Notes : Voici donc le dernier chapitre de mon histoire. Il est long : mes excuses. Apparemment, j'avais beaucoup de choses à dire :) Donc, un grand merci à mes fidèles «revieweuses» qui m'ont encouragé et couvert de compliments que je ne méritais pas. Merci aux autres, qui se sont seulement arrêté en passant pour lire cette histoire. On a beau dire qu'on écrit pour soi-même, c'est un gentil mensonge. Savoir que ce qui excite notre imagination peut avoir le même effet chez d'autres personnes est extrêmement gratifiant. Je ne sais pas ce que j'écrirai ensuite, mais je l'indiquerai sur mon profil. Cet univers était difficile à explorer, mais il reste encore tellement d'histoires à raconter.

Et maintenant…

Chapitre 15

«Choisir d'affronter ou se laisser dériver

Défier, ramer ou sombrer et tomber

S'égarer, se perdre, pour mieux se retrouver»

Yann Perreau, La Peur

\\\

Sam est assis dehors sur les marches du perron de la maison de Bobby. Il est presque dix-huit heures. La température commence à peine à être supportable et l'humidité qui lui colle à la peau depuis trois jours et lui donne l'impression de respirer de la boue est en train de se transformer en fraîcheur lentement bercée par un vent paresseux.

Il entend la voix de Bobby au téléphone. Entend sa voix, mais tend l'oreille vers la route, guette le bruit du moteur de l'Impala aussi inquiet qu'un parent attendant le retour d'un enfant qui a eu la permission de faire sa première balade en bicyclette sans supervision.

-…T'emmerde, tu peux le dire?

-Quoi?

-Sam, tu m'écoutes?

Sam secoue la tête et s'extirpe de ses pensées.

-Désolé, Bobby.

-Laisse tomber. Comme je le disais, on rattrape quelques heures de sommeil et on va reprendre la route ensuite. On devrait être de retour demain, aux environs de midi.

La chasse au polymorphe n'a pas été facile. Le monstre, rusé et vicieux, exhibait toutes les caractéristiques d'un psychopathe. Ellen s'est fait briser le poignet et Bobby lui-même, selon ses dires, a toute une nouvelle collection d'ecchymoses et d'éraflures. Il aimait enfoncer ses ongles dans la peau des gens, le bâtard, a-t-il ajouté.

-On sera là à vous attendre, finit par répondre Sam.

Un moteur rugit au loin, mais le bruit est celui d'une petite voiture sportive. Sam soupire et se pince l'arête du nez.

-Comment est-ce qu'il va?

-Il est parti avec l'Impala. Il avait envie de conduire.

-Sam est-ce que c'est vraiment prudent de-

-Non, mais que veux-tu que j'y fasse? Une minute, il demande à ce que je prépare le repas parce que l'heure est passée et s'agite nerveusement, tu sais, comme il a l'habitude de le faire… Et la suivante, je le retrouve dans le salon avec une bière, l'air complètement détendu.

-Mais est-ce que les choses donnent l'impression de s'améliorer?

Non, pense Sam.

-Je suppose. Ça fait seulement trois jours.

Il y a un moment de silence, et Sam sait déjà ce que Bobby va lui dire.

-Tu es toujours décidé à laisser tomber les recherches concernant votre mystérieux visiteur?

-Bobby…

-Écoute, je ne mettrai pas de gants blancs. Un type surgi de nulle part capable de te téléporter d'un endroit à un autre, avec des pouvoirs de guérisseur en plus et qui parle de foutus voyages dans le temps… Ça ne peut pas…

-Quoi?

-C'est louche.

-Tu ne l'as pas vu, toi. Cette chose était puissante, Bobby. C'était…

-Raison de plus pour qu'on la retrouve avant qu'elle ne se retourne contre vous et demande un prix pour les services rendus.

Sam a un rire sans joie. Il entend la voix d'Ellen, lointaine et étouffée, dire à Bobby de laisser tomber, Nom de Dieu.

-Tu parles comme Dean.

-Je parle comme un gars qui en a vu de toutes les couleurs au fil des ans.

-Il va falloir me faire confiance là-dessus, Bobby. J'ai juste l'impression très forte qu'il faut laisser tout ça tranquille et ne pas se poser trop de questions. Il a sauvé la vie de Dean. Il ne veut pas qu'on en sache trop à son sujet et je ne me battrai pas contre une force probablement bénéfique que je ne comprends pas.

-Sam…

-Et merde… Il faut que j'y aille, Bobby. Il est parti depuis une demi-heure.

-Okay. À demain.

-C'est ça.

Sam raccroche et entre à l'intérieur prendre les clefs du vieux van que Bobby garde en cas d'urgence. La courroie du ventilateur grince atrocement lorsqu'il démarre, mais il l'entend à peine.

S'il lui est arrivé quelque chose, je ne me le pardonnerai jamais, pense-t-il. Puis, presque simultanément : Je vais botter son cul arrogant, c'est ce que je vais faire.

Inquiétude et exaspération ne sont que la pointe de l'iceberg des sentiments confus et entremêlés que Sam ressent depuis la venue de Castiel.

Et plus le temps passe, plus il craint que la visite de cet homme n'ait fait qu'empirer les choses. C'est comme si la psyché de Dean était éclatée en deux personnalités presque distinctes l'une de l'autre. Son frère essaie de composer avec cette nouvelle réalité du mieux qu'il le peut mais il est facile de deviner à quel point cet état des choses l'épuise et lui fait peur. Il navigue alors entre la fuite, façon Dean Winchester (Tout va bien, Sam. Fiche-moi un peu la paix) et l'insécurité typique qui le caractérisait, alors que les lésions étaient encore présentes.

Il est insupportable, pense Sam avec sincérité. Insupportable et inquiétant, imprévisible.

La première nuit a été la pire. Dean, mal à l'aise et emprunté, s'est couché à une extrémité du lit, prenant soin de ne pas toucher Sam qui est demeuré aussi emprunté et immobile de son côté à lui. Quelques heures plus tard, Dean s'est réveillé en hurlant et a tremblé longtemps dans ses bras sans rien dire. Puis, aussi subitement, il a repoussé Sam et est descendu au rez-de-chaussée. Il a terminé la nuit sur le divan devant une série d'info-pubs.

Ils ont eu leur première dispute le lendemain matin, quand Sam a posé devant lui ses comprimés pour l'épilepsie. Dean a refusé de les prendre, tout comme la veille au soir, mais cette fois, Sam a été incapable de se taire.

-Dean, tu ne peux pas arrêter tes médicaments comme ça. C'est le meilleur moyen de faire une crise et-

-Les lésions sont disparues, a objecté Dean derrière sa tasse de café, cerné et visiblement de mauvaise humeur. Je n'ai plus d'épilepsie.

-On n'a aucune preuve de-

-Non. C'est vrai. Je suppose qu'il faudra attendre et voir, hein? A rétorqué Dean en esquissant un sourire crispé.

-Parfait, a répondu Sam beaucoup plus fort qu'il ne l'aurait souhaité. Parfait! Je n'ai plus qu'à attendre de te voir t'effondrer par terre et trembler sans pouvoir t'arrêter, parce que la dernière fois a été une vraie partie de plaisir. Trois jours assommé par le valium parce que les crises n'arrêtaient pas. Tu te souviens, Dean? Tu peu imaginer ce que ça m'a fait?

L'effet a été immédiat. Dean a rougit jusqu'aux oreilles.

-Qu'est-ce que tu proposes qu'on fasse?

-Diminuer les doses graduellement. S'il te plaît.

Comme s'il changeait un masque pour un autre, la physionomie de Dean s'est transformée.

-Tu… tu penses que je vais avoir d'autres crises, Sammy? A-t-il demandé sans le regarder, l'air si vulnérable que Sam s'est senti comme le dernier des salauds.

Et les deux journées suivantes n'ont été qu'une série de répétitions de cette scène. Sam en est à se demander si ce n'est pas lui qui va devenir fou. Il peut à peine imaginer la vitesse à laquelle le cerveau de Dean doit tourner.

Le premier soir, après s'être calmé, Dean a posé des questions sur Castiel. Sam s'est surpris lui-même par l'insistance avec laquelle il a demandé à Dean de ne pas tenter de trouver de réponses à son sujet, jusqu'à ce que son frère devienne tendu par la colère et l'exaspération.

-Je te rappelle que c'est dans ma tête qu'il a joué, pas dans la tienne.

-Il t'a sauvé, Dean. Si je n'étais pas arrivé à Madison ce jour-là tu serais mort.

Sans honte, Sam a utilisé son regard de chien battu le plus suppliant. Dean était fatigué et a accepté de laisser aller les choses. Pour le moment, a-t-il ajouté ensuite. Et Sam, qui ne sait pas bien d'où lui vient cette certitude concernant leur mystérieux bienfaiteur, s'est promis de faire durer ce moment le plus longtemps possible.

Trois jours sans qu'ils se touchent autrement que lorsque Dean a soudainement besoin de réconfort. Trois jours avec tant de silences et de non-dits entre eux que l'air dans la maison en parait alourdi. Donner à Dean l'espace dont il a besoin, mais rester près de lui pour les moments plus difficiles. Ne parler de rien de ce qui compte vraiment.

Et quand Dean demande les clefs de l'Impala, une lueur de défi dans les yeux, que peut faire Sam, sinon les lui donner et demander de l'accompagner, juste pour être sûr.

-J'ai besoin de le faire seul, a répondu Dean.

-Merde. Ne me demande pas de rester planté ici à t'attendre. Ça fait presque un an que tu n'as pas conduit.

-Je ne suis plus cet homme-là, Sam, a rétorqué Dean en s'installant derrière le volant.

Mais il mentait, et ils le savaient tous les deux. À ce moment, les yeux de Dean se sont adoucis.

-Sam, s'il te plait. Je me sens bien. Je pars quelques minutes et je reviens.

Sam a accepté. Visiblement, il n'aurait pas dû, mais qu'aurait fait Dean dans le cas contraire? Il aurait simplement pris les clefs sans demander la permission.

Sam n'a pas besoin de conduire longtemps. Au bout de quelques kilomètres, il aperçoit l'Impala arrêtée sur le bas-côté de la route. Il se stationne derrière à toute vitesse et sort, accueilli par un nuage de moustiques qui bourdonnent désagréablement près de ses oreilles.

Faites qu'il aille bien, prie-t-il en se penchant vers la portière du côté conducteur.

Dean semble intact. Il a les mains sur le volant, le front appuyé dessus. Sa poitrine se soulève convulsivement.

-Ne dis rien, grogne-t-il d'une voix étouffée.

Sam obéit et contourne le devant de l'Impala pour aller s'assoir du côté conducteur. Il s'assoit et attend. Patiemment.

-Je suis un imbécile, ajoute finalement Dean.

-Non.

Dean frappe le volant impatiemment et relève la tête, observe Sam en fronçant les sourcils. «Et toi, Sammy? Tu veux devenir candidat à la sainteté ou quoi?»

-Hein?

-Depuis trois jours tu ne fais que m'observer patiemment et subir sans protester. Parce que je suis insupportable, ne crois pas que je ne m'en rende pas compte.

Sam hausse les épaules.

-Dean, qu'est-ce que tu veux que je te dise?

-D'arrêter de m'apitoyer sur mon sort et de me ressaisir. De mettre toutes les conneries de la dernière année derrière moi et de regarder en avant.

-Je ne suis pas papa.

Dean se mord les lèvres. «Non. Tu n'es pas papa. Tu es tellement… compréhensif que parfois j'ai envie de te frapper.»

-Tu penses que je n'ai pas envie de faire la même chose? Demande Sam en réprimant un sourire. Après la peur que tu viens de me faire.

À son grand soulagement, Dean sourit aussi. Il promène lentement sa main sur le cuir usée de la banquette de l'Impala avec une expression affectueuse sur son visage pâle.

-Ça allait bien, tu sais. La musique et… le bruit du moteur et la route et… Je me sentais vraiment moi-même et après… je ne sais pas. J'ai euh… pensé à cette petite fille assise sur le siège du passager et après j'ai pensé que j'aurais dû te permettre de venir parce que je me serais senti… Mieux. En sécurité. C'est stupide, je sais, mais je ne pouvais plus respirer et il a fallu que je m'arrête.

-C'était la première fois.

-Si tu me dis encore que je dois me laisser le temps, je vais te le donner ce coup de poing.

Sam ouvre la bouche, puis la ferme. Dean secoue tristement la tête.

-Ton Castiel ne savait pas trop ce qu'il faisait quand il m'a «guéri» si tu veux mon avis.

-Ce n'est pas mon Castiel. Les lésions sont disparues, Dean, je crois qu'on peut en être à peu près certains. Ça ne veut pas dire que tout ce qui t'es arrivé pendant la dernière année n'a pas laissé de cicatrices.

-Seigneur, tuez-moi maintenant.

-La ferme. Écoute, que tu le veuilles ou non, le traumatisme est toujours là. Tu as été possédé. Tu as failli en mourir. Tu as passé un an à revenir. Lentement. Difficilement. Cette expérience, ça ne s'effacera pas. Il faut que tu apprennes à fonctionner avec.

Dean semble sur le point de traiter Sam de psychologue à quatre sous, mais il choisit le silence. Il respire plus calmement, maintenant. Il appuie sa tête contre le dossier de son siège et ferme les yeux.

-J'ai parlé à Bobby. Ellen et lui seront là demain.

-Mmm, murmure Dean. Il sait pour…

-Ta tête? Oui.

-Bon. Je ne suis pas sûr d'avoir envie de les voir tous les deux, après avoir agi comme un animal traqué en leur présence. Mais je suppose que c'est un mauvais moment à passer.

-Je suppose. Dean, ils ont été extraordinaires avec nous.

-Je sais. Sammy?

-Quoi?

-Je… je ne veux pas qu'on reste. Après leur arrivée, je veux dire. J'ai euh… j'ai besoin de reprendre la route.

Sam comprend. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir peur.

-Tu sais qu'on ne peut pas recommencer à chasser. Pas tout de suite.

-Même si j'ai vraiment très envie de tuer quelque chose? Je ne suis pas difficile : une goule ou un Chien Noir feraient l'affaire…

Dean sourit, puis ajoute plus sérieusement. «Je sais, Sam.»

-Alors d'accord. On partira demain.

-Bien.

Sam a envie de prendre Dean dans ses bras, de l'embrasser sur la bouche. Longtemps. Mais il n'ose pas. Quand Dean sera prêt, s'il est seulement prêt un jour…

Secouant la tête pour chasser ces pensées trop sérieuses, Sam se redresse.

-Bon, tu la ramènes à la maison?

Les épaules de Dean se tendent. Il regarde Sam sous ses cils, les joues rouges et les yeux brillants.

-Je ne sais pas si je peux.

-Oui, tu peux. Je suis derrière toi.

Dean prend une inspiration un peu tremblante et serre les mâchoires. «D'accord.»

Et il conduit jusque dans la cour de Bobby sans le moindre incident. Si Sam s'aperçoit que son frère jette des regards un peu trop fréquents dans le rétroviseur pour s'assurer qu'il le suit bien, il n'en fait pas mention à leur arrivée.

}}}{{{

Sam met le dernier sac dans le coffre de l'Impala et le referme avec force, juste à temps pour voir Ellen embrasser Dean sur la joue, puis le serrer dans ses bras.

-Vous faites attention à vous, les gars, dit-elle en le regardant sévèrement.

-Oui, madame, répond Dean qui se gratte l'arrière de la tête, témoignant ainsi de sa nervosité.

Sam réprime un sourire. Bobby s'approche de lui et lui tend la main. Leur poignée est ferme et exprime tout ce que le vieil homme ne dira pas à voix haute.

-Elle a raison, Sam. Faites attention à vous.

-Oui.

-Et si jamais ça devient difficile avec Dean, vous vous ramenez ici, c'est clair?

-Comme de l'eau bénite.

Bobby s'éloigne et prend Dean à part, laissant Ellen debout sur le perron, une main sur la hanche, l'autre, plâtrée, serrée contre elle. Elle paraît vieille et fatiguée soudainement.

Sam va la rejoindre, les mains dans les poches.

-Ça va?

-Ouais. La vie continue, je suppose. Je m'étais habituée à vous avoir dans les pattes.

-Vraiment?

-Ne sois pas stupide. Vous allez me manquer, tous les deux.

Ellen tend la main et caresse doucement la joue de Sam. «Vous allez nous donner des nouvelles, hein?»

-Promis.

C'est à Sam de rougir. Il baisse la tête.

-Merci, Ellen.

-Tu es quelqu'un de bien, Sam. Ne laisse personne te faire croire le contraire.

-Okay.

Dean revient à ce moment. Il tient ses lunettes dans ses mains. Il les considère un instant, comme s'il s'agissait de quelque arme dangereuse, puis les chausse sur son nez. Il regarde Sam et rougit, passe devant lui sans un mot et va s'installer dans la voiture, côté passager.

Sam fait un dernier signe de la main à Bobby et Ellen puis se glisse derrière le volant. Il est deux heures de l'après-midi, la température est fraîche et il n'a aucune idée de leur destination. C'est bien.

-Qu'est-ce que Bobby t'a dit? Demande-t-il à Dean une fois qu'ils ont rejoint la route.

-Il m'a dit de prendre soin de toi, répond Dean en glissant une cassette dans le lecteur.

La musique de Lynyrd Skynyrd envahit l'habitacle. Dean baisse le volume et s'installe confortablement.

-Alors, Dean, où est-ce qu'on va?

-Wisconsin, répond Dean sans hésitation.

Les mains de Sam se crispent sur le volant. «Tu es sûr?»

-Oui. Je… j'ai besoin de…

Il fait un vague geste de la main et hausse les épaules.

-Okay.

Le voyage en voiture semble faire du bien à Dean. Il paraît détendu, la tête tournée vers la fenêtre pour regarder le paysage tandis qu'il bat doucement le rythme de la musique sur ses cuisses. Il était fébrile et nerveux à son réveil ce matin. S'apercevant qu'il était pressé contre Sam, il s'est levé si rapidement qu'il a failli tomber du lit.

Du temps, se répète Sam. Il lui faut du temps.

Lui-même profite de la route claire et déserte. Il a ouvert sa fenêtre et laisse le vent emmêler ses cheveux et caresser son visage. Pendant une heure, un silence presque paisible règne entre eux, et Sam pourrait croire que rien n'a changé.

Ils viennent de quitter le Dakota du Nord quand Dean s'étire, levant les bras au-dessus de sa tête. Son t-shirt se relève, dévoilant une partie de son ventre creux. Sam le voit grimacer.

-Je suis maigre à faire peur, grommelle-t-il en s'observant avec sévérité.

-Tu as repris du poids, au moins, parce que je te jure, quand tu t'es réveillé de ton coma tu-

-J'étais dans le coma? Demande Dean, sincèrement surpris.

-Euh… oui.

-Après que tu m'aies exorcisé?

-Oui, je… on n'en a pas déjà parlé?

Mais Sam n'en est pas sûr. Dean… l'autre Dean, n'a jamais posé beaucoup de questions sur cette période particulière.

-Si on l'a fait, je ne m'en souviens pas, dit Dean d'une voix incertaine. Je me rappelle très bien de cette fois, à l'église et euh… après… Il y a un vide… des images vagues, des voix et puis je… je suis à Xanadu et tu n'es pas là. Je suis avec une femme que je ne connais pas et je… suis terrifié et je pique ma crise.

Du coin de l'œil, Sam peut voir que Dean est rouge d'embarras.

-C'était à la fin janvier, je crois, dit-il doucement. Je t'avais laissé avec une infirmière. Tu as parlé pour la première fois ce soir-là.

-Je ne parlais pas du tout?

-Non.

-…Mais Sam, ça fait un trou de quatre mois. L'autre Dean, celui avec le cerveau en charpie, il se souvenait de ces quatre mois?

-Non… Je ne pense pas. Tu savais seulement que tu avais eu une blessure et que tu avais été très malade et… le temps était une notion difficile pour toi.

De rouge, le visage de Dean prend une couleur qui rappelle la cendre.

-Alors j'ai été pire que ce dont je me souviens.

-Okay, dit Sam en prenant une sortie annonçant une halte routière. On prend une pause.

Dean hoche la tête et garde le silence. La halte routière est déserte. Sam prend deux boissons gazeuses dans le distributeur et va rejoindre Dean assis à une vieille table de pique-nique. Son frère a retiré ses lunettes et se masse le front. Il accepte le coca que Sam lui tend mais ne l'ouvre pas.

-Je n'avais pas réalisé, dit Sam. Que tu ne te souvenais pas. C'est logique. Tu n'étais pas vraiment là, Dean, tu…

Se rappeler de cette période est difficile pour Sam. Plus qu'il ne l'aurait imaginé. Il n'arrive pas à prendre de distance. C'est comme s'il se retrouvait une nouvelle fois assis dans la chambre de son frère, à écouter le médecin lui dire qu'il ne survivra pas aux prochaines vingt-quatre heures.

-Ils ont dit que tu allais mourir, murmure-t-il tout bas. Il a fallu t'opérer d'urgence pour drainer un épanchement de sang dans ton cerveau. Tu ne devais pas survivre. Tu as passé deux mois dans le coma.

Dean l'observe, l'air impassible, mais ses mains sont crispées sur la table, si fort que ses jointures blanchissent. Sam lui fait le récit des premières semaines suivant son réveil avec toute la délicatesse dont il est capable, ravalant bravement le flot d'émotions qui l'étouffe. Son frère se contente de hocher la tête, les lèvres pincées.

-Tu as fait des progrès vraiment incroyables. Personne ne pensait que tu pourrais en revenir et tu l'as fait, dit Sam.

Il n'ajoute pas à quel point Dean a été une source de fierté pour lui. Il ne peut pas.

-Sam… Je suis tellement désolé… Pour tout ça, répond finalement Dean.

Et sa voix tremble un peu.

-Dean arrête, c'est pas ta faute.

-C'était tellement épuisant d'avoir peur, tout le temps et d'avoir du mal à réfléchir. Je ne crois pas que j'avais les capacités de vraiment réaliser le fardeau que ça te mettait sur les épaules.

-Tu n'étais pas un fardeau. Même les premiers jours, quand tu étais dans un état presque catatonique, je savais que tu étais là quelque part. Merde, Dean. On te levait un bras et tu le laissais dans cette position, mais tu étais capable de chanter tous les airs de Metallica. Juste le fait que tu sois vivant, c'était assez pour moi. Les médecins et tous ces foutus spécialistes, ils ne te connaissaient pas comme moi je te connais. Je savais que tu étais assez fort pour-

Sam se tait quand il sent ses yeux humides et brûlants. Il éclate de rire et secoue la tête.

-Vas-y, traite-moi de fille géante.

Dean ne dit rien. Il s'avance au-dessus de la table et attrape le col de la chemise de Sam entre ses mains, le forçant à s'approcher. Il presse ses lèvres sur celles de Sam, fort, dans un geste de désir et d'amour si intense que celui-ci sent ses jambes s'engourdir et son cœur accélérer brutalement dans sa poitrine. C'est la première fois que Dean le touche ainsi depuis la visite de Castiel. Il n'avait pas réalisé à quel point il avait peur d'être privé de cette intimité pour toujours après la guérison soudaine de Dean.

Son frère est le premier à rompre le baiser. Il a un sourire moqueur et approche sa bouche de l'oreille de Sam.

-Espèce de fille géante.

}}}{{{

Ils s'arrêtent à un motel une fois la nuit tombée. Dean a pris le volant pour la dernière portion de route. Incertain et nerveux les premiers kilomètres, il a rapidement pris de l'assurance. Sam a sourit en voyant le plaisir visible qu'il éprouvait à conduire et il a dû insister pour qu'ils s'arrêtent lorsqu'il a vu les premiers signes de fatigue apparaître chez son frère qui a fait la moue, rappelant ainsi à Sam l'autre Dean, grand traumatisé, incapable de dissimuler la moindre émotion.

Au motel, Dean insiste pour les enregistrer lui-même, une lueur de défi dans le regard. C'est son premier véritable contact avec le monde extérieur depuis quatre jours et Sam doit taire tous ses instincts protecteurs pour arriver à demeurer en retrait, près de la porte.

La jeune réceptionniste est jolie et a une physionomie franche et ouverte. Elle flirte ouvertement avec Dean qui répond comme il avait l'habitude de le faire, charmant et apparemment plein de confiance en lui -mais il y a quelque chose de faux dans son attitude : une raideur des épaules, une nervosité subtile que seul Sam peut remarquer. La jalousie qui gronde au creux de son ventre s'atténue un peu. Puis, Dean se racle la gorge et repousse ses lunettes sur son nez. La pointe de ses oreilles rougit lorsqu'il demande une chambre avec un lit double.

Sam sourit comme un idiot derrière le pamphlet touristique qu'il fait semblant de lire.

Ils mangent tranquillement après avoir sécurisé la chambre. À vingt-et-une heure, Dean cogne des clous sur une émission de cuisine et s'impatiente quand Sam lui suggère d'aller prendre sa douche et de se mettre au lit.

-Ne me traite pas comme un enfant.

-Tu as passé la dernière année à dormir douze heures par nuit, sans compter ta sieste de l'après-midi. Ton corps a besoin de se réhabituer à ton… ton autre rythme de vie.

Dean, qui a franchement froncé les sourcils à la mention du mot sieste, finit par lever les yeux au ciel mais contourne Sam pour aller s'enfermer dans la salle de bains.

Sam, songeur, pense à l'autre Dean.

-Je vais prendre ma douche Sammy.

-Pas de problèmes.

-Je vais laisser la porte ouverte.

-Je serai juste à côté.

Et Dean souriait timidement, rassuré.

Ce que Sam ressent s'apparente à de la nostalgie. Un sentiment qu'il considère malsain et étouffe aussitôt à l'intérieur de lui. Dean va mieux. Sam ne peut –ne doit- qu'éprouver du soulagement, pas autre chose.

Il évite le corps de son frère encore luisant d'eau lorsqu'il sort de la douche quinze minutes plus tard, une serviette enroulée autour des hanches. C'est ridicule, pense Sam. Ils ont dormi ensemble les trois nuits précédentes (plus ou moins) sans que rien ne se passe. Ce n'est pas parce qu'ils sont dans un motel que Dean sera prêt à faire quoi que ce soit.

Il s'attarde dans la douche, s'apercevant à quel point il est fatigué et a les muscles endoloris, s'efforçant de ne penser à rien sauf à la sensation apaisante de l'eau chaude sur sa peau. Il n'entend pas la porte s'ouvrir et se refermer et pousse un petit cri de surprise (très masculin) lorsqu'il aperçoit son frère assis sur le comptoir du lavabo, la tête appuyé sur le mur. Dean a passé des pantalons de coton et un vieux t-shirt qui flotte sur ses épaules. Il paraît soudainement très jeune.

Sam passe rapidement une serviette autour de sa taille et s'extirpe de la cabine.

-Qu'est-ce qui se passe?

-Rien, murmure Dean sans ouvrir les yeux. J'avais juste besoin de… merde. Je ne sais pas de quoi j'avais besoin. J'étais dans la chambre et… Je ne te voyais pas. Je ne pouvais pas t'entendre et j'avais besoin d'être proche.

Dean regarde Sam sous ses longs cils noirs, un sourire cynique sur les lèvres.

-Je suis complètement dingue, Sam, ajoute-t-il.

-Arrête. Tu vas mieux.

-Vraiment? Est-ce que je vais vraiment mieux? Parce que j'ai l'impression que nous sommes un peu à l'étroit, là-dedans.

Il pointe un doigt sur sa tête et soupire.

-On va se coucher, dit simplement Sam.

Dean hoche la tête. Comme les trois dernières nuits, il s'installe à une extrémité du matelas, sur le dos, les mains jointes sur le ventre. Sam se couche à son tour, prenant soin de ne pas le toucher, et étire la main pour éteindre la lampe de chevet.

-Attends, dit Dean d'une voix pleine de malaise. Attends, j'ai besoin de te parler de quelque chose.

Sam obéit. Dean se tourne sur le côté et s'appuie sur un coude.

-Ce… ce truc qu'il y a entre nous, finit-il par tenter.

Il se racle la gorge deux fois, retire ses lunettes et les observe en les faisant tourner dans ses mains.

-Ouais, ce truc…

-Il faut… J'ai des choses à dire, Sam.

Sam se raidit, mais tente de demeurer calme. Pense au baiser de l'après-midi et s'y accroche.

-Je t'écoute.

-Il… J'étais sérieux quand je t'ai dit que ça faisait longtemps. Que je pensais à toi de cette manière, je veux dire.

-Mmm mmm.

-Avant… Merde, Sam… Je m'étais juré… Je suppose que ça a à voir avec la façon dont on a été élevés, ou peut-être que ça vient juste de moi, que je suis un désaxé et un pervers et que-

-Arrête de dire des conneries.

-C'est ce que je pense, Sam. Depuis que tu as dix-sept ans, depuis cet été où on a passé deux mois complets rien que tous les deux, quand p'pa est parti au Mexique avec Joshua…

Sam se souvient. Dean et lui, installés dans un chalet près de s'écrouler au fond des bois, dans une petite ville du Texas, à passer de longues journées tranquilles. Dean s'était trouvé un job comme portier dans un cinéma. Sam avait du voir gratuitement tous les films à l'affiche au moins cinq fois. Et il avait aussi découvert qu'il ne pouvait pas rester, que la proximité de son frère devenait trop difficile à gérer pour lui.

Dean a un regard rêveur mais aussi douloureux. Il semble que cet été-là les ait marqués tous les deux.

-Je ressens ça depuis ce temps-là, ou peut-être avant mais alors, je ne m'en rendais pas compte. Je te jure Sam que je n'aurais jamais rien tenté si j'avais été dans mon état normal. Je n'ai pas pu je… C'est difficile à expliquer. Ça débordait : c'était comme une urgence et j'avais l'impression que j'allais mourir si je ne pouvais pas t'avoir de cette façon. Et c'est complètement stupide je sais mais…

-Arrête, Dean, arrête, coupe Sam qui sent la colère monter en lui.

Dean n'a pas à s'accaparer la culpabilité et la responsabilité de ce désir qui les unit tous les deux, aussi malsain et répréhensible selon les normes de la société soit-il.

-Je dis juste la vérité.

-Tu dis ce que tu as envie de dire. Tu te rappelles quand je t'ai expliqué, la première fois, que c'était moi le problème, que c'était moi qui avait profité de toi? Ou est-ce que tu es aussi sélectif dans tes souvenirs que dans ta façon t'attribuer les torts dans cette histoire?

Dean paraît surpris par la réaction de Sam. Il ferme très lentement les yeux, l'air épuisé soudainement.

-Nous sommes des frères, Sam.

-Je sais! Ça fait des mois que je me torture avec ça. Pourquoi est-ce que tu penses que je suis parti pour Stanford? Qu'est-ce qui a fait pencher la balance, finalement? Je ne dirai pas que c'est la seule raison mais je ne pouvais plus, Dean. J'en étais rendu à un point où je me haïssais et j'avais de plus en plus de difficulté à me contrôler et-

Dean lui donne alors un coup brutal sur l'épaule. Sam se retrouve sur le dos. Son frère est au-dessus de lui, les yeux sombres et les lèvres tremblantes.

-Ne viens pas me dire que c'est ma faute si tu es parti parce que pendant trois ans parce que j'ai bien failli… Merde, laisse tomber.

-Tu presque failli quoi?

-Va te faire foutre!

Dean s'extirpe des couvertures et se lève, fait la longueur de la chambre deux fois, les poings serrés, sa poitrine se soulevant rapidement. J'ai poussé trop loin, pense Sam. Il va faire une crise de panique et-

-MERDE! Hurle Dean en donnant un coup de pied à une chaise qui se trouve sur son chemin.

Cette explosion soudaine semble le calmer. Il se retourne vers Sam et pointe un doigt accusateur dans sa direction.

-Je suis ton grand frère, Sam! Je suis censé te protéger, pas t'entraîner dans une relation qui n'est rien d'autre que de l'inceste… Mais je… Je ne suis pas sûr que je peux arrêter, que j'ai la volonté nécessaire…

Sam se lève à son tour et s'approche de quelques pas, s'immobilisant lorsqu'il voit Dean se raidir. «Je ne veux pas arrêter non plus.»

-Sam, on ne peut pas…

Sam fait un autre pas.

-Dean, on le fait déjà.

Dean observe Sam, le souffle court. Ses mains se ferment et s'ouvrent compulsivement. Son cadet peut voir sur son visage le moment exact où il cesse toute résistance. Ses traits s'adoucissent, ses yeux s'emplissent de besoin et de désir. Peut-être de résignation, aussi, mais le bonheur, pour les Winchester, a toujours eu un goût doux-amer.

-Sammy, murmure-t-il.

Sam lui prend la main et le ramène vers le lit. Il l'aide à s'étendre sur le dos, puis s'agenouille près de lui. Dean tremble et fuit son regard mais il ne bouge pas. C'est la première fois à nouveau, si différente de l'autre, mais l'est-elle vraiment? Peut-être que Dean a toujours eu besoin d'être ainsi avec Sam. Personne ne s'est jamais occupé de lui.

Cette pensée brise quelque chose dans l'esprit du jeune homme qui enjambe le corps de son frère et se penche pour l'embrasser. Dean entrouvre timidement la bouche, réceptif mais passif. Sans se laisser démonter, Sam l'assoit et lui retire son t-shirt. Il fait de même avec le sien. Puis, il explore chaque centimètre de la peau douce et bronzée, couverte de taches de rousseur de son frère : les épaules minces, son ventre plat dont les muscles se contractent au contact de ses lèvres. Il remonte vers la poitrine et prend un mamelon brun dans sa bouche, le suce doucement, et quand les mains de Dean se posent sur son dos, c'est comme une victoire.

Sam se redresse et sourit à son frère qui respire rapidement, la bouche entrouverte, l'air solennel et sérieux –un contraste frappant avec l'autre, enthousiaste, dépourvu d'inhibitions et incapable de dissimuler son plaisir de quelques manière que ce soit.

Sam baisse le pantalon de Dean qui soulève légèrement ses hanches. Son pénis en érection remonte immédiatement vers son estomac. Au contacte de l'air, une petite goutte de liquide pré-éjaculatoire jaillit de la fente de son urètre. Son sexe a un tressaillement, et Sam peut voir le gland gonfler davantage, prendre une teinte rose foncée. Son désir éclate en lui. Il se penche et prend le pénis de Dean dans sa bouche, savourant sans honte le goût de son frère. Dean s'agrippe fort à ses cheveux, puis tire, et Sam comprend avec regret qu'il veut l'arrêter.

Il se redresse et se lèche les lèvres. Dean est appuyé sur ses coudes et l'observe. La rougeur de son visage s'est propagée à sa poitrine. «Maintenant tu n'as plus d'excuses» dit-il d'une voix rauque.

Sam ne comprend pas. Un sentiment de panique monte en lui quand Dean se lève et disparaît dans la salle de bain. Lorsqu'il revient, le tube de lubrifiant entre ses mains, il a un air animal et déterminé que Sam ne lui a jamais vu. Pas pendant le sexe.

-Déshabille-toi, ordonne Dean en se recouchant sur le dos.

Sam obéit frénétiquement. Son propre sexe est lourd et brûlant. Lorsqu'il voit Dean s'enduire les doigts de gel, il pousse un gémissement et s'installe à genoux au pied du lit, se masturbant brièvement pour libérer un peu de pression.

-Dean, tu es sûr?

-Bordel, oui, je suis sûr. Ou est-ce qu'il faut que je te supplie? Rétorque Dean qui écarte les jambes et plie les genoux.

Sam observe avec fascination les doigts de son frère trouver son anus et jouer légèrement avec le muscle. Puis, il enfonce son index jusqu'à la jointure avec un petit grondement qui mêle plaisir et douleur.

-Seigneur, gémit Sam en voyant le muscle se refermer autour du doigt de Dean.

Après quelques instants, Dean le retire et ajoute le majeur. Il halète maintenant, donne des coups de hanches involontaires alors que du liquide pré-éjaculatoire coule de son gland en un filet collant pour se répandre sur son estomac. Ses yeux sont fermés, ses sourcils froncés par la concentration, ses dents enfoncées dans ses lèvres. Sam ne peut rien faire d'autre que de regarder. Dean ajoute un troisième doigt et cette fois, il n'essaie même pas de réprimer le long gémissement rauque qui lui déchire la gorge. Son anus est rose et luisant de lubrifiant : le muscle s'ouvre et se referme, accompagnant le mouvement de va-et-vient de ses doigts, et Sam n'en peut plus. Il a besoin d'être à l'intérieur. Maintenant.

-Dean…

Son frère sursaute, puis l'observe un moment sans comprendre. «Okay, Sam. Okay, je suis prêt. Couche-toi sur le dos.»

Dean prend le contrôle, d'une manière dont l'autre Dean ne l'a jamais fait. Il s'installe sur Sam et s'empale presque immédiatement sur son pénis avec des gestes lents et précis. Une fois bien assis, il se penche vers Sam et enfouit sa tête dans son cou. Son pénis est chaud entre leurs estomacs.

-Seigneur, marmonne Dean. Sam…

-Ça fait mal?

-Non je… Espèce de salaud pourquoi est-ce que tu m'as refusé ça aussi longtemps…

Dean se redresse et pose ses mains sur la poitrine de Sam. Celui-ci agrippe ses fesses et enfonce ses ongles dans la peau tendre. Il aide Dean à relever son bassin. Son frère se rassoit brutalement en grondant. Il ferme les yeux, entrouvre la bouche et commence à bouger, adoptant un rythme rapide et brutal. Sam ne peut que s'accrocher et laisser les sensations le submerger. C'est si différent de toutes les autres fois. Même pendant le sexe, Dean restait doux et timide, cherchant sans cesse l'approbation de Sam, laissant toutes les pensées qui lui passaient par la tête franchir ses lèvres.

C'est différent, mais ce n'en est pas moins aussi intense, aussi bon. Dean enlève sa main droite de la poitrine de Sam et la serre fort autour de son membre maintenant furieusement rouge. Son scrotum commence à remonter vers son ventre. «Je vais jouir, Sam» annonce-t-il en ouvrant les yeux.

Sam gémit et hoche la tête. La sueur coule sur son front et mouille ses cheveux. Il laisse Dean le dominer et s'imprègne des traits tendus de son visage, de la grimace de plaisir qui déforme sa bouche et creuse des rides profonde sur son front. Dean le regarde jusqu'à ce que son orgasme le secoue. Il s'immobilise, renverse la tête vers l'arrière en cambrant son dos, puis laisse échapper une longue plainte tremblante alors que son sperme tiède inonde le ventre et la poitrine de Sam. Sam s'accroche à ses hanches et donne quelques coups de bassins violents alors que le muscle de l'anus de Dean pulse autour de son pénis, chaud et enveloppant, lui arrachant à son tour un long orgasme qui le laisse pantelant et étourdi.

Lorsque sa respiration revient à la normale, Dean s'est effondré contre lui. Il l'observe de ses yeux verts et brillants, et Sam peut presque y voir de l'émerveillement.

-Sammy, murmure-t-il, et c'est l'autre Dean qui parle, celui avec lequel il a déjà partagé tous ces moments paresseux qui suivent l'amour.

-Je t'aime, répond Sam en dégageant doucement une mèche de sur son front.

-Je… je t'aime aussi, répond Dean qui détourne les yeux et rougit.

Mais Sam a fait une provision innombrables de «je t'aime» au cours de la dernière année, et il croit qu'il peut s'habituer à l'entendre moins souvent, parce qu'il sait que Dean ne le pense pas moins.

}}}{{{

Ils atteignent Madison, au Wisconsin, trois jours plus tard. Le voyage jusque là a été paisible. Dean a conduit pendant de courtes périodes, mais il a passé la majeure partie du temps du côté passager, silencieux, presque contemplatif. Sam lui laisse de l'espace. Dean doit se réapproprier sa personnalité et ses pensées, faire la paix avec celui qu'il était au cours de la dernière année. Sam peut essayer de comprendre, mais il sait que c'est foncièrement impossible.

Dean frôle la crise de panique la deuxième nuit suivant leur départ. Réveillé en sursaut au milieu de la nuit, Sam le trouve assis par terre sur le plancher d'une propreté douteuse de la salle de bains de leur chambre. Il respire rapidement et son t-shirt couvert de sueur colle à sa peau.

Sans un mot, Sam s'assoit près de lui et passe un bras autour de ses épaules. Moins d'une minute plus tard, il sent son frère se détendre contre lui.

-Je pensais que je pouvais… me calmer tout seul, finit par grommeler Dean sans le regarder.

-Un cauchemar?

Dean hoche la tête. «Meg.»

-Tu veux en parler?

-Il n'y a rien que tu ne saches pas déjà.

Ils retournent se coucher presque immédiatement, et si Dean se plaint avec force et gestes quand Sam se blottit contre lui, il ne bouge pas. Ils peuvent prétendre tous les deux qu'il n'en a pas besoin et que la proximité de Sam est complètement désintéressée.

À l'approche de Madison, cependant, un peu après midi par une journée chaude et pluvieuse, Dean devient visiblement plus tendu. Ils se sont arrêtés pour dîner dans un restaurant où il a commandé une bière, malgré l'heure matinale. Quand Sam quitte l'autoroute pour prendre la direction du centre-ville, les lèvres de Dean sont réduites à une ligne mince et blanche. Il a ses lunettes dans ses mains et les retourne sans cesse –un nouveau tic qu'il a développé lorsqu'il est nerveux.

-Alors? Demande Sam. L'église, directement?

-Oui.

Ils en ont discuté. Dean ne veut pas revoir tous ceux qui se sont occupés de lui pendant sa longue et miraculeuse convalescence. Ce n'est pas de l'ingratitude, Sam le sait : plutôt un mélange de malaise et d'inconfort. Imaginer à quel point il a été handicapé dans les premières semaines est ce qui semble lui poser le plus de difficultés. «On n'est pas dans une foutue télé-réalité, Sam. Je ne me présenterai pas dans le bureau de la neurologue pour la remercier en lui braillant dans les bras. Et puis, qu'est-ce qu'il y aurait d'autre à dire?»

Et il a raison. Sam éprouve cependant une bonne dose de culpabilité en pensant à William qui a été si généreux avec eux et qui a pu s'imaginer tout et n'importe quoi après leur départ précipité. Plus tard, peut-être, réussira-t-il à trouver les mots pour lui expliquer la situation et le courage pour décrocher le téléphone.

-C'est en exorcisant un autre démon que j'ai appris qu'elle se trouvait peut-être dans les environs, murmure Dean alors que Sam essaie de se rappeler comment rejoindre les ruines de l'église. «Tourne à gauche au prochain embranchement.»

-Tu es sûr?

-Je suis sûr. Elle avait laissé sa trace partout, comme si elle voulait que je la retrouve. Mais je crois… je crois qu'elle n'avait pas encore de plan précis. Elle ne savait pas, pour les enfants du démon aux yeux jaunes et les portes de l'Enfer. Elle était frustrée, furieuse et elle voulait nous tuer.

-C'était un piège?

Dean soupire.

-Je ne pense pas… Elle essayait de rassembler des démons autour d'elle en utilisant le site de l'église et euh… Elle ne faisait pas attention. Tu aurais dû… sentir à quel point elle jubilait lorsqu'elle s'est emparée de moi, je…

-Dean, tu n'es pas obligé.

-Je sais.

Dean se tait quelques instants. Les maisons se font de plus en plus rares sur la route et les arbres plus nombreux. Ils approchent.

-Si seulement je m'étais méfié davantage.

-Ne dis pas de conneries, coupe Sam impatiemment. Tu… tu me l'as raconté. Tu manquais de sommeil, tu étais malade et-

-J'ai agi comme un débutant. Je voulais que ça finisse, tu vois? Je voulais pouvoir te dire : la salope est morte. On peut vivre le reste de notre vie et laisser ça derrière nous.

-Je comprends, dit Sam prudemment.

Il est aussi nerveux que Dean. Il craint la réaction de son frère lorsqu'ils seront arrivés à destination. Il ne sait même pas pourquoi ce dernier tiens tant à revoir l'endroit où il a failli mourir. Ou peut-être le sait-il. Peut-être refuse-t-il seulement de gérer ses propres sentiments. Dean n'a pas le monopole de l'esquive émotionnelle après tout.

Sam stationne l'Impala à peu près au même endroit que la dernière fois, sur le bas-côté de la route de terre, au couvert des arbres. La pluie s'est transformée en fine bruine balayée par le vent. L'air est lourd dans la voiture.

-On y va? Demande-t-il en se tournant vers Dean.

Son frère est déjà en train de s'extirper de la voiture. Sam soupire et l'imite, le suit sans un mot sur le chemin boueux.

-Alors c'est cette chose… Castiel, qui t'a amené ici?

-Oui. J'étais en train de me préparer pour venir te retrouver, murmure Sam qui frissonne en apercevant les ruines droit devant lui.

Dean s'immobilise à quelques mètres de la grande dalle brisée et observe les lieux, sourcils froncés, une expression intense et concentrée sur son visage.

-Je ne… je ne me souviens pas comment je me suis retrouvé ici, dit-il comme s'il s'adressait à lui-même. Après ce que je… ce qu'elle a fait à la petite fille, c'était difficile de résister et ensuite, ensuite elle a appris où tu te trouvais et où était le Colt et je…

Dean se mord les lèvres, mais il paraît toujours calme, solide.

-Et puis soudainement tu es là, ajoute-t-il en se tournant vers Sam.

Sam hoche lentement la tête. Il ne peut pas parler. Lui se souvient, de tout, avec une horrible clarté. Il peut presque sentir l'odeur du sang de son frère, le voir gicler alors que Dean frappe sa tête contre une pierre de toutes ses forces. Et il a pensé qu'il l'avait perdu, et ensuite, les jours qui ont suivi ont été un long cauchemar éveillé et il ne sait même pas s'il a réellement l'impression de s'en être sorti.

Il pouvait voir une partie de son crâne sous la blessure : l'éclat blanc d'un os, si blanc, si terrible alors que la pluie nettoyait le sang de Dean.

Sam ferme les yeux fort et secoue la tête pour tenter de chasser les images, sans succès. Il se penche et s'assoit sur un tronc d'arbre renversé, humide et branlant. Allez, reprend-toi. Pour Dean. Ne lui rend pas les choses plus difficiles.

-Sam?

-Ça va je… j'ai juste besoin d'un moment.

Dean s'accroupit en face de lui et met ses mains sur ses cuisses.

-Qu'est-ce qui se passe? Tu es blanc comme un drap.

-Ça va, j'ai dit, rétorque Sam un peu impatiemment. Laisse-moi juste…

- Allez on s'en va. C'était une mauvaise idée de venir. Je ne sais pas pourquoi j'ai pensé que-

-Dean, ferme-la. Juste une seconde.

Sam repousse les mains de son frère et se relève lentement. Et de tous les sentiments qui s'entremêlent en lui de façon inextricable, c'est étonnamment la colère qui prend le dessus.

-Comment est-ce que tu as pu me faire ça? Demande-t-il d'une voix blanche.

Dean, la bouche entrouverte, secoue la tête sans comprendre. Mais Sam ne voit que son visage ensanglanté et absent. Si près de la mort.

-Tu es un foutu égoïste, Dean Winchester, poursuit Sam. Tu… tu m'as… après m'avoir ramené de force et –des mois sur la route à chasser ensemble et au moment où j'ai le plus besoin de toi tu m'as laissé tomber en te servant de ta sacro-sainte mission de grand frère et tu es parti et –et- et-

-Sam.

Dean pose une main sur son épaule. Sam le repousse une nouvelle fois, plus brutalement.

-Ne me touche pas! J'étais tout seul, à Stanford, et je voulais juste repartir avec toi sur la route. P'pa venait de mourir et tu m'as obligé à retourner là-bas. Je ne voulais pas, Dean! Ce n'était pas ce dont j'avais besoin! Et regarde ce que ça a donné, espèce de tête de mule de foutu con. Tu as failli mourir. Tu as… et je… si ça n'avait pas été de ce type, Castiel, tu serais mort. Parce que c'était plus facile pour toi de continuer tout seul en pensant que tu me mettais en sécurité, quand en fait, tu ne voulais pas avoir à me gérer moi en plus du deuil de p'pa et-

-Sam c'est pas vrai, proteste Dean sans force.

-Tu penses que c'était facile de te voir comme ça? De devoir changer la couche de mon frère de vingt-sept ans? Hein, Dean?

Dean pâlit. La pluie colle ses cheveux à son crâne et son t-shirt à son corps trop mince. Sam secoue la tête et tente de reprendre son souffle, ne sachant pas trop s'il a envie d'embrasser Dean ou de le frapper. Son estomac se soulève et il réprime une nausée soudaine et violente.

-Je suis désolé, Sam, finit par répondre Dean en baissant la tête.

-NE ME REFAIS PLUS JAMAIS ÇA!

Sam empoigne Dean par le col de son chandail et l'attire contre lui. Dean le laisse faire passivement un moment, puis lui rend son étreinte.

-Okay, dit-il.

-Okay, répète Sam avec ferveur.

C'est à son tour d'enfouir son visage dans le cou de son frère, d'y respirer son odeur rassurante, d'effleurer la peau délicate avec ses lèvres et de la sentir palpiter en accord avec le cœur de Dean. Là, vivant. Avec lui.

-Personne ne nous voit, j'espère, dit ce dernier, un soupçon de moquerie dans la voix. «Parce qu'on se croirait à fin d'un mauvais téléfilm à la sauce Brokeback Mountain.»

-La ferme. Ducon.

-Salope.

Épilogue

Plus tard, beaucoup plus tard, quand Sam aura pris assez de recul, il considérera leur retour à l'église comme la fin de cet épisode intense et douloureux de leur vie. Il pourra se dire qu'il ne regrette rien, qu'il a ainsi appris à connaître une facette complètement différente de son frère et que leurs sentiments mutuels ne se seraient probablement pas exprimés autrement, mais ce serait se mentir à lui-même. Si Sam pouvait revenir en arrière et épargner à Dean toute la souffrance et la peur qu'il a dû endurer, il le ferait en claquant des doigts.

Comme on l'a déjà dit, cependant, la fin d'une chose n'est que le début d'une autre, et cette histoire n'est pas différente.

Lorsqu'ils quittent Madison le jour même de leur arrivée, Sam et Dean poursuivent leur route, tout simplement. Dean commence aussitôt à déployer des efforts considérables pour retrouver la vie qui lui appartient, pour se rendre à lui-même, et Sam s'efforce de lui laisser l'espace et l'indépendance nécessaires, même si l'instinct protecteur qui s'est développé en lui au cours de la dernière année est difficile à dompter. Il ne disparaitra jamais vraiment.

Dean se met à manger davantage et, s'il continue de privilégier le junk food, il s'efforce d'absorber suffisamment de protéines et de vitamines pour reconstruire sa masse musculaire. Il fait de l'exercice à tous les jours, obstiné et intense, jusqu'à ce qu'il tremble de fatigue. Son agilité au combat à mains nues lui est revenue, mais il manque encore de force. Il se plaint que Sam ne se donne pas à cent pour cent pendant leurs exercices, et c'est peut-être vrai. Peut-être que parfois, Sam a l'impression que Dean va le regarder avec des yeux immenses et perdus et murmurer un «Sammy» apeuré s'il le frappe trop fort. Dean n'est pas le seul à devoir se réapproprier son corps, son caractère et sa vie.

Une semaine après leur départ de chez Bobby, Sam et Dean s'arrêtent près d'un terrain vague, à des kilomètres de toute civilisation, et Dean manipule ses armes pour la première fois. Il est extrêmement nerveux et n'essaie même pas de le cacher à Sam. Les premiers coups de feu manquent de peu les cibles improvisées, mais ensuite, Dean prend de l'assurance et abat les autres sans effort. Cette étape marquante l'emplit de confiance en lui. Dans la voiture, lorsqu'il ne conduit pas, il s'exerce avec son canif jusqu'à ce que Sam, au bord de la crise de nerf, lui fasse un sermon sur les dangers de manipuler des fichues lames tranchantes dans une voiture en marche et menace de le priver de sexe.

Et il sait que, si Dean lui obéit, ce n'est sûrement pas pour des questions de sécurité automobile.

Pendant un mois, ils voyagent, ramassent un peu d'argent en faisant de l'arnaque dans les bars et en travaillant parfois honnêtement pour changer, sur l'insistance de Sam. Ils passent une semaine à cueillir des pommes dans un verger du Vermont au début d'octobre et Dean mange des fruits jusqu'à s'en rendre malade. Sans surprise.

Il recommence à parler de chasse, mais Sam hésite. Il a peur, craint que Dean ne soit pas prêt, que les choses tournent mal, pense peut-être qu'il ne pourrait pas supporter de prendre son frère mourant dans ses bras une autre fois. Dean, étonnamment, semble comprendre son hésitation et fait même preuve de patience, pour l'une des rares fois dans sa vie.

Parce que Dean, s'il n'est plus cet homme fragile et handicapé attaqué par Meg, n'est plus non plus le frère qui est allé chercher Sam à Stanford parce que leur père avait disparu. Il est différent. C'est parfois subtil, mais Sam ne s'y trompe pas. Progressivement, Dean intègre ce qui lui est arrivé, ce qu'il était, jusqu'à ce que l'ombre de l'autre se mêle à la sienne. Il est plus ouvert sur ses sentiments, accepte plus facilement ses faiblesses et ses limitations, laisse entrer Sam dans les murs protecteurs qu'il avait érigés autour de lui depuis son enfance. Pour les autres, la façade que Dean accepte de montrer demeure la même : un homme apparemment plein de confiance en lui qui a des buts et des objectifs, qui aime demeurer en contrôle des situations autant que de lui-même, mais il s'accorde maintenant le droit à l'introspection. Il ne sera jamais quelqu'un qui aime parler de ce qu'il ressent, qui a de la facilité à trouver les mots pour l'exprimer –il laisse ça à Sam- mais la lutte constante contre lui-même et ses propres démons ne fait plus partie de lui, ou si peu.

Et c'est bien, pense Sam. Évidemment, le fait qu'ils soient devenus amants doit aussi pencher dans la balance. Leur liaison n'est pas toujours facile, mais Sam n'a jamais douté qu'elle le serait. Ils sont Sam et Dean Winchester, après tout : leur loyauté l'un envers l'autre n'a d'égal que leur façon de se porter mutuellement sur les nerfs, mélange constant d'amour et d'exaspération. Il y a des disputes et des réconciliations, parfois maladroites, mais ils sont plus près l'un de l'autre qu'ils ne l'ont jamais été. Que cette relation soit complètement tordue, à blâmer sur leur enfance étrange et difficile, qu'elle doive demeurer secrète sous le couvert des draps la nuit, dans l'odeur de la sueur et du sexe, ne les affecte pas. Pas réellement. Si Dean compose encore avec sa propre culpabilité, Sam a depuis longtemps fait la paix avec la sienne, et il ne doute pas que son frère finira par le rejoindre à ce niveau.

Après tout, si Dean continue de flirter ouvertement avec les serveuses et les témoins, il le fait d'une façon mécanique et détachée. Parfois, après avoir sourit à une femme et l'avoir couvert de compliments, il se tourne vers Sam et le regarde intensément, comme s'il voulait lui dire : c'est toi, juste toi. Cela suffit à calmer la jalousie qui se tord parfois au creux du ventre de Sam.

Dean est à lui. Dean est son frère et son amant et sans conteste l'amour de sa vie. Et dans son esprit, il n'oubliera jamais la vulnérabilité et le besoin de se sentir aimé et protégé qui caractérisait son aîné lorsqu'il subissait jour après jour les conséquences de son traumatisme crânien.

Presque deux mois après leur départ de chez Bobby, ils tombent par hasard sur une chasse potentielle dans une ville voisine de celle où ils sont arrêtés. Des gens sont retrouvés morts mois après mois, par des nuits de pleine lune. Les cadavres paraissent avoir été à moitié dévorés par quelque bête sauvage : leur cœur a disparu.

Cette fois, l'insistance de Dean est telle que Sam sait qu'il finira par céder. Les meurtres sont à l'évidence le fait d'un loup-garou, ou de plusieurs. Dean a toujours été fasciné par ces créatures. Il avait treize ans lorsque John et lui en ont tué un –c'était sa première véritable chasse et elle lui a laissé une impression durable.

Sam ne peut pas refuser. Dean va mieux. Il est prêt et ils le savent tous les deux. Ils sont les chasseurs les plus près du territoire de la créature et ne peuvent pas, en leur âme et conscience, la laisser continuer à trucider des gens qui ont le malheur de croiser leur route. Il ne reste que deux jours à la pleine lune.

Ils se préparent méticuleusement et arrivent à San Francisco à la tombée de la nuit. Dean a fait un canevas sur une carte pour déterminer spécifiquement le territoire de chasse de la créature. Ils sont armés de fusils chargés avec des balles d'argent et prêt à tout.

C'est Dean qui a tue le premier loup-garou au moment où il allait attaquer une jeune femme passant par-là. Il s'en tire sans une égratignure et sourit fièrement à Sam, qui ne peut s'empêcher de sourire à son tour. C'est bien de chasser à nouveau, de savoir que son frère a retrouvé toutes ses capacités –ce qui faisait de lui un chasseur si redoutable.

Il est perdu dans ses réflexions lorsqu'il se sent brutalement poussé vers l'avant. Il tombe sur le ventre, sent les griffes d'une deuxième créature s'accrocher à son dos. Il entend Dean crier son nom une fraction de seconde avant que le bruit assourdissant de son pistolet ne déchire la nuit.

La créature hurle et s'effondre sur Sam, lâchant un dernier souffle.

Il se redresse assez rapidement pour la voir changer, révélant une belle jeune femme brune aux lèvres pleines. Un couple de loups-garous, tiens. Ils avaient envisagé cette possibilité, avec le nombre de meurtre commis depuis plusieurs mois.

Les marques des griffes dans son dos brûlent. Il sent le sang mouiller rapidement son t-shirt et sa chemise.

-Sammy, ça va? Elle ne t'a pas mordu au moins? Demande Dean qui s'approche au pas de course, les traits tordus par l'inquiétude.

Sans jeter un regard au cadavre effondré à leurs pieds, Dean relève les vêtements de Sam pour examiner ses blessures. Sa main est chaude sur la peau moite de Sam.

-Ça va, dit-il. Elles ne sont pas profondes. Quelques diachylons de rapprochement et tu seras comme neuf.

Sam hoche la tête. Dean le prend par les épaules et l'observe, un demi-sourire sur les lèvres.

-Je t'ai sauvé la peau.

-Ouais.

-Il y a des choses qui ne changent pas, Sammy, poursuit Dean en souriant plus largement.

Ils se débarrassent des corps dans une clairière à l'extérieure de la ville. Dean observe le feu monter de la fosse avec cette lueur hypnotique dans le regard.

Il y a des choses qui ne changent pas, pense Sam. Les flammes se reflètent dans les verres des lunettes de son frère –un rappel de tout ce qu'il avait perdu, de ce qu'il a retrouvé.

Les loups-garous étaient des voisins d'appartement. C'est un peu triste de découvrir que la femme était une jeune professionnelle accomplie, appréciée de tous, et l'homme un bénévole pour une multitude d'œuvres de charité catholiques. Comme s'ils ne savaient pas qu'ils se transformaient en bêtes sanguinaires quelques nuits par mois.

Dean en doute. Sam n'est pas certain, mais leur travail à San Francisco est terminé, et ils quittent la ville rapidement.

Une autre chasse les attend dans un état voisin : un poltergeist probable.

La vie qu'ils ont connue reprend ses droits, et c'est bien.

Que reste-t-il à dire? Trois mois après la guérison de Dean, Sam commence à faire des cauchemars à répétition qui lui rappellent trop bien ses visions pour qu'il les ignore. Il ne veut pas inquiéter Dean et les garde pour lui le plus longtemps possible, jusqu'à ce qu'il n'ait plus besoin d'être endormi pour subir ces visions étranges.

Mais ceci est une autre histoire.

FIN