Tesori

Auteur: Woshi

Disclaimer: Le monde d'Hetalia ne m'appartient pas, ni celui de la piraterie

Note: Ce chapitre est plutôt long, n'en déplaise à certains X) Moi je passe un mois d'août pourris donc j'espère que tout va bien de votre côté. D'ailleurs, je vous remercie encore et toujours pour vos review, au risque de me répéter trente fois, ça me fait toujours plaisir qu'on commente mon écriture. Bref, je ne vous retiens pas plus longtemps, je vous souhaite à tous une bonne lecture o/.


Antonio Fernandez Carriedo était très connu dans le monde de la piraterie.

Néanmoins, contrairement à son rival et plus cher ennemi, Arthur Kirkland qui avait la réputation de "pirate gentlemen", le nom de l'espagnol se rapportait sous plusieurs aspects. On parlait du capitaine de la Passion Rouge comme d'un habile stratège et professionnel de l'épée hors pair que personne n'avait réussi à défaire à la loyale. On en parlait également comme le plus séducteur et le plus libertin des pirates, paradoxalement, on ne connaissait pas plus attaché aux traditions catholiques que lui. On en parlait aussi comme d'un progressiste qui avait intégré ouvertement une femme sur son équipage mais également des personnes de tous horizons, faisant de lui un coeur tendre et ouvert.

Mais aussi, et surtout le nom de Carriedo faisait trembler les pirates par sa réputation de cruauté et de sadisme.

L'équipage le savait, aussi beaucoup ne purent s'empêcher d'avoir pitié pour le trio qui venait d'être jeté aux pieds du capitaine. Ce dernier avait usé ses dernières réserves de patience toute la semaine de clandestinité de ses prisonniers qui avaient tenté plus d'une fois de s'évader. Fort malheureusement pour eux, la Passion Rouge n'était pas ensorcelée mais des hommes vigilants postés à des endroits stratégiques remplaçaient toute alarme magique. Ainsi, en s'y prenant à trois, à deux ou seul, les pirates les coinçaient toujours pour les ramener à leur point de départ.

Si les premières tentatives avaient amusé Antonio, l'équipage sentait au fur et à mesure que les sourires n'étaient plus aussi moqueurs, mais plutôt remplis de froideur. L'agacement se lisait si bien dans les paroles tranchantes de l'espagnol qu'au bout d'un moment, plus personne n'osait l'informer des dernières tentatives d'évasion par peur de représailles. Malheureusement, l'Hispanique semblait avoir un sixième sens et deviner quand même tout ce qui se passait dans son navire. Un autre élément ajoutant un peu plus de terreur à sa réputation.

Désormais, Ludwig, Lovino et Feliciano comprenaient pourquoi tous les pirates qu'ils avaient croisés à chacune de leurs tentatives semblaient sous tension.

Même Gilbert, qui d'ordinaire les aurait regardé avec un sourire narquois, n'exprimait aujourd'hui qu'une profonde inquiétude mêlée à une sorte d'appréhension. Si Ludwig et Lovino gardaient la tête haute en soutenant les orbes vertes du capitaine de la Passion Rouge, Feliciano se sentait écrasé par le poids de sa colère, n'osant pas lever les yeux. Il pensait qu'ainsi, il serait peut-être oublié, mais l'inverse exacte se produit et sans comprendre pourquoi, on l'attrapa par le col de sa chemise pour lui mettre un sabre sous la gorge.

-"Eh bien, eh bien... " Soupira Antonio avec un dédain qui ne présageait rien de bon. "Je ne voulais pas en arriver à de telles mesures mais voyez-vous, je commence à être pressé par le temps et je ne peux plus me permettre de jouer avec vous."

Sur un signe de son supérieur, l'homme qui menaçaient Feliciano le força à l'allonger sur le plancher pour le bloquer. L'espagnol s'approcha d'un air nonchalant, sortant son épée comme il sortirait une bouteille de rhum et laissa la lame trainer non loin de la tête du jeune italien. Les deux autres prisonniers sentirent leur sang se glacer alors qu'Antonio les fixait sans émotion, son geste ne choquant personne à part ses trois martyres. Comme s'il avait deviné le doute affreux qui leur traversait l'esprit, l'espagnol prit une voix très grave.

"Je n'ai pas envie d'être méchant, surtout pas envers un innocent..." Il lança furtivement un coup d'oeil vers Feliciano qui était mort de peur. "Mais pour arriver à mes fins, je me verrais obligé de prendre des mesures radicales."

Voyant qu'Antonio ne plaisantait pas en menaçant de trancher la gorge de son petit frère, Lovino écarquilla les yeux en direction de Ludwig. Ce dernier, soumis à un cruel dilemme sentait pour la première fois la gravité et les conséquences de son acte. Peut-être était-ce à cause du désespoir, où un vieux reflexe qui lui revenait qu'il croyait avoir disparu, toujours est-il qu'il échangea un regard avec Gilbert, impassible et impuissant face à la situation. Ce dernier, d'un mouvement de tête, lui dit d'avouer, ses yeux de sang exprimant de l'inquiétude, mais certainement pas de la fourberie.

-"Alors... à peine le mariage conclu, dois-je déjà vous donner une raison de reprendre des préparatifs et faire sonner les cloches de l'église?"

"Toi..."

Lovino ne pensait pas à chaque démonstration de la monstruosité du pirate le détester davantage, mais le capitaine Carriedo trouvait toujours une occasion pour augmenter sa haine envers lui. Le kidnapper, lui faire vivre des jours de captivité en mer, ruiner son mariage était une chose. Menacer son frère ouvertement en était une autre. Il sentit son sang bouillir d'une rage meurtrière, une de celles qui lui disaient d'attaquer ce pirate pour l'empêcher de nuire, au risque d'y passer lui aussi, mais au moins protéger la vie son petit frère. Celui qui le tenait du sentir ses tremblements car il le tint plus fortement pour l'empêcher de bouger.

Ce fut lorsqu'Antonio arrêta sa lame au niveau du cou de Feliciano pour y exercer une pression, faisant saigner et gémir ce dernier, que Ludwig intervint, paniqué:

"Ne le touchez pas! Je dirais tout, je vous le promets, mais ne lui faites pas de mal." Hurla-t-il à bout de souffle.

Un silence de mort s'abattit sur le navire, sans cri, ni respiration. On n'entendit pas plus le soufflement saccadé de l'ainé Vargas que les pleurs du cadet, les murmures des pirates étaient tout aussi silencieux que le clapotis des vagues. On crut un instant que le capitaine du vaisseau n'avait pas attendu pour laisser sa lame appliquer le jugement dernier sur le pauvre damné. Mais l'épée était toujours à la même place, figée dans l'espace et dans le temps, alors que le coeur des trois prisonniers avait cessé de battre. Après quelques secondes qui parurent à tout comme une éternité, enfin le pirate eut un sourire et le fer recula, au grand soulagement de tous.

De la même manière qu'il fut soumis au jugement de Carriedo, Feliciano fut remis à sa place auprès de Ludwig et son frère qui se précipitèrent sur lui. Heureusement pour eux, la blessure était superficielle, mais il aurait fallu un simple geste brusque pour qu'elle se transforme en hémorragie fatale. Ils en étaient tous conscients, cette constatation ne renforçant que davantage leurs effrois face à l'inhumanité de l'Hispanique

-"Je suis heureux de voir que vous avez conservé votre raison." Déclara ce dernier d'une voix horriblement mielleuse. "Je vous écoute ~ "

Désormais, Ludwig savait qu'il ne pouvait plus faire machine arrière, le regard insistant de Lovino lui signifiant clairement qu'il n'avait plus le choix. Ou plutôt, qu'il l'avait déjà fait. Il avait préféré sauver la vie de Feliciano plutôt que l'honneur de ses parents. La patience d'Antonio était à bout, tout le monde à bord retenait son souffle, sachant que le moindre faux-pas de la part des prisonniers pouvait déclencher une colère destructrice chez leur capitaine. Soutenant celui-ci de son regard bleuté, l'allemand ouvrit la bouche, les membres tremblant et le coeur battant à au chamane.

-"Père et Mère ont caché les clefs dans leur boîte à bijoux qu'ils gardent toujours prêts d'eux car elle contient d'autres objets précieux à la famille."

-"Et cette boîte, où se trouve elle?"

-"Dans..."

Le soldat germanique n'eut jamais le temps de finir sa phrase car une violente secousse fit trembler tous les passagers de la Passion rouge, coupant net toute discussion.

Un terrible chaos s'installa parmi les pirates qui ne comprenaient pas ce qui se passait alors que le navire bourdonnait dans tous les sens sans aucune raison apparente, en faisant tomber certains à la mer. Antonio, qui fut le premier surpris par ce retournement de situation, repris rapidement conscience et équilibre pour vérifier les environs. Rien. Il n'y avait que l'horizon bleuté qui laissait penser à une tranquillité alors que l'anarchie régnait sur son vaisseau. Gilbert lui-même, pourtant fin stratège connu pour trouver réponse à tout problème, même désespéré, n'arrivait pas à trouver une explication.

On crut d'abord que le bateau était en train de couler et on s'activa rapidement autour des barques, mais bien vite, en voyant que la coque ne s'enfonçait pas dans l'eau, on abandonna l'idée. Après avoir remis un minimum d'ordre parmi ses hommes malgré la précarité de la situation, Antonio et Gilbert les attelèrent à la mobilité du navire. Ce dernier était sans doute attaqué par une créature géante aquatique, raison pour laquelle on ne voyait pas la raison de son tremblement. Du moins, c'était l'explication la plus logique qu'ils pouvaient donner. Il fallait donc vite se déplacer afin d'éviter qu'il ne le retourne à force de le percuter.

Cependant, après avoir parcouru quelques mètres, les secousses continuaient.

Le capitaine hispanique serra les poings en constatant que non seulement l'attaque continuait, mais en plus son amplitude s'en était retrouvée renforcée avec la distance. Plus encore, ce qui le troublait, c'était la non-présence de signe prouvant que c'était bien l'oeuvre d'un requin ou même d'une baleine, Il n'y avait ni vague, ni bulle d'eau, ni même d'ombre sur l'eau trahissant une présence d'une créature sous-marine. Rien si ce n'est une légère bise et un silence ambiant jurant avec l'agression que la Passion Rouge était en train de supporter. Sans doute par colère, il sortit son sabre pour s'apprêter à découper n'importe quoi, même le vent, au risque de passer pour un fou.

-"Capitaine!" Interpella Diego, son canonnier. "Je sais que nous avons constaté que le navire ne coulait pas, mais vu les impacts qu'il y a, ça ne devrait pas tarder si ça continue."

Suivant l'homme à forte corpulence vers le bout du navire, son possesseur constata en effet que plusieurs trous et craquelures parcouraient la coque de part et d'autre, la transformant bientôt en gruyère. Des fractures fraîchement faites puisque certains copeaux de bois flottaient sur l'eau, détachés du reste. Le plus étrange était qu'aucun autre signe d'impact ne semblait se manifester, comme si le bois décidait d'exploser tout seul.

-"Mais d'où est-ce qu'ils viennent?" S'écria Antonio, fou de rage de voir son précieux navire dans cet état.

-"Je ne sais pas! Ils n'y étaient pas encore ce matin!"

À bout de nerfs, l'espagnol le renvoya à son poste, car l'entretient du navire était surtout confié à Jölien et Maarten à qui il promettait une bonne correction pour une telle preuve de négligence. Évidemment, au fond de lui, il savait que ce n'était pas de leur faute, mais il lui fallait un coupable. Son bateau était sur le point de rejoindre l'abîme de l'océan pour une raison qui lui était inconnue; c'était ce qu'il y avait de plus frustrant et de plus rageant pour lui. Pourtant il savait qu'il y avait quelque chose derrière tout cela, qu'il tenait la vérité au creux de ses mains mais il n'arrivait pas à la saisir.

Finalement, enfin la grâce le toucha.

-"J'ai l'impression qu'un ennemi invisible cherche à nous faire couler." S'exclama Gilbert pour lui-même.

Cette remarque presque nonchalante fit prendre conscience à Antonio de ce qui se passait réellement à bord de son navire... et surtout à l'extérieur.

Évidemment, il avait été bête de ne pas y avoir pensé plus tôt alors qu'il était le premier à savoir ça. Des années et des années qu'il y était habitué et qu'il avait toujours fait en sorte de ne jamais être pris d'avance par ces tromperies et ses fourberies. Cependant, cette fois-ci, il devait bien s'avouer qu'il s'était merveilleusement laissé prendre au piège et ne put s'empêcher de sourire amèrement de sa propre ignorance et naïveté. Néanmoins, maintenant qu'il savait ce qui se cachait derrière la déchéance de son bateau, il allait pouvoir agir.

Il monta sur un mât afin que sa voix porte assez pour interpeller tous ceux présent sur le pont:

-"C'EST KIRKLAND!"

Tous ses hommes qui jusque-là couraient de manière désordonnée pour chercher la faille dans le bateau, se figèrent d'un seul coup pour se tourner vers leur supérieur, incertain de ce que ce qu'il voulait leur dire.

-"C'est Kirkland!" Répéta ce dernier, tout aussi sûr de lui. "Il est en train de nous tirer dessus de loin avec ses canons!"

-"Mais enfin c'est absurde! Il faudrait qu'il soit à des milliers de milles pour qu'on ne le remarque pas, et aucun canon n'a de tir aussi puissant!" Contesta Diego.

-"C'est parce qu'il n'est pas loin! Je suis prêt à mettre ma main à couper qu'il a utilisé sa magie pour rendre son navire à la fois invisible et silencieux!"

Cette révélation désappointa d'autant plus les hommes qu'ils ne s'y attendaient pas, en particulier les moins habitués à ce genre de sorcellerie. Contrairement à Antonio, Jölien, Maarten, Gilbert ou même Diego, la plupart étaient des membres récents de l'équipage, et avaient encore du mal à s'habituer avec le fait que la magie existait et qu'elle était maîtrisée par leur ennemi. Si ce que disait le capitaine était vrai, alors cela voulait dire que la Licorne Ailée devait être proche d'eux. Peut-être même qu'elle frôlait la Passion Rouge et que le Britannique n'attendait que le bon moment pour se lancer à l'assaut et tuer tous ceux qui s'y trouvaient.

Un vent de panique s'empara alors du groupe, les plus fertiles d'imagination pensant que l'ennemi était déjà à bord et allait leur planter leur lame dans le corps sans même qu'ils ne le voient. Certains sautèrent à l'eau, d'autres se cachèrent dans les cales. Ce fut vite calmé par Antonio qui promit bien pire que la mort s'ils continuaient à faire n'importe quoi. Il leur fournit la preuve qu'aucun ennemi n'était encore à bord par le simple fait que la magie d'Arthur ne concernait que son bateau et non les humains. Et cela ne changerait jamais, peu importe le niveau de l'anglais dans ce domaine.

-"Au lieu de perdre un temps précieux en futilité, vous feriez mieux de les empêcher de réellement monter à bord! Dépêchez-vous de charger les canons!" Ordonna l'espagnol d'un ton tranchant.

-"Et pour tirer où?" Railla Gilbert sans perdre la face. "On ne sait même pas si l'ennemi est au nord ou ailleurs, ni à quelle distance!"

-"Et bien faites des essaies jusqu'à ce qu'on l'atteigne!"

-"C'est ridicule! Quand bien même par miracle on arrive à le toucher, il changera sûrement de position et il n'y aura plus qu'à tout recommencer!"

Son second avait raison, mais le capitaine ne pouvait pas s'empêcher de trembler de frustration face à cette terrible impuissance. Il avait l'impression d'être un oiseau en cage dont les barreaux se rétractaient dangereusement sur lui jusqu'à l'étouffer. Il détestait d'autant plus cette sensation qu'il savait que c'était l'anglais qui tenait la cage et avait les clefs de la porte. Son regard se posa sur la mer où il essayait de deviner une trace de son ennemi juré, en vain. Il était inutile de chercher une faille dans cette sorcellerie; Arthur avait sûrement paré à toute éventualité.

Ce ne fut que lorsqu'il sentit que son navire arrêtait de trembler qu'il comprît qu'il venait de perdre.

Sans surprise, une aura magique bleue prit la forme peu à peu d'un majestueux navire qu'Antonio reconnu sans mal tant il l'avait côtoyé des années durant. Tous les canons étaient pointés vers lui, n'attendant qu'un signal pour réduire la Passion Rouge à un tas de bois flottant sur la mer. L'espagnol ne le savait que trop bien et c'est la raison pour laquelle il ordonna à son équipage de ne rien tenter lorsqu'un pont relia les deux navires qu'Arthur fut le premier à emprunter pour rejoindre son rival. Ce dernier l'attendait, le sabre et toutes armes à ses pieds, visiblement prêt à accepter son sort.

En peu de temps, la Passion Rouge fut envahie par l'équipage de la Licorne ailée et tous furent prisonniers.

C'est dans un état second qu'Antonio se laissa docilement ligoter lui, ainsi que tout son équipage qui avait pour ordre de ne pas non plus riposter. Certains comme Gilbert ou Jölien eurent du mal à se livrer délibérément sans même se battre mais ils firent confiance à leur capitaine en espérant que celui-ci savait ce qu'il faisait. Bien sûr, tout le monde à bord savait que le navire comptait énormément aux yeux de l'espagnol, peut-être plus encore que sa propre vie, mais personne ne savait à quoi cette valeur sentimentale se rattachait car jamais l'Hispanique ne s'était confié à ce sujet...

Antonio ne savait pas ce qui le dégoûtait le plus entre avoir dû choisir entre son navire et son honneur, les deux étant de toute façon intimement liés, ou le sourire de conquérant qu'Arthur lui adressa alors qu'il le regardait de toute sa hauteur. Fidèle à lui-même, le capitaine Carriedo lui rendit une expression nonchalante et détachée, presque moqueuse étant donnée la situation qu'il savait, au final, pas si avantageuse que ça pour l'anglais. Il avait conscience que le Britannique n'était pas là pour lui voler sa clef, de toute façon mise en lieu sûr que personne autre que lui ne connaissait. Il savait aussi qu'il n'était pas là pour régler ses comptes avec lui.

-"Hé bien, cela fait longtemps, n'est ce pas Carriedo~ " déclara Arthur, le plein d'ironie dans sa voix.

-"Pas assez à mon goût, Kirkland. " Répondit Antonio qui n'était pas en reste.

Que ce soit du côté anglais ou espagnol, on était toujours époustouflé, pour ceux qui avaient de l'ancienneté, de voir que les deux capitaines pouvaient s'adresser l'un à l'autre avec calme et courtoisie alors qu'au plus profond d'eux on savait bouillonner des désirs de meurtre. Plus encore pour l'Hispanique qui devait se sentir humilié, et qui pourtant gardait cette odieuse fierté, même ligoté et à la merci de son ennemi. Mais cela faisait aussi de leur bataille personnelle; montrer leurs émotions les plus vives ne les ferait finalement passer que pour un faible aux yeux de l'autre et donc, perdre la face.

Esquissant un claquement de langue lorsqu'Antonio écarta les jambes pour s'asseoir de manière plus à l'aise sur le sol de son propre navire, Arthur rangea son épée qu'il savait inutile dans cette conversation.

-"Je dois avouer que je ne m'attendais pas à ce petit tour de passe-passe de ta part, Kirkland. Je n'ai rien vu venir, mais il faut dire qu'après deux ans, je ne m'attendais pas à ce que la sorcière revienne du bûcher."

-"Je n'ai point chômé pendant ces deux ans, Carriedo. Et à ce que je vois, toi non plus."

Disant cela, il tourna ses pupilles vert acide en direction des trois prisonniers civils, oubliés dans l'anarchie de l'attaque. Fort heureusement, aucun d'entre eux ne tomba du navire, car l'Allemand eut la bonne idée de les diriger sous l'escalier menant à la barre, les empêchant de rouler. Ils furent néanmoins secoués par le choc et, Feliciano en particulier, tremblait de terreur en revoyant le cauchemar qui hantait parfois ses nuits les plus sombres. Ludwig était dans une totale incompréhension et Lovino lui jetait un regard rempli d'une haine, presque aussi féroce que celle qu'il avait à l'égard d'Antonio.

Haussant un de ses gros sourcils, le Britannique se retourna avec dédain vers son rival qu'il jugeait plus intéressant que ces trois êtres soumis.

-"Honnêtement, Carriedo, je suis impressionné." Déclara-t-il, cette fois-ci en toute franchise. "Avec tes propres moyens, tu as compris quel était le vrai sens des clefs et tu es même jusqu'à aller capturer ces trois-là avant moi en un temps admirable."

Ce fut au tour de l'espagnol d'être perplexe, car même en sachant qu'Arthur pensait ce qu'il disait, il devinait tout de même une certaine moquerie dans ses propos. Il avait l'impression que l'anglais le sous-estimait sous prétexte qu'il ne maîtrisait pas la magie alors que cette course au trésor ne reposait nécessairement pas que là-dessus. À en juger d'ailleurs par les talents que son ennemi avait faits dans le domaine, il ne lui était pas difficile de deviner ce que ce dernier avait accompli durant ces deux dernières années. Les rumeurs couraient vite dans le monde de la piraterie...

-"Il suffit juste de faire ce que l'on appelle des recherches, Kirkland. Ce n'est pas difficile de trouver l'origine des clefs lorsqu'on trouve l'origine de son créateur. Remus et Hermann avaient chacun deux petits-fils. Sachant que Remus a confié deux clefs aux siens, comprendre qu'il y avait quatre clef n'était plus qu'une question de logique."

-"Je vois... tu as toujours préféré les méthodes classiques."

-"Tu as la preuve devant toi qu'elles marchent mieux que la tricherie."

-"Dis celui qui est sur le point de perdre le fruit de toutes ses recherches..."

Le plus étrange dans cet échange fut qu'à aucun moment, un mot ne monta plus haut que l'autre, comme si les deux hommes parlaient de choses tout à fait banales. Cela contrastait avec la tension qui régnait dans l'air et donnait l'impression qu'une bombe pouvait exploser à tout moment. Le plus inquiétant fut sans doute les visages beaucoup trop sérieux, et presque détachés qu'ils abordaient. Personne ne savait où ils voulaient en venir, que ce soit Antonio ou Arthur et pour chaque membre de leur propre équipage. Même leurs seconds respectifs avaient du mal à cerner leurs attentions.

Les plus tendus étaient sans doute les trois prisonniers qui étaient incertains de leur sort.

-"J'en ai écouvert plus que tu ne le crois, Carriedo. Je sais comment localiser l'endroit du trésor, mais pour cela, j'ai besoin de ces trois-là, et de lui aussi."

Les concernés eurent un mouvement de sursaut, en particulier Gilbert qui ne pensait pas être impliqué directement dans cette histoire lorsque l'anglais pointa son doigt vers lui. Lorsqu'on lui avait parlé du trésor des Deux Rois Pirates, il s'était engagé dans cette course aux côtés d'Antonio plus par amour de l'aventure qu'appât du gain. Il avait toujours pensé assister aux exploits de son capitaine d'un oeil lointain, apportant sa collaboration si nécessaire sans jamais y être directement impliquée. Et voilà que désormais, il se retrouvait malgré lui au centre d'un conflit d'intérêts qui risquait de lui coûter sa peau.

Non, définitivement non, il n'avait pas envie de se retrouver dans la même situation que son petit frère.

"Pourquoi moi?" "Cela me semble évident: tu es le petit-fils d'Hermann, tu es intimement lié aux quatre clefs. Il est donc hors de question pour moi de te laisser errer dans la nature."

-"Mais... et les clefs?" Demanda-t-il un peu précipitamment.

-"J'en aurais besoin aussi mais... sans vous quatre, elles me seraient totalement inutiles." Déclara l'anglais.

-"Tu crois vraiment que je vais te laisser repartir gentiment avec mon second et mon prisonnier comme cela?" Interrogea Antonio avec un sourire provocateur.

Il ne semblait pas avoir conscience qu'à tout moment, Arthur pouvait abattre son épée et lui raccourcir le corps d'une tête. Ou alors, cette menace lui plaisait et l'incitait encore plus à tester son adversaire dans son sang-froid, au risque d'y laisser sa vie dans ce jeu dangereux. Alors même que l'anglais le dominait de toute sa hauteur, l'insolence n'avait pas quitté une seule seconde ses yeux verts acide.

-"Je te signale que j'ai toujours l'une des deux clefs de Remus." Continua l'espagnol sans perdre son amusement. "Et tu ne sais même pas où se trouvent celles d'Hermann."

Le capitaine de la Licorne Ailée ne répondit rien car il avait raison. Néanmoins, ce détail ne semblait pas le gêner plus que cela avant que l'espagnol ne le mentionne avec autant d'assurance. Cela ne voulait dire qu'une seule chose: l'espagnol avait une piste pour retrouver les deux clefs manquantes, qui devaient sans doute avoir un lien avec Gilbert et son frère. Néanmoins, Arthur n'avait pas envie de changer ses projets à cause de cela, quand bien même il savait qu'il devra de nouveau croiser le chemin d'Antonio pour récupérer la dernière clef.

Car il était bien entendu hors de question qu'il le fasse prisonnier. Pas avec Francis à bord de son propre navire.

-"J'ai comme l'impression que tu ne me laisseras pas partir tranquillement... " Confia le Britannique d'un ton monotone.

-"Ton impression est bonne Kirkland. Je n'ai pas sillonné l'Italie pendant des mois pour que tu me passes une nouvelle fois devant le nez."

Tandis que les deux hommes réfléchissaient chacun de leur côté, ignorant l'incomprehension de leurs équipages respectifs, Ludwig décida que c'était le moment pour lui d'intervenir pour sauver sa situation et celle de ses compagnons de cellule. Depuis tout à l'heure, il avait assisté passivement à l'échange pour analyser la situation entre les capitaines; maintenant il avait assez de carte en main pour pouvoir jouer, peut-être par sa liberté, mais une garantie de leur vie.

-"Hermann était mon grand-père, et je sais où sont les clefs qu'il m'a confiées."

L'intervention de Ludwig ne sembla déranger, ni Antonio, ni Gilbert, qui plutôt semblaient attendre le moment ou enfin ce dernier allait enfin s'exprimer. Arthur quant à lui le regarda d'un air presque méprisable, comme si selon lui, l'Allemand n'avait pas le droit à la parole étant donné sa situation. Il était d'ailleurs étonné de ne pas encore avoir entendu le grand frère brailler des insanités en rapport avec l'enfer, puis remarqua que ce dernier était plutôt occupé, dans son entêtement, à chercher un moyen de se libérer.

Pauvre petit...

-"C'est aimable de votre part de vous inquiéter, mais je pense pouvoir les retrouver sans aide de votre part." Siffla-t-il de la même manière qu'un adulte s'adresse à un enfant.

-"Cela m'étonnerait beaucoup." Intervint à son tour Gilbert. "Ce sont nos parents qui détiennent ces clefs, et ils habitent loin de la côte. Ils sont en plus issus d'une famille noble; vous aurez beaucoup de mal à les approcher, même avec la magie."

-"Et même si tu t'es amélioré dans cette dernière, on sait tous les deux que tu n'es pas assez fort pour réussir un tel tour de maître, n'est ce pas?" Compléta Antonio, ravis de la tournure de la situation.

Arthur regrêtait d'avoir laissé Alister et Kenny sur son navire, car ces deux-là auraient pu sans soucis clouer le bec à ces impertinents qui prenaient un malin plaisir à lui mettre des bâtons dans les roues. Néanmoins, il devait avouer qu'il était plutôt curieux de voir la manière dont les choses allaient évoluer. Et puis il devait s'avouer que cette compétition arrivait à un stade où ils ne pouvaient plus agir chacun de leur côté, combien même ils se détestaient. S'ils gardaient chacun un morceau de l'énigme, celle-ci ne serait jamais résolue et ce serait une histoire sans fin.

Le Britannique enleva brièvement son tricorne pour se gratter le crâne avant de le remettre impeccablement sur ses cheveux blonds.

-"Que dirais-tu dans ce cas de continuer cette aventure en ma compagnie? Je ne partagerais pas ma clef mais je te laisserais disposer de mes prisonniers comme bon te semble, si cela peut nous ammener au trésor" Fit l'espagnol pour couper court à toutes ses interrogations

-"Pardon?" S'exclamèrent les prisonniers en coeur.

-"Vous m'avez très bien compris. Kirkland, tu sais comment atteindre le trésor et je sais où sont les éléments qui nous permettent d'y arriver. Nous n'avons qu'à joindre nos efforts."

Le concerné réflit quelques secondes à cette proposition aussi étrange qu'inattendue. Quelque part, Antonio devait sûrement abattre la carte de la sûreté étant donné sa position de faiblesse, mais en même temps, vu la manière dont il le proposait, il s'était sûrement déjà préparé à cette éventualité. Arthur se demandait même s'il n'avait pas prévu de s'allier avec lui depuis le début, une fois qu'il aura récolté assez d'élément pour l'obliger à accepter. Si tel était le cas, alors il avait merveilleusement bien préparé son coup car en effet, il se voyait difficilement refuser à cette offre.

Le tout était de savoir maintenant jusqu'où Antonio avait prévu son plan.

"Très bien, j'accepte."

-"Vraiment? Aussi rapidement? Je ne pensais jamais entendre cela de ta bouche, Kirkland. Toi qui d'ordinaire aimes travailler en solitaire." Railla l'Hispanique.

-"Ne te méprend pas Carriedo, je n'accepte pas d'unir nos forces pour retrouver ensemble le trésor et le partager entre nous. Je compte bien le garder pour moi au final et éliminer tous ceux qui s'y opposeront. C'est pour cela que dès que nous atteindront notre but, je vous provoquerais tous en duel pour déterminer lequel mérite réellement d'avoir ce trésor. Que le meilleur gagne!"

-"Cela me va."

Cet énième pacte scellé, Antonio se leva le plus naturellement du monde en faisant tomber les cordes qui le bridaient à ses pieds sous le regard ahuris de tous ceux qui le pensaient solidement attaché et privé de mouvement. Le seul à ne pas s'en impressionner fut, sans étonnement, Arthur, qui connaissait par coeur les astuces de l'espagnol pour se libérer de n'importe quels liens sans que personne ne s'en rende compte. Beaucoup d'ennemis s'étaient fait piéger de cette façon, pensant que le capitaine de la passion Rouge était sous contrôle alors qu'il n'attendait que le bon moment pour retourner la situation à son avantage.

Alors que le latin amorçait un mouvement pour rejoindre sa barre, un crie le stoppa.

-"Attendez!" Intervint la voix de Ludwig.

Les deux capitaines se tournèrent vers lui comme un seul homme.

-"Ni moi, ni Lovino, ni Feliciano ne voulons de ce trésor!"

-"Vous manquez de fortune; vous êtes tous les trois condamnés à nous accompagner jusqu'à ce qu'on le trouve." Dit Arthur d'une voix sans émotion.

-"Nous le savons! Mais je suis le seul à savoir où se trouvent les deux clefs; sans moi vous ne pouvez rien faire! Je veux la garantie que vous ne nous traiterez pas mal si jamais je vous dis tout, et que vous nous laisserez partir une fois votre but atteint!"

-"Vous pensez vous vraiment en position de négocier?" Interrogea Antonio en les regardant le dos tourné. "Moi je peux parce que j'ai de solides arguments; je peux à tout moment sauter de ce navire avec la clef mais vous... vous êtes mes prisonniers, et vous le restez encore."

Alors que Ludwig ne voyait aucune échappatoire à cette situation désespérée, on vint alors lui prêter main-forte sous la forme la plus inattendue qu'elle soit!

-"Moi aussi je fais partie de ceux dont vous avez besoin pour atteindre le trésor, n'est ce pas?" Déclara Gilbert en essayant de paraître le plus assuré possible.

Le capitaine de la passion rouge se tourna vers son second, le regard chargé d'avertissement et de promesse si ce dernier osait faire une maladresse ou un complot contre lui. L'albinos lui-même n'était pas sûr de ce qu'il faisait, il ne savait même pas pourquoi il avait réagi en sentant que Ludwig était en danger. C'était comme une espèce d'instinct primaire qu'il avait ressentie plus jeune qui revenait à la charge. Il ne savait pas, en revanche, il était sûr d'une chose: combien même son petit frère le détestait, il serait cruel pour lui de le laisser se faire maltraiter par Kirkland.

-"Je te conseille de ne rien dire d'insensé, Weilshmidt." Prévint Arthur d'un ton glacial.

-"Je vous rappelle que je suis dans la même situation que nos trois invités et que Ludwig est mon Bruder. Je trouve simplement que ce serait peu noble de votre part de les traiter moins bien que moi sous prétexte que je suis un pirate. Ce serait un peu paradoxal"

"Ils ne sont rien de moins que des prisonniers."

"Certes, mais Ludwig est quand même Colonel de l'armée germanique, et nos deux Ritals ont été en personne recherchés par les États pontificaux. Ils méritent quand même un meilleur traitement. Ou alors es-tu à ce point si peu gentlemen.

Le Britannique prit le temps de réfléchir aux paroles de Gilbert, Antonio sentant soudain qu'il n'était pas le seul à avoir du poids face à Kirkland. Il était vrai que s'il voulait leur coopération, il devait quand même se montrer un peu plus souple dans ses manières. Qui plus est, Francis était à bord de son navire, et maintenant que les choses étaient bien parties, l'anglais ne voulait pas gâcher tout cela simplement à cause d'idiotie de ce genre. Néanmoins, il devait quand même faire attention aux mauvais coups. Finalement, l'anglais trancha au bout de quelques secondes.

-"Très bien, puisqu'il en est ainsi, libérez ces trois-là, on va les placer sous surveillance, mais dans une chambre commune où ils seront sûrs de ne pas subir de mauvais traitements. Cela convient-il à Messires?"

Les concernés ne répondirent pas à cette énième moquerie de la part d'Arthur mais ce dernier considérait cette non-réponse comme positive. D'un coup de sabre qui les fit frémir, ils furent libérés et invités sur la licorne ailée, accompagnés de deux féroces gaillards. Le britannique et l'Espagnol les rejoignirent rapidement. Il y avait une réponse à une question qu'avait posée Antonio que Ludwig n'avait toujours pas répondu. Il était maintenant temps pour lui de donner la prochaine destination des deux pirates.

Reprenant là où il s'était interrompu, l'Allemand déclara:

-"Dans le manoir appartenant à la famille Eldeistein, à Innsbruck."

Le cap donné et n'ayant plus aucune utilité, ils furent congédiés.