Un voyage….

Le vent hurlait à travers les barreaux de sa prison. Sirius était déjà malade. Le monde semblait tournoyer à toute allure autour de sa cellule et, bien qu'il ait été couché, il était difficile pour lui de rester immobile. Il n'y avait pas assez de place pour qu'il puisse s'allonger complètement, et ses membres étaient écrasés contre son corps. La cellule était bien trop petite.

Sirius se sentait mal.

Ca n'était pas une bonne idée. Vraiment pas.

Une rafale de vent bien plus froide passa dans sa toison noire, et il frissona. Il avait la tête qui tournait, sans doute à cause du manque de sommeil, mais il ne pouvait pas dormir là-dedans. Il ne pouvait pas se lever non plus, et donc ne pouvait pas regarder dehors, mais il entendait énormément de gémissements. Il devait y avoir d'autres cellules, bien sûr. Il devait y en avoir d'autres comme lui. En fait, pas tout à fait comme lui, pensa-t-il.

Tout d'un coup, le sol, les murs et le plafond tremblèrent. Quelqu'un avait soulevé la boîte dans laquelle il se trouvait et il grogna sourdement. Il entendit des voix ensommeillées : des hommes portaient sa cage sans faire attention, et tout son corps lui faisaient mal, secoué comme il l'était. La cage fut finalement jeté quelquepart dans une dernière secousse, et Sirius poussa un glapissement de douleur. Il y avait d'autres chiens qui aboyaient autour de lui. Il était six heures du matin. Pourquoi les avions moldus devaient-ils donc partir si tôt ? James l'avait réveillé à quatre heures ce matin. C'est totalement idiot !

Ca avait vraiment été une mauvaise idée. Mais il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même.

***

Malgré la chaleur de l'été, un feu vif brûlait dans la cheminée de la salle commune. Sirius ne pouvait qu'être reconnaissant envers James pour si bien réussir les Sortilèges de Gèle-Flamme. Avec Lily, Rémus et Peter, ils appréciaient pleinement les privilèges dûs à leur statut de septième année dans les meilleurs fauteuils de la salle commune et discutaient des vacances qui approchaient.

- Il n'est pas question que je me mette tout de suite à la recherche d'un boulot, protestait Sirius. J'ai bien l'intention de profiter de ma jeunesse, tout de même.

- Tu as bien raison, déclara Lily.

Le jeune homme sentit sa mâchoire tomber. Avait-il bien entendu ? Lily, la préfète en chef Lily le soutenait dans une de ses campagnes pour la paresse ? Et depuis quand ?

- Pour ma part, continua-t-elle en ignorant les quatre expressions stupéfaites autour d'elle, j'ai bien l'intention de me reposer au moins deux bons mois. Sans travailler. Et aucune magie. Ca vous tente ?

- Bonne idée ! dit James avec enthousiasme. Je suis partant !

Ce qui, pensa Sirius, n'était pas surprenant, James étant toujours prêt à suivre Lily, même aux portes de l'enfer. Mais cela méritait réflexion.

- Tu veux dire, demanda Rémus, un peu plus dubitatif, pas même des sorts basiques ? Mais ca va être impossible ! Tu exiges qu'on se comporte en parfait petits moldus, alors que nos maisons sont truffées de sortilèges ! Tu sais seulement ce qui se passe si j'essaye d'allumer la cuisinière avec autre chose qu'une baguette magique, chez moi ?

- Mes parents ont une maison parfaitement moldue à Minorque, dans les Baléares. Ils accepteront sûrement que je vous invite tous là-bas !

- Mais ils nous connaissent à peine !

- C'est bien pour ça qu'ils accepteront, répondit Lily avec un clin d'œil. Mais ce ne sont que des paroles en l'air… je sais bien que vous ne tiendrez pas deux mois sans magie !

Elle avait touché le point sensible.

- Si c'est un défi, j'accepte ! claironna Sirius.

Les autres n'étaient pas moins enthousiastes.

- Une minute, interrompit Rémus tout d'un coup. Que fera-t-on à propos de mes… indispositions ?

- Pas un problème ! Le précédent propriétaire était totalement parano : le sous-sol est un abri nucléaire : les murs ont un mètre d'épaisseur, les portes ferment solidement à clefs. Ca te va ?

- Non. Si c'est une maison parfaitement moldue, on est censé y aller comment ? Pas de poudre de cheminette, c'est trop loin pour transplaner, et on est pas tous des Potter pour y aller sur balai…

- Les transports moldus, ça te dit quelque chose ? On peut y aller en avion !

- Bien sûr ! s'écria Sirius avec un sourire qui ne disait rien de bon. Et trois billets d'avion à partager entre cinq, ce n'est pas si cher que ça !

Il savoura les expressions interrogatrices de ses amis avant de continuer.

- Je ne crois pas qu'ils feraient payer une place pour un rat ou un chien, si ?

- Sirius, réveille-toi! dit une voix.

Sirius ouvrit les yeux et jeta un coup d'œil au réveil.

- Il est à peine quatre heures, James! Tu veux ma mort?

- Tais-toi! Tout le monde est déjà réveillé. Viens manger quelque chose.

Réveillé n'était pas réellement le mot juste. Peter dormait, la fourchette arrêtée à mi-chemin de sa bouche. Lily avait enfoncé sa tête entre ses bras croisés sur la table. Remus regardait sa tasse de thé sans la voir. James, le seul totalement réveillé et surexcité, les secouait tous, sans grand résultat. Sirius vint s'asseoir devant une assiette et grogna.

- C'est incroyable! Tu es pire que Kérel, et il était le capitaine de Quidditch le plus forcené que j'ai jamais vu. Et toi, quand tu es devenu capitaine, tu étais aussi terrible ? Comment tes joueurs s'en sortaient avec toi ?

James lui lança un regard irrité et secoua l'épaule de Peter, dont le regard revint tout d'un coup sur sa fourchette. Il se glissa ensuite derrière Lily et la réveilla avec un léger baiser dans la nuque, sous les ricanements de ses amis.

- Patmol, Queudver, vous comptez vous transformer ici ou à l'aéroport?

- Ici, répondit Peter d'une voix pâteuse. Ca nous économisera un ticket de métro.

- Je suppose qu'ils n'acceptent pas les chiens gros comme des ours, dans le métro. Et puis, je doute que tes parents vont apprécier d'avior des poils de chien partout dans l'appartement.

Ils avaient dormi dans le pied-à-terre des Potter à Londres : il n'y avait pas eu d'avion pour Minorque le jour où ils étaient revenus de leur dernière année à Poudlard. Lily finit par redresser sa tête ébouriffée et rendit son baiser à James. La tête de Rémus, par contre, retomba sur la table avec un bruit sourd et il gémit.

- Je veux dormir!!

Tout le monde rit, et Sirius arriva à sortir quelques blagues pour achever de les réveiller. Un quart d'heure plus tard, ils étaient tous prêts, parfaitement habillés en moldus sous les conseils de Lily. Peter s'assoupissait lentement, sous sa forme de rat, sur l'épaule de James.

***

Ils traversèrent l'aéroport à grandes enjambées, à la recherche d'un coin discret, et finirent par se décider pour les toilettes des hommes, désertes à cette heure matinale. Peter se transforma pour faire le guet, James s'enferma dans une des cabines avec leurs cinq énormes sacs, et Sirius dans la cabine d'à côté.

Rémus attendait Sirius avec une laisse et un collier. Il fut effrayé de l'entendre gémir, puis se retrouva secoué de rire.

- Oh, Patmol, tu aurais dû penser que tu ne pourrais pas ouvrir la porte sous ta forme de chien. Tu vas devoir te retransformer, maintenant!

Ce fut un chien de mauvaise humeur qui sortit de la cabine, et il ne laissa son ami lui passer le collier qu'après avoir grogné et aboyé un moment. James sortit de sa cabine avec un seul gros sac. Remus le prit pour le soupeser.

- Ca ne va pas sembler trop léger pour trois personnes ? Dont une fille ?

- Prie pour que Lily ne t'aie pas entendu, idiot. Je l'ai fait aussi lourd que j'ai pu. Tu sais comment sont ces sortilèges de Rétrécissement…

Peter, déjà sous sa forme de rat, monta sur l'épaule de James et Rémus prit la laisse de Sirius. Ils rejoignirent Lily qui les attendait dehors.

- Mais qu'est-ce que vous faisiez?

- Notre bon vieux Patmol a eu un petit problème…

L'humeur de Sirius s'assombrit encore tandis que ses amis se moquaient de lui. Il prit sa revanche en se comportant comme un vrai chien. Cela signifiait, entre autre, que Rémus se trouva entraîné au pas de course à travers tout l'aréoport, et que les trois durent fréquemment s'excuser pour le comportement de leur chien. Ils arrivèrent enfin au guichet d'enregistrement de leur vol, où il y avait déjà une longue queue. Hors d'haleine, Rémus jeta la laisse à James et prit Peter sur son épaule.

- Pas juste. C'est toujours moi qui ai le fardeau le plus pesant!

- Pas du tout, répondit James avec un clin d'œil. Tu viens de me le donner!

***

Voilà où ils en étaient. Lily, James, Rémus et Peter devaient être dans l'avion, déjà, comfortablement assis et discutant joyeusement, et lui était enfermé dans cette petite cage, frigorifié et endolori. Ça avait été aussi très humiliant. Il avait dû faire une visite vétérinaire, et cela avait été horrible. En particulier quand le vétérinaire s'était inquiété de l'intégralité de Patmol. Lily avait dû sortir de la pièce, et il avait pris à James et Rémus une expérience de sept ans de mensonge pour garder un visage impassible. Ca avait été assez gênant sans que James n'ajoute qu'il le ferait castrer dès que possible pour calmer le vétérinaire.

Et maintenant, il était dans un avion, entouré d'autres chiens qui lui aboyaient dessus sans cesse. Il lui semblait qu'il y avait une éternité qu'il était là quand l'avion eut une accélération et une étrange secousse qui le rendirent malade. Ils avaient décollé.

Le vol n'en finissait pas. Quand ils atterrirent enfin, Sirius n'avait plus rien dans son estomac et chaque mouvement de l'avion le rendait complètement malade. Et tout recommença. La caisse étant manipulée sans ménagement, il fut jeté contre les murs et ne put plus rien voir.

Finalement, il entendit un petit couinement et leva les yeux. Un gros rat gris, entre les barreaux, le regardait avec une lueur d'amusement dans ses petits yeux noirs. Quelques secondes plus tard, la porte de la cage s'ouvrit et il en sortit, boitant et s'étirant douloureusement, grognant comme James et Rémus se moquaient de lui. Lily tomba sur ses genoux et le serra dans ses bras. Il s'en sentit étrangement réconforté, même si elle ne le faisait que pour donner le change aux moldus qui les observaient. Elle finit par attacher la laisse et ils partirent.

***

Ils furent bientôt sur une plage enchanteresse, regardant une énorme maison.

- Alors c'est ça ? commenta James. Wow !

- Oui. Magnifique, hein ? Sirius, tu peux te transformer, il n'y a pas de voisinage ici. Nous sommes totalement isolés.

Le chien se contenta de grogner et courut se jeter à l'eau.

- Mais qu'est-ce que tu fais ? s'écria James. Attends au moins qu'on se soit installés !

Patmol revint et bondit sur James, le jetant sur le sable et le trempant de manière plutôt efficace. Ils roulèrent et Sirius se transforma, riant à gorge déployée. Il se leva en tentant de retirer le sable de ses cheveux, sans succès.

- Allez, l'eau est délicieuse ! Rémus, laisse-moi te serrer dans mes bras !

Ils finirent tous dans l'eau, bien malgré leur volonté, mais même Lily ne put rester en colère très longtemps.

Une heure plus tard, les quatre garçons étaient assis, secs et propres, dans le salon de la grande maison. Lily les rejoignit avec une petite boîte.

- Vos baguettes, Messieurs, s'il-vous-plaît.

- Quoi ?

- Je vais mettre nos baguettes à l'écart pour l'été. Ce n'est pas ce que nous avions décidé ?

Sirius ouvrit de grands yeux.

- Je croyais que tu plaisantais ! Vraiment… tu es sérieuse ? Tout un été sans magie ?

- Allez ! On le faisait tout le temps quand on était en premier cycle.

- Oui, mais-mais… bégaya Sirius, mes parents cuisinaient avec la magie et je ne sais pas cuisiner sans baguette.

- Alors tu apprendras !

- Pas même quelques petits charmes sans baguettes ?

- Non ! Rien du tout ! Et pas d'Animagi non plus ici !

- Quoi ? s'écria James. Et Rémus ? Il ne va pas passer ses pleines lunes seul dans ce bunker ! Pas question !

- On exceptera les pleines lunes, dans ce cas… mais seulement les pleines lunes !

- Oui, chef !

James et Rémus, qui riaient de bon cœur, donnèrent leur baguettes sans protester.

- D'accord, grogna Sirius alors qu'il donnait la sienne à son tour, mais tu vas devoir nous apprendre des trucs moldus.

- Dieu me garde ! s'écria Lily dans un éclat de rire.

Cela promettait d'être un bel été…