Pukalani
Steve McGarrett était un lève-tôt. Quand il le pouvait, il aimait arriver le premier au QG du 5-0, profitant du calme qui y régnait pour effectuer ses tâches administratives.
Ce matin-là, alors qu'il se dirigeait vers la salle de repos afin de se préparer un café, il eut la surprise de trouver son coéquipier, en boxer et tee-shirt, endormi sur le sofa de son bureau. D'un coup d'œil, Steve remarqua les deux sacs de voyage posés sur le sol et les vêtements propres soigneusement pliés sur une chaise. Il hésita un instant à réveiller son ami, puis décida de le laisser se reposer. Il ressortit de la pièce pour aller chercher son café. Alors qu'il revenait vers son bureau, il ne put s'empêcher de faire un détour par celui de l'autre homme. Danny dormait toujours profondément, un bras sous la tête, l'autre posé sur le ventre. Appuyé contre le mur, Steve contempla son coéquipier un long moment en silence, troublé par les sentiments qu'il ressentait depuis quelques semaines.
Ce n'était pas la première fois qu'il était attiré par un homme. Il avait déjà eu quelques aventures homosexuelles lorsqu'il était adolescent et après, à son entrée chez les SEAL, mais personne de son entourage actuel à Hawaï ne le savait. Ce n'était pas vraiment le genre de chose que l'on racontait autour d'un verre après avoir bouclé une enquête. Et comme il était conscient qu'il n'avait aucune chance avec Danny, qui était totalement hétéro, il avait dissimulé son attirance pour lui sous son habituel masque militaire et s'était concentré sur son travail.
Steve soupira profondément afin de chasser les pensées malvenues qui commençaient à envahir son esprit. Il passa une main sur son visage las, puis quitta la pièce afin de retourner dans son bureau. Il décida de se plonger dans l'étude d'un dossier, mais s'interrompit rapidement en voyant son coéquipier traverser la salle tactique, les cheveux ébouriffés et les pieds nus. À travers les cloisons vitrées, Steve le suivit du regard jusqu'aux sanitaires, puis quelques minutes plus tard, il le vit effectuer le trajet inverse. Danny, qui n'avait pas remarqué sa présence jusque là, tourna légèrement la tête dans sa direction et sursauta. Une main posée sur le cœur, il s'avança vers le bureau de son supérieur.
— Tu m'as foutu une de ces trouilles ! lança le blond en entrant dans la pièce. Qu'est-ce que tu fais là si tôt ?
— Les jours où je ne te demande pas de venir me chercher, c'est que je suis déjà là depuis 6 heures, répondit Steve d'un ton très calme, un léger sourire aux lèvres. Ça serait plutôt à moi de te demander pourquoi tu as dormi ici. Tu serais encore marié, j'aurais dit que ta femme t'a foutu dehors, mais là...
— C'est mon proprio qui m'a foutu dehors, répondit Danny en s'asseyant en face de son ami. Enfin, mon nouveau proprio. L'ancien a vendu l'immeuble sans prévenir et le nouveau veut tout rénover pour le louer plus cher. Du coup, il a viré tout le monde hier soir.
— Il n'a pas le droit de faire ça ! s'indigna le brun.
— Non, je le sais bien. Mais si je porte plainte, ça va mettre des mois à se régler. Et en attendant, je me retrouve à la rue. J'ai juste eu le temps de tout remballer avant qu'il fasse changer les serrures.
— Tu veux dire que les deux sacs que j'ai vus contiennent toutes tes affaires ?
Danny passa une main dans ses cheveux, les ébouriffant un peu plus, l'air embarrassé.
— Ouais... Enfin non, y'a quelques trucs à Grace aussi.
Steve ne put s'empêcher de sourire :
— Vu le bordel dans ton appartement, je pensais vraiment que ça remplirait un semi-remorque !
Son ami grimaça :
— Vas-y, moque-toi. En attendant, je vais être obligé de me trouver un autre logement.
— Tu n'as qu'à venir chez moi ! proposa le brun, sans même réfléchir.
— Chez toi ?
— Pourquoi pas ? Tu l'as bien vu, ma maison est grande. Il y a largement la place pour toi et tes sacs.
— Oui mais...
— Et tu pourras y recevoir Grace les week-ends où tu l'as.
— Je ne veux pas déranger...
— Si je te le propose, c'est que ça me fait plaisir. Et puis comme ça, tu pourras prendre ton temps pour te trouver un autre logement un peu plus décent que le précédent.
— Tu es sûr que...
— Certain ! lança Steve en jetant un bref coup d'œil à sa montre. Enfin pour le moment, tu devrais aller t'habiller. Je t'offre le petit-dej !
Quelques minutes plus tard, les deux hommes étaient assis sur un banc et savouraient un café sous le soleil déjà chaud d'Hawaï.
— Je ne comprends toujours pas pourquoi tu t'obstines à mettre une cravate, sourit Steve entre deux gorgées.
— C'est normal, t'es pas équipé pour comprendre, répondit Danny sur un ton narquois.
Le brun ne répondit pas immédiatement à la plaisanterie, cherchant une bonne réplique. Il finit par souffler :
— Tu sais, un jour un suspect finira par s'en servir pour t'étrangler.
— Il pourra toujours essayer ! Celui qui touchera à ma cravate sans mon autorisation n'est pas encore né !
Une image plus que dérangeante s'imprima soudain dans l'esprit de McGarrett : il se vit en train de plaquer Danny contre un mur, de dénouer sa cravate et de l'embrasser avec fougue tout en arrachant les boutons de sa chemise. Gêné d'avoir eu une telle pensée alors que l'objet de ses fantasmes se trouvait juste à côté de lui, il plongea le nez dans son gobelet de café.
— Au fait, je ne t'ai pas remercié, souffla le blond après un court moment de silence.
— Remercié ?
— Pour ta proposition d'hébergement. Alors merci, Steve.
— De rien... Danno...
Le brun sourit en voyant son coéquipier froncer le nez, comme à chaque fois qu'il utilisait le surnom donné par sa fille. Leur discussion fut interrompue par les sonneries de leurs portables.
— C'est Chin, lança le blond après avoir consulté l'écran de son téléphone.
— Kono, répliqua son ami avant de décrocher. Oui, Kono ?... Ok, on arrive !
Il raccrocha et ils se dirigèrent tous deux vers la voiture de Danny afin d'aller rejoindre leurs collègues sur une scène de crime.
L'enquête fut bouclée dans la journée. Les quatre agents du 5-0 rentrèrent au QG afin d'établir leurs rapports. Danny termina le sien rapidement, puis rejoignit Chin et Kono qui discutaient dans la salle de repos.
— J'ai vu que t'avais des sacs de voyage dans ton bureau. Tu vas quelque part ? demanda la jeune femme.
— Ouais, chez Steve.
Il leur raconta ses déboires de logement et termina par la proposition de leur collègue. Celui-ci entra dans la pièce juste au moment où il finissait son récit.
— Tu es prêt à partir ? demanda-t-il à Danny.
— J'arrive ! Bonsoir les enfants !
— À demain ! répondirent les cousins.
Danny alla chercher ses affaires et suivit Steve jusqu'à la voiture. Il rangea ses sacs dans le coffre avant d'aller prendre place sur le siège passager. Même s'il supportait difficilement la façon de conduire de son coéquipier, il devait avouer que le militaire était bien plus doué que lui au volant quand il s'agissait de poursuivre un suspect. Et quand ils roulaient tranquillement, il pouvait en profiter pour admirer le paysage d'Hawaï. Il trouvait les lieux magnifiques et ne regrettait presque plus d'avoir quitté son New Jersey natal. Mais ça, il ne l'avouerait jamais à Steve, même sous la torture. Quoique... connaissant les méthodes de son ami, il n'était pas sûr de pouvoir résister bien longtemps à un interrogatoire « made in McGarrett ». Alors qu'il y pensait, il ne put s'empêcher de sourire, ce que Steve ne manqua pas de remarquer :
— C'est de venir vivre chez moi qui te rend si joyeux ?
Danny mentit :
— Oui, c'est ça. Imagine : je passe d'un petit appartement miteux à une grande maison avec un immense jardin et accès direct à l'océan. Le pied !
— Je croyais que tu n'aimais pas nager.
— Ce n'est pas pour moi, c'est pour Grace. Enfin, sauf si ça te dérange qu'elle utilise ton bout d'océan...
— Arrête de dire des bêtises. Tu es chez toi et ta fille aussi. Du moment que tu ne laisses pas traîner tes chaussettes sales partout...
— Comme si c'était mon genre ! s'indigna le blond.
— Souviens-toi que j'ai vu le capharnaüm qui te servait d'appartement avant, sourit son ami.
Danny croisa les bras, boudeur.
— Ne t'en fais pas, je cantonnerai mon bordel dans ma chambre. À moins que tu m'installes dans un cagibi...
— Pourquoi pas dans un placard, tant que t'y es ? souffla Steve en levant les yeux au ciel. J'ai deux chambres inoccupées donc tu auras la tienne et Grace prendra l'autre quand elle viendra.
— Elle peut dormir avec moi, ça ne me gêne pas.
— Elle aura sa chambre, ne discute pas.
— À vos ordres, Chef ! répondit Danny en faisant un petit salut militaire.
Ils échangèrent un regard et un sourire complice.
Après que Steve lui ait montré sa chambre, Danny y déposa ses sacs et alla prendre une douche. La salle de bains était commune avec la chambre qu'occuperait sa fille lorsqu'elle viendrait le week-end. Il enfila ensuite un jean bleu et un tee-shirt noir, puis rejoignit son hôte qui était en train de préparer le dîner dans la cuisine. Il s'assit et chipa un morceau de banane dans le grand bol de salade de fruits posé sur la table. Steve lui assena une tape sur la main avec sa cuillère en bois.
— Aïeuh !
— Pas touche ! On ne grappille pas dans le dessert !
— Mais euh ! Espèce de brute... grogna Danny en se frottant la main.
Le brun leva les yeux au ciel en soupirant avant de se replonger dans la préparation de son plat. Son coéquipier demanda, moqueur :
— Quoi ? Tu regrettes déjà ?
— D'héberger un gamin de six ans ? Non, pas du tout...
— Vas-y, moque-toi de moi... bouda le blond.
Il croisa les bras sur sa poitrine, faisant mine d'être vexé. Steve rit :
— Oh, excuse-moi, je me suis trompé, tu n'as pas six ans, tu en as quatre. Tu sais que ta fille est plus mûre que toi.
— Normale, c'est la meilleure gamine du monde, souffla Danny en souriant.
Il était tellement fier de sa petite puce qu'il en oubliait les taquineries de son ami. Même si c'était très cliché, Grace était tout pour lui. Après tout, c'était pour elle qu'il avait parcouru des milliers de kilomètres pour s'installer à Hawaï. Et c'était grâce à elle qu'il avait rencontré Steve McGarrett. Alors que le SEAL continuait à cuisiner, Danny songea qu'il ne pouvait pas y avoir plus différent que Steve et lui. Pourtant, ils étaient devenus amis. Et même plus que ça... presque des frères. À part sa fille, il n'y avait qu'une seule personne pour qui il était prêt à risquer sa vie : le Capitaine Steve McGarrett.
Après dîner, les deux hommes s'installèrent sur la terrasse pour savourer une bière en profitant de la vue. Danny but une gorgée du liquide ambré avant de souffler :
— Au fait, pense à me prévenir quand Catherine sera là, j'irai passer la nuit à l'hôtel !
Steve lui adressa un sourire un peu grimaçant :
— Ne t'en fais pas pour ça, elle ne viendra pas. C'est fini entre nous.
— Vraiment ? s'étonna le blond.
— Oui, répondit son ami en faisant rouler sa bouteille désormais vide entre ses mains. On a rompu lors de sa dernière visite.
— Tu ne me l'as pas dit.
— Je ne pensais pas avoir à le faire.
Reconnaissant bien le côté secret du brun, Danny n'insista pas sur ce point. Mais il était curieux de connaître le raison de la rupture. Alors, il demanda :
— Qu'est-ce qui s'est passé ? Enfin, je ne veux pas être indiscret, mais je suis étonné. Avec Rachel, on passait notre temps à s'engueuler donc c'était normal qu'on rompe, mais Catherine et toi ne sembliez pas être ce genre de couple.
— Nous ne l'étions pas. Seulement nous en avions tous les deux assez de cette relation à distance donc on a préféré en rester là avant que ça dégénère.
— Ah ok. Désolé, mec ! Je sais que c'est toujours difficile une rupture.
Steve lui adressa un bref regard avant de reporter son attention sur sa bouteille vide.
— Merci, mais ça va. Comme je te l'ai dit, nous avons rompu d'un commun accord.
À cet instant précis, Danny eut l'étrange impression que son ami ne lui disait pas tout. Le brun semblait gêné de parler de sa vie privée, encore plus que d'habitude. Voulant détendre l'atmosphère qui devenait pesante, le blond lança en souriant :
— De toutes façons, les mecs comme toi ne restent pas seuls bien longtemps !
Steve se tourna vers lui, l'air amusé :
— Les mecs comme moi ?
— Les beaux gosses ténébreux limite mauvais garçons...
— C'est comme ça que tu me voies ? demanda le brun en riant.
Danny haussa les épaules.
— C'est ce que tu es, sourit-il. Tu sais, je suis réaliste, les femmes sont toujours plus attirées par les types comme toi que par les types comme moi !
Steve dut se mordre la langue pour ne pas répondre ce qu'il pensait vraiment de son ami. Il ne pouvait décemment pas lui dire qu'il était l'un des mecs les plus sexy qu'il ait jamais rencontré ! Il réussit à se reprendre suffisamment rapidement pour que le blond ne remarque rien.
— Sauf que les mecs comme moi, les femmes ne les épousent pas.
— Ça évite les divorces... grogna Danny.
— Et elles ne leur font des gamins que pour tenter de les garder, tout en sachant que ça ne servira à rien.
— Ok, je t'accorde ce point.
Le blond se mit à bâiller bruyamment.
— Bon, je crois que je vais aller profiter du lit que tu as gentiment mis à ma disposition. Mon canapé au QG n'est pas vraiment des plus confortables ! Bonne nuit ! lança-t-il en se levant.
— Bonne nuit !
Une fois seul, Steve alla se chercher une autre bière et revint s'installer face à l'océan. Il n'avait pas sommeil, perturbé par leur conversation.
Il n'avait pas tout dit à son ami au sujet de sa rupture avec Catherine. Lors de la dernière visite de la jeune femme, celle-ci avait senti que quelque chose avait changé chez lui. Ne voulant pas lui mentir, il lui avait avoué qu'il était attiré par une autre personne, sans lui préciser qui. Drôle de coïncidence, Catherine était dans le même cas et n'avait pas osé lui en parler avant de peur de lui faire du mal. Du coup, ils s'étaient mis d'accord pour arrêter leur relation sans avenir. Cela aurait pu s'arrêter là si la jeune femme n'avait pas insisté pour savoir qui avait envahi le cœur et les pensées du chef du 5-0. Au début, Steve avait refusé de le lui dire. Mais, finalement, elle réussit à obtenir l'information. Elle avait eu l'air beaucoup moins surprise que ce qu'il aurait cru et lui avait souhaité « bonne chance ». Elle semblait persuadée qu'il avait une chance de séduire Danny, alors qu'il était conscient de n'en avoir aucune.
Depuis qu'ils se connaissaient, Steve n'avait jamais vu son ami être intéressé par une femme. Il savait que Danny avait été échaudé par son divorce et que pour l'instant, il ne se consacrait qu'à sa fille et à son travail. Mais, quoi qu'il en soit, le blond était hétérosexuel et ce n'était pas parce que Steve le trouvait à son goût que ça allait changer quoi que ce soit. Il allait devoir se contenter d'une amitié fraternelle, ce qui était déjà mieux que rien.
Soupirant profondément, Steve ferma les yeux, puis utilisa une méthode de relaxation pour se détendre et enfouir ses sentiments au plus profond de son cœur. Ce fut tellement efficace qu'il finit par s'endormir sur son transat.
Le soleil était déjà levé lorsque Steve fut réveillé par une bonne odeur de café. Ouvrant les yeux, il tomba nez-à-nez avec une tasse fumante, tenue par une main familière.
— Toi, tu as compris comment me mettre de bonne humeur pour la journée ! lança-t-il en souriant à Danny.
Son ami, en boxer et tee-shirt, le considéra un moment en silence, puis demanda :
— Tu dors souvent dehors ?
— Parfois.
— Ne me dis pas que j'ai le seul lit confortable de ta maison !
— J'en déduis que tu as bien dormi ? interrogea le brun, éludant la remarque de son coéquipier.
— Comme un bébé !
Le blond s'assit sur le transat voisin afin de boire son propre café.
— Alors, tu fais quoi de tes week-ends quand on n'a pas d'affaire en cours ?
— Pas grand chose. Je surfe ou je nage un peu. Après, je trouve toujours des trucs à faire ici D'ailleurs j'ai du bricolage à terminer, ajouta-t-il en désignant une vieille balancelle en bois, installée sur un coin de la terrasse. Et toi ?
— Euh... moi je suis plutôt du genre à m'affaler devant la télé ou avec un bon bouquin policier.
— Tu ne fais jamais de sport ?
— En dehors de courir après les suspects ? Non. Ça me suffit largement.
Steve ne put s'empêcher de taquiner son ami :
— Pourtant, tu devrais...
Danny lui jeta un regard circonspect :
— Qu'est-ce que tu veux dire par là ?
— Rien... juste que quand on ne bouge pas, on s'empâte...
Le blond se leva et vint se planter en face de son coéquipier. Il souleva son tee-shirt, puis se tapota le ventre :
— T'as vu ça ? Ça s'appelle des abdos ! Alors bien sûr, je n'ai pas les tablettes de chocolat de Môssieur McGarrett, mais y'a que du muscle là, pas un poil de graisse !
Sentant qu'il avait gardé le regard fixé sur le torse de son ami un peu trop longtemps, Steve détourna les yeux, gêné. Il but une gorgée de café pour se donner une contenance tout en se frappant intérieurement. Ça n'est pas en s'amusant à provoquer Danny ainsi qu'il allait réussir à faire disparaître son attirance pour lui. Pour éviter de dire ou de faire une connerie, il posa sa tasse et se leva :
— Je vais aller prendre ma douche.
Et il disparut à l'intérieur avant que son ami ait eu le temps de réagir. Une fois dans la salle de bains, il se glissa sous l'eau glacée afin d'apaiser l'excitation qui venait de s'emparer de lui. Alors qu'il prenait de profondes inspirations pour retrouver son calme, il réalisa qu'il allait être très difficile pour lui de cohabiter avec l'objet de ses fantasmes.
Après que Steve soit parti prendre sa douche, Danny alla laver les tasses tout en réfléchissant à ce qu'il ferait de sa journée. Ce week-end là, il n'avait pas Grace. Du coup, il n'avait aucune obligation particulière. Lorsqu'il était dans son appartement, ça ne le dérangeait pas de passer la journée à traîner dans son lit, les yeux rivés sur la télévision. Mais là, il se faisait l'effet de profiter de la générosité de son ami. Alors qu'il réfléchissait à ce qu'il allait faire, Steve traversa le salon, uniquement vêtu d'un short de bain bleu.
— Tu es sûr que tu ne veux pas venir nager avec moi ?
— Je te l'ai déjà dit, je ne vois pas l'intérêt d'aller tremper dans de l'eau salée au milieu des poissons et des algues.
— Ok ! Comme tu veux. À plus tard !
Danny suivit des yeux son ami. Il avait beau en plaisanter, quelques années plus tôt il aurait donné n'importe quoi pour lui ressembler physiquement. Il n'était pas le genre de mec sur lequel les filles bavaient au lycée, sur lequel les femmes se retournaient dans la rue ou qu'elles montraient à leurs copines en chuchotant. Il avait toujours été celui qui devait ramer pour sortir avec celle qui lui plaisait. Et, il avait longtemps détesté les beaux gosses comme Steve qui n'avaient qu'à se montrer pour obtenir les faveurs de celle qu'il voulait. Son complexe d'infériorité s'était atténué lorsqu'il était marié avec Rachel, mais il était revenu en force après son divorce. De ce fait, il n'avait eu aucune histoire suivie depuis, juste quelques aventures d'un soir. Il avait préféré se concentrer sur Grace et sur son travail. Pour l'instant, il n'avait aucune envie de rencontrer une femme pour se lancer dans une relation durable.
Danny sortit de ses pensées maussades, puis réfléchit à nouveau à ce qu'il allait faire de sa journée. Alors qu'il rangeait les tasses dans le placard, il décida d'aller faire des courses et de préparer un bon petit plat à son ami pour le déjeuner. Après tout, il envahissait déjà la maison de Steve, il n'allait pas en plus se faire entretenir ! Il monta s'habiller, puis laissa un mot sur le frigo :
Je vais au marché. Je m'occupe du repas.
Il prit ensuite sa voiture pour se rendre au centre-ville où il savait pouvoir trouver tous les ingrédients nécessaires au plat qu'il voulait préparer. Il n'était pas particulièrement fan de la nourriture hawaïenne, mais Grace en raffolait. Du coup, il avait acheté un livre de recettes de façon à pouvoir lui faire plaisir quand elle venait chez lui. Et il y avait un plat très simple à réaliser à base de dinde et d'ananas qu'il avait fini par connaître par cœur à force de le préparer pour sa fille.
Après avoir fait ses achats, Danny reprit la direction de la maison de Steve. Lorsqu'il y entra, son petit mot n'avait pas bougé, preuve que son ami ne devait pas encore être revenu de sa baignade. Il se mit donc à l'ouvrage dans la cuisine. Pendant que la sauce mijotait, il alla chercher son ordinateur portable en vue de consulter les annonces pour se trouver un logement. Même s'il appréciait la générosité de Steve, il ne comptait pas profiter de son hospitalité trop longtemps. Dès qu'il se trouverait un appartement dans ses moyens et dans un quartier agréable, il partirait.
Il était en train de surfer sur les sites des agences immobilières lorsque Steve le rejoignit, toujours en maillot de bain, une serviette sur les épaules et les cheveux encore mouillés.
— Hum, ça sent bon, sourit le brun en s'approchant de la casserole.
— Ne t'avise pas de goûter ma sauce avant qu'elle soit finie ! grogna Danny sans lever les yeux de son écran.
— Je n'y comptais pas, sourit son ami en se dirigeant vers le frigo.
Il prit une bouteille d'eau qu'il vida d'un trait, puis vint se placer derrière son ami afin de regarder l'écran de l'ordinateur par-dessus son épaule.
— Qu'est-ce que tu fais ?
— Je cherche un logement.
— Tu as le temps, tu sais.
— Oui, mais même si j'adore ta maison, je ne vais pas squatter des mois chez toi. J'aimerais bien me trouver quelque chose de sympa où Grace aurait une vraie chambre.
— Et tu trouves ?
Danny leva les yeux vers son ami, intrigué par le ton un peu sec de sa voix :
— Ça va ? T'as l'air contrarié ?
Steve s'éloigna en direction de l'évier, lui tournant le dos.
— Non, c'est rien, je pensais à autre chose. Alors, t'as trouvé un appart qui t'intéresse ?
— J'en ai vu, mais ils sont loin d'être dans mes prix... souffla le blond.
La réponse de l'autre homme ne l'avait pas du tout convaincu. Il connaissait assez bien son ami pour remarquer la tension soudaine dans ses épaules. Alors qu'il allait tenter de l'interroger à nouveau, la sonnerie du minuteur retentit.
— Ah, la sauce est prête ! lança Danny en se dirigeant vers la cuisinière.
Steve quitta la pièce sans un mot. Le blond resta un long moment à considérer la porte par laquelle il était sorti, perplexe. Il avait l'impression que son coéquipier lui en voulait de chercher un logement, mais n'en comprenait pas la raison.
À suivre...