Titre : Les enfants du vent
Personnages : Sofia, mention de Cylia et Ivan
Rating : K
Situation : Après la fin de GS2.
Beta : Ruize-chan
Note : Encore un texte sur la vie de nos héros après leurs aventures ! J'ai développé un aspect que j'avais brièvement évoqué dans le précédent texte (le Soleil d'Or). Bonne lecture ! :)


L'accouchement avait été difficile. Sanglant. Sofia s'était dit que si le hasard ne l'avait fait passer devant cette maison ce jour-ci, la mère ou l'enfant y serait passé. Si ce n'était les deux. Deux mois s'étaient écoulés. Elle avait repris la route, de bourgade en village, de village en ville.

Et bien que la maison soit isolée, à plusieurs dizaines de kilomètres de là où elle se trouvait, elle décida d'y retourner. Il n'y avait aucune raison de s'inquiéter, ce n'était pas le premier enfant du couple, ils savaient assurément s'en occuper.

Et pourtant.

Son instinct.

Lorsqu'elle arriva devant la chaumière, leurs quatre enfants jouaient sur le perron. Les petites têtes brunes avaient l'air un peu effrayé quand ils la virent. Elle leur demanda ce qu'ils faisaient là.

« Papa et maman se disputent, » répondit le plus âgé.

Il était temps qu'elle arrive, se dit-elle en passant la porte sans frapper. Le mari criait, la femme répondait avec autant de verve, son bébé dans les bras qui hurlait à s'en époumoner. Si bien que Sofia ne put guère comprendre de la raison de leur dispute, quelques mots seulement surgissant, tel que "tromperie" et "bâtard". Sans attendre plus longtemps, elle s'avança et prit l'enfant dans ses bras. Aussitôt, la petite chose se calma et les deux parents restèrent bouche bée devant la soudaine intrusion.

Sofia leva son regard vers le visage outré de la femme et celui revêche de l'homme.

« Que signifie ceci ? demanda la mystique avec autorité.

- Ce n'est pas mon fils, » déclara l'homme avec mépris.

Elle les dévisagea avant de comprendre. Le père avait les cheveux bruns, tandis que ceux de la mère étaient d'un noir de jais. Pourtant, les quelques cheveux qui poussaient déjà sur la tête de l'enfant étaient d'un blond éclatant. Plus étrange encore, ses yeux étaient d'un vert si pâle qu'ils paraissaient éthérés.

Elle soupira.

Depuis l'avènement du Soleil d'Or, les enfants doués de Psynergie s'étaient multipliés à travers le monde, prenant au dépourvu les parents. Comment réagir quand sa fille de trois ans brûlait les vêtements de la voisine ou que son fils inondait le plancher du salon ? Souvent c'était la crainte qu'ils inspiraient et Sofia s'était efforcée de faire accepter ces rejetons un peu différents.

Elle tendit un doigt au bébé, qui l'attrapa de ses petites mains fines. Et alors que sa bouche s'ouvrait, Sofia sentit une douce brise lui caresser les cheveux, bien que toutes fenêtres soient fermées. Un mystique de Jupiter. Inhabituel. Dans cette partie du monde, elle avait surtout rencontré des mystiques de Vénus et de Mercure, tant et si bien qu'elle s'était demandée si la proximité des phares influençait sur le type de Psynergie que développaient les enfants. C'était la première fois qu'elle voyait un nouveau-né qui avait la sensibilité du vent.

Alors, elle se tourna vers les parents et leur expliqua. Elle leur parla, longuement, et quand le soir tomba, ils semblaient s'être calmés, avoir compris. Ils n'avaient pas à avoir peur des étranges pouvoirs de leur fils. Elle partit le cœur plus léger.

Pourtant.

Alors qu'elle cheminait à la lueur de la lune et des étoiles, elle repensa à Ivan et à la prophétie qui l'avait poursuivi, condamnant sa famille à se détacher de lui alors qui n'avait même pas l'âge de comprendre. Elle songea à Cylia, qui n'avait jamais connu ses parents, tombée du ciel. Tous deux adoptés, repris par la vie qui les avait recrachés.

Soudain, elle fit demi-tour.

Le cœur battant, elle courut, remontant la rivière qu'elle avait longée en quittant la chaumière. Et là, sur la berge, une silhouette se découpait au clair de lune. Celle-ci se redressa brusquement, s'éloigna à grand pas et Sofia reconnut la carrure du mari. Dans un mélange de curiosité et de mauvais pressentiment, elle s'apprêtait à le suivre, mais un bruissement attira son attention. Sans se soucier de mouiller le bas de sa robe, elle se laissa glisser au niveau de l'eau boueuse et des joncs. Là, fendant l'eau, un précaire panier était porté par le courant. Dans les couvertures qui le garnissaient, quelque chose bougea. Son cœur se serra. Elle s'enfonça un peu plus dans le courant, mais le vent lui porta de lui-même la frêle embarcation.

Lorsqu'elle prit l'enfant dans ses bras, il ne cria pas, malgré la fraîcheur de la nuit. Elle regarda avec tristesse ses petits yeux verts qui la fixaient avec intensité. Fallait-il que ces rejetons soient maudits, toujours rejetés par leur propre sang ? Était-ce l'esprit de Jupiter qui les forçait à vivre une vie de bohème ? Qu'est ce qui avait poussé les parents à l'abandonner ainsi ?

Au fond d'elle, elle savait que l'enfant n'aurait pu mourir cette nuit. Sûrement à quelques kilomètres en aval, un pêcheur matinal l'aurait trouvé et recueilli, ou un marchand s'arrêtant brièvement à côté d'un pont, ou une lavandière débutant sa journée. N'importe, on l'aurait trouvé, elle le savait. De la même manière que Cylia avait miraculeusement atterri au milieu du cratère, indemne. C'était ainsi.

Et pourtant.

Elle ne pouvait s'empêcher d'être en colère. Elle, si calme, si douce, se sentait bouillonner de l'intérieur. Ils n'avaient pas le droit, de ruiner ainsi la vie d'un enfant, juste car il était un peu différent ! Elle serra contre elle le petit, s'apprêtant à retourner à la chaumière, dire sa manière de penser au couple.

Puis elle repensa au rire cristallin de Cylia. À sa manière un peu hautaine mais profondément amusée de regarder Garet alors qu'il se ridiculise pour la centième fois. À ses regards furieux lorsque l'on va à l'encontre de l'un de ses principes, à ses cheveux se dressant sur la tête comme avertissement de sa colère. Cylia, petit être plein de valeurs, cinquante kilos de détermination et de conviction.

Et elle repensa aux doux sourires de Ivan. Tantôts confiants, tantôts incertains. À sa gêne, lorsqu'il lit par mégarde dans les pensées de ses amis. À son regard de déception, lorsqu'il découvre que, encore une fois le monde n'est pas peuplé que de personnes de bonnes intentions. Ivan, petit être naïf, cinquante kilos de bonté et de compassion.

Elle repensa à eux et aux formidables adultes qu'ils étaient en train de devenir.

Son regard tomba de nouveau sur le petit être qu'elle tenait dans ses bras.

Ce n'était pas une fatalité.

Doucement, elle revint sur ses pas. Ses parents n'avaient pas voulu de lui. Grand bien leur en fasse. Peur de l'inconnu, peur de l'étrange, peur du différent. Elle n'avait pas de temps à perdre avec eux. Si eux n'en voulaient pas, cela ne faisait pas du petit un enfant non désiré.

Ce n'était pas une fatalité, se répéta-t-elle. Loin de là.


Voilà, vos impressions ? : )