Note - Tadam ! :D


Schizophrenia

Le Premier Jour du Reste de leur Vie


« Le véritable esprit de révolte consiste à exiger le bonheur ici, dans la vie. »

Henrik Ibsen


Cléo Malefoy avait mille défauts plus agaçants les uns que les autres. Elle ne supportait pas que les couverts ne soient pas en argent massif possédait environ mille paires de chaussures dont elle ne pouvait « absolument pas se séparer » passait près d'une heure dans la salle de bain tous les matins portait une chemise d'homme –et rien que ça !- dénichée on-ne-savait-où pour faire le ménage… Mais à côté de ça, elle s'avérait être une colocataire exemplaire, rangeait toujours derrière elle, glissait constamment des petits mots sur le miroir de la salle de bain, et n'oubliait jamais d'acheter la marque de céréales préférés de Violet, même si elle-même les trouvait trop sucrés et pas assez craquants.

Violet s'en rendit compte pour la énième fois en picorant les dits-céréales à même la boite. Recroquevillée sur le canapé de leur tout nouveau salon, plongée dans la pénombre, elle listait méthodiquement tout ce qui la poussait à aimer Cléo. Étrange préoccupation pour une insomnie, mais elle ressentait parfois le besoin de se rappeler la chance qu'elle avait de l'avoir trouvée. Peu importait ses manies de petite aristocrate pourrie gâtée –qu'elle se révélait être quatre jours par mois- ou ses coutumes étranges. Et peu importait aussi sa petite période de nymphomanie actuelle, à laquelle –en fin de compte- il n'avait pas été trop pénible de s'accoutumer.

En vérité, même ses défauts avaient l'attrait de la nouveauté. Elles ne vivaient dans le même appartement que depuis quelques semaines –trois semaines, quatre jours et huit heures très exactement- après près de quatre années de nuits passées chez l'une ou chez l'autre et à subir les regards réprobateurs de leurs parents respectifs. Quatre années où elle avait osé douter, encore et encore, effrayée à l'idée qu'un jour Cléo ne l'abandonne et change d'avis.

Avec un sourire, elle se remémora le moment où elle aurait dû comprendre que Cléo ne partirait jamais, malgré les épreuves qu'elles devraient supporter. Un moment où –quatre ans plus tôt- elle avait surpris l'écho d'une conversation qui la concernait bien trop pour qu'elle ne joue pas les curieuses. Un moment qui –elle le réalisa à l'instant même où le décor se dressait dans ses souvenirs- avait marqué un tournant essentiel de sa vie.


« Je ne partirais pas maintenant… cracha Cléo sans la moindre hésitation.

- Mais l'infirmière dit que tu peux sortir si tu le souhaites, répliqua Astoria en dévoilant son agacement.

- J'attends qu'elle se réveille. Je resterai ici jusqu'à ce qu'elle ouvre les yeux… Et ensuite, je reprendrais les cours, comme n'importe qui. La vie va retrouver son cours normal ! Je ne vois pas pourquoi j'irai me terrer au Manoir, tout ça parce que certaines personnes préfèrent colporter des ragots au lieu d'écouter la version officielle.

- Bart était un bon garçon, Cléo, voilà pourquoi les gens pensent qu'il est impossible que cela soit vrai !

- Alors vous pensez que j'ai menti ? Que Bart est mort juste à cause de son crétinisme aigu ? Que j'ai fini avec ses plaies et ses bleus suite à une mauvaise chute, qu'Emily Weasley est presque morte en se poignardant toute seule, que Violet s'est frappé elle-même ? Le nom « Zabini » n'est pas nécessairement un gage de bonne foi. Qu'il soit issu d'une grande famille de sang-pur n'y change absolument rien. Il était dingue, totalement et infiniment dingue ! Et je trouve ça incroyable que vous me pensiez assez tordue pour inventer tout ça…

- Et bien, ce ne serait pas la première fois que tu cherches à te rendre intéressante. », répliqua Astoria avant que Drago puisse ouvrir la bouche et se défendre.

Violet comprit instantanément qu'elle ne parlait pas du tout de l'histoire avec Bart et ces nombreux meurtres… Mais d'un tout autre sujet que les Malefoy avaient apparemment bien du mal à accepter. Cléo sembla elle aussi saisir le problème de sa mère, car elle rétorqua sans douter une seule seconde d'elle-même :

« On parle toujours de Bart, ou du fait que je sois lesbienne ?

- Tu n'es pas lesbienne ! Ce n'est qu'une lubie…

- Crois ce que tu veux. Je suis ce que je suis. Accepte-le ou non, je m'en moque !

- Tu t'en moqueras moins lorsque nous te retirerons de notre testament.

- Astoria ! »

Drago osa enfin –pour la première fois depuis son évanouissement lors du bal quatre jours plus tôt- ouvrir la bouche pour exprimer son mécontentement. Astoria se vexa de toute évidence, refusant d'entendre son prénom crié avec tant de rancœur. Violet entendit les nombreux « clac clac clac » de ses talons contre le carrelage, et la porte qui claqua à en faire trembler les murs. Un court silence s'imposa jusqu'à ce que Cléo soupire, aussi bruyamment que possible pour bien faire comprendre à son père qu'elle était furieuse. Ce dernier hésita longuement –Violet aurait donné beaucoup pour pouvoir ouvrir un œil et voir son visage afin de déterminer son état d'esprit- puis marmonna avec hésitation :

« Elle n'a jamais été très ouverte d'esprit…

- Mais toi tu l'as toujours été, balbutia Cléo, avec la sensation d'avoir été trahie sur la « marchandise ». Tu m'as raconté des tas de choses sur ce que tu avais fait après-guerre, pour te détacher de tes parents… Tu as fait mille erreurs, mille bêtises… Tu as brisé toutes les règles qu'ils t'avaient imposées. Et maintenant encore, tu fais fit des conventions du mariage ! Et là, tu me fixes comme si je t'avais déçue !? Je ne te suis pas. Avec toi, c'est « Fais ce que je dis et pas ce que je fais », c'est ça ?

- Non, ce n'est pas ça. C'est juste que tu es ma fille et que j'espérais…

- Quoi ? Que j'épouserais un bon petit sang-pur avec qui j'aurais une charmante famille ? Sérieusement, papa, tu as toujours su que je n'étais pas intéressée par les garçons… J'ai tâché de te l'apprendre en douceur et je croyais que tu avais compris.

- Je sais… Enfin, je savais, admit-il en un murmure. Mais je t'ai vu embrasser une fille. La fille de la personne que je déteste le plus au monde ! Peux-tu au moins accepter que j'ai du mal à croire que tu puisses, toi, ma petite merveille, flirter avec la personne la moins fréquentable à mes yeux ? »

Violet se sentit vexée durant un cours instant. Ainsi, elle n'était pas « fréquentable » ? C'était sans doute la première fois qu'elle s'entendait ainsi traiter. Mais elle arrivait malgré tout à saisir que Drago Malefoy ne cherchait en aucun cas à l'offenser ou à la diminuer. Il mettait simplement ses émotions à nues, sans se soucier du mal qu'il pourrait infliger, trop tourmenté pour prêter la moindre attention aux convenances. Cléo ne releva pas sa dernière remarque et se contenta de lui répondre, avec tout le calme dont elle était capable :

« Mais tu m'aimes, n'est-ce pas ? Tu peux l'accepter si tu oublies un peu tes idéaux et le carcan de la société dans lequel tu voudrais que je reste enfermée.

- Et toi ?

- Quoi ? Tu vas me dire que si je t'aime, je dois…

- Non. Je sais que tu m'aimes. Mais est-ce que tu l'aimes elle ? Suffisamment pour combattre le regard des autres, les réflexions haineuses, et tout ce qui s'en suivra jusqu'à ce que les gens changent ? Parce que nous vivons dans un monde particulièrement clos, Cléo. Un monde où tout le monde sait tout et juge constamment. Tu es une Malefoy et tu portes déjà un nom très peu apprécié par les sorciers… Es-tu certaine de pouvoir ajouter d'autres problèmes à ton existence ? »

Violet sentit son cœur s'emballer, brusquement angoissée à l'idée que Cléo puisse faire marche arrière alors qu'elle-même était enfin prête à foncer tête baissée dans cette aventure. Elle n'avait pourtant aucune raison d'avoir peur. Cléo avait toujours été la plus déterminée d'entre elles-deux et ses sentiments et son courage n'avaient jamais faiblis, même pas une seule seconde. Encore cette fois ci, elle ne la déçue pas, et Violet faillit s'en mordre les doigts tant elle se trouvait idiote d'avoir osé douter. Mais cela faisait partie de son caractère : elle continuerait à craindre le pire au lieu d'espérer le meilleur, jusqu'à ce que le monde le lui offre. Ou jusqu'à ce que Cléo le lui offre.

« Elle vaut mille fois tous les sacrifices que je devrais peut-être faire et toutes les critiques que je devrais supporter… Elle en vaut la peine, papa. »


Violet sursauta au contact glacé des doigts de Cléo sur sa nuque et se retourna sur le canapé, sa main –coupable de gourmandise- toujours enfoncée dans son paquet de céréales. Cléo appuya sur l'interrupteur et le salon s'éclaira soudainement d'une chaleureuse lumière orangée dont l'halo entoura la silhouette de la jeune femme. Violet sentit un nœud de désir exploser dans son bas-ventre, comme à chaque fois, et plus encore lorsque sa petite-amie –elle ne parvenait pas encore à employer l'autre mot- ne portait qu'en tout et pour tout un débardeur et une culotte. Les yeux encore plein de sommeil, sa crinière blonde toute entremêlée autour d'un élastique devenu inutile, Cléo se laissa tomber nonchalamment sur le canapé et colla son visage au cou de Violet, véritable bébé dès qu'elle manquait de sommeil.

« Tu aurais pu rester au lit, suggéra la rouquine en caressant son épaule de sa main libre. J'allais te rejoindre dans deux minutes…

- Trop long, rétorqua Cléo d'une voix rauque. Les draps commençaient à refroidir en plus. Je n'aime pas passer du chaud au froid comme ça ! »

Le sous-entendu arracha un sourire à Violet qui s'empressa de lâcher les céréales pour se préoccuper d'autre chose de bien plus intéressant. Sans hésitation –cela faisait bien longtemps que son corps se plaisait à réagir ainsi- elle éloigna la bretelle gênante du débardeur de Cléo pour déposer quelques baisers de la naissance de sa nuque à l'arrondi de son épaule, lentement, aussi sensuellement que possible. Elle découvrit avec plaisir que quelques frissons de plaisir naissaient sur la peau de sa belle, preuve de l'envie qu'elle parvenait à faire naitre en elle en si peu de temps. Elle sentit la main de Cléo sur sa cuisse et son cœur se mit à battre la chamade alors qu'elle fermait les yeux.

Ses lèvres rencontrèrent celles de Cléo une seconde plus tard, comme poussées par leur volonté propre à se retrouver. Elle ne put retenir un gémissement lorsque les doigts de l'ancienne Serpentard remontèrent un peu plus haut, demande impatiente d'obtenir plus, tant que c'était possible. Plus encore.

Cléo s'arracha à elle en un frisson de déplaisir, interrompant leur baiser comme leur caresse pour retirer son débardeur, toujours aussi empressée, toujours aussi féline. Sans attendre, elle plongea à nouveau sur Violet sans reprendre son souffle. Elle piqua le sien à sa…

Le mot explosa dans son esprit et elle sourit, mille papillons imaginaires envahissant brutalement son corps. Ses doigts glissèrent, explorant la peau tremblante de l'autre comme si elle ne la connaissait pas déjà par cœur. Un soupir rauque de désir naquit dans sa gorge alors que Violet prenait le contrôle comme cela lui arrivait si souvent depuis quelques mois. Étonnement, cela ne lui déplaisait pas le moins du monde.

Sans sourciller, elle se laissa mener, pas à pas, vers un monde de pure félicité qu'elle visitait avec assiduité, l'esprit ailleurs pourtant… Ailleurs, mais pour autant vraiment très proche.


« Alors, ce canapé est-il confortable ? lança Cléo en riant, toujours plus sensuelle. Je te propose une petite… séance particulière pour vérifier.

- Non.

- Non ?

- Non. Je veux dire… Oui. Mais plus tard. Il faut d'abord qu'on parle. »

Cléo se recula, presque imperceptiblement, seule barrière défensive encore possible. Une ébauche de sourire –quoi qu'un peu trop crispé- fendit les lèvres de sa petite amie qui frémissait à la fois d'impatience et d'angoisse. Avant de se mettre à reculer à cause de la peur, elle saisit la main de Cléo dans la sienne et l'attira vers le canapé qui aurait pu être le nid de leurs prochains ébats. Violet ne pouvait s'empêcher d'espérer qu'il puisse tout de même l'être.

En l'installant, quelques heures plus tôt, elle n'avait cessé d'imaginer ce que pourrait être leur vie dans ce petit nid douillet qu'elle se plaisait à composer en secret. Le sourire de Cléo lorsqu'elle avait passé la porte l'avait convaincue : tout serait parfait ! A la condition seule que sa petite-amie réponde correctement à la prochaine question.

« Alors…

- Alors ?

- Laisse-moi parler ! Sinon, je n'y arriverais jamais.

- D'accord…

- Bien. Tu te souviens que quand tu m'as proposé de vivre avec toi, je t'ai dis qu'il n'y aurait aucun problème, que j'étais impatiente de vivre cette aventure là avec toi… Et que puisse qu'on vivait pratiquement l'une chez l'autre, on savait déjà à quoi ressemblerait notre vie de couple ?

- Oui, acquiesça Cléo en se demandant si après quelques semaines de colocation Violet pouvait en avoir déjà assez.

- Et bien, lorsque tu me l'as demandé, tu étais tellement sérieuse et… J'ai cru que tu allais me proposer autre chose. Et je sais que c'était parfaitement stupide, qu'il y a une sorte d'ordre à suivre pour les gens normaux. En général, ils vivent ensemble, puis ils se fiancent, puis ils se marient, puis ils ont des enfants… Tu vois ce que je veux dire ? »

Cléo hésita une seconde entre le mensonge –qui l'aurait fait passer pour plus maligne qu'elle ne l'était sur ce coup là- et la vérité. Elle pencha pour la vérité.

« Non, pas du tout.

- Oh… Uhm… Disons simplement que nous ne sommes pas un couple normal. Et je ne parle pas du fait que nous soyons deux femmes, comme la plupart des gens le croiraient, mais plutôt de ce que nous avons vécus toutes les deux. Peu de couples peuvent se targuer d'avoir survécu à de multiples agressions d'un psychopathe ayant pour seul but de les détruire ! Alors, j'ai cru qu'on ferait les choses différemment…

- Je ne comprends toujours pas, admis Cléo, la gorge nouée par l'angoisse.

- Moi non plus, je ne comprenais pas. Alors, j'ai cherché à comprendre et j'ai réalisé une chose. Tu avances, constamment. Tu me proposes des choses, tu me fais des avances –et je ne parle pas que sexuellement… Tu t'occupes toujours de tout et moi, je ne fais que te suivre.

- Ça me convient, Violet. Je…

- Je t'aime. Et je veux plus. Je veux plus qu'un appartement, ou même qu'une maison. Je veux pouvoir dire autre chose que « Ma petite amie » quand je te présente autour de moi. Je veux que le monde entier sache que nous deux, c'est pour de vrai, que ce n'est pas juste une lubie d'adolescentes qui s'éternise depuis trop longtemps, qu'on est réellement faites pour vivre ensemble… Pour toujours. »

Cléo sentit son cœur s'emballer et marteler l'intérieur de sa poitrine de petits coups secs et impatients. Violet était-elle réellement en train de faire ce qu'elle croyait ?

« Tu…

- Cléo Neith Malefoy…

- Oui ?

- Chut !

- Désolée. Désolée… Je me tais, balbutia Cléo en réfrénant un fou rire aussi nerveux qu'incontrôlable.

- Merci. Alors, Cléo Neith Malefoy, me feriez-vous l'honneur d'accepter de devenir ma femme ? »

Le cœur de Cléo battit de l'aile, alors qu'un mot naissait à l'orée de sa bouche, un mot qu'elle rêvait de prononcer dans une telle situation depuis des mois. Elle n'avait jamais rêvé de robes blanches, ou de milliers de roses à l'entrée d'une église. Mais avec Violet, chaque instant semblait trop beau pour être vrai et chaque souffle de réalité se devait d'être précieusement vécu. L'idée même de porter un corset et d'être enchainée pour l'éternité à une autre personne en devenait ainsi séduisante. Avec Violet, tout ce qu'elle n'avait jamais imaginé vivre s'ajoutait à une longue liste de rêves. Le mot dépassa ses lèvres en un soupir, éclat de bonheur limpide :

« Oui. »


Violet s'était définitivement endormie, roulée en boule sous les draps, l'halo de ses cheveux roux entremêlés enflammant le lit avec autant d'éclat qu'il illumina le visage de Cléo. L'héritière des Malefoy eut bien du mal alors à sortir pour rejoindre le monde normal et l'atmosphère étouffante de chaleur, son travail et les autres gens ; car rien ne valait le petit nid douillet qu'elle venait juste de créer en compagnie de l'amour de sa vie.


...


La lumière du jour lui fit monter les larmes aux yeux, lesquels s'étaient faits à supporter les néons à la lueur pâle et jaunâtre. Il avait oublié l'effet que créaient les rayons du soleil sur sa peau, si chauds. Et l'odeur de l'air, le parfum du vendeur de beignets sur le trottoir d'en face, l'arôme des roses qu'offrait un homme à sa petite amie quelques mètres plus loin… Adam eut l'impression d'être trop rapidement confronté à la réalité de la vie et tous les effets du monde sur ses sens lui firent l'effet d'un uppercut.

Il ferma les yeux un instant, juste pour apprécier encore un peu l'atmosphère de la vie qu'il avait vécu pendant quatre longues années. Une vie de prisonnier dans une maison de fous, certes, mais une vie plus facile à accepter de bien des manières. Le Centre lui avait permis de prendre un peu de recul, d'analyser la situation sans éprouver trop de culpabilité, de se décharger de toute l'angoisse qu'il avait accumulé pendant les deux premiers –et derniers- mois de sa Septième Année à Poudlard.

Il avait largement conscience que son retour au monde normal ne se ferait que dans la souffrance et regretta presque d'avoir été libéré avec deux années d'avance sur la peine que le Magenmagot lui avait à l'origine infligée. Mais selon les Psychomages et autres spécialistes, il n'avait plus aucune raison d'être enfermé.

Avec une légère hésitation, il se tourna vers le bâtiment blanc, lequel était situé dans un quartier moldu d'une banlieue riche du Sud de l'Irlande. L'écriteau « Attention, fous dangereux » suffisait à protéger les sorciers, et cela plus qu'autre chose, avait bien rassuré Adam pendant un temps. Désormais, il se devrait d'affronter les autres, ceux qui avaient considéré qu'il était malgré tout responsable, ceux qu'il avait déçus, ceux qui le craignaient… Et ceux qui l'avaient aimé, mais qui avaient continué à avancer.

Il savait qu'il devait faire de même, pousser le portail d'entrée, quitter cet endroit pour toujours. Et malgré la peur qui lui tordait le ventre, il le fit. Au moins pour les gens qu'il avait aimés.

Il aurait pu transplaner une fois à l'extérieur de la propriété, mais décida de se donner quelques minutes au moins d'adaptation. Il se réhabitua lentement à la caresse de l'air dans ses cheveux trop longs, au picotement du soleil sur ses avant-bras nus, au goût et à l'odeur de chaque chose. Il sursauta à chaque bruit imprévu, mais parvint à se rassurer tout seul. Par réflexe, il évita que les passants puissent le toucher ou même le frôler par accident.

Une fois sûr de lui, il se dissimula aux yeux de tous, se cachant dans une ruelle sombre. Il eut l'impression d'être revenu au temps où il se cachait pour observer Emily, puis se retint d'y songer trop ardemment. Il ne devait plus penser au passé. Cela ne ferait que le torturer. Après avoir inspiré profondément, il transplana.

Il connaissait les lieux pour y être passé mille fois en compagnie de ses parents pour aller au Chemin de Traverse, mais jamais il n'avait prêté attention au bâtiment à l'allure mystérieuse qui –coincé entre un bar moldu et une librairie de sciences occultes- laissait échapper un flot discontinu de jeunes gens de son âge. Il passa nerveusement sa main dans sa tignasse, regrettant de ne pas avoir fait l'effort de se changer et de se coiffer un peu mieux, puis s'installa juste en face du bâtiment, dans un café, l'air de rien, angoissé à l'idée que quelqu'un le reconnaisse.

Autour de lui, les gens paraissaient heureux et profitaient des derniers jours d'été et Adam se demanda ce qui l'avait poussé à venir. Certes, les psychomages l'avaient dit : il éprouverait nécessairement le besoin de la revoir. Emily. Malgré toutes les séances de psychothérapie que les médecins qui avaient infligés, elle restait intouchable. Il ne parlait pas d'elle. Jamais. Il la dessinait, toujours, avec la même passion. Mais jamais il n'évoquait leur relation, comme si les mots et l'analyse aurait pu la rendre faillible ou moins magique. Emily, après toutes ces années, restait son point faible.

Emily lui avait rendu visite une fois. Une seule. A peine un mois après leurs adieux –dont il se rappelait encore parfaitement et dont il rêvait chaque nuit depuis elle avait fait une brève apparition, s'était enquise de son état, l'avait embrassé et l'avait quitté pour ne plus jamais revenir. Il se souvenait de ses larmes qu'elle retenait si péniblement, comme il se souvenait encore qu'Emily allait toujours de l'avant. Quatre années avaient passé et elle s'était probablement trouvé un petit-ami bien plus agréable que lui, un travail, des amis… Rien ne pouvait lui laisser croire qu'elle désire le voir.

Et pourtant, il se trouvait là, conscient qu'il s'apprêtait à briser son cœur en mille morceaux qu'aucun Psychomage ne serait capable de réparer un jour. Il redeviendrait la loque humaine en laquelle il s'était transformé après toute cette histoire et jamais plus il ne ferait l'effort d'être normal. Après tout, quelle importance si elle n'était pas auprès de lui…

Assailli par les souvenirs qui –il le savait- lui reviendraient par saccades à mesure que les effets des médicaments s'évanouiraient, il ferma les yeux. Il avait du temps devant lui. Il connaissait encore son emploi du temps par cœur, Garrett s'en était assuré. Il avait encore droit à quelques heures pour changer d'avis et partir en courant. Quelques heures pour se souvenir.


Il était assommé. Les médicaments que les Guérisseurs lui faisaient avaler de force avaient un effet désastreux sur son corps et –bien davantage- sur son cerveau. Recroquevillé entre ses draps, le visage enfoui dans l'oreiller dodu qu'une infirmière un peu plus sympa que les autres lui avait donné, il cherchait à contrôler ses pensées.

Elles le torturaient, son esprit se plaisant à lui apporter un lot immonde de souffrances et de culpabilités à chaque seconde. Il aurait voulu que quelqu'un lui offre autre chose, l'une de ces petites pilules vertes qu'un Médicomage lui avait prescrit des années auparavant. Ceux-là lui faisaient tourner la tête et diluaient des milliers d'éclats de bonheur dans ses veines. C'était d'ailleurs la raison qui avait poussé ses parents à virer ce Médicomage là. Adam se prenait à regretter les hallucinations et l'oubli qu'il aurait pu lui apporter. Mais non, les Guérisseurs de Sainte-Mangouste se contentaient de l'abrutir afin d'être persuadés qu'il ne puisse faire de mal à personne. Adam les soupçonnait de craindre qu'il ne fasse du mal à lui-même en vérité. Mais il n'en avait pas l'intention, cela aurait été bien trop simple…

« Adam, mon chéri ? »

La voix de sa mère le tira de sa douleur et l'obligea à ouvrir les yeux. Il lui adressa un pâle sourire forcé –juste pour atténuer la culpabilité qu'il ressentit en voyant ses traits tirés par la fatigue et ses yeux rougis par les larmes. Elle était assise sur un fauteuil, les jambes croisées, comme ses bras –faible barrage dès lors que les Aurors leur rendaient visite, et n'avait pas quitté le chevet de son fils depuis ce qui semblait être une éternité à ce dernier. Derrière elle, Théodore avait appuyé ses paumes contre le dos du siège et ses doigts frôlaient les épaules de son épouse à intervalle régulier, soutien illimité comme toujours.

« Tu as mal quelque part ? Tu as… gémi dans ton sommeil.

- Non, maman, tout va bien… Juste un cauchemar sans doute. »

Elle tenta de sourire pour montrer qu'elle était aussi courageuse qu'il mimait l'être, mais une larme s'échappa de son regard et elle se leva d'un bond avant de quitter les lieux, refusant de montrer à quel point cette situation la faisait souffrir. Pourtant, Adam l'entendit éclater en sanglots dès que la porte se referma derrière elle et il jeta un rapide coup d'œil à son père avant de se cacher à nouveau sous les draps.

Il laissa ses larmes brûlantes couler sur ses joues, sans chercher à comprendre pourquoi il pleurait. Il avait bien trop de raisons de le faire. Il avait tué des gens –que ce soit de son plein-grès ou non ne changeait en rien ses actes pour lui en avait agressé d'autres avait presque tué Emily et désormais, même alors que toute cette histoire était résolue, il causait une peine inimaginable à tous ces gens qui l'aimaient. Il ramena ses genoux contre sa poitrine, sentant ses sanglots enfler dans sa poitrine.

Par quel moyen surréaliste pourrait-il survivre à tout ça ? La douleur, la colère, et la peine lui torpillaient le corps avec la fougue d'un sortilège Doloris, broyant tout sur leurs passages. A mesure qu'il repassait ces dernières semaines dans sa tête, il comprenait à quel point il avait été faible et aveugle, à quel point son refus d'accepter ses problèmes en avait causé bien d'autres encore.

Il cala son visage contre ses genoux en reniflant, se fichant éperdument de son père qui l'entendait à coup sûr. Il se moquait de ce que les gens penseraient finalement de lui. Sa vie était de toute manière finie. Ou du moins, il songea qu'il aurait mieux valu qu'elle le soit.


Emily quitta les cours avec une pile instable de livres dans les mains, pile qui menaçait de s'effondrer à chaque pas. En poussant un soupir de martyr, elle déposa ces pavés d'Histoire sur un muret qui encerclait l'établissement d'où des dizaines de jeunes sortaient, prêt à retourner à leur insouciance d'étudiants. Elle en regarda passer quelques uns, avec une jalousie atténuée par l'idée de ce que pourrait devenir sa vie et jeta un coup d'œil vers le ciel. Elle détestait finir aussi tard. Dès lors que le soleil était déjà couché, il lui semblait que la journée était définitivement finie et qu'elle n'aurait plus le temps de rien.

Malheureusement, décidée à réussir plus que tous les membres de la famille Weasley réunis, elle s'était inscrite dans une Formation d'Archiviste où elle étudiait l'Histoire –bien plus passionnante qu'avec le professeur Binns- et les Runes, une petite formation n'acceptant que très peu d'étudiants – ils n'étaient que cinq dans sa classe. Elle pourrait ainsi travailler au Département des Mystères dès l'obtention de son examen final et gagnerait bien plus d'argent qu'elle n'en avait jamais eu. Mais il lui restait encore cinq mois avant d'enfin arriver au résultat tant attendu, et la fin de cette année lui paraissait très lointaine !

Avec mécanisme, elle tâcha de rendre sa pile de livres plus stable, afin que tous survivent au Transplanage, et essaya tant bien que mal de la reprendre. Sans grande chance de réussite. Mais son sac à dos était déjà plein à craquer, et aucun sortilège ne permettait de rendre les livres plus attentionnés envers leur propriétaire –surtout que le panneau d'entrée de la bibliothèque de l'école annonçait clairement que « tout sortilège envers les œuvres présentes serait passible d'une punition ». Vu l'apparence de la bibliothécaire, Emily ne doutait pas que la dite-punition serait violente et potentiellement mortelle.

« Je peux t'aider ? »

La voix dans son dos, hésitante et forte à la fois, fit grimper un frisson d'impatience et de douleur contre sa colonne vertébrale. Combien de fois s'était-elle fait draguer outrageusement sur ce parvis ? Des dizaines sans doute. Elle envoyait balader tous les inopportuns sans même les regarder. Il lui suffisait habituellement d'énoncer sur un ton badin : « Désolée, j'attends mon mari super baraqué » pour qu'ils fuient. Pourtant, cette fois, elle ne put s'empêcher de faire volte-face, ne serait-ce que pour détruire ce garçon qui venait de voler la voix d'Adam pour la séduire.

L'acerbe réflexion toute prête qu'elle s'apprêtait à lui offrir mourut dans sa gorge. En plus de lui avoir volé sa voix, il lui avait ravit son visage. Son visage avec quatre années de plus. Tignasse plus longue. Boucles plus nettes. Sourire moins glacial. Regard moins perdu, bien qu'éperdu d'amour.

Elle vacilla, sous le choc, mais il la rattrapa par la taille pour la ramener sur terre. Elle frémit à son contact. Elle ne rêvait pas. Aucun rêve ne pouvait être aussi vrai. Elle tendit la main vers son visage, prête à le voir s'évanouir en un songe, mais alors que ses doigts frôlaient la peau de ses lèvres, il sourit.

« Mily…

- Tu… Tu es là ? émit-elle bêtement, son cerveau avançant comme au ralenti, comme sur un nuage, comme sur… Tu es vraiment là ?

- Où voudrais-tu que je sois ? répliqua-t-il en haussant les épaules, comme si ces quatre années d'absence avaient été un cauchemar et qu'ils venaient tout juste de s'éveiller.

- Je… »

Elle fut incapable d'énoncer un mot de plus. Sa vue se brouilla d'un seul coup, alors qu'un torrent de larmes inondait ses joues, noyant toutes les phrases qu'elle aurait pu dire, qu'elle aurait voulu dire. Comme lors de sa visite à Sainte-Mangouste, peu avant son incarcération, Adam n'hésita pas une seconde. Il l'attira contre son torse et l'étreignit de toutes ses forces, luttant lui-même contre des larmes qui menaçaient de couler. Jamais il n'avait compris pourquoi les gens pleuraient lorsqu'ils se retrouvaient, dans des gares, dans des aéroports… Mais là, en cet instant, il comprit. Personne n'avait vécu ce qu'ils avaient vécu, mais peu importait, ils étaient heureux de se retrouver, enfin, après tout ce temps passé à se demander ce que l'autre vivait, tant qu'il vivait.

Il la serra davantage, enfouit son visage dans son cou trempé par les larmes, et y déposa mille baiser. Un pour chaque jour qui les avait tenu éloigné l'un de l'autre.


Emily prit quelques secondes avant de le remarquer réellement, blanc sur blanc dans la pénombre glaciale et inhospitalière. Il portait une tenue aussi pâle que ses draps et sa peau avait perdu toute couleur, si bien qu'elle se demanda ce que les Médicomages avaient bien pu lui faire pour le transformer en vampire. Elle le fixa quelques secondes –heureuse qu'il ne l'ait pas encore remarquée, car elle avait ainsi tout le loisir de jouer les voyeuses et de composer un masque imperturbable pour lui. L'air maladif qu'il arborait lors de la dernière excursion mentale de Bart dans son cerveau n'était rien en comparaison. Adam semblait simplement fantomatique. Anéanti.

Elle se racla la gorge pour signaler sa présence et il leva la tête avec une lenteur désintéressé, s'attendant apparemment à voir son père ou sa mère, ou encore une infirmière prête à lui offrir sa énième ration de somnifères pour la journée.

Un sourire éclaira son visage, tel un météore, et il se redressa sur son lit afin de lui offrir un tableau moins déprimant. Il savait qu'elle le voyait probablement pour la dernière fois, et voulait qu'elle se souvienne de lui comme d'un garçon, un homme même peut-être, qu'elle avait aimé, et non comme d'une loque humaine décharné sur un lit d'hôpital.

Puis il comprit qu'au fond, elle s'en fichait. Sous sa chemise, son corps devait être recouvert de cicatrices encore vives, qu'il lui avait lui-même infligées. Et les traits de son visage exprimaient une insurmontable fatigue. Sans compter les gardes fous qui tenaient les visiteurs à distances... Non, seule une personne prête à se battre pour le voir en était capable. Elle n'était pas là pour la forme, parce qu'elle le devait… Non, elle le voulait.

Il n'eut pas le temps de faire un geste qu'Emily fondit en larmes. Avec toute la peine du monde, il quitta son lit et s'avança vers elle, les jambes flageolantes, le cœur battant à tout rompre contre ses côtes. Elle dissimula son visage entre ses paumes, balbutiant de vagues excuses pour ne pas avoir été plus forte plus longtemps. Sans la moindre hésitation, il l'encercla de ses bras, enfouit ses doigts dans ses cheveux, et la plaqua contre son torse.

Et la douleur ne vint pas.

Il se souvint alors brièvement qu'il n'avait jamais eu mal en la touchant, avant cette rentrée ci –où les meurtres avaient commencés. C'était d'ailleurs l'une des raisons qui l'avait poussé à tomber amoureux d'elle. Enfant, il se disait que son corps tout entier acceptait Emily comme sienne, puisqu'il ne souffrait pas. Il avait donc omis un nouveau détail et culpabilisa de ne pas avoir cherché davantage une explication à la soudaine peine qu'il s'infligeait en la touchant. Encore une fois, son corps s'était amusé à lui envoyer des signaux alarmistes et Adam s'était contenté de les accepter sans réfléchir.

Les mains d'Emily se cramponnèrent à son t-shirt et il mit son cerveau sur pause avec bien plus de facilité que durant ces dernières heures où il avait tout tenté pour cesser de penser. Lentement, il plongea son visage dans ses cheveux, huma son parfum suave jusqu'à s'en embrumer l'esprit et posa un baiser léger comme une plume sur le sommet de son crâne. En reniflant, elle se détacha de son torse, maintenant le contact par ses mains –toujours nouées au tissu de son haut. Il lui adressa un petit sourire, plus circonspect que le précédent, et chassa ses larmes d'un doigt sans la lâcher une seule fois des yeux. Il aurait bien besoin de souvenir d'elle pour la dessiner plus tard.

« Je… Je suis désolée. Je ne voulais pas pleurer et te rendre encore plus triste ou quoi que ce soit. J'espérais juste débarquer, t'embrasser, te faire un beau discours romantique et filer pleurnicher plus loin ensuite…

- Tu l'avais préparé ce discours ? releva-t-il avec un rire aux coins des lèvres, ce qu'elle s'empressa de remarquer –bien qu'il soit forcé.

- Oui. Et… ça ne donnait pas grand-chose. Juste une foule de mots alignés les uns à la suite des autres. Mais ça ressemblait trop à des adieux, alors je doute que cela vaille la peine d'être dit. »

Le sourire courageux qu'elle lui décocha alors lui fit l'effet d'un uppercut : qu'elle se sente ainsi obligée d'être brave prouvait à quel la situation était catastrophique. Mais Emily était ainsi, fragile dès lors que personne n'avait besoin d'elle, forte quand le monde autour d'elle vacillait. Sa sœur en avait profité durant des années, et Adam, après toute cette histoire, devenait son nouveau poulain. Sauf que tout était différent cette fois : Emily n'était pas certaine de tenir très longtemps à ce rôle tant elle rêvait de se blottir entre ses bras pour ne plus jamais les quitter. Jamais elle ne parviendrait à lui servir un discours grandiloquent sur ce qui l'attendait, jamais elle ne pourrait lui dire : « Ne t'inquiètes pas, tout ira bien, je serais là quoi qu'il arrive… » car ses certitudes s'étaient brusquement évanouies.

Chaque instant vécu avec Adam n'était plus assez réel pour qu'elle s'y raccroche. Chaque baiser, chaque désir, chaque mot et chaque silence se retrouvait faussé par les révélations de Bart, et la laissait là, plus perdue encore qu'avant la rentrée. Néanmoins, un miracle étonnant s'était produit peu avant le décès du Serpentard, une chose qui l'avait sauvée elle d'une mort certaine. Un événement qui changeait tout et qui étonnait tout le monde, y compris elle.

Adam parut lire dans ses pensées et les suivre si parfaitement qu'elle crut un instant que tout avait été vrai entre eux, bien qu'elle sache pertinemment qu'au fil du temps, tous ses souvenirs s'effilocheraient. Le maléfice de Bart avait beau s'être évanoui dans le néant réservé aux sorts oubliés, les Psychomages et autres guérisseurs prendraient du temps à définir tous les effets que subiraient Adam. Avec un sourire, il passa soigneusement le dos de sa main contre sa joue en une caresse si tendre qu'elle frémit malgré elle.

« Je n'oublierai pas, souffla-t-il du bout des lèvres.

- Tu ne peux pas promettre ça.

- Je n'oublierai pas, répéta-t-il avec plus de force, comme si il pouvait ainsi compromettre son destin.

- Tu as déjà oublié certaines choses, lui rappela-t-elle cruellement, espérant ainsi ne pas entrer dans son jeu et ne pas se mettre à y croire vraiment, ce qui finirait par la briser un peu plus.

- Juste les mauvaises choses. Je ne souhaite pas me souvenir que j'ai un jour tenté de te tuer…

- Ce n'était pas toi !

- D'accord, mais je ne souhaite pas avoir un seul souvenir de ces deux fois où mes mains ont tâchés de te causer plus de mal que de bien. Pour le reste, je m'en souviendrais. Malgré la douleur. Douleur qui a d'ailleurs disparue, tu remarqueras ! » ajouta-t-il en caressant à nouveau sa joue qui s'empourprait un peu plus à chaque seconde.

Elle sentit un nœud de désir éclater dans son bas-ventre, inondant tout son corps, telle un vague qui menaçait de la noyer. Sans tarder, elle se colla contre son torse à nouveau et tenta de saisir chaque détail : son parfum, la forme complète de son corps, cette froideur glaçante qui avait remplacé sa chaleur humaine. Il semblait déjà loin et elle le serra plus fort, se fichant éperdument de l'étouffer. Elle avait besoin de le sentir encore, juste quelques heures de plus avant de le voir s'éloigner. Il sortirait un jour, mais qui serait-il alors ? Toujours Adam ou un fou aliéné ? Encore un peu lui ou celui que les psychomages voudraient qu'il devienne ?

« Adam, je… »

Le mot mourut sur sa bouche avant d'avoir pu naitre réellement, dès qu'il posa ses lèvres sur les siennes. Lui aussi se sentait disparaitre peu à peu. Combien de temps lui faudrait-il pour mériter sa liberté ? Deux ans, six ans, dix ans, ou plus encore ? Et que serait-elle alors ? Il l'imagina, éblouissante, entourée par mille amis et encore plus d'admirateurs. Combien de temps avant qu'elle l'oublie, avant qu'il devienne « ce type là, vous avez dû le voir dans les journaux, et bah, j'ai flirté avec lui… » ? Combien de temps avant qu'elle tombe amoureuse d'un homme meilleur, plus simple, avec qui elle aurait des enfants et vivrait heureuse alors que lui…

Sa langue força le barrage de ses lèvres, transformant leur simple baiser en la démonstration exemplaire d'une fougue non-contenue. Elle enfonça ses ongles dans la peau de sa nuque et un gémissement de plaisir monta dans sa gorge pour exploser sous une caresse. Son corps hurlait ce « Je t'aime » qu'elle n'avait pas pu énoncer, le dévoilant encore un peu plus à mesure que leur étreinte se renforçait. Leurs regrets les rongeaient déjà, alors qu'ils n'avaient pas encore eu à y faire réellement face. Les remords d'actes qu'ils n'avaient pas encore commis les rendant tout à coup si coupables qu'ils en oublièrent le reste.

Alors, sans réfléchir, ils se plongèrent corps et âme dans leur baiser, comme pour évacuer cette frustration qui les étouffait. Elle sentit son corps s'enflammer lorsque la main d'Adam trouva sa place contre ses reins. C'était la première fois qu'il la découvrait ainsi et Emily comprit avec rage que c'était sans doute la dernière. Alors qu'il se détachait lentement d'elle pour reprendre son souffle, elle remarqua qu'il avait les yeux humides et –avec un naturel qui la troubla elle-même- déposa un nouveau baiser, tout contre ses paupières.

« Je ne t'oublierai pas, murmura-t-elle alors, un sanglot dans la voix, avec le même sérieux que lui quelques minutes plus tôt.

- Tu ne peux pas promettre ça, rétorqua-t-il avec l'ombre d'un sourire.

- Je ne t'oublierai pas. Jamais…

- Les gens oublient, Mily. Le temps passera et tu… tu rencontreras d'autres personnes. Tu referas ta vie. Et franchement, c'est tout ce que je souhaite. »

Elle posa un doigt contre ses lèvres pour le faire taire et secoua la tête avec véhémence. Malgré les larmes qui lui brouillaient la vue, elle n'avait jamais été aussi sûre de ce qu'elle ressentait. Qu'importait la peine que son histoire avec Adam lui infligeait, elle n'oublierait pas. Elle se promit silencieusement de l'aimer toujours aussi fort dans dix ans, ou même dans cent s'il le fallait. Elle trouvait cette promesse pourtant surréaliste et répondit simplement :

« Non, Adam. Nous ne sommes pas « les gens » nous n'oublierons pas même si eux le font…

- Tu n'en sais rien…

- Si je sais ! Et tu sais pourquoi je le sais ? »

Elle ressembla un instant à cette fillette de cinq ans, si sûre d'elle, au regard dévastateur et au sourire encore plus surprenant. Adam acquiesça alors, en un brusque assaut de confiance, et si bas qu'elle faillit ne pas l'entendre, il murmura quelques mots. Les mots d'une formule magique que cette surprenante petite fille avait un jour inventée pour éclairer son univers :

« Parce que nous c'est pour de vrai… »


THE END.

(Mouhahaha.)


Note de moi _ Et voilà, c'est fini... ç'aura été une longue aventure, ponctuée de nombreuses crises de page blanche& d'encore plus de "non envie de poster". J'ai conscience que cette histoire n'a pas été la plus joyeuse que j'ai écrite (loin de là xD) mais j'avais besoin qu'ils finissent bien... Adam n'aurait simplement pas survécu à la mort d'Emily (& à la base, c'était la seule dont j'étais sûre qu'elle survivrait en fait xD Violet a failli mourir ; Cléo aussi ; & Adam aurait dû mourir en même temps que Bart... Mais non, j'ai décidé d'être sympa pour une fois & d'tuer personne.). Dites moi donc si ça vous a plu ! :P

Je remercie donc ceux qui ont suivis cette fic -j'sais à quel point ça a été dur xD- & pour tous vos reviews ! -je prendrais le temps de répondre à ceux de l'épilogue... Suis en vacances, aucune excuse ! ;)

Pour la suite... Disons que je ne sais franchement pas quand je reviendrais sur feufeu... Je n'ai rien commencé de réellement excitant pour le moment, malgré quelques idées que j'ai très envie d'exploiter (la Première étant la Drago-Hermione dont j'avais déjà parlé il y a quelques temps...) mais j'ai un mal certain à me poser pour écrire. Les mots ont décidé de faire grève dans ma tête ! Du coup... à bientôt, à dans un an ou à jamais ! xD

Merci encore à vous tous

des bisous bisous

Tess :)