Attention, ceci n'est pas un nouveau chapitre! J'ai simplement réalisé un découpage différent à partir du texte inital. Toutefois, si un jour vous relisez cette histoire, vous constaterez par vous même que j'y ai fait de nombreux changements. Miriamme

Onzième partie

Au moment même où Fitzwilliam et Georgianna s'avouaient leur amour, Élisabeth était occupée à mettre sur papier, les différentes idées qui s'entrechoquaient dans sa tête et qui pourraient être utilisées éventuellement dans la lettre qu'elle avait bien l'intention de faire parvenir à monsieur Darcy. Toutefois, n'ayant pas autant de mots sur ses feuilles que d'idées dans sa tête, elle songea sérieusement l'espace d'un instant à se déclarer incapable de recevoir celui que le domestique des Gardiner voulait mener jusqu'à elle.

-Bon, très bien, veuillez faire entrer cette personne. Accepta-t-elle ensuite, après avoir réalisé qu'elle n'arrivait pas à organiser ses idées assez efficacement pour poursuive et terminer la rédaction de sa lettre.

-Monsieur Fitzwilliam Darcy, mademoiselle. Annonça le domestique en revenant dans le petit salon une minute plus tard.

-Monsieur Darcy? S'étonna Élizabeth en se levant dès son entrée.

Ne le quittant pas des yeux tandis qu'il s'avançait vers elle pour lui baiser la main, Élizabeth attendit que le domestique eut refermé la porte pour lui demander: Que faites-vous ici? Je veux dire… Comment avez-vous appris que j'étais en ville?

-Par le Colonel Fitzwilliam! Je l'ai laissé avec Georgianna.

Un silence régna dans la pièce. Élizabeth fut la première à se ressaisir en esquissant un mouvement vers le fauteuil. D'un geste de la main, elle convia William à venir prendre place à ses côtés.

-Votre famille va bien mademoiselle Bennet? Lui demanda-t-il tout en s'asseyant.

-Très bien merci! Je vais les retrouver demain justement.

-Je sais oui, d'ailleurs c'est justement pour cette raison que ma sœur m'a demandé de venir vous voir. Il déglutit avant de poursuivre : Georgianna et moi allons rendre visite à Charles Bingley après demain. Ma soeur souhaite que vous vous joigniez à nous pour retourner à Longbourne…

-Retarder mon retour d'une journée? Répéta-t-elle tout en réfléchissant. Hum, il est vrai que voyager avec vous deux serait bien plus agréable, approuva-t-elle en lui faisant un grand sourire. Seulement, tout est organisé, mon oncle s'est donné tant de mal... Mais attendez, j'ai une autre idée; Georgianna n'a qu'à partir avec moi demain matin. Elle peut partir plus tôt n'est-ce pas?

-Non, il n'en est pas question, s'objecta-t-il en se raidissant sur le fauteuil.

-Pourquoi ? L'interrogea-t-elle, surprise par la vigueur de son refus.

-Ce n'est pas ce qu'elle souhaite... balbutia-t-il en évitant son regard.

-Mais c'est vous-même qui venez de m'apprendre que Georgianna souhaitait voyager avec moi pour aller à Longbourne. Cette alternative ne peut que la satisfaire, plaida-t-elle se sentant peu à peu perdre patience.

-Je suis certain que non, s'obstina William en haussant le ton.

-Monsieur Darcy, quels intérêts prétendez-vous défendre ici? Ceux de Georgianna ou LES VÔTRES? L'intima Élisabeth n'ayant plus du tout envie de lutter contre la colère qu'elle sentait monter définitivement en elle.

-Ceux de ma sœur... répliqua-t-il en rougissant.

-C'est faux, s'emporta-t-elle définitivement. Puis, lorsqu'elle vit le jeune homme froncer les sourcils et prendre une bonne respiration dans le but de se lancer, elle le coupa: Non, cette fois c'est vous qui allez m'écouter. Nullement impressionnée par les éclairs que ses yeux se mirent à lui lancer, Élisabeth poursuivit courageusement : Vous n'êtes pas honnête avec moi. Comment puis-je savoir quand vous dites la vérité? Je suis au courant de tout ce que vous avez fait. Je sais que c'est vous qui êtes allé négocier avec Wickham et que vous vous êtes occupé de tout ce qui concerne le mariage...

-C'est Fitzwilliam qui vous en a parlé? Intervint William sur la défensive.

-Peu importe qui me l'a dit, hurla-t-elle en se levant pour aller se planter devant lui, les poings sur les hanches : Cela ne change rien à mes sentiments. Je vous déteste monsieur Darcy! Auriez-vous quelque affection pour moi, vous ne m'auriez rien caché. Vous auriez eu confiance en moi.

-Élizabeth! Plaida-t-il en se levant à son tour.

-Et encore à l'instant, ne venez-vous pas d'utiliser votre sœur pour me convaincre de vous accompagner? Pourquoi? Pourquoi vous cachez-vous toujours derrière les autres? Soyez honnête pour une fois et avouez-le! Avouez donc que VOUS MOURREZ D'ENVIE QUE JE VOYAGE AVEC VOUS AUTANT QUE JE PEUX LE DÉSIRER!

S'étant avancée vers lui durant son long monologue, ses yeux exprimaient maintenant une grande tristesse. Sentant des larmes monter au bord des siens, William ne put que baisser les bras et la serrer contre lui : Élisabeth, mon extraordinaire amour, lui murmura-t-il avec émotion.

La tête maintenant posée contre lui, Élisabeth luttait contre ses propres larmes. Gagnant temporairement la bataille, elle redressa la tête et le prévint: Et puis vous ne respectez même pas vos promesses. Devant l'air étonné de son compagnon, elle poursuivit son explication : Vous aviez promis de m'embrasser dès le début de notre entretien cette fois-ci?

-Comment faire autrement? Rassuré sur les sentiments d'Élisabeth à son égard, William la rapprocha davantage de lui et la serra à l'étouffer : J'ai tellement eu peur de vous perdre. Admit-il avec chaleur.

-Vous auriez pu. Vous l'auriez mérité! L'agaça-t-elle en redressant la tête pour le regarder directement dans les yeux.

Mais elle fut réduite au silence par la bouche de William qui prenait ardemment possession de la sienne. Ni l'un ni l'autre ne remarqua qu'une tierce personne ouvrait doucement la porte, passait lentement la tête à l'intérieur de la pièce, les observait attentivement puis refermait la porte sans faire le moindre bruit.

Une longue discussion s'ensuivit, entrecoupée de tendres moments. La nature des confidences échangées de même que la paix retrouvée après tant d'événements tragiques, rendirent encore plus précieux, les effleurements, les caresses et les chastes baisers que les amoureux étaient désormais libres de se prodiguer.

-Aussitôt que nous serons dans le Hertfordshire, j'irai parler à votre père...

-Oh! Non! Gémit Élizabeth en se couvrant le visage à deux mains.

-Qu'est-ce qu'il y a?

-Mon père n'acceptera jamais...

-POURQUOI?

-Il ne vous connaît pas comme je vous connais... Et… je ne lui ai pas fait part de mes sentiments actuels...

-Je crois comprendre ce que vous essayez de me dire... Élisabeth, venez près de moi, venez vous asseoir... Élisabeth obéit et s'avança lentement vers lui. William lui prit les deux mains à serrer puis lui demanda : Peu importe comment il me recevra, à nous deux nous devrions réussir à le convaincre n'est-ce pas? Si c'est que ce vous souhaitez bien entendu...

-Comment pouvez-vous en douter? S'enflamma Élisabeth.

Après lui avoir embrassé les deux mains avec ferveur, William soupira puis lui dit : Je crois qu'il vaudrait mieux que je rentre, il se fait tard...

-Oui, c'est vrai, vous avez raison monsieur Darcy!

Lui caressant doucement la joue, William s'enquit : Élizabeth, ne croyez-vous pas que vous pourriez m'appeler par mon prénom?

-Oui bien sur! Fitzwilliam... Non, ce n'est pas ainsi que je veux vous appeler... Je suivrai l'exemple de votre sœur si vous me le permettez... moi aussi je préfère William?

-Bien! Et si jamais vous m'appelez seulement Darcy, je saurai que vous vous rangez plutôt du côté de monsieur Bingley et de mon cousin. Très bien, alors, je vous dis au revoir Élisabeth. Nous nous reverrons demain n'est-ce pas?

-Oui, c'est cela! Oh, William, n'oubliez pas de prévenir Georgianna... comme convenu, seulement elle et le Colonel pour l'instant...

Elle lui présenta alors sa main à baiser. Avant qu'il ne se soit exécuté, animée d'une soudaine impulsion, Élisabeth s'approcha doucement de lui, lui prit les deux mains, les plaça doucement de chaque côté de sa taille et rapprocha doucement sa tête de la sienne. Le regardant droit dans les yeux, elle lui susurra: Alors, William vous ne m'embrassez pas?

Les lèvres de William se posèrent doucement sur les siennes. Pour faire contraste avec les baisers fougueux qu'ils avaient échangés précédemment, celui-ci fut tendre et respectueux.

-Au revoir ma douce et tendre Élisabeth.

-À demain William.

Une fois rendu à l'extérieur, le jeune homme regagna son cabriolet et se laissa remplir par le sentiment de bonheur qui l'habitait désormais. Aussitôt arrivé chez lui, il sauta hors de la voiture, gravit en courant les quelques marches et entra dans la maison. Entendant du bruit, son domestique s'approcha et reconnaissant son Maître vint l'aider à retirer son manteau et prendre sa canne et son chapeau.

-Le Colonel Fitzwilliam est encore ici. Il désire vous voir… Lui apprit-il.

-Très bien, j'y vais. Merci monsieur Burns. Vous pouvez vous retirer pour la nuit, je n'aurai plus besoin de vous...

-Merci monsieur Darcy.

En entrant dans la bibliothèque, William découvre avec étonnement que son cousin est toujours là.

-Fitzwilliam! Pas encore parti?

-Non, il fallait que je te parle! Mais à voir ton air, n'est-ce pas plutôt toi qui aurait des choses à me dire?

-Comment me taire, alors que tu devines toujours tout.

-Alors laisse-moi te féliciter...

Les deux hommes se serrèrent chaleureusement la main.

-Cher cousin, mon père n'étant plus de ce monde, accepteras-tu de me servir de témoin à mon mariage? S'enquit William.

-Bien entendu, puisque j'ai déjà été témoin de tout le reste... L'agaça le Colonel.

-Merci. J'aimerais bien l'apprendre à Georgianna également. Elle est allée se coucher j'imagine?

-Oui, assez tôt! D'ailleurs Darcy, si j'ai voulu t'attendre, c'est précisément pour te parler d'elle... Il est important que nous ayons une conversation à son sujet, en tant que tuteurs évidemment.

-Qu'est-ce qu'il y a? Il ne lui est rien arrivé j'espère? S'inquiéta William.

-C'est que…

-C'est que quoi? Le pressa son cousin.

-Tu n'es pas sans avoir remarqué que Georgianna a beaucoup changé ces derniers mois?

-Oui! Mais en quoi cela...

-Ne t'est-il pas venu à l'esprit que ta sœur pouvait être tombée amoureuse elle aussi?

-Je savais que c'était une erreur qu'elle parte à la recherche de Wickham... Oh! Non, Fitzwilliam dis-moi que ce n'est pas vrai... pas encore lui? Il est marié maintenant... Se découragea William.

-Non, il ne s'agit pas de lui... Il s'agit d'un autre homme!

-Qui? Allez parle Fitzwilliam? Est-ce une personne que je connais?

-Oui! Tu le connais! Seulement avant de te dire son nom...

-En veut-il à son argent? Le coupa William.

-Non! Seulement il s'en trouvera toujours pour dire le contraire!

-Est-il de bonne famille? A-t-il seulement de bonnes relations?

-Tu ne trouverais rien à en redire ça je peux te l'assurer...

-Aime-t-il Georgianna? Le coupa à nouveau William avec impatience.

-À la folie... Il n'en dort plus, ne mange plus... Il pense toujours à elle, rêve à elle...

-Fitzwilliam... Tu es amoureux de Georgianna? C'est bien de toi dont il s'agit?

-Oui!

-Et tu veux me demander sa main...

-Il serait quelque peu déplacé que je me fisse moi-même la demande tu ne trouves pas?

-En effet! Se moqua William avant de s'approcher de son cousin pour le serrer chaleureusement contre lui. Ça alors, je ne m'attendais pas du tout à cela! Bien sur que tu as mon accord et sans aucune réserve. Nous serons donc amis, cousins et frères maintenant. Mais je veux tout savoir, raconte moi comment les choses se sont passées...

Le lendemain, au lever du soleil, William et Georgianna avaient tous deux d'excellentes raisons de se réveiller de bonne humeur. Darcy fut toutefois le premier à arriver dans la salle à manger. Lorsque Georgianna fit son entrée un peu plus tard, elle s'arrêta quelques instants sur le pallier de la porte et dévisagea son frère jusqu'à ce qu'elle puisse voir dans ses yeux l'expression du bonheur.

-Ai-je bien fait d'espérer? Lui demanda-t-elle prudemment.

-Tout dépend de qui tu parles?

-Je parle d'Élisabeth voyons? Voyagera-t-elle avec nous?

-Oui, elle a accepté de nous accompagner...

-Merveilleux! Ce sera tellement plus agréable avec elle... Tu n'as pas fait prévenir monsieur Bingley, j'espère?

-Un plan pour que sa sœur change d'idée et décide de se joindre à nous. Non merci.

-Je suis si heureuse qu'Élisabeth nous accompagne...

-Georgianna, j'ai une grande nouvelle à t'annoncer! Élisabeth a accepté de m'épouser.

-Je le savais... Vous êtes fait l'un pour l'autre... Je l'ai su dès que je l'ai rencontrée...

-Nous avons l'intention de nous marier rapidement. Je profiterai de mon séjour dans le Herfordshire pour aller demander sa main à son père. Mais pour que mon bonheur soit complet, il me reste un autre détail à régler...

-Lequel? Puis-je t'aider à le résoudre?

-Puisqu'il te concerne directement, oui j'espère que tu sauras m'aider... Voilà. Aussitôt après notre mariage, j'ai l'intention de voyager assez longtemps avec Élizabeth. Je me demande donc ce que je vais faire de toi, pendant tout ce temps. Il est hors de question que tu restes seule à Pemberley pour une aussi longue période, même avec un chaperon. Je n'aurais pas l'esprit tranquille. Alors, il m'est venu une idée... et j'aimerais savoir ce que tu en penses.

-Laquelle? S'enquit la jeune femme en balbutiant.

-J'ai décidé de te confier à Fitzwilliam. Alors, qu'en dis-tu?

Incapable de répondre, Georgianna darda deux yeux consternés sur son frère bien aimé.

-Je lui en ai parlé... Il est d'accord avec moi...

Baissant le regard et serrant ses mains devant elle, Georgianna resta encore muette.

-Il accepte de te prendre à une seule condition...

Le cœur de la jeune femme fit un bond dans sa poitrine.

-Il ne veut plus être ton tuteur...

-Mais pourquoi... qu'ai-je fait, qu'ai-je dit? L'implora-t-elle tandis que ses yeux se remplirent de larmes.

-Il souhaite plutôt devenir ton époux...

Des larmes de soulagement couvrirent les premières le long de ses joues, alors que William vint la serrer contre lui.

-Je lui ai donné mon consentement, mais un seul mot de toi et je suis prêt à revenir sur ma décision. Georgianna regarde-moi? Georgianna leva lentement les yeux vers son frère. William lui essuya les joues avec son mouchoir. Ma petite sœur chérie, aimes-tu suffisamment Fitzwilliam pour l'épouser.

Pleurant et parlant en même temps, Georgianna répondit avec conviction: Oh, oui. De tout mon cœur.

Lovés l'un contre l'autre, le frère et la sœur partagèrent leurs impressions concernant ces émotions intenses qu'ils venaient tous deux de découvrir.

-Fitzwilliam et moi sommes d'avis qu'il vaut mieux attendre notre retour du Hertfordshire pour annoncer publiquement votre engagement. Es-tu d'accord?

-Oui, bien sur... Oh, William, je suis si heureuse...

-Nous avons de la chance tous les deux n'est-ce pas? Bon, il faut nous préparer à partir maintenant. Nous devons aller prendre mademoiselle Bennet vers 10h30.

-Ai-je ta permission de mettre Élisabeth dans la confidence?

-Bien entendu puisqu'elle sera bientôt une sœur pour toi…

Une fois les bagages solidement installés, les chevaux attelés, William et Georgianna prirent place dans le cabriolet et ordonnèrent au cocher de se rendre dans les bas quartiers de Londres chez les Gardiners. Élizabeth remercia chaleureusement son oncle et sa tante pour leur hospitalité et accepta le bras que lui tendit monsieur Darcy pour la conduire au cabriolet. Après avoir salué le jeune homme et sa sœur, madame Gardiner jeta un regard plein de sous-entendu à son mari puis reporta son attention vers le cabriolet tandis que celle-ci disparaissait sous leurs yeux.

-Élizabeth, c'est si aimable à vous d'avoir accepté de nous accompagner. Lui dit Georgianna avec chaleur.

-Surtout que je serai le seul à profiter de sa présence puisque tu finis toujours par t'endormir. L'agaça son frère joyeusement.

-Quelque chose me dit que je ne dormirai pas cette fois ci...

Convaincue que Georgianna faisait allusion à son engagement avec son frère, Élisabeth rougit violemment et reporta temporairement son attention vers la fenêtre dévorant des yeux le paysage qui s'offrait à ses yeux. Soudainement, William posa sa main sur la sienne, la serra tendrement, la souleva et la porta à ses lèvres.

-Georgianna a une grande nouvelle à vous annoncer... Murmura-t-il avant de se tourner vers sa sœur pour l'inviter à parler.

Ce fut au tour de Georgianna d'être mal à l'aise. Elle baissa les yeux, exhala un bref soupire puis annonça d'un seul souffle : Mon cousin Fitzwilliam et moi-même sommes fiancés.

Ne pouvant retenir son cri de joie, Élisabeth se pencha pour saisir les deux mains de la jeune femme qui était assise devant elle : Georgianna, c'est merveilleux! Votre cousin est un jeune homme exceptionnel. Jetant un œil moqueur vers William, elle précisa : Comme tous les jeunes hommes de votre famille d'ailleurs.

-Fitzwilliam et moi sommes d'avis qu'il vaut mieux attendre notre retour à Londres pour rendre public leur engagement.

-C'est plus sage en effet... Oh, Georgianna, si vous saviez comme je suis heureuse pour vous... Reportant son attention sur William, Élizabeth s'enquit auprès de lui : Monsieur Bingley est-il au courant?

-Grands Dieux non! Il l'apprendra en même temps que tout le monde. J'ai pleinement confiance en lui, mais je n'en dirais pas autant de ses sœurs... De toute manière, il sera surement occupé à autre chose. Conclut-il plus pour lui-même que pour autrui.

Le reste du voyage se passa aussi gaiement que les jeunes gens le souhaitèrent. Fidèle à son habitude, Georgianna participa d'abord activement à la conversation, puis finit par se taire et par fermer les yeux tandis que les voix de son frère et d'Élisabeth devenaient de plus en plus lointaines. Nulle surprit de découvrir que sa sœur s'était endormie, William la couvrit et s'assura de son confort avant de diriger son attention vers l'objet de son adoration.

-Dès que nous serons dans le Hertfordshire, nous irons vous reconduire chez vous. Vous aurez donc l'occasion de parler à votre père la première, comme vous le souhaitiez... Mais je ne vous donne qu'une soirée, j'ai l'intention de rencontrer votre père dès demain. Serrant tout à coup la main d'Élisabeth fortement dans la sienne, il s'inquiéta : Vous êtes toujours d'accord pour m'épouser n'est-ce pas?

-Comment pouvez-vous en douter? Je vous ai déjà expliqué que mon seul désir en vous demandant de me laisser voir mon père la première est de me permettre de lui faire part de mes sentiments envers vous. Pour l'instant, l'opinion de mon père à votre égard, est identique à celle que j'avais moi-même lorsque je séjournais à Rosings chez mon amie Charlotte Lucas. Je tiens à ce que mon père vous reçoive comme vous méritez de l'être...

-Mais c'est que je mérite également la piètre opinion qu'il a de moi. J'étais si désireux de trouver la société campagnarde ennuyante... Quand je pense à la manière grossière dont j'ai répondu à Charles lorsqu'il m'a offert d'aller danser avec vous. Bien bon pour moi que vous ayez compris mes paroles.

-Paroles que je me suis empressée d'aller rapporter à tous ceux qui voulurent bien m'entendre. Vous savez que je m'étais juré de ne jamais accepter de danser avec vous par la suite? Promesse que je n'ai pas été capable de tenir.

-J'ai tout fait ensuite pour vous cacher mon intérêt. Je ne voulais pas que vous puissiez vous faire des idées.

-Voilà pourquoi ma surprise était si grande lorsque vous m'avez fait votre demande. Je m'attendais à un affrontement pas à une demande en mariage.

-Je vous aime tant Élisabeth. Il me tarde que nous soyons mariés pour vous le prouver.

Le reste du voyage se passa rapidement. Peu avant d'entrer dans le Hertfordshire, Georgianna se réveilla lentement. Le frère et la sœur laissèrent Élisabeth sur le porche de la maison prenant par surprise tous les membres présents de la famille Bennet.

Aussitôt le cabriolet repartit avec ses deux passagers, madame Bennet ouvrit la porte et s'exclama : Pauvre Élisabeth, comme tu as du souffrir en compagnie de ces gens là. Pourquoi n'es-tu pas rentrée avec monsieur Bingley à la place? Tu aurais pu intervenir auprès de celui-ci pour qu'il s'intéresse à Jane...

-Maman! Jane n'a pas besoin qu'on parle d'elle à monsieur Bingley...

-Élisabeth, je suis heureux de te savoir de retour. Enchaîna ensuite monsieur Bennet, permettant ainsi à sa fille d'échapper aux commentaires exaspérants de son épouse. Viens, entre, il était temps que cette maison retrouve son esprit.

-Papa! L'accueillit Élisabeth en plaçant son bras sous le sien. Toi aussi tu m'as manqué tu sais. D'ailleurs, j'aimerais avoir une conversation avec toi un peu plus tard, si tu n'as rien de plus urgent à faire bien entendu.

-Mais bien sur. Tu as fait des achats à Londres c'est ça?

-Rien de tout cela. Non vraiment rien de tout cela.

Les retrouvailles se passèrent dans l'allégresse. Élisabeth savoura volontairement l'ambiance familière ouverte et bruyante à laquelle elle était en droit de s'attendre. Son humeur était joyeuse, si ce n'est qu'elle ne pouvait s'empêcher de redouter l'instant où elle irait discuter avec son père. Tout en écoutant ses sœurs jacasser entre elles, elle passa et repassa dans sa tête les différents arguments dont elle pourrait se servir pour convaincre son père que ses sentiments envers monsieur Darcy avaient complètement changés, sans toutefois parvenir à trouver une formule qui la satisfasse totalement. Sa nervosité ne fit donc que croître à l'approche de l'entretien. Finalement, lorsque son père la convoqua dans son bureau et l'invita à s'asseoir près de lui, elle ramassa son courage et plongea.

-Alors, Lizzie? Que puis-je faire pour toi? S'enquit son père en se versant un apéritif.

-Papa, t'est-il déjà arrivé de te tromper sur le compte d'une personne? L'interrogea-t-elle à son tour.

-Bien sur. Il n'y a pas si longtemps d'ailleurs, avec monsieur Wickham. Nous l'avons tous aimé, choyé, traité en égaux, alors que nous aurions dû le mettre dehors à coup de pieds. Admit-il la mine sombre.

-Il est vrai qu'il avait toutes les apparences de la bonté et de l'honnêteté. Mais mon questionnement se rapporte plutôt à la situation inverse. J'ai personnellement rejeté et encouragé autrui à rejeter une personne qui ne le méritait pas. Je me vois maintenant contrainte de réparer cette faute et je ne sais ni comment m'y prendre, ni par quoi commencer.

- Commence donc par me dire de qui tu parles?

-Je parle de monsieur Darcy...

-C'est bien ce que je craignais. Mon enfant chérie, comment peux-tu estimer un homme pareil?

-Que savez-vous à son sujet, père, que je ne vous ai pas appris moi-même? S'enquit-elle avec nervosité.

-Ce que tout le monde sait : qu'il est orgueilleux, vaniteux et égoïste.

Poussant un profond soupir, Élisabeth tenta aussitôt : Et de qui vous viennent ces informations, je vous prie?

-De toi même ma chérie, de même que de monsieur Wickham.

-Voilà! Ne croyez-vous pas que cet homme avait intérêt à ce que nous détestions monsieur Darcy?

-Oui, c'est sans doute vrai, mais tu sembles oublier que monsieur Darcy m'a déjà été présenté et que j'ai moi-même constaté à quel point il est orgueilleux.

-Lui avez-vous parlé personnellement en dehors du moment où il vous a été présenté?

-Et bien non, pas vraiment.

-Vous voyez?

-Élisabeth, j'apprécie ce que tu essaies de faire, mais, je t'assure que tu fais fausse route. Cet homme ne m'intéresse pas. Que veux-tu, nous ne fréquenterons jamais le même cercle. Sans compter qu'il ne souhaite pas davantage ma compagnie qu'il ne désire la tienne.

-Mais c'est justement là que vous vous trompez…

-Lizzie, il n'est pas dans tes habitudes de louvoyer ainsi. S'impatienta-t-il subitement, si tu as quelque chose à me dire, vas-y directement. Pourquoi cherches-tu à me faire changer d'idée à l'égard de monsieur Darcy? Y a-t-il un lien avec le retour de monsieur Bingley?

-Oui, bien sûr, en partie.

-Bon et alors Lizzie, l'autre partie est attribuable à quoi?

-À mon amitié pour lui.

-Ah, c'est donc ça, vous êtes amis. Tant mieux, ta mère sera contente, j'en suis fort aise pour elle. Quand à moi, ne t'en fait pas, ce n'est pas la première fois que je n'approuve pas le choix de tes amis et ça ne t'a jamais dérangé jusqu'ici.

-Papa! S'exclama Élisabeth avant d'ajouter d'un ton désespéré, Cette fois c'est beaucoup plus important. Notre amitié a beau être récente, j'ai beaucoup d'affection pour lui. Il est vraiment différent des autres.

Trois coups légers frappés sur la porte du bureau les forcèrent à interrompre leur conversation. Mary venait les prévenir que le repas était servi et qu'ils devaient se rendre à table. Élisabeth suivit son père dans la salle à manger bien à contre cœur, s'inquiétant de savoir si elle aurait l'occasion de lui parler un peu plus tard dans la soirée où s'il ferait comme d'habitude et irait se coucher tôt, auquel cas, il lui faudrait malheureusement attendre après le petit déjeuner du lendemain pour avoir une autre chance de poursuivre leur conversation.

Pendant ce temps chez les Bingley. Charles et William étaient seuls au salon pour boire un Brandy alors que Georgianna était dans la salle de musique.

-Charles, je sais bien que tu comptes aller chasser dès demain, mais je me demande si nous ne devrions pas remettre cette activité. J'ai promis à Georgianna que nous irions voir les Bennet et je ne veux pas qu'elle reste seule trop longtemps ici.

-Très bien! Nous pourrions y aller demain matin. D'ailleurs, je dois également me rendre au village pour faire ajuster mes armes de chasse.

Un long silence règne entre les deux hommes tandis qu'ils prennent tous deux une gorge de Brandy.

-Charles, j'ai une confession à te faire. En fait j'en ai plusieurs. Mais je vais commencer par celle qui te fera le plus de mal. Il n'y a pas si longtemps de cela, j'ai mal agi envers toi et je le regrette!

-Mal agi? Envers moi? Mais comment donc? S'inquiéta celui-ci.

-Lorsque je t'ai poussé à quitter Netherfield l'année dernière avec ta sœur Caroline, j'étais convaincu que tu étais amoureux fou de mademoiselle Jane Bennet et que tes sentiments n'étaient pas réciproques...

-Oh, il ne faut pas t'en faire William. Je sais maintenant que vous aviez raison tous les deux. Jane n'a rien fait pour me voir par la suite. D'ailleurs, je suis presque certain que je saurai rester de marbre lorsque je la reverrai demain.

-Mais c'est là que tu te trompes Charles. Mademoiselle Bennet a essayé de te revoir. Elle est même venue à Londres au printemps. Malgré l'air étonné et choqué de Charles, William tint bon et poursuivit courageusement : Elle résidait chez ses parents dans les bas quartiers. Caroline est allée la voir après avoir repoussé ce moment jusqu'à l'inconvenance. Jane est alors venue lui rendre la pareille dans votre résidence au moment où tu étais en visite chez Louisa et son mari. Je l'ai vue quitter la maison avec un regard triste et… je ne t'en ai rien dit.

-Elle est venue à Londres pour me voir?

-Oui!

-Mais William! Comment as-tu pu me faire ça? Et Caroline?

-Je suis désolé Charles. Il faut dire qu'à ce moment là, je croyais avoir raison et j'estimais agir dans ton intérêt. Jane Bennet, bien que très aimable, agissait envers toi de la même manière qu'avec tous ceux qui gravitaient dans son cercle. Rien ne me semblait démontrer qu'elle pouvait être éprise de toi.

-Tu avoues donc t'être trompé? Toi, William Darcy, tu t'es trompé?

-Oui, j'en suis convaincu.

-Elle avait donc de l'affection pour moi?

-Oui. Et aujourd'hui… je sais de source sûre qu'elle a toujours de l'affection pour toi!

-Mais comment sais-tu cela?

-Par sa sœur.

-Élisabeth t'en a parlé?

-Oui.

-Que t'a-t-elle dit?

-Que Jane était inconsolable depuis ton départ de la région... et qu'elle n'était plus la même depuis ce jours là...

-Mon Dieu, mais c'est affreux. Pauvre Jane.

Un long silence régna dans le salon.

-William, y a-t-il autre chose que je doive savoir et qui concerne la famille Bennet?

-Oui en effet. Élisabeth et moi sommes fiancés.

-Quoi? Comment? Je veux dire quand est-ce arrivé?

-C'est une longue histoire...

-J'ai tout mon temps... Je t'écoute...

Le lendemain, lorsque les deux jeunes hommes se présentèrent chez les Bennet accompagnés de Georgianna, madame Bennet s'empressa de les inviter à souper. Les jeunes filles discutèrent entres-elles pendant que monsieur Bennet faisait visiter la maison à ses deux invités masculins.

Vers deux heures de l'après-midi, William proposa à Jane et à Élisabeth d'aller se promener à l'extérieur. Une fois que William se fut assuré que Charles se joindrait à eux, leur petit groupe se retrouva rapidement dehors. Avant de partir, William avait également proposé à Georgianna de les accompagner, mais celle-ci avait intelligemment décliné l'offre, déterminée à laisser les deux couples en tête à tête.

Une fois seule avec Mary et Kitty, Georgianna parla musique avec elles puis s'intéressa à monsieur Bennet avec qui elle discuta littérature. Voilà pourquoi, elle accepta rapidement lorsque celui-ci l'invita à venir visiter sa bibliothèque.

-Élisabeth a été très impressionnée par notre bibliothèque à Pemberley, mais elle nous a avoué que vous aviez vous même un inventaire de livres exemplaire. Vous lui avez enseigné une belle chose monsieur Bennet : «Ce n'est pas la quantité qui compte, mais la qualité.»

-Il y a malheureusement bien des auteurs et bien des collections que je n'ai pas les moyens d'acheter...

-Vous devriez m'en faire la liste. Si ces livres sont dans notre bibliothèque à Pemberley, mon frère se fera sûrement un plaisir de vous les prêter.

-Un bien aussi précieux qu'un livre ne se prête pas aussi facilement...

-Tout dépend à qui. Mon frère est très généreux envers les gens qu'il estime beaucoup... et je tiens de lui que vous faites partie de ce groupe. Après tout, vous êtes le père de sa chère Élisabeth. C'est déjà beaucoup. Vous savez que nous sommes tous fous d'elle dans la famille. Mon frère plus que tout autre évidemment, mais mon cousin le Colonel Fitzwilliam et moi-même lui sommes très attachés. J'en parlais justement à William ce matin pendant qu'il s'habillait. Je lui ai dit que j'aimerais beaucoup avoir une sœur comme elle. Savez-vous ce qu'il m'a répondu? «Demande à monsieur Bennet de t'adopter!»

-Vous voulez donc que je vous adopte. S'enquit-il tout en s'esclaffant. Élisabeth est très spéciale pour moi aussi vous savez. Avec Jane, c'est de loin ma préférée. Admit-il avec simplicité. Élisabeth et moi avons une relation privilégiée. L'homme qui partira avec elle devra être non seulement exceptionnel, mais avoir un bon sens de l'humour.

-À défaut de m'adopter... que diriez-vous de la voir devenir ma sœur? Osa-t-elle demander sans le quitter des yeux.

-Il n'y a qu'une façon d'y arriver, mais je ne suis pas certain que ce soit ce qu'elle souhaite.

-Et si je vous affirmais le contraire.

-Je ne tiens pas à voir une autre de mes filles commettre une bêtise.

-La situation est bien différente... Laissez-moi vous éclairer sur leur relation monsieur Bennet... Vous permettez que je vous parle ouvertement?

La jeune femme et monsieur Bennet discutèrent pendant au moins une heure. Georgianna lui raconta tout. Comment William avait œuvré pour que le mariage de Lydia et Wickham se réalise. Comment elle et son cousin avaient ensuite poussé William à se rendre auprès d'Élisabeth pour lui faire sa demande. Bien que sceptique au début, monsieur Bennet finit par accepter l'idée puis par comprendre que le jeune homme était effectivement très épris de sa fille. Il repensa alors à aux propos énigmatiques que lui avait tenus Élisabeth la veille et comprit qu'elle s'était efforcée de la préparer à cette nouvelle.

-Écoutez jeune fille, vous êtes très convaincante quand vous le voulez. Vous êtes certaine de ne pas chercher un père. Ceci était dit, personne ne peut m'éclairer davantage sur les sentiments qu'elle éprouve pour votre frère que ma fille elle-même.

Ils finirent par regagner le salon où Georgianna accepta de se mettre au piano pour le grand plaisir des membres de la famille Bennet alors tous réunis au salon. Son jeu était aussi gai et énergique que la victoire qu'elle venait de remporter pour son frère. Ses pensées volèrent alors vers son fiancé : «Fitzwilliam, comme tu serais fier de moi»

Pendant ce temps à l'extérieur. William et Élisabeth décidèrent de prendre un chemin différent de celui de Charles et Jane. Ils souhaitaient ainsi leur donner l'occasion de s'expliquer.

-Alors mademoiselle Bennet? Qu'avez-vous fais de bon depuis mon départ de la région? L'interrogea Charles après quelques secondes de silence.

-Je me suis mariée et j'ai eu une dizaine d'enfants, tous des morveux. Vous ne les avez pas vus en entrant? Blagua-t-elle pour masquer son malaise.

-Si, ils m'ont paru bien laids, comme leur père d'ailleurs. Rétorqua le jeune homme d'un ton moqueur.

Un autre long silence fut alors coupé par Jane : Et vous, monsieur Bingley, qu'avez-vous fait à Londres pendant tout ce temps?

-J'ai joué ma fortune, escroqué tous mes amis, et, faute de m'être fait accepter par une riche héritière, je suis venu finir mes vieux jours dans la région.

-Peut-être accepteriez-vous d'épouser ma fille aînée alors?

-Non, c'est la mère qui m'intéresse. Dépêchez vous de divorcer.

Après avoir beaucoup rit, Jane enchaîna : C'est bon de vous revoir monsieur Bingley.

-Saurez-vous me pardonnez une si longue absence? S'enquit alors le jeune homme devenant tout à coup très fébrile.

-Il n'y a rien à pardonner... Affirma Jane en baissant les yeux vers le sol.

-Vous n'en n'avez donc pas souffert?

-Ce qui compte c'est que vous soyez là aujourd'hui! Répondit-elle après quelques secondes de réflexion. Comptez-vous rester longtemps?

-Je ne sais pas encore… je verrai.

-C'est ce que vous aviez dit la dernière fois également. Mentionna-t-elle, incapable de camoufler entièrement le ton de reproche que contenait sa voix.

-Vous souhaitez donc me voir rester cette fois? S'enquit-il avec espoir.

-Tous les gens du coin le souhaitent. Répliqua-t-elle sur la défensive.

-Ce n'est pas à ces gens que je pose la question, mais à vous Jane. Il prit une profonde inspiration avant d'ajouter : Souhaitez-vous me voir rester dans le coin?

-Seulement si vous me promettez de ne pas tuer toutes les petites bêtes que vous verrez... Répondit timidement la jeune femme en regardant vers le bois.

-Oh, pour cela, il me faudra obtenir votre aide alors.

-Comment?

-En venant vivre avec moi à Netherfield, pour me surveiller.

-Oh!

-Mademoiselle Bennet, Jane? Voulez-vous m'épouser? Lui demanda-t-il en se tournant vers elle pour lui prendre les deux mains. Contrairement à ce que vous pouvez pensez, cette demande est tout sauf soudaine. Je suis parfaitement conscient que j'aurais dû vous l'adresser il y a un an. Mais les événements ne se déroulent pas toujours comme on le voudrait. Certaines personnes ne voyaient pas mon attachement envers vous d'un très bon œil. Je me suis laissé influencer, j'ai été faible. Mais cela ne m'a pas empêché de songer à vous sans cesse. Jane, si vous voulez de moi, je vous promets de ne plus vous décevoir et de ne jamais vous quitter. Jane répondez. Dites moi oui, dites-moi non, mais je vous en prie dites-moi quelque chose.

-C'est ma première demande en mariage, laissez-moi en profiter… Lui répondit-elle après une autre longue minute. Mais bien sur que j'accepte Charles. Je vous aime tant.

-Vous faites de moi l'homme le plus heureux de la terre... S'enthousiasma-t-il avant d'aller cueillir un chaste baiser sur ses lèvres consentantes.

De retour de leur promenade les deux couples s'étudiaient et se jaugeaient avec appréhension. William remarqua alors l'éclat joyeux des yeux de son ami et fut heureux pour lui. Secrètement, il les enviait presque tous les deux puisqu'il savait que cette union était souhaitée depuis longtemps par la famille Bennet. À peine furent-ils entrés dans le salon que monsieur Bennet demanda à voir Élisabeth. Intriguée et mal à l'aise, la jeune femme jeta un dernier regard en direction de William et suivit son père en direction de la bibliothèque.

-Alors cette promenade? S'enquit monsieur Bennet dès que sa fille eut refermé la porte de sa pièce préférée.

-Il fait une telle chaleur...

-Élisabeth, si j'ai demandé à te voir, c'est pour te mettre en garde... Débuta-t-il sans plus attendre, déterminé à découvrir de quelle manière elle allait réagir à la situation délicate dans laquelle il avait bien l'intention de l'entraîner. Ma chère fille, j'ai demandé à te voir pour te mettre en garde. Je m'inquiète des intentions de monsieur Darcy. Bien que tu m'aies confié avoir désormais de l'amitié pour lui, je l'ai bien observé à son arrivée ce matin et je devine chez lui des sentiments bien plus puissants. Monsieur Bennet poussa l'audace jusqu'à mettre sa main sur la sienne en guise de réconfort. Ma chérie, je veux à tout prix éviter que tu te retrouves mariée avec lui pour le restant de tes jours simplement parce que tu as de l'amitié pour lui. Et c'est ce qui va t'arriver si tu ne mets pas les choses au clair avec lui. Il t'aime Élizabeth, ça crève les yeux. Il n'y a que ta mère et tes stupides sœurs pour ne rien voir...

-Qu'est-ce qui te fait dire qu'il m'aime? S'enquit aussitôt Élisabeth en balbutiant.

-Mais tout voyons : sa présence ici aujourd'hui, ses regards, son malaise avec moi, les efforts qu'il fait pour parler à ta mère et tes sœurs. Tout quoi! Enfin, que te dire d'autre?

Voyant qu'elle venait pour reprendre la parole, il la prévint aussitôt : Élisabeth, un homme comme lui ne vient pas dans une demeure telle que la nôtre seulement pour l'amitié d'une jeune fille, si gentille soit-elle. Je m'attends à sa demande d'une minute à l'autre et je me demande sérieusement ce que je vais lui dire…

-Heu..

-Tu n'es pas amoureuse de lui tout de même! S'emporta-t-il avec emphase.

-Je... ne sais pas… Balbutia-t-elle d'une voix tremblante.

-Élisabeth, je te connais bien. Capitula-t-il en ne la quittant pas des yeux. Tu voulais me préparer hier soir, n'est-ce pas? Tu me préparais afin que je lui fasse un bon accueil? Tu savais qu'il allait venir et tu voulais m'avouer que tu étais tombée amoureuse de lui? Élisabeth n'essayait même plus de retenir ses larmes. Monsieur Bennet lui tendit un mouchoir tout en continuant : Il a de la chance celui qui a su gagner ton cœur. Et pour cette seule bonne raison, il sera reçu comme un roi, s'il daigne venir me demander ta main! L'attirant contre lui, monsieur Bennet murmura dans ses cheveux : Je t'aime Élisabeth et je t'aimerai toujours. Allez, termine de sécher tes larmes, va le retrouver et envoie-le moi avant que je ne change d'idée. La pressa-t-il d'un ton moqueur.

Les yeux gonflés de larmes, mais le cœur gonflé d'amour pour son père, Élisabeth traversa le long corridor et arriva dans le salon. Elle fut toute étonnée alors de constater que William n'était plus là. Georgianna vint vers elle et lui apprit que son frère était allé prendre une marche avec Jane tant il était anxieux. Profitant de la présence d'Élisabeth, Charles en profita pour s'esquiver et marcher en direction de la bibliothèque.

Arrivée devant une porte close, il frappa délicatement sur celle-ci et attendit que monsieur Bennet lui donne la permission d'entrer.

-Monsieur Bennet, me ferez-vous l'honneur de m'accorder un entretien? Devant l'air surprit de celui-ci, Charles s'empressa de lui proposer : Vous préférez sans doute que je revienne plus tard?

-Non, non, entrez, je pensais à autre chose... Excusez-moi et entrez.

-Vous n'êtes pas sans savoir que mon désir de venir chasser dans la région n'est pas l'unique raison de mon retour dans le Hertfordshire... Débuta-t-il d'une voix mal assurée.

-Retour qui n'était d'ailleurs pas prévu selon ce que les rumeurs disaient. Le gronda légèrement monsieur Bennet.

-Monsieur Bennet, je ne vous apprends rien sans doute en vous disant que mon attachement pour votre fille a été instantané. Seulement, plusieurs personnes de mon entourage ne voyaient pas d'un très bon œil une union entre nous et ont réussi à me convaincre que malgré son amitié pour moi, le cœur de votre fille aînée n'était pas touché... Ces proches n'avaient aucune raison de me vouloir du mal et pensaient ainsi me sauver d'un mariage malheureux. Ce n'est que tout récemment que j'ai acquis la certitude que Jane et moi avons éprouvé les mêmes sentiments dès le début et donc les mêmes tourments durant notre séparation. Je vous demande donc, pour notre bonheur à tous les deux, de m'accorder sa main et de nous donner votre bénédiction.

-Je vous l'accorde avec joie. Bienvenu dans la famille monsieur Bingley.

-Merci monsieur Bennet.

Charles prit congé de monsieur Bennet et retourna au salon rejoindre les autres d'un pas joyeux et leste. Il se dirigea aussitôt vers Jane qui venait tout juste de rentrer avec William. Apercevant William à son tour, Élisabeth s'excusa auprès de Georgianna, s'approcha du jeune homme et lui glissa à l'oreille qu'il était attendu par son père.

William prit une grande inspiration, serra les mains d'Élisabeth dans les siennes, posa son manteau sur le fauteuil et quitta la pièce sans plus attendre. Arrivé au bout du corridor, il prit une seconde pour se ressaisir, puis frappa doucement à la porte de la bibliothèque.

-Entrez. Lui répondit une voix grave qui le fit frémir.

-Monsieur Bennet, avez-vous un instant à m'accorder? S'enquit-il enfin d'une voix mal assurée.

-Bien sur monsieur Darcy entrez, je vous en prie.

Une fois assis devant monsieur Bennet, William se figea et eut l'impression de plonger dans le vide. Il déglutit à quelques reprises avant de laisser sortir quelques mots d'une voix tremblante : Monsieur Bennet, je veux...

-Avant toute chose… Le coupa amicalement monsieur Bennet. Laissez-moi vous féliciter pour la façon dont vous avez pris soins de votre sœur pendant toutes ces années... J'ai eu la chance d'avoir une longue conversation avec elle pendant que vous étiez en promenade et j'ai été charmé par son intelligence, son esprit et sa très grande sensibilité. Sans compter sa culture qui ferait l'envie de bien des hommes. Elle n'a d'égale que ma fille Élisabeth bien que cette dernière n'ait pas bénéficié d'un cadre semblable à celui de votre sœur pour développer l'ensemble de ses talents.

-Je vous remercie du compliment d'autant plus que je n'ai pas grand chose à voir là-dedans. Répondit William, retrouvant sa langue en même temps que son assurance. Georgianna avait de telles dispositions... Le plus difficile a plutôt été d'éviter qu'elle ne s'éparpille et ne fasse qu'effleurer les choses. Mais à mon tour je vous retourne le compliment. Ce que vous avez contribué à développer chez vos deux filles aînées est remarquable. Nous savons tous les deux que c'est de vous qu'Élisabeth et Jane tiennent le plus. Le complimenta le jeune homme d'une voix beaucoup plus assurée.

-Elles tiennent avant tout d'elles-mêmes vous savez. Chacune de mes filles a poussé seule. Certaines se sont avérées de bonnes graines, d'autres de la mauvaise herbe. C'est la vie. Mais je suppose que vous n'êtes pas venu pour que nous parlions agriculture... Se moqua-t-il finalement.

-Non, bien entendu. Laissez-moi vous parler sans détour. J'aime votre fille, je suis amoureux d'Élisabeth et ce depuis la première fois que je l'ai vue. Bien sur, j'ai essayé de résister. J'ai tenté de l'oublier, mais il n'y avait rien à faire. Je lui ai demandé sa main, lorsqu'elle est venue séjourner à Rosings, mais ma demande n'a pas reçu un bon accueil. Le choc a été brutal, mais je dois également dire qu'il a été nécessaire. Certains aspects de mon caractère étaient responsables du refus de votre fille. Lorsque je l'ai revue dans le Derbyshire, avec monsieur et madame Gardiner, j'ai remercié le ciel de l'occasion qu'il m'offrait de prouver à Élisabeth que j'avais changé et que je ne lui tenais pas rigueur de son refus. Les événements se sont succédé dramatiquement, pour des raisons que vous connaissez aussi bien que moi, mais les choses ayant maintenant repris leur cours normal, votre fille a enfin accepté que je lui fasse la cour. Je suis bien conscient de l'honneur qu'elle me fait en dirigeant son affection vers moi. Voilà pourquoi j'aimerais être en mesure de l'épouser si vous consentez à me donner sa main.

-Ayant déjà discuté avec ma fille avant vous, je n'ai aucun doute quant à la nature des sentiments qu'elle vous porte. Seulement, je connais Élisabeth mieux que quiconque... C'est effectivement une fille exceptionnelle, sur ce point, vous avez raison. Surtout à cause de sa vivacité et de son esprit. Monsieur Darcy, je tiens à ce que vous sachiez qu'elle n'est pas facile à manœuvrer. Elle tient à ses idées et sait se montrer très obstinée lorsqu'elle doit les défendre. Je ne vous connais pas assez encore, voilà pourquoi je me demande encore si vous êtes de taille à lutter contre de telles dispositions.

-Croyez-moi, je suis pleinement capable de faire face à une telle situation. Si elle n'était pas ainsi, sans doute ne l'aimerais-je pas autant.

-Très bien, monsieur Darcy, vous avez ma permission. Seulement, vous devrez me faire préparer une chambre en permanence dans votre demeure. Je ne supporte pas d'être séparé d'elle très longtemps.

Comme le jeune homme se dirigeait vers la porte pour quitter la pièce, monsieur Bennet s'empressa d'ajouter : Ah, monsieur Darcy, j'oubliais, vous direz à votre sœur qu'elle est un excellent ambassadeur.

-Je n'y manquerai pas... Merci monsieur Bennet.

Trois jours plus tard à Londres, le domestique des Bingley vint déranger Caroline Bingley alors qu'elle s'apprêtait à prendre son petit déjeuner.

-Une lettre de votre frère vient d'arriver madame.

-Très bien merci. Vous pouvez la laisser là.

Bien qu'elle ait affiché un air indifférent en face de son domestique, Caroline avança la main vers l'enveloppe qui était posée devant elle sur la table aussitôt le vieil homme disparu. Le cœur battant, elle espérait secrètement que Charles lui donnerait des nouvelles du séjour de William et Georgianna auprès de lui.

«Chère Caroline,

Je t'écris pour t'annoncer une grande nouvelle... et qui n'a rien à voir avec la chasse... Je vais me marier. Je suis l'homme le plus heureux de la terre. Je vais épouser mademoiselle Jane Bennet. La date n'est pas encore arrêtée, mais cela ne saurait tarder... Je voulais que tu sois la première à le savoir... J'enverrai Jane faire des achats à Londres et j'espère que tu me feras l'honneur de l'assister dans ses choix. Tu as tant de goût.

Ah, à propos, j'ai une autre grande nouvelle à t'apprendre. Si la date de notre mariage n'est pas encore décidée c'est que nous ne sommes pas seuls en cause. William convolera en juste noce en même temps que nous avec mademoiselle Élisabeth Bennet, mais de cela au moins, tu devais certainement t'en douter. Tu avais toi même remarqué qu'il n'était plus le même depuis notre dernier séjour à Pemberley.

Sachant que tu seras aussi heureuse que moi de notre bonheur à tous deux, je t'embrasse et te souhaite autant de chances que nous.

P.s.: Je te laisse le soin de prévenir Louisa et son mari.

Ton frère bien aimé xxx Charles Bingley»

Les habitants de la maisonnée entière se redressèrent d'un seul mouvement, saisis par le cri strident que laissa échapper Caroline Bingley avant de s'évanouir.

Fin