Hello ! Vous m'avez cru morte ? Moi aussi.

Voici le prologue de ma dernière trouvaille, j'espère que vous ne me tiendrez pas trop rancune pour ma petite absence (dépression quoi). Je vous présente toutes mes excuses.

Bonne lecture ! (ou pas...)

PS: Pas de prélude, pour rester dans les temps.


« Si tu me quittais un jour, mon amour, laisse de la morphine devant ma porte. Car il me faudra une vie entière sous médicaments pour comprendre que ce que nous avions n'est plus que cendres. »

(Traduction des premières paroles de "It will rain", Bruno Mars.)

Prologue :

Quelques rayons de soleil traversèrent les rideaux pourtant clos. Ils s'éparpillèrent progressivement sur le parquet, en dessinant de petites tâches dorées. Les rais de lumière faisaient scintiller quelques particules poussiéreuses dans les airs, et pourtant, seule une impression de calme se dégageait. Le silence n'avait rien de pesant, tout de paisible.

Petit à petit, au fil des minutes, les rayons de soleil s'élevèrent, quittant le sol pour envahir paisiblement le lit, la table de chevet et la commode.

Ils finirent par chatouiller la peau de l'endormie, emmêlée dans ses draps. Elle gémit et tourna le dos à la fenêtre, espérant grappiller un peu de sommeil en plus.

Mais le mal était fait, et dans son mouvement, Teresa Lisbon porta le regard sur son réveil où une heure avancée de la matinée la narguait.

Elle soupira lourdement et se repositionna sur le dos, peu enthousiaste à l'idée d'être samedi, sans enquête, et donc chez elle pour la journée.

Elle finit par se glisser hors de la chaleur douillette des couvertures pour se diriger sur la pointe des pieds vers la salle de bain, grimaçant au contact du sol froid.

Elle ressortit de la salle de bain habillée et réchauffée par un pull épais, et descendit les escaliers vers sa routine matinale.

Un détour pour allumer la télévision et avoir les infos en fond sonore, un léger élan de ménage en débarrassant le plateau repas de la veille, la mise en route de la machine à café, un soupir à la vue des placards à moitié vide, et la vérification réflexe de l'emplacement de son arme et de son badge.

Une tasse de café en main, elle ouvrit la porte et attrapa le journal distraitement pour le déposer à l'intérieur avant de ressortir et de se glisser discrètement jusqu'à la boîte aux lettres.

Dedans, une enveloppe qui n'avait pas l'apparence d'une facture l'attendait.

Elle ne manifesta pas vraiment de surprise et but une gorgée de café tout en étudiant l'écriture manuscrite inconnue.

Une fois à l'intérieur, elle s'appuya contre l'évier dans la cuisine et entreprit de décacheter l'enveloppe afin de satisfaire sa curiosité. Elle reprit sa tasse d'une main et de l'autre maintint la lettre à la hauteur de ses yeux.

Au fil des mots, elle perdit des couleurs jusqu'à devenir figée, aussi blanche qu'une statue. Puis, lentement, sans qu'elle ne puisse vraiment intervenir, sa tasse lui échappa des mains et alla se fracasser sur le carrelage, répandant le café sur le sol.

Lisbon n'esquissa pas un geste pour réparer les dégâts, cependant la lettre glissa à son tour et atterrit dans le café, se tâchant au point d'en devenir presque illisible.

Elle se redressa, oublia café et routine, et attrapa ses affaires de travail. Peut-être que finalement, elle pouvait faire des heures supplémentaires aujourd'hui, elle pourrait rattraper la paperasse en retard.

Elle quitta son appartement sans un regard en arrière, sans avoir nettoyé le café, sans avoir ramassé la lettre. Lorsqu'elle monta en voiture, elle tenta de se persuader que tout allait bien, que c'était un samedi ordinaire et qu'au moins, en travaillant le samedi, elle était sure de ne pas être distraite par Jane.

Dans sa cuisine, au milieu de quelques vestiges de routine, de morceaux de tasse brisée et d'une flaque de café, la lettre s'effaçait aussi efficacement que Lisbon le souhaitait. Pourtant, les premiers mots persistaient, résistant à toute esquive, s'immisçant dans chaque pore de mémoire fuyante.

« C'est avec le plus grand regret que nous vous apprenons la mort de votre oncle Monsieur Joseph Arthur Martin... »

Quelques mots, et pourtant, toute une routine avait fichu le camp.


Rosa traversa le grand hall avec un pincement au cœur en songeant qu'elle voyait sans doute pour la dernière fois cet endroit plein de vie. Elle défroissa nerveusement sa jupe et vérifia d'un geste de la main que ses cheveux grisonnants ne s'étaient pas échappés de son chignon.

Ses talons claquaient à travers les pièces qu'elle traversait, et l'écho était insupportable.

-Doucement, malheureux, n'allez pas casser ça ! lançait-elle de temps à autre à un ouvrier.

Elle s'arrêta finalement dans le grand salon où deux hommes s'affairaient à recouvrir l'immense canapé d'un grand drap blanc. Rosa regarda le siège de nombreuses conversations être dissimulé à la vue.

Petit à petit, on habillait la maison de draps blancs, comme pour la réchauffer à l'approche de l'hiver... Comme pour la garder intact en l'absence de son propriétaire.

Un bruit de verre brisé sortit Rosa de sa mélancolie et elle pesta avant de se diriger à petits pas nerveux dans la pièce suivante.

-Mais bon sang, qu'avez-vous fait ? s'insurgea-t-elle en constatant que l'un des vases chinois venaient de se briser.

L'ouvrier responsable bougonna des excuses maladroitement, rendu humble par ce petit bout de vieille femme intimidante.

-Monsieur Martin tenait beaucoup à cette collection, vous devriez avoir honte, s'indigna Rosa en jetant un regard presque désolé aux morceaux de verre.

D'autres excuses à mi-voix s'ensuivirent et le fautif disparut à la recherche d'une pelle et d'un balai sous le regard sévère de la vieille gouvernante.

Une fois seule dans la pièce, Rosa poussa un soupir étranglé par l'émotion. C'en était trop pour son vieux cœur, elle ne s'était pas attendue à ce que monsieur Martin parte avant elle. Elle n'avait jamais prévu d'avoir à superviser les funérailles et la fermeture du manoir. Elle n'avait jamais pensé à l'énergie qu'il lui faudrait dispenser. Elle avait juste présumé que Monsieur Martin serait toujours là, et qu'elle n'aurait qu'à suivre quelques ordres tout en s'occupant des tâches ménagères.

Elle se souvenait de toutes les plaisanteries de Monsieur Martin à ce sujet. Il la présentait à ses proches comme la femme qu'il n'avait jamais eu, et ça faisait rire les amis de Monsieur Martin, puisque tous savaient qu'il était un incurable vieux garçon, heureux de vivre comme un gamin dans sa forteresse dorée.

Assurément monsieur Martin avait été un plaisantin, et la vie ici n'avait jamais été compliquée. Elle avait travaillé avec monsieur Martin depuis son acquisition de la maison environ quarante ans plus tôt, elle ne l'avait jamais quittée, et n'avais jamais été tentée de le faire. Lui ne s'était pas gêné. Il l'avait finalement abandonnée dans ce grand manoir, après avoir perdu tout espoir de vivre plus longtemps. Il avait laissé le temps gagner, et Rosa était presque sure qu'il n'avait pas su mourir heureux.

Il avait pourtant tout eu pour, elle avait vu le train de vie qu'il avait mené... Mais monsieur Martin avait un passé, et des photos. Beaucoup de photos, toutes de la même époque, temps figé à jamais à défaut d'avoir été un jour rattrapé.

Rosa porta son regard sur la grande cheminée et poussa un nouveau soupir en s'approchant des cadres qui y trônaient. Quatre enfants lui souriaient avec enthousiasme, ces mêmes enfants qui avaient hanté chaque pièce et qui se retrouvaient sur tous les autres cadres dans toutes les autres pièces. Elle prit le portrait de la seule fille de la fratrie dans ses mains, à nouveau mélancolique. Cheveu de jais, yeux verts pétillants, tâches de rousseur jusqu'au bout du nez, air malicieux et insouciant, la petite fille lui souriait avec tout l'éclat de son enfance rieuse.

Rosa sentit son cœur se serrer et ferma les yeux un moment. Elle reposa le cadre, mais l'inclina contre le marbre de façon à ne plus voir le visage de l'enfant perdue.

Oui, assurément monsieur Martin était mort avec des regrets, si la photo qu'il avait serré contre sa poitrine avec ses dernières forces était une indication.

Rosa se reprit enfin et se redressa. La minute suivante, elle continuait son inspection comme si la tristesse ne l'avait jamais atteinte.

En soirée, chaque meuble avait disparu sous un drap blanc, et il ne restait plus une photo exposée.

Monsieur Martin était mort, et son manoir était destiné à s'endormir à son tour.


Comme toujours un peu obscur, mais la suite arrive mardi au plus tard si vous la souhaitez.

PS: Je n'ai pas oublié double date. (Et vous ? ^^') Post dès que je peux.