlock les connaîtra dans les moindres détails, c'est évident – comme si quelqu'un avait un jour été capable de le tromper !

- C'est pas faux, reconnut Lestrade en se redressant.

- Je pourrais même me marier un jour, si je trouve une femme qui peut le supporter.

John arqua un sourcil devant l'improbabilité d'un tel scénario mais ensuite son visage devint sérieux et il baissa les yeux.

- Lorsque je suis revenu à Londres, dit-il lentement, je n'étais que l'ombre d'un homme triste et infirme.

Sa voix se fit plus basse.

- Et Sherlock m'a sauvé. Et il continue à me sauver chaque foutu jour depuis.

Il releva la tête et croisa le regard de Lestrade.

- Alors, on n'est peut-être pas ensemble au sens traditionnel du terme mais on est plus ensemble que n'importe qui d'autre de ma connaissance et je n'ai pas plus envie de le quitter que de me tirer brusquement dans l'autre épaule, juste pour mettre les choses dans un ordre d'égalité. Ça répond à votre question ?

Lestrade exhala lentement.

- Oui. Et je suis franchement désolé de me montrer intrusif.

Il secoua la tête en écartant largement les mains.

- Je ne sais même pas pourquoi je m'inquiète pour quelqu'un d'aussi imbuvable.

John rit.

- Je vois ce que vous voulez dire.

- Vous avez terminé ?

Sherlock entrouvrit légèrement la porte coulissante et passa la tête dans l'entrebâillement. Il fut immédiatement frappé par deux sourires chaleureux et affectueux et recula, paniqué. La porte claqua à nouveau et les deux hommes assis sur le canapé explosèrent de rire.

John reprit son souffle le premier.

- En fait, je ne m'inquiète plus depuis longtemps du terme que les gens emploient pour désigner notre relation, parce que rien ne la qualifie vraiment, dit-il. C'est un mystère qui perdurera.

Il se leva.

- Je peux encore poser une question ?

Lestrade vérifiait ses progrès. John stoppa son mouvement et le dévisagea avec prudence.

- Allez-y.

- C'était quoi ce truc avec la nuque ? s'enquit Lestrade. Vous savez, quand vous avez attrapé sa nuque cette fois-là et qu'il s'est tu immédiatement. C'était quoi, ça ? Vous croyez que ça marcherait avec n'importe qui ? Et par n'importe qui, je veux dire moi, évidemment.

John gloussa.

- Un vrai coup de bol, déclara John. Il était assis dans son fauteuil et radotait après quelque chose. Je me suis levé de mon bureau puis j'ai trébuché sur une de ses merdes qu'il avait laissé traîner par terre. J'ai mis ma main devant moi pour m'empêcher de tomber et j'ai accidentellement attrapé l'arrière de son cou. Il n'a recommencé à parler que lorsque je l'ai libéré et j'ai compris ce qui ce qui s'était passé. Mais ça le contrarie énormément alors il ne faut l'emploier qu'en cas d'urgence et je ne compterais pas trop dessus parce que ça ne pourrait fonctionner qu'avec moi. Je ne sais pas.

- Probablement juste avec vous, grommela Lestrade. Quand je pense à toutes les fois où j'ai ramené ce pauvre con chez lui quand il s'évanouissait n'importe où… Bon dieu, y a pas de justice.

John se leva cette fois.

- Allons voir ce qu'ils mijotent.

Il marcha jusqu'à la cuisine et ouvrit les portes, il découvrit Hopkins penché sur le microscope alors que Sherlock était en train de remplacer une lamelle de verre par une autre et lui parlait de la différence entre les moisissures.

- Tu as fait une tasse de thé pour l'officier Hopkins ? demanda John.

Sherlock eut l'air insulté.

- J'ai dit que je serai gentil, fit-il remarquer. Je n'ai pas dit que je serai toi.

- On doit y aller de toute façon, fit Lestrade. Voir si on peut dégoter des cas intéressants.

Il donna un claque sur l'épaule de John en ouvrant la bouche mais ne sembla pas savoir que dire.

- Merci, fit John.

Lestrade acquiesça.

- Oh, avant que j'oublie. Deux ou trois trucs de résolu.

Il sortit son bloc-notes de sa poche intérieure.

- On a trouvé une perruque dans l'appartement de Tim.

Il jeta un rapide coup d'œil à Sherlock.

- Une autre perruque, ajouta-t-il plein de sous-entendus. Celle-ci correspondait drôlement à vos cheveux. Et on a aussi interrogé son ex.

Il vérifia ses notes.

- Adrian. Qui nous a dit qu'il cherchait une excuse pour quitter Tim depuis des années mais qu'il n'avait jamais osé. Quand vous avez porté la liaison au grand jour, ça lui a donné l'élan dont il avait besoin.

- J'ai vu Adrian l'autre jour, déclara John. Son nouveau petit ami est si mince qu'un coup de vent pourrait de renverser. Il est physiquement très différent de Tim et mesure presque trente centimètres de moins. Et tu te tais, avertit-il promptement Sherlock puis attendit le ricanement qui me manquerait pas de se produire. Quoi qu'il en soit, il semblait très choqué, manifestement, mais pas entièrement surpris. Il a dit que Tim avait toujours été colérique mais qu'il arrivait à la contenir. C'est sûr qu'un boulot où il devait être aimable toute la journée était le pire pour lui.

- Donc, ce que tu es en train de dire, suggéra Sherlock avec une trace de joie dans la voix, c'est que c'était franchement…

John se joignit à lui et ils terminèrent à l'unisson :

- … un épouvantable coiffeur !

Tous les deux parurent trouver ça hilarant tandis que Lestrade et Hopkins se regardaient, abasourdis.

- Désolé, désolé, marmonna John après une minute. C'est une plaisanterie récurrente, ne faites pas attention.

- Allez, Hopkins, répéta Lestrade. Je crois que nous sommes de trop.

Le jeune homme s'éloigna en renouvelant ses remerciements pour la leçon impromptue sur les moisissures et ils sortirent.

On put encore entendre de vagues exclamations : c'était génial ! tandis qu'ils descendaient l'escalier.

John se retourna et découvrit que Sherlock l'examinait, scrutateur.

- Tu savais ce que Lestrade allait dire ? le défia-t-il.

- Je sais presque toujours ce que les gens vont dire, rétorqua Sherlock en penchant la tête sur le côté. Il n'a pas réussi à te faire partir alors ?

- Je suis toujours là, non ?

Un sourire joua sur les coins de la bouche de Sherlock mais il le garda sous contrôle.

- Petit-déj ? offrit-il.

- Ça sera plus un brunch maintenant, mais oui. Absolument.

John attrapa son manteau et grogna quand il entendit à nouveau des pas dans l'escalier.

- Quoi encore ? Il veut que je le mette par écrit ?

- Non, à moins qu'il n'ait changé ses chaussures pour des hauts talons, fit observer Sherlock en regardant la porte pour voir Sally apparaître.

- Salut, fit-elle un peu gênée, en tenant ses mains derrière son dos.

Il y eut un silence quelque peu inconfortable puis John agita sa main en direction des chaises.

- Entrez, invita-t-il. Comment allez-vous ? Vous voulez une tasse de thé ? Ou de café ?

Elle secoua la tête.

- Non, je ne reste pas, dit-elle. Je suis juste passé vous dire au revoir. Et vous donnez ceci.

Elle sortit un sachet cadeau bleu de derrière son dos, fit quelques pas en avant et le tendit à John. Il en fut surpris mais content. Il regarda à l'intérieur et vit un paquet en forme de livre joliment emballé.

- Vous n'auriez pas dû.

Les lèvres de Sally s'incurvèrent.

- Vous avez probablement raison, reconnut-elle. Mais ça semblait approprié.

- Vous partez ? demanda Sherlock.

Elle pivota vers lui et cligna des paupières plusieurs fois.

- Désolée, dit-elle. C'est comme si je vous voyais en double. Il y a tous ces réponses automatiques et puis il y a ce nouveau truc par-dessus.

Elle secoua la tête.

- C'est perturbant.

- Bon, je ne tiendrai pas compte des commentaires sarcastiques, alors, d'accord ?

- D'accord, parce que vous ne l'avez jamais fait.

Sherlock haussa un sourcil mais parut amusé.

- Vous allez quelque part ? s'enquit John en répétant la question de Sherlock et Sally reporta son attention sur lui.

- Congé exceptionnel, précisa-t-elle. Juste pour quelques semaines. J'ai aussi envie de faire un break après… eh bien, tout ce qui s'est passé et quelque chose s'est présenté, alors…

Elle haussa les épaules.

- Oh, bien, acquiesça John. Quelque chose de sympa, j'espère ? s'enquit-il poliment.

- L'Amérique, en fait.

Sally parut hésiter à s'expliquer mais tous deux la dévisageaient avec intérêt alors elle poursuivit :

- Mon petit frère – bon, il n'est plus si petit maintenant, mais vous voyez ce que je veux dire.

- Celui qui aime la BD ? se rappela John.

Elle hocha la tête.

- Ouais, il est brillant, en fait. Pas d'une manière agaçante…

Elle lança un coup d'œil à Sherlock qui roula des yeux.

- … mais brillant quand même. Bref, il a été invité à ce truc de conférence aux États-Unis il y a un moment, mais on ne pouvait pas se permettre de l'y envoyer. Je veux dire, on a essayé, on a demandé des subventions partout où on pouvait mais c'était juste trop cher. Et puis une de ses demandes de bourses a été approuvée alors ça y est. Ça couvre également les frais d'un partenaire comme il n'en a pas, je vais avec lui. On part ce week-end.

- C'est génial, fit John. J'espère que vous vous amuserez.

Sally lui adressa un grand sourire, elle parut brusquement plus jeune et plus insouciante que jamais.

- J'ai hâte, en fait, dit-elle. J'ai été tellement à fond dans ma carrière ces dernières années que j'ai à peine pris le temps d'une pause et Lestrade a promis de me garder mon poste, donc…

Elle ouvrit les bras en grand.

- Au revoir, pluvieuse Angleterre et bonjour, sans doute tout aussi pluvieuse, Amérique !

- Envoyez-moi un e-mail si vous croisez des affaires intéressantes, proposa Sherlock.

- Pas d'affaires ! insista Sally. Et n'allez pas le faire tuer, dit-elle avec un signe de tête vers John puis elle se tourna vers lui. Idem pour vous, ajouta-t-elle avec un mouvement de main vers Sherlock.

- On fera de notre mieux, lui promit John alors qu'elle se tournait pour partir.

- Vous allez avoir des ennuis pour ça ? demanda Sherlock et elle s'arrêta sur le seuil de porte.

- Je doute que qui que ce soit l'ait remarqué, déclara-t-elle. Ce ne sera jamais une affaire qui finira au tribunal, ce n'est donc qu'une boîte vide dans une pièce remplie de boîtes pleines.

Elle releva le col de son manteau et renoua sa ceinture plus fermement.

- Rien ne me connecte à ça, de toute façon. Alors ne faites rien de stupide.

Elle grimaça.

- De plus stupide que d'habitude, je veux dire.

- Merci, lui dit Sherlock et elle hocha la tête.

John en resta bouche bée alors que les pas s'éloignaient.

- Elle n'a pas fait ça !

Sherlock se contenta de lui sourire.

- Tu ne vas pas l'ouvrir ?

Moins d'une minute plus tard, John était assis dans son fauteuil, il regardait le flingue qui reposait dans sa boîte ouverte.

- Je n'arrive pas à y croire.

- Il semblerait que la perspective de vacances l'ait mise de bonne humeur, fit Sherlock en prenant le siège opposé. Ou du moins, dans une humeur moins officieuse.

John détourna les yeux du flingue et fixa Sherlock plus attentivement. Sherlock lui rendit son regard, le visage impassible. John l'étudia alors plus longuement.

- Tu as fait quelque chose.

Son visage ne tressaillit pas.

- Qu'est-ce que tu as fait ?

Il n'y eut toujours aucune réaction.

- Tu as demandé à Mycroft de…

- Non, bon sang, je n'ai rien demandé du tout à Mycroft ! explosa Sherlock. J'ai aussi quelques contacts à moi, tu sais. Rien de tout ça n'est le fait de Mycroft !

John lui adressa un sourire suffisant.

- Je t'ai eu.

Sherlock le regarda avec incrédulité puis il s'effondra dans sa chaise.

- Je suis découvert, se plaignit-il sur un ton irrité. C'est toi qui m'as mis à nu.

- Tu pourrais aussi bien tout me dire maintenant, fit John. À l'évidence, tu as arrangé quelque chose avec sa bourse. Mais comment tu étais au courant d'abord ?

- Il y avait des demandes de subventions derrière l'horloge du salon, admit Sherlock à contrecœur. Je les ai vues quand elle a disparu.

- Tu as vraiment une mémoire eidétique ? lui demanda John. Tu as à peine jeté un coup d'œil à ces documents.

Sherlock haussa les épaules.

- C'est sans importance. Je me rappelle les choses jusqu'à ce que je les efface.

Il se redressa, une expression inquiète sur le visage.

- Ne le dis à personne, lui ordonna-t-il. Ça ruinerait ma réputation.

John lui adressa un sourire narquois.

- Tu l'apprécies en fait.

- Bien sûr que non.

- Oh, que oui.

- Tu es ridicule. Je ne vais pas entrer dans une argumentation aussi puérile.

Sherlock tendit la main par-dessus la table et attrapa le journal.

- Pourtant, c'est bien le cas.

- Pour l'amour du ciel ! J'ai demandé un renvoi d'ascenseur, c'est tout. Juste un simple coup de fil.

Il ouvrit le journal d'un geste sec et le tint devant lui.

- Pourquoi t'en donner la peine, alors ? Un coup de fil, c'est plus d'effort que tu n'en fais pour la plupart des gens et tu ne pouvais pas savoir non plus qu'elle allait venir ici, pas plus que ça signifierait le retour de mon arme.

John fit une pause puis ajouta, sournois.

- Tu l'as fait uniquement par gentillesse.

- Je vais vomir.

John resta silencieux pendant un moment.

- Tu as l'impression que tu lui dois quelque chose ? demanda-t-il. À cause de ce qui s'est passé ? Parce que tu as fait une erreur ?

Sherlock abaissa le journal.

- Tu es la personne la plus tenace que je connaisse.

- Merci.

- Ce n'était pas un…

Il s'interrompit et soupira.

- Très bien. L'idée m'a traversé l'esprit quand on était au sous-sol, tu es content maintenant ?

Il commença à relever le journal une nouvelle fois mais ses lèvres se contractèrent.

- Mais ce n'est pas le moment où j'ai décidé définitivement de le faire.

- C'était quand alors ?

Sherlock haussa un sourcil dans sa direction et John rit quand il comprit.

- Quand elle a allongé Anderson ! réalisa-t-il. Génial.

Il sourit.

- Tu es génial.

Sherlock parut quelque peu apaisé.

- On va déjeuner ? suggéra-t-il, en posant son journal.

John jeta un œil à sa montre.

- Merde alors, pas étonnant que je meure de faim. Allons-y avant que quelqu'un d'autre ne se pointe.

Ils enfilèrent manteaux et écharpes et sortirent. Là, ils ignorèrent la flopée de taxis puisque ce n'était qu'à vingt minutes de marche.

- Tu crois qu'on devrait dire à Mrs Hudson que Lestrade a une clé ? demanda John en marchant d'un pas vif.

- Eh bien, si le dictionnaire urbain est exact dans sa définition du renard argenté [3] alors je ne pense pas que ça l'aurait trop ennuyée, rétorqua Sherlock.

- C'est comme ça qu'elle l'appelle ? se moqua John. Oh, je dois amener ça dans une conversation.

Il gloussa pendant une minute tandis qu'ils marchaient puis fronça les sourcils.

- Attends… l'aurait ennuyée ?

Sherlock ricana puis sortit une clé de la poche de son manteau. John roula des yeux.

- Vous deux, vous aller pratiquer ces aller-retour pendant des mois, non ?

- J'ai de la peine à le croire, répliqua Sherlock. Ça, c'est une copie de ta clé.

John ouvrit de grands yeux

- Hein ? Il l'a piquée dans ma poche ? Quel enfoiré !

Il ragea pendant un moment.

- Et dire que je lui ai ouvert mon cœur pour apaiser son esprit. J'aurais dû lui dire que je me servais de toi uniquement pour le sexe.

- Sens-toi libre de le faire, l'invita Sherlock. De le lui dire, je veux dire, ajouta-t-il promptement. C'est évident.

Il se tut.

Ils continuèrent à marcher pendant un moment puis Sherlock reprit la parole.

- Alors, qu'est-ce que tu lui as dit ?

- Tu veux dire que tu n'as pas écouté ?

John adopta une expression stupéfaite. Sherlock renifla.

- Hopkins s'est montré beaucoup plus intéressé par les moisissures que je ne l'avais envisagé, admit-il. Il n'arrêtait de poser des questions.

- On dirait bien que quelqu'un a un protégé.

Sherlock ignora cette remarque mais attendit la réponse à sa question. Il y avait une pointe de tension visible sur son visage si on savait où chercher. John savait où regarder.

- Je lui ai dit que je ne te quitterais pas.

Il vit un début de sourire mais Sherlock le réprima.

- Et il y a un délai rattaché à cet énoncé ?

- Non, il n'y en a pas.

Sherlock fronça les sourcils.

- C'est un peu vague, non ?

- C'est une façon de voir.

- Ah.

Les efforts pour contrôler son expression commençait se voir : Sherlock donnait l'impression d'être victime d'un tic nerveux. John arrêta de marcher.

- Tout va bien ? demanda-t-il.

Sherlock fit également une halte puis se tourna et recula afin qu'ils soient face à face.

- Est-ce que tout va bien ? répéta-t-il. Franchement, je n'en suis pas complètement sûr.

Il se renfrogna pendant un de ses rares moments d'introspection.

- J'ai l'impression de planer un peu.

John pencha sa tête sur le côté.

- Et ça te convient ? s'enquit-il. Je suppose que je prends vraiment tout ça pour acquis. Est-ce que tu es d'accord de t'investir avec une autre personne ? D'avoir un ami si proche ?

Il avança d'un pas et posa sa main sur la poitrine de Sherlock.

- Assez proche pour te toucher, dit-il avec emphase. Ce n'est pas exactement normal pour toi.

Sherlock lui sourit.

- Ce qui est normal est ennuyeux.

NdT :

[1] CrepeAffaire en vo

[2] jeu de mot intraduisible avec le mot straight qui signifie droit mais aussi hétéro…

[3] Un renard argenté est un homme qui, en dépit de ses cheveux gris, reste très séduisant. Sa crinière argentée est même un charme supplémentaire.

FIN

Voilà, c'est fini pour cette histoire. Merci d'avoir lu jusque-là. Ça vous a plu ? Déplu ? Vous avez d'éventuelles questions ? Je suis là pour accueillir vos commentaires.

Bises

Falyla