Titre: Premier amour
Genre: Tragédie, angst, romance.
Rating: M (explications dans la suite)
Personnages: Shizuo et Izaya, ainsi que la plupart des personnages de la série.

Note: Attention: La cote de cette histoire risque de monter plus tard! Pour l'instant, elle est cotée T pour langage relativement vulgaire et violence (mais peut-être que j'exagère...).

Edit: La cote change à partir du dixième chapitre! Allez-y pour lire l'avertissement.

Autre avertissement: ceux qui n'aiment pas les histoires qui finissent mal, celle-ci n'est pas pour vous. C'est one-sided de la part d'Izaya, et le tout risque d'être assez dépressif. Vous avez été prévenus! (désolé pour le spoiler, je ne voulais pas que vous vous plaigniez que c'est triste...)

Bon, sur ce, je vous propose ici un genre de cross-over qui n'en est pas un. C'est-à-dire que, pour cette histoire, je me suis beaucoup basé sur Sekaiichi Hatsukoi (l'OVA surtout). Pour faire simple, disons qu'il s'agit des personnages de Durarara! dans l'univers de Sekaiichi Hatsukoi. Mais en fait, c'est plus complexe que ça, parce que j'en prends de l'un et de l'autre... Bah, au final, vous pouvez simplement considéré ça comme un UA tout ce qu'il y a de plus normal. Évidemment, les personnages sembleront peut-être OOC. C'est le contexte...

Sinon, je me suis follement amusée à écrire au « je » au point de vue d'Izaya et au passé simple (au passé compliqué si vous voulez mon avis). J'ai un correcteur compétent (vive Antidote!), aussi il ne devrait pas y avoir trop de problèmes avec les temps de verbe, mais si c'est le cas, n'hésitez pas à m'en faire part.

Sur ce, bonne lecture!

P.-S. J'aime les reviews! Ça me remplit de joie de vivre et ça me donne le gout d'écrire (non, je n'y crois pas!). En fait, je ne risque pas de publier plus vite si vous commentez, mais je risque d'être beaucoup plus motivée!


La première fois que je l'ai vu, c'était à la bibliothèque. J'y passais tous mes après-midis, de la fin des cours jusqu'à la fermeture, aussi ai-je tôt fait de le remarquer. Tout comme moi, il y passait son temps. Son uniforme m'indiqua également qu'il allait au même lycée. Je ne l'avais jamais vu dans mon année, alors il devait être plus vieux que moi, puisque j'étais en seconde. S'il avait le même âge, je l'aurais su depuis longtemps.

En effet, sa principale caractéristique était qu'il se faisait pour le moins remarquer. De le dire ainsi est un euphémisme; il aurait fallu être aveugle, sourd et surtout complètement barge pour ne pas sentir sa présence. La première chose qui sautait aux yeux, c'était sa coiffure. Sa tignasse teinte en blond était anormalement et étonnamment jaune. Elle alertait le cerveau autant que l'eût fait une grosse affiche rouge pompier écrit « danger » dessus. On aurait dit, et avec le recul, je crois que c'était l'effet voulu, qu'il voulait prévenir les gens d'un quelconque danger.

La deuxième chose qu'on n'eut pu manquer, c'était son expression. La colère semblait être figée sur ses traits, comme s'il eût été impossible de l'y extraire. De plus, quelques petites manies, comme tapoter sur le bureau avec ses doigts, se gratter le derrière de la tête violemment ou faire trembler sa jambe d'un bon centimètre, voire deux, à une vitesse folle, indiquaient qu'il devait être passablement énervé et qu'un rien le ferait probablement exploser de rage. Une bombe à retardement, c'était l'expression qui venait à l'esprit lorsqu'on le regardait faire ainsi.

Un troisième point moins important mais qui venait amplifier l'effet qu'il avait, c'était sa carrure. Il était d'une grandeur impossible et ses épaules étaient si larges que l'expression « armoire à glace » semblait inventée pour lui. On devinait également, malgré sa silhouette étonnamment svelte, des muscles très développés et une force hors du commun. J'appris plus tard que celle-ci n'était pas « hors du commun » mais simplement inhumaine.

Mais si, malgré tout ce que j'ai énuméré, quelqu'un, par une volonté de fer ou une insouciance tout aussi extraordinaire, venait à l'approcher, il plierait bien rapidement sous le poids de son regard. Il regardait les gens de haut, au sens propre comme au sens figuré. Ses yeux bruns fixaient avec un tel manque de gêne que son adversaire était toujours le premier à détourner les yeux. C'est simple : il vous regardait comme si vous étiez de la merde, ou la chose la plus énervante au monde, et ce, peu importe qui vous étiez ou ce que vous faisiez.

Une autre chose, beaucoup plus étrange, était qu'il ne lisait pour ainsi dire jamais et ne faisait pas non plus ses devoirs. Il entrait dans la bibliothèque, s'installait à sa place réservée (personne n'osait s'y assoir, comme si son nom était écrit dessus) qui, d'ailleurs, tournait le dos à la fenêtre, et regardait dans le vide tout en s'énervant tout seul. C'est ce comportement bizarre qui a attisé ma curiosité. J'ai d'abord pensé que le lieu en soi était la source de son énervement, et je me suis demandé, non sans une pointe de colère, ce qu'il venait faire dans ce lieu de calme et d'apaisement. À cette époque, la bibliothèque était pour moi une sorte de temple, de lieu sacré où les profanes ne devraient pas être admis. Sa présence était en soi une sorte de sacrilège. Je réalisai plus tard qu'il était en fait tout le temps en colère, et que la localisation n'avait absolument rien à voir avec son énervement. Évidemment, à ce moment-là, je n'avais aucun moyen de le savoir.

J'aurais voulu lui demander de s'en aller, mais je n'en avais ni le courage, ni la force. J'étais comme tous ces gens qu'il impressionnait par sa carrure d'épaule et son regard de feu. J'avais peur de lui, mais plus que tout, je le détestais. Je l'abhorrais parce qu'il me dérangeait, qu'il gâchait le seul moment où je me sentais vraiment à l'aise. Il ne sera pas exagéré de dire que je suis né au milieu des livres. Mon père possédait une maison d'édition, ce qui m'a poussé à devenir un lecteur acharné moi-même, et ce, depuis mon plus jeune âge. Mes premières lectures furent différentes de celles des autres enfants de mon âge. Un dictionnaire de kanji à la main, je m'attaquais à des chefs-d'œuvre littéraires tout aussi sublimes que beaucoup trop compliqués pour mon âge. J'ai appris la vie, l'amour, la mort au travers d'œuvres de Natsume Sôseki, Yasunari Kawabata, Haruki Murakami, mais aussi d'auteurs occidentaux comme Molière, Shakespeare, Joyce, Proust et j'en passe. Tout ce que je savais me venait de la littérature. J'avais probablement passé plus de temps à lire des livres qu'à vivre ma propre vie. J'en vins donc tout naturellement à détester cet énergumène qui bousillait le seul temps que j'avais pour tenir entre mes mains ce que je considérais comme plus important que ma propre vie.

Je commençai à échafauder toutes sortes de plans tous plus tordus les uns que les autres pour le forcer à s'en aller et à arrêter de me tourmenter. Ce qui commença par une simple réflexion emplie de haine se transforma sans que je ne m'en aperçoive en une activité malsaine qui occupait tout le temps que je consacrais avant à la littérature. Je passai bientôt mes après-midis à le regarder de biais, à guetter le moindre de ses gestes, à me demander comment diable je pourrais faire pour qu'il arrête de pénétrer dans ma bulle comme il le faisait. Plus je pensais à lui, moins je lisais, et plus je réfléchissais à la façon de m'en débarrasser, moins je me rendais compte qu'il peuplait toutes mes pensées.

Mes premières idées furent plutôt simples : lui demander de s'en aller (ce qui n'aurait pas fonctionné, j'en étais sûr), le frapper, ce qui, puisqu'il aurait surement riposté, l'aurait fait exclure de la bibliothèque (mais j'en serais interdit l'accès également), déclencher sa colère d'une quelconque façon sans m'impliquer, mais laquelle? Bientôt, mes idées devinrent de plus en plus saugrenues : enduire sa chaise de peinture pour qu'il en soit taché, briser légèrement une patte de celle-ci pour qu'elle s'effondre alors qu'il s'y assiérait, etc. Je ne réalisai pas, à ce moment-là, que mes idées divergeaient légèrement du but principal et qu'il s'agissait finalement d'une simple vengeance. Au fil du temps, mes plans perdirent en réalisme : faire bruler ses vêtements, le battre à la sortie, le tuer dans son sommeil. Bientôt, je consacrai l'un des carnets que j'avais toujours avec moi à toutes ces fabulations, en espérant un jour trouver la solution. Je passai mes journées à y inscrire des fantasmes qui perdaient de plus en plus de sens, jusqu'à en devenir complètement idiots et tordus. J'y pensais tant que je ne songeai même pas à mettre ces idées en action. Il me suffisait d'y réfléchir pour me contenter, tout comme il m'a toujours suffi de lire pour avoir l'impression de vivre.

Finalement, après un laps de temps quelconque (deux semaines? un mois?), quelque chose se passa dans ma tête. Dans la réalité, rien ne changea, aussi ne réalisai-je pas tout de suite ce qui m'arrivait. Pourtant, le changement aurait dû m'alerter par son étrangeté. Au lieu de vouloir le détruire, j'en vins à me poser des questions sur lui. D'abord, je me demandai la raison de sa présence en ce lieu. S'il ne venait pas y lire, qu'y cherchait-il? Vu son air de délinquant, je l'aurais plus facilement imaginé dans la rue, en train de se battre pour des broutilles. Au lieu de cela, il restait assis sans rien faire, sans rien dire. Une personne normale n'aurait pas tenu plus de quelques jours dans ces conditions, mais lui le faisait depuis plus d'un mois alors qu'il semblait n'avoir aucune patience. Cela m'amena à me demander s'il avait des amis. La réponse devait être non, sinon il aurait été avec eux. De fil en aiguille, j'en vins à vouloir savoir comment était sa famille. Avait-il des frères et sœurs? Ses parents étaient-ils séparés? Puis, je me demandai, tout bêtement, quand était sa date de fête, quelles étaient sa classe et son année, quelle était sa couleur préférée, ce qu'il aimait manger.

J'en oubliai même de le détester. La haine que je ressentais depuis le début s'affaiblit. Une curiosité morbide la remplaça. Je l'observai toujours en coin, mais je rangeai mon cahier de notes et j'en sortis un autre, dans lequel j'inscrivis tout ce que je savais déjà sur lui. J'en savais peu, évidemment, mis à part ce que j'ai énuméré plus tôt. Le regarder de biais ne m'aiderait surement pas à répondre à toutes les questions qui me taraudaient, d'autant plus qu'il ne lisait rien du tout ou n'écrivait rien qui eût pu m'aider à résoudre l'énigme qu'il représentait.

Un jour, n'y tenant plus, je décidai d'assouvir ma curiosité. À la fermeture de la bibliothèque, au lieu de m'en aller chez moi, je le pris en filature. J'étais si excité que j'en tremblais. Mon cœur battait aussi rapidement qu'une batterie dans un groupe de death metal. Cette entreprise était en soi palpitante, je me sentais comme un espion ou un policier tout droit tiré d'un polar, mais c'était surtout l'idée de percer le mystère qui me rendait si énervé.

Ma curiosité fut à peine satisfaite. En effet, j'en découvris bien peu sur lui. Il rentra tout bêtement chez lui, sans s'arrêter nulle part ni même regarder quoi que ce soit. Il marchait par ailleurs d'un pas si rapide que je devais jogger pour le suivre. J'arrivai donc à sa demeure en sueur, complètement essoufflé, le cœur au bord des lèvres.

Je fus surpris de voir que sa résidence était tout ce qu'il y a de plus banal. C'était une simple maison avec un deuxième et probablement une petite cave. Elle était grande sans être spacieuse, propre sans être chic et tout juste assez élégante pour être considérée au-dessus de la classe moyenne, sans être trop onéreuse. Sa famille ne devait avoir aucun problème d'argent, mais elle ne devait pas être aussi bien nantie que la mienne. Mon père était un PDG d'une grande compagnie, après tout, ce n'est donc pas l'argent qui manquait chez nous.

Je pensais trouver une maison en ruine, un père alcoolique et une mère prostituée. Je m'imaginais qu'il venait d'une famille à problèmes; cela aurait expliqué pourquoi il avait l'air d'un délinquant. Je me rappelai de ne jamais juger les gens sur leur apparence.

Aussitôt entré à l'intérieur, il monta à l'étage. Je le sus par l'éclat qui illumina l'une des fenêtres du deuxième. Il devait s'agir de sa chambre. Je restai un moment à regarder et à essayer de distinguer derrière le rideau ce que l'incarnation de mon obsession pouvait bien faire. J'imaginai, non sans un petit sourire, qu'il devait probablement regarder dans le vide et trépigner d'impatience, tout comme à la bibliothèque. J'espérai que ce n'était pas le cas, parce que ce ne serait finalement pas très intéressant.

Oui, on eût pu dire que j'étais déçu. Pourtant, une chose, une seule, valu la peine que je le suive : je connaissais maintenant son nom. Je le tirai de la petite insigne qui ornait la porte avant : Heiwajima Shizuo. Je souris lorsque j'en réalisai la signification. Son prénom voulait dire « homme serein » et son nom de famille, « ile paisible ». L'ironie du sort était bien cruelle avec lui, de lui donner un nom si calme alors qu'il incarnait tout-à-fait l'inverse.

Je regardai une nouvelle fois vers sa chambre. N'y voyant rien de nouveau, je sortis mon cahier et m'apprêtai à inscrire son nom sur la couverture. Après mure réflexion, je décidai plutôt de lui donner un surnom : Shizu-chan. Tant qu'à avoir un nom si peu représentatif, aussi bien amené l'antithèse à son paroxysme en le rendant mignon alors que rien en lui ne l'était. Qui plus est, j'étais certain que cette appellation me serait unique. Qui oserait l'appeler ainsi?

Je repartis le cœur léger. J'avais découvert une information certes anodine, mais qui me permettait d'enfin mettre un nom sur cette nouvelle obsession.