Pairing : Zoro x Sanji
Genre : Romance/Humour
Rating : NC-17
Disclaimer : Eiichiro Oda.
CHAPITRE RÉÉCRIT
MAJ: Ce n'était pas mon premier texte publié sur le fandom, mais bien la première histoire que j'ai écrite pour ce pairing. D'où la grosse MAJ actuelle, non seulement pour améliorer la forme (fautes, mise en page, reformulations de phrases à la syntaxe douteuse, variation de vocabulaire...) mais aussi pour approfondir un certain nombre des points de réflexion de cette fic, que j'estimais bâclés. Cependant, le fil conducteur demeure inchangé.
Rappel du genre tout de même : YAOI (devinez entre qui et qui...) sans ambiguïté. Le rating est bien +18 (traduisez, il y aura un lemon) ; donc si vous n'aimez pas ce genre de scène explicite, ni le YAOI qu'il soit suggéré ou assumé, passez votre chemin. Il ne s'agit pas de YAOI gratuit, donc j'ose espérer que les personnages gardent leur caractère originel et que l'interprétation que j'ai faite de leur relation vous convaincra ou vous plaira.
Bonne lecture ou re-lecture, donc ! ^^
* Pincée de sel *
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Introspection
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En tout lieu et de tout temps, l'appétit insatiable de séduction de Sanji n'avait d'égal que son dévouement pour la cuisine de qualité.
Sanji savait flatter les femmes, leur murmurer des mots doux, leur mijoter des petits plats, les rassurer quand le danger les effrayait, être le premier à mettre sa vie en jeu pour les protéger. Il aimait être aux petits soins pour elles, quitte à frôler l'état d'esclavage de temps en temps, il savait que les filles qu'il courtisait ne le traitaient ainsi que parce qu'il le voulait bien.
Les femmes lui avaient toujours évoqué des créatures fragiles, intelligentes et vulnérables. Pour cette raison, elles l'accaparaient, l'obnubilaient ; elles méritaient qu'il donne le meilleur de lui-même, que ce soit au combat ou aux fourneaux.
Un homme à femmes, un vrai.
Pour séduire les hommes, il n'avait pas le mode d'emploi.
Ce n'était pas une grosse perte, avait-il toujours pensé. D'ailleurs, quel membre masculin de l'équipage aurait pu susciter chez lui un quelconque intérêt ? Luffy ? Pas de mauvaise blague ! Usopp ? Eeerk ! Zoro ? Allons bon…
Pendant une période plutôt longue, le blond n'avait considéré l'escrimeur que comme un rival, voire un nuisible qui lui faisait bien trop concurrence. Puis, par la force des choses, la cohabitation avait été plus vivable – parce qu'ils y avaient mis du leur pour ne pas s'entretuer – et désormais, le cuisinier et le spadassin se respectaient tacitement en tant que combattants.
Leur relation avait toujours eu ses hauts et ses bas, chez eux c'était une règle d'or implicite ; on ne se traitait pas comme deux bons amis ou, pire, deux bons amis qui se querellaient pour un rien pour cacher un attachement plus profond. Leur rivalité n'était pas feinte. Ils étaient des hommes bien trop entiers et au sang trop chaud pour se confondre dans des rapports aux dehors agressifs et en vérité bienveillants. Au moins avaient-ils le mérite d'être honnêtes et d'afficher leur dédain mutuel s'il en est, sans arrière-pensée.
Cependant, leurs disputes étaient au demeurant indéniablement absurdes et puériles. Pourquoi se battaient-ils aussi souvent pour des bagatelles ? Sanji ne connaissait pas les raisons de Zoro, mais les siennes ne demeuraient plus aussi obscures qu'avant. Après une pénible introspection, le coq avait fini par regarder la réalité en face. Et la réalité posait décidément beaucoup de problèmes.
D'une, s'il le provoquait verbalement, ce n'était pas tant pour s'attirer ses foudres, mais son intérêt. Que le bretteur le remarque en d'autres mots, qu'il focalise son attention sur sa seule présence pendant un instant.
De deux, s'il invoquait le plus pitoyable des motifs pour justifier leur bagarre, ce n'était plus par amour propre, pour affirmer sa supériorité, comme il s'en était convaincu au début, mais pour rechercher le contact. Même si le contact en question était d'une nature quasiment toujours violente, c'était ce qui, d'une manière indicible, plaisait à Sanji.
De trois, cette situation était tout à fait inacceptable et surtout terriblement frustrante.
Il se prétendait fou amoureux de la gent féminine mais n'allait pourtant jamais, au grand jamais, s'aventurer dans le concret avec elle. En aucun cas il n'avait envisagé de s'engager dans une relation sérieuse avec l'une de ses compagnes. Avec ironie, il admettait sans peine que les quelques demandes en mariage spontanées qu'il avait faites n'avaient été que des échecs ; il en aurait essuyé, des refus, s'il n'avait pas posé très tôt certaines limites à son goût de la drague…
Par ailleurs, il avait vaguement conscience que de s'obstiner à plaire à toutes les belles créatures qu'il rencontrait, lui donnait un mauvais genre. Chose que, pourtant, il ne pouvait s'empêcher de faire tant ses principes de gentleman revenaient au galop.
Cependant, lui comme Nami chérie, ainsi qu'il l'appelait affectueusement, savaient bien que ce n'était qu'un jeu, depuis le temps qu'ils naviguaient ensemble à bord du même bateau. Certes, Sanji avait eu dans l'idée de la conquérir lorsqu'il avait intégré l'équipage, et longtemps il s'était mis en quatre pour lui plaire… Avant de réaliser que la rouquine était parfaitement insensible à ses avances. Et la jeune femme, si elle usait parfois de ses charmes pour s'attirer les faveurs du cuisinier, n'avait jamais manifesté la moindre passion pour ce dernier. Sanji n'était pas dupe, leur relation n'avait jamais connu, ne connaitrait jamais l'Alchimie avec un grand A.
Il s'était donc rétracté, par dépit – mais aussi par sagesse. Car si la navigatrice était intouchable, rien ne l'empêchait de la protéger, de l'aimer à sa manière : sans rien attendre en retour. Il avait brillé dans ce précepte, jamais n'y avait fait d'entorse. Nami rayonnait toujours dans ses pensés, ravissante, adorable. Jusqu'à ce que, progressivement, un bretteur de cirque vienne assombrir le tableau. Et ce bretteur n'était ni « ravissante », ni « adorable ».
Exit la grâce, l'élégance et l'intelligence que respiraient Nami et Robin : ces qualités avaient été surclassées par un monstre de balourdise, d'arrogance et d'impertinence. Grosso modo, la balance qu'il avait à la place du cerveau devait être cassée. Comment expliquer sinon que le coq trouve séduisant un homme ? À plus forte raison, Zoro ? Bon sang, tous les faits s'acharnaient pourtant à lui souligner son animosité viscérale pour l'escrimeur. Car non content d'avoir des attributs masculins, le bretteur n'était pour ainsi dire pas le frère d'armes dont Sanji aurait rêvé. Trop présomptueux, trop insolent, trop solitaire. Mais de toute façon, il avait déjà un énorme défaut à la base qui aurait dû l'exclure d'emblée de ses vues potentielles : Zoro était un mâle.
On disait que la nuit portait conseil, mais elle était loin d'être si généreuse avec Sanji : l'idée qu'il puisse s'éprendre d'un homme aussi viril le taraudait plus intensément la nuit que le jour, quand cuisiner, fumer et se tenir à la disposition de Nami et Robin le distrayaient un peu de ses tourments. Zoro, son nom, sa voix, son corps, tous ses faits et gestes, l'obsédaient au point de faire des rêves de plus en plus sulfureux. Des rêves dans lesquels la respiration calme du sabreur qui somnolait dans le hamac d'à côté, ne s'élevait pas dans l'air nocturne, mais dans son cou.
Ses nuits ingrates n'avaient plus rien de paisible. Une fois que la doucereuse volupté se dématérialisait derrière ses paupières, et que tout le monde dormait d'un sommeil profond, sa main s'aventurait en solitaire jusqu'à son entrejambe et, honteusement, il soulageait la pression provoquée par ses fantasmes irrépressibles.
Une nuit, il fut confronté par accident à une autre réalité qu'il aurait préféré se voiler. À peine avait-il réussi à digérer son attraction pour Zoro, sans toutefois y trouver une logique, que ce crétin vint embrouiller les choses plus qu'elles ne l'étaient déjà.
C'était une de ses nuits sans étoiles, sombres et glaciales, où Sanji était de garde. Perché dans la vigie, il tirait des bouffées sur sa sempiternelle cigarette dans l'espoir de se réchauffer, recroquevillé sur lui-même pour se protéger de la brise qui se faufilait insidieusement dans ses vêtements.
« Fait frisquet… Pourquoi 'faut toujours que je me coltine les pires nuits… »
Il se frictionna les épaules quelques minutes, jusqu'à ce que le bon sens lui dicte d'aller plutôt chercher une couverture dans la réserve, sans quoi il allait geler sur place. Quel idiot, monter la garde avec sa veste de smoking, alors qu'on approchait d'une île polaire, selon les prévisions de Nami…
Il se leva, décidant également de passer par la cuisine se faire une tisane. Et se traita doublement d'idiot, dix minutes plus tard, d'avoir pris cette décision.
Alors qu'il revenait de la réserve, la couverture sur le dos, des bruits inidentifiables se firent entendre dans le petit corridor. Il s'arrêta, perplexe, étonné que tous ses compagnons ne ronflent pas comme des loirs à cette heure.
Au fur et à mesure qu'il se rapprochait de la source du bruit confus, celui-ci se précisait. C'était des gémissements étouffés, des souffles rauques à demi-contenus, un matelas qui craquait légèrement.
Ses pas s'arrêtèrent devant la porte de la cabine de Nami, entrouverte. Il s'immobilisa, une cellule de son cerveau bourdonnant lui fit remarquer qu'il était injurieux d'espionner aux portes mal fermées des femmes.
Finalement, incapable de réfléchir, il se pencha un peu fébrilement pour regarder à l'intérieur de la chambre, grâce à l'interstice que lui laissait la porte. Malgré le noir complet auquel ses yeux devaient s'habituer, ce qu'il y vit le stupéfia tellement qu'il en perdit son mégot éteint.
Un corps aux muscles fins, luisant sous la sueur, poussait, s'agitait, une voix masculine grognait avec une retenue mal contrôlée. Un corps bronzé surmonté d'une touffe de cheveux d'un vert de jade, enfouie dans le cou de la rouquine.
Sanji recula précipitamment, miraculeusement silencieux malgré sa surprise. Force était de reconnaître qu'ils n'avaient pas du tout notifié sa présence.
Il prit la fuite dans la cuisine, se rendit compte qu'il n'avait plus envie de tisane, mais plutôt d'un tonneau de rhum. Malheureusement, leurs réserves d'alcool avaient été écoulées la veille au soir.
L'esprit tournant à toute vitesse, il revint s'asseoir là où il était, feignant de monter la garde avec vigilance.
Le lendemain, aux cernes qui creusaient son unique œil visible, tous ses compagnons – même Luffy, qui n'était d'ordinaire pas très réveillé sur ces choses-là – devinèrent qu'il avait assuré la garde toute la nuit, sans passer le relais à celui qui devait le remplacer pour la deuxième moitié de la nuit. En l'occurrence, Zoro.
Celui-ci zappa les civilités d'usage et fit irruption dans la cuisine, où Sanji s'affairait à préparer le petit déjeuner. Lorsqu'il le vit, le blond détourna le regard d'un air désinvolte, se concentrant sur le remplissage des bols comme si c'était la tâche la plus délicate du monde.
« Abruti ! Pourquoi tu m'as pas réveillé ?
— Ouais, bonjour aussi ! Pas besoin de beugler dès l'matin.
— Pourquoi t'es pas venu me réveiller comme d'habitude ?! insista Zoro sans baisser le ton.
— Tiens, voilà ton p'tit déj, éluda Sanji en tendant un bol de soupe vers lui, faisant un gros effort pour ne pas lui envoyer à la figure.
— Hé, le cuistot, t'arrêtes ton numéro deux minutes et tu m'réponds », dit son vis-à-vis impérieux.
Sanji, qui lui tendait toujours sa ration, attendit quelques secondes que Zoro s'en saisisse. Comme il n'en faisait rien, il posa violemment le bol devant lui – la moitié du contenu gicla par terre – et fit enfin face au porteur de katana.
« J'ai pas besoin de toi pour me suppléer à la garde ! J'ai eu une nuit blanche, et alors ? Tu passes ton temps à dormir, ça m'étonnerait donc que tu puisses comprendre, mais figure-toi que je peux me priver de sommeil et t'en coller une de bon matin, si c'est ce que tu cherches. »
Est-ce qu'il l'invitait encore à se battre avec lui ? Non, cette fois le coq ne plaisantait pas, il était réellement furieux. Peut-être un peu trop même, mais qu'importe.
Zoro ouvrit la bouche, mais lui sourit finalement. De ce sourire torve qui ressemblait plus à un rictus, et qui était loin de faire décolérer Sanji.
« Ok, ça me va comme réponse. Mais recommence pas, j'ai pas envie de te devoir une nuit de garde en contrepartie, déclara-t-il en baillant aux corneilles.
— Je n'te le demande pas », répondit le coq.
Le bretteur prit enfin son bol, le jaugea d'un œil suspicieux, puis avisa le contenu répandu au sol. Enfin il reposa son regard sur le cuisinier.
« J'peux en avoir un peu plus, chef ?
— …Donne-moi ça. »
Quand l'escrimeur quitta la cuisine avec une quantité raisonnable de soupe, préférant manger au grand air qu'en compagnie d'un cuistot sur les nerfs, celui-ci se laissa choir sur une chaise.
Bon sang, comment Zoro avait-il pu faire comme si de rien n'était ? Comment pouvait-il coucher avec Nami – sa Nami – avec qui il n'avait que des rapports conflictuels, à son nez et à sa barbe, et oser lui prendre la tête le lendemain matin parce que Sanji avait décidé de le laisser dormir en paix avec lui-même après cet épisode ? Tu parles, il devrait plutôt le remercier.
Bon, ce n'était pas vraiment ça le problème.
Il ne connaissait visiblement pas aussi bien Nami qu'il le prétendait. S'il s'était imaginé que ces deux-là finiraient un soir dans le même lit… Il aurait plutôt parié dix mille berries avec Luffy qu'ils en viendraient à s'écorcher vifs un jour ou l'autre.
Est-ce qu'il en voulait à Zoro ? L'épéiste ne pouvait ignorer le petit rituel de séduction, certes à sens unique, entre Sanji et Nami, qui pouvait peut-être donner l'illusion qu'il y avait plus, entre eux. Et pourtant, il n'avait absolument pas l'air de se soucier de ce que le cuisinier ait possiblement envie de lui casser la figure après son acte.
Si Sanji était honnête avec lui-même, il devait reconnaître que le fait que Nami l'ait surpris – quelle actrice, cette femme… – ne l'affectait pas autant que ça aurait dû. À une autre époque, il aurait été profondément blessé dans son amour propre, et Zoro s'en serait sorti au mieux en boitillant, c'était certain. Mais comme son intérêt pour Nami avait sensiblement diminué jusqu'à un sentiment d'amitié ou de fraternité, avec certes un zeste de séduction indispensable à son personnage, il devait à présent admettre que ce qui le troublait… C'était le comportement de l'escrimeur.
En effet, il n'avait jamais soupçonné que le bretteur puisse être porté sur ces choses-là… Il n'avait aucune classe avec les filles, et avait plutôt tendance à se laisser aller au machisme quand elles l'agaçaient plutôt que de courber l'échine face à leurs caprices. Ce qui avait fait penser à Sanji que peut-être, il ne les aimait pas vraiment… Et que peut-être, du coup, si jamais c'était le cas… Dans cette éventualité… Zoro ne le prendrait pas mal s'il lui faisait des avances… ?
Argh ! Non ! Le blond se prit la tête dans les mains. Alors il avait définitivement cessé de se rebeller contre son subconscient, il était vraiment en train de succomber aux attraits de cette brute d'épéiste ? Qu'est-ce qu'il avait fait pour tomber aussi bas ? N'avait-il aucune fierté ?
Sanji stoppa net le cours de ses pensées, et sortit rejoindre l'équipage sur le pont. Il avait besoin de s'enivrer au vent du large, puisqu'il n'y avait plus de rhum.
Au premier coup d'œil, tout lui sembla parfaitement normal. Usopp à la vigie, Luffy accroché à la figure de proue du bateau comme un bienheureux, Chopper pêchait, Robin bouquinait, Nami étudiait une carte tout en suivant le cap, et Zoro somnolait avec insouciance, adossé au mât… Ouais, se dit-il, on aurait pu parier que rien n'avait changé…
Sanji alla s'accouder au pont, face au vent marin. Les embruns salés avaient toujours eu le mérite de lui éclaircir les idées. Il tira sur sa cigarette, recracha la fumée droit devant lui.
Hé merde, pourquoi ça le perturbait tant ?
Peut-être qu'il réfléchissait trop… Peut-être que ce n'était pas si mal d'être attiré par… enfin, de ne pas détester complètement Zoro… et d'être un peu déçu que Nami l'ait trahi… Attends, il avait pensé quoi là, à l'instant ? Non, ce n'était pas la faute de Nami chérie, c'était sûrement ce bretteur du dimanche qui était venu satisfaire ses pulsions, en plus ! Nami était à des années lumière d'imaginer que Sanji accordait de l'intérêt à Zoro. Elle n'avait pas pensé à mal. Attends… Non, il ne s'intéressait pas à Zoro d'un point de vue physique. D'abord, parce qu'il aimait les femmes, tout en courbes gracieuses, pas les gros malappris, tout en angles durs, dans son genre. Même s'il ne manquait pas de virilité. Et d'un certain charisme. Et d'une… carrure à tomber par terre. Bon sang, mais est-ce que c'était bien du tabac qu'il fumait ?
« Oi, Ero Cook.
— HEIN ? »
Le cuisinier sursauta si vivement qu'il manqua passer par-dessus bord. Zoro, par réflexe, le retint d'aller nourrir les poissons en crochetant son bras.
« Ben… Premièrement, évite de tomber à l'eau, j'te rappelle que cette zone est infestée de monstres marins, et j'irai pas t'repêcher…
— Imbécile ! aboya Sanji en se dégageant. Qu'est-ce que tu m'veux ?
— Pourquoi, il faut une raison particulière pour t'adresser la parole ? » s'offusqua le bretteur nonchalant.
Qu'est-ce que c'était que cette question stupide ? Sanji souffla fortement, expirant la fumée de sa cigarette dans le même temps, directement jusqu'au visage de Zoro.
« Rah, bon sang ! râla l'épéiste avec une grimace de dégoût, en agitant la main pour dissiper le nuage âcre. Arrête de fumer toute la sainte journée !
— Je fume si j'en ai envie ! C'est pas toi qui vas me dicter ma…
— Ouais, bah moi je supporte pas l'odeur de tes clopes, blondinet, coupa l'épéiste en lui retirant le mégot du bec.
— Hé, rends-moi ça, Roronoa !
— Et si je refuse ?
— Tu vas goûter à mon kick ! »
Alors que Sanji levait déjà une jambe et que Zoro posait la main sur la garde d'un de ses katana, prêt à l'en extirper de son fourreau, deux bras démesurément longs vinrent les séparer.
« Te mêle pas d'ça, l'chimpanzé ! beuglèrent-ils d'une même voix.
— Regardez ! lança Luffy sans les écouter, un grand sourire aux lèvres. Un navire de la Marine là-bas. Vous croyez que c'est pour prendre une photo plus récente à coller sur mon avis de recherche ? »
Éberlués – que ce soit par l'annonce du capitaine, ou par la stupidité de ce même capitaine –, les deux gaillards finirent par tourner la tête dans la direction que le garçon au chapeau de paille indiquait, jovial. En effet, la cavalerie arrivait…
Ils s'éloignèrent instinctivement, l'attention à présent focalisée sur la menace actuelle.
Sanji s'alluma prestement une autre cigarette, s'activant comme les autres à hisser la voile. Une autre pensée venait de traverser son esprit, qu'il noya automatiquement pour faire face à la bataille qui s'annonçait. La pensée que, si ça se trouvait, ce n'était pas la première fois que Nami et Zoro s'envoyaient en l'air comme ça.
« Bonne nuit, Sanji-kun.
— …Bonne nuit, Nami-san. Dors bien. »
Le coq lui adressa un sourire depuis la vigie où il se tenait. La rouquine, perchée sur le balcon, y répondit d'un hochement de tête, et s'en alla se coucher.
À peine fut-il seul avec ses pensées, le pont du navire vide de toute présence et la mer exempte de toute menace, que Sanji se mit à grelotter.
Cette fois, il avait vraiment besoin de se concocter une tisane, car le froid était toujours aussi mordant. Et puis, ce n'était pas en cinq minutes d'absence qu'un bateau ennemi allait faire son apparition sur les flots et les attaquer… Il se releva, descendit grâce aux cordages entrelacés.
En prenant la direction de la cuisine, il évita soigneusement la cabine de la navigatrice et fit le moins de bruit possible en refermant la porte derrière lui.
Une semaine s'était écoulée depuis qu'il avait été le bref spectateur des ébats du bretteur et de la cartographe. Une semaine que ça le dérangeait, une semaine qu'il n'avait pas dragué Nami. Celle-ci était même venue le voir la veille après dîner, se demandant s'il n'avait pas de la fièvre. Bien sûr, il l'avait aussitôt rassurée et s'était maladroitement rattrapé en lui adressant quelques compliments charmeurs. La cartographe avait souri, pas dupe, les yeux tendres, avant de le laisser ruminer en paix.
Parfois, ses regards tristes et affectueux qu'elle lui adressait, lui donnaient d'épouvantables remords. Il avait beau savoir qu'elle était hors d'atteinte, s'être fait une raison depuis longtemps… Il était des regards qui vous rappelaient avec quelle amertume vous aviez renoncé à l'amour, sans savoir si c'était bien ou si c'était mal. Et Sanji s'était senti désolé. Désolé de ne pas pouvoir aimer Nami comme elle le méritait, même si cet amour était voué à n'être jamais récompensé. Désolé d'être obligé de penser à être galant, alors qu'il était d'un naturel galant. Désolé qu'un mâle ait tout flanqué par terre.
Et en ce sens, il avait échoué, peut-être. Dans sa conception de l'amour, un homme devait chérir toutes les femmes à toute heure, quels que soient ses états d'âme. Zoro avait brutalement remis toute cette échelle de valeurs en cause. Par sa faute, le coq ne parvenait plus à assurer son rôle de gentleman à la perfection. À cause de lui, Sanji se trouvait désormais entre deux eaux, sans savoir par où aller pour atteindre son idéal. Cette attirance vers un membre de sexe masculin lui pourrissait la vie.
L'attitude je m'en foutiste de Zoro n'avait d'ailleurs pas changé d'un iota en une semaine. Entre ses siestes à l'écart de l'équipage et ses remarques blasées, il n'avait pas échappé à Sanji que ses contacts avec Nami étaient très peu fréquents comme à leur habitude, ils ne s'adressaient la parole que le minimum nécessaire, ne se lançaient pas de regards lascifs, ne s'isolaient pas pour fricotter… La tension entre eux semblait même à son apogée, à chaque fois qu'ils se parlaient c'était pour se crier dessus… En bref, le cuisinier ne se serait jamais douté de rien s'il n'avait pas eu la curiosité – malsaine, il le reconnaissait avec culpabilité – de jeter un œil dans la cabine de Nami cette nuit-là.
Pourtant, savoir que leurs rapports étaient tout aussi électriques qu'avant aurait dû le faire se sentir mieux. Or, il n'en était rien. Son problème n'impliquait plus la cartographe. Et il dépassait largement en complexité et en retombées une simple crise de jalousie.
Sanji soupira. Entre la tension quotidienne de leur vie de forbans, l'animation sur le bateau et ses soucis personnels, il ne donnait pas cher de son état psychique à la fin de la traversée.
Il fallait qu'il règle ce conflit intérieur pour être en paix avec lui-même. Cet intérêt inhabituel, déplacé pour l'épéiste de l'équipage, ces regards fébriles qu'il lui jetait, et le reste. Tout le reste.
Fort de cette décision prise, le blond porta sa tasse prête à ses lèvres, pour une fois dépourvue de sa cigarette. Il était vraiment fatigué… Cette fois, il n'oublierait pas de lever l'épéiste pour le remplacer…
« Toc toc. »
Le cuisinier recracha la boisson qu'il était en train d'avaler, sur le mur d'en face. S'ensuivit une série de toussotements, tandis que sa main cherchait une serviette à l'aveuglette.
Zoro se tenait debout sur le pas de la porte.
Peu de dialogues pour ce premier chapitre, mais cette analyse des rapports de Sanji avec, respectivement, Zoro et Nami, me paraissait indispensable pour rendre crédible le reste de l'histoire. Je dois dire que j'adhère très peu (euphémisme) aux fanfictions où Sanji se retrouve comme par magie sous le charme de Zoro alors qu'on sait pertinemment qu'il passe son temps à faire du gringue à Nami. Ce qui ne veut pas dire que ce n'est pas contournable, mais si l'on veut développer quelque chose entre Zoro et Sanji, personnellement je ne vois pas comment sauter cette case en espérant rendre les personnages fidèles à eux-mêmes. A moins que ce ne soit une fic qui ne soit pas dans une optique de persuasion du lecteur (si Zoro et Sanji sont déjà amants, par exemple, le problème Nami ne se pose pas systématiquement).
Dans la mise à jour de ce premier chapitre, en plus de reformuler certains passages, j'ai essayé de mieux développer la psychologie de Sanji vis-à-vis de Nami, justement. Plus je le relisais, et plus je trouvais que ça manquait de cohérence et de force, surtout par rapport au deuxième chapitre.
Merci d'avoir lu, et rendez-vous au prochain chapitre pour la suite.