Chapitre 1 : Prisonnière:
Cela faisait plusieurs jours qu'elle croupissait dans la geôle, l'air malodorant lui vrillait à présent l'estomac. Les maigres repas qu'on lui apportait ne la rassasiaient pas et ses vêtements étaient en partie déchirés ne la protégeaient pas des courants d'air froid qui caressaient presque continuellement son corps. Les murs en pierres étaient recouverts par la crasse, le sol en terre battue regorgeait d'immondices variés qu'elle ne voulait pas étudier, d'où elle était, elle pouvait presque voir les toiles d'araignées qui décoraient les quatre coins de la pièce.
Parfois pour se donner du courage elle entonnait les chants de son enfance, sifflant comme le merle ou piaillant comme le moineau. Parfois elle rêvait que, par-delà le soupirail qui ornait le mur, la vie grouillait, que les enfants jouaient dans les rues, que les marchands vendaient leurs armes, leurs tissus, leurs potions. Elle aurait tant donné pour retrouver les vertes forêts de son enfance, de pouvoir serrer son frère une nouvelle fois dans ses bras, de tisser avec sa mère et d'apprendre les plantes et potions avec Nana, la guérisseuse de son village. Elle soupira, fatiguée de tout ça.
La raison de son enfermement restait encore inconnue. Elle n'avait rien fait de répréhensible. Peut-être était-ce la cicatrice qui courait sur sa joue gauche, peut-être étaient-ce les tatouages bleus qui ornaient son visage qui l'avaient conduite jusqu'ici. Elle n'avait pas eu d'autre choix que de quitter son village pour venir se réfugier ici, du côte de l'empire, du côté de ceux qui massacraient les siens sans pitié. Elle avait été bannie de chez elle et la longue cicatrice faisait d'elle un paria, une femme à abattre.
On l'avait attrapeé quelques jours auparavant, alors qu'elle gagnait tout juste le mur d'Hadrien, le rempart qui séparait les confins de l'empire romain, des terres encore libres de son peuple. Elle avait marché de longs jours avant d'arriver devant cette merveille d'architecture, et même si elle détestait les romains, elle ne pouvait s'empêcher d'admirer leur ingéniosité et l'intelligence dont ils faisaient preuve pour bâtir de tels monuments.
Chez elle, les bâtiments les plus "prestigieux" n'étaient que des huttes de branches où l'eau ne parvenait pas à s'infiltrer, c'était le grand luxe! La plus part du temps, lorsque la pluie s'abattait sur eux, elle n'avait d'autre choix que de se cacher dans le tronc d'un vieux chêne, elle y avait aménagé un coin bien à elle, un abri dont personne n'avait la connaissance.
Lors de son arrivée au pied du mur, un garde lui avait demandé de bien vouloir abaisser le capuchon qui lui couvrait le visage, et elle avait obéit non sans soupirer. C'était le début d'une très longue série d'ennuis, mais ça, elle ne pouvait le deviner...
Un soldat entra dans la cellule, la sortant de ses pensées, un air de profond dégoût sur le visage. Il balaya l'endroit du regard, la cherchant dans le noir sans toute fois y arriver. Finalement, il ouvrit un peu plus la porte, et la repérant enfin, il s'avança vers elle, des fers entre les mains.
_Allez ma jolie, on se lève, dit-il en lui accrochant les lourds anneaux autour des poignets.
_Où m'emmenez-vous?
_Tu vas être présentée au commandant de la garnison, Artorius Castus.
Ainsi, elle allait enfin rencontrer celui qui, depuis tant d'année, s'amusait à les repousser toujours plus au nord. Elle se souvenait de tous ceux qui avaient perdu la vie en le combattant, espérant un jour pouvoir mettre fin à sa vie. Mais d'après les anciens, cet homme ne pouvait être vaincu, toutes les batailles auxquelles il avait participé, il les avaient remportées, écrasant un peu plus les guerriers pictes.
Les enfants de son village craignaient avec effrois de le voir arriver la nuit, et souvent les cauchemars venaient les hanter. On venait alors la consulter pour acheter quelques potions apaisantes. C'était avant...Avant qu'elle ne se refuse à un homme, avant qu'elle ne soigne une fillette à moitié morte, avant qu'elle ne devienne une paria.
Elle suivit le romain sans broncher, à quoi cela aurait-il servit? Le gardien lui avait entravé les mains, et le cheval sur lequel elle était perchée était tiré par un soldat. Rapidement ils arrivèrent devant une grande villa entourée par des grilles. Dans la cour qui bordait la maison des chevaliers s'occupaient de lustrer, d'affûter leurs lames ou encore de se défier au lancer de couteaux.
Ils regardèrent le convoi s'arrêter avant de reprendre leurs activités. Un soldat aida la jeune femme à descendre avant de lui libérer les mains. Elle frotta ses poignets abîmés par le fer, puis baissant la tête elle remit sa capuche en place avant d'être traînée dans la maison romaine sous les regards étonnés des Sarmates.
Ils traversèrent un bon nombre de couloirs, croisant quelques esclaves qui s'affairaient à nettoyer les couloirs, certains portaient des plateaux, d'autres des piles de parchemins et autres ustensiles pour écrire, mais aucun ne relevèrent la tête lorsqu'ils passèrent. Ils entrèrent dans une grande salle. Une table ronde trônait au centre de la pièce, deux hommes étaient assis autour d'une carte. Ils relevèrent la tête en voyant la troupe de soldats entrer dans la salle.
_La voilà, annonça le soldat avant de s'écarter pour la laisser passer.
_Merci soldat, vous pouvez nous laisser seuls. Faites venir les chevaliers, ordonna ce qui semblait être le commandant.
En les attendant, elle s'installa dans le premier siège qu'elle trouva. La pièce où elle se trouvait était grande et bien éclairée. Elle en profita pour observer le grand soldat et commandant de la légion Arthur. Il semblait à peine plus grand qu'elle, ses cheveux se mélangeaient en un amas de boucles charbons, un air stricte était gravé sur son visage buriné par les années et par les combats. Il dégageait un tel charisme, qu'elle pouvait presque le sentir sur le bout de sa langue.
Les chevaliers entrèrent les uns à la suite des autres grands, musclés, de vrais montagnes. Elle savait qu'ils avaient prouvés leurs valeurs, ils avaient perdus un grands nombre de compagnons d'armes et pourtant, ils étaient encore là, les grands chevaliers Sarmates. Son père s'était souvent confronté à eux, d'après lui, il était vraiment difficile d'en ressortir vivant. Ils étaient bien entrainés et ne frappaient pas pour blesser. Ils ne lui adressèrent pas un regard, se contentant de prendre place autour de la table ronde, loin d'elle. Un sourire ironique se grava sur ses lèvres fines.
_Mes frères...Rome nous confie une dernière mission, commença-t-il.
Le plus grand, la montagne jeta un regard meurtrier à l'évêque, avant de reporter son attention sur son chef.
_N'avons-nous pas suffisamment fait couler notre sang? Est-il moins important que le sang romain? s'exclama-t-il en frappant la table d'un coup sec.
Elle n'aurait pas été stupéfaite de voir la table se fendre sous le coup porté.
_Bors, calme toi et écoute Arthur, tempéra son compagnon.
_ Au nord, en terre picte se trouve une famille romaine. Elle a besoin de notre aide, elle est encerclée par les troupes saxonnes, nous devons les ramener ici, derrière le mur, reprit Arthur.
_En terre Picte! s'écria le premier chevalier, près à sauter à la gorge de son commandant.
_Notre devoir, si on peut appeler ça un devoir, envers Rome est soldé. Notre pacte envers Rome est soldé ! Je ne veux pas mourir ! s'exclama le plus jeune des chevaliers en se redressant.
_Visiblement nous n'avons pas le choix, soupira son aîné en le forçant à se rasseoir.
_Ouais ouais...Si tu as peur de mourir de la main d'un saxon, reste chez toi, lança un des chevalier présent en mangeant une pomme.
_Tu peux mourir maintenant ! s'écria le plus jeune une main sur la garde de son épée, prêt à la dégainer.
_Chaque soldat ici, à donné sa vie pour toi ! Pour toi ! Et qu'est-ce que tu veux?! Et au lieu de nous offrir la liberté tu veux plus de morts ! Notre Mort ! s'emporta Bors en lançant sa coupe sur le sol.
_Rome n'a pas tenu sa parole, mais nous avons celle d'Arthur, je vais me préparer, soupira Dagonet avant de se retourner vers son camarade. Bors?
_Bien sur que je viens. Tu serais capable de te faire tuer si je ne suis pas là! Je dis juste ce que tout le monde pense ! Vanora va me tuer, soupira-t-il.
_Lancelot? demanda Arthur en se retournant vers son meilleur ami.
_Je suis fou d'accepter une telle mission, souffla le guerrier.
_Tristan?
_Tu as besoin d'un éclaireur.
_Et qui est cette pauvre créature? fit remarquer le dénommé Dagonet.
_C'est une Picte, présenta Arthur.
_Je m'appelle Kaelig! s'exclama-t-elle en se redressant, toujours caché par son capuchon.
La nouvelle secoua une partie des chevaliers. Une picte! C'était la première fois qu'ils pouvaient en voir de près sans avoir à tuer. Elle abaissa son capuchon et ses longs cheveux roux retombèrent en boucles légères, ses yeux verts attendaient un jugement de la part de ces grands guerriers. Fière guerrière dépossédée de ses armes, farouche jeune femme prisonnière du regard intrigué des chevaliers qui massacraient son peuple sans aucune pitié depuis plus de quinze année maintenant.
Totale réécriture, correction et tout ce qui va avec! J'espère que ça vous plaira ;)
Bonne année au passage =)
Bonne Lecture,
Mebd.