Je déteste les lundis. Bien sûr, peu de gens apprécie ce jour de la semaine où on doit tous recommencé à aller à l'école (comme moi) ou au boulot (comme ceux qui ne vont plus à l'école). Mais moi, si j'étais Dieu ou un truc du genre, j'effacerais ce jour du calendrier. C'est sûr qu'il faudrait que je revoie ma logique puisque si j'efface le lundi, tout le monde détesterait le mardi. Je trouverais bien une solution. Pour l'instant, j'éteignis mon réveille-matin et me tira du lit. Je me trainais jusqu'à la salle de bain, pris une douche et, une fois habiller et coiffer, je descendis manger. Ma grand-mère était déjà dans la cuisine et mon grand-père lisait tranquillement le journal sur une chaise, à table.

-Bonjour chérie.

-Bonjour Grand-mère.

Elle déposa un bol de céréales devant moi en me souriant. Grand-mère faisait partie de ces gens qui sont toujours souriants, même les lundis. Mon grand-père buvait tranquillement son café, tout était calme dans la cuisine. Comme chaque matin. J'entendais du bruit dans la chambre de ma mère. Elle devait être en retard. Elle se levait toujours en retard, mais arrivait à temps pour le boulot quand même. Elle déboula presque les marches et entra dans la cuisine. Ma mère est incapable de ne pas faire une entrée remarquée. Elle est esthéticienne dans un salon et elle prend soin de son apparence par professionnalisme, du moins, c'est ce qu'elle dit. Ma mère m'a eu très jeune, elle n'avait même pas mon âge. D'où le fait qu'elle habite encore chez ses parents. Peut-être que le fait que me grand-mère ne veut pas nous laisser partir est aussi en cause. On sonna à la porte et ma grand-mère s'empressa d'aller ouvrir. Moi, je ne pris même pas la peine de me retourner. À la même heure que d'habitude.

-Salut Seth.

-Salut.

Seth, c'était mon meilleur ami depuis qu'on avait six ans et qu'on était à la suite de l'autre dans l'ordre alphabétique. Il vient s'assoir à ma droite, comme chaque jour depuis maintenant onze ans. Je lui tendis ma cuillère pleine de céréales et il la fourra dans sa bouche. Petit rituel qu'on avait. Il étouffa un bâillement

-Tu as l'air fatigué.

-J'ai mal dormi. Mais ça va.

Je ne le croyais pas. Depuis quelques temps, Seth était toujours épuisé et avait des grosses cernes sous les yeux. Pour une raison que j'ignorais, il ne dormait pas beaucoup, je le savais. Et je savais qu'il savait que je le savais. Mais il continuait à prétendre que tout allait bien pour ne pas m'inquiéter. On s'entend pour dire que ça ne fonctionnait pas.

-Sérieux, Seth qu'est-ce qui ce passe?

Il refusait de me regarder dans les yeux, fixant ses mains en jouant avec ses clés. Je soupirai dramatiquement. Seth et moi, on se disait toujours tout. Mais, récemment, Seth commence à me cacher des trucs. Et, bizarrement, depuis ce temps, il semble vouloir passer encore plus de temps en ma compagnie, à croire que décoller de moi lui était insupportable. Non que je m'en plaigne, bien au contraire, mais ça me frustrait qu'il ne me dise pas tout. Il me considérait encore comme une petite chose fragile qu'il devait protéger de la vie. N'importe quoi. Je n'avais même pas pleuré une fois devant lui, je ne me suis jamais blesser gravement ou monter un quelconque signe de faiblesse. J'allais lui dire le fond de ma pensée, lorsque ma grand-mère me devança.

-Seigneur, Tabitha, laisse ce pauvre Seth tranquille. On ne réussie jamais à faire parler un homme contre son gré sans le faire fuir avant de l'avoir épousé. C'est comme ça que je me suis retrouvé avec ce vieux grincheux comme mari.

Elle tapota l'épaule de mon grand-père qui marmonna des paroles incompréhensible avec un petit sourire. Ma mère nous dit au revoir bruyamment et sortie. Ce qui nous fit également réaliser à Seth et moi, qu'on ferait mieux de partir pour l'école. Après avoir salué mes grands-parents, nous étions dans sa voiture, direction le lycée. Seth n'arrêtait pas de gigoter sur son siège, signe qu'il avait quelque chose à me dire et craignait ma réaction. À croire que j'étais un monstre. Il ouvrit la bouche, la referma et recommença son petit manège plusieurs fois avant de se décider à parler.

-Alors...

-Alors?

Visiblement, il avait quelque chose à me dire et ça le rendait mal à l'aise. Finalement, il débita à toute vitesse ce qu'il voulait dire, comme pour s'en débarrasser.

-Je ne vais pas pouvoir aller à Port Angeles avec toi ce soir.

J'haussai un sourcil. Ce n'était que ça? J'étais sûr qu'il allait dire qu'il allait tuer ma mère ou un truc du genre.

-C'est pas grave. Tu n'étais pas obligé de te mettre dans cet état pour ça. J'irais seule.

-NON

Là, sa réaction m'a surprise. Pour quelqu'un qui ne pouvais pas m'accompagner, il avait l'air de prendre ça très à cœur. Il dût voir mon étonnement, puisqu'il s'expliqua plus calmement.

-C'est dangereux là-bas, le soir en plus. Je préfèrerais que tu sois accompagnée.

-Tu n'exagère pas un peu?

-Pas du tout.

-Franchement, Seth, tu te fais des films, il ne va rien m'arriver.

-Je t'en supplie, vas-y avec ta mère, tes grands-parents ou une copine, mais pas toute seule.

-T'es vraiment bizarre.

-Fait ça pour moi. Je me sentirai mieux si je savais que tu n'étais pas seule.

Je fis un gros soupire de découragement et rendis les armes. Je savais quand je pouvais gagner un combat verbal avec Seth et quand je n'avais aucune chance. Là, c'était peine perdu, il ne lâcherait pas le morceau.

-Bien, d'accord, t'as gagné, je vais demander à une de mes copines.

Il semblait soulager. Tout son corps se détendit (je ne l'avais jamais vu aussi crispé) et il sourit en passant un bras sur mes épaules, conduisant d'une main.

-Merci Tab's, t'es vraiment géniale.

-Je fais ça pour toi, tu peux être vraiment surprotecteur quand tu veux. De toute façon, ce n'est pas un si grand sacrifice.

Il haussa les épaules et se gara sur le parking du lycée. Je pris mon sac et descendis. Comment vais-je survivre à une autre semaine de cours?

-À voir ta tête, on dirait qu'on t'envoie à l'abattoir.

-C'est encore pire, c'est l'école.

-T'inquiète pas ma poulette, je suis certain que tu vas survivre.

Seth trouvait ça très drôle de m'appeler poulette, ne me demander pas pourquoi. Je l'appelle poulet, moi? Je sais que mon nom n'est pas super adapté à mon âge. Les autres filles de ma classe se nomment Emily ou Hannah, mais ma mère m'a appelée Tabitha en l'honneur de sa grand-mère. Plus jeune, je détestais mon prénom, mais, finalement, je m'en fiche complètement. Ok, mon prénom évoque une grand-mère plutôt qu'une adolescente et alors?

-Ma survie est compromise dans cet établissement. Elle me donne envie de me poignarder avec mon stylo.

Seth rit et me prit la main. Un geste qu'il a fait des milliers de fois depuis qu'on se connait, mais qui, depuis quelques années, me chamboule complètement. Eh oui, j'étais amoureuse de Seth. C'est normal, non? On ne peut pas passer autant de temps avec quelqu'un comme Seth sans en tomber amoureux. Sa main était brûlante, je m'étonnais presque que sa peau ne fonde pas.

-Ne meure pas Tabitha, sinon, je serais pris pour organiser ton enterrement.

-T'aurais pu trouver une autre raison pour me convaincre. Que penses-tu de « Ne meures pas Tabitha, sinon je mourrai de chagrin »?

Il sourit, un peu tristement. Ses yeux reflétaient la mélancolie qui semblait l'habité en permanence depuis...En fait, je ne saurais pas dire depuis quand. Depuis la mort de son père peut-être? Ou sa grippe qui l'a cloué au lit pendant deux semaines? Quoiqu'il en soit, quelques fois, on dirait qu'une douce tristesse balayait ses yeux.

-Voyons Tabitha, tu sais que je ne pourrais même pas vivre sans toi assez longtemps pour éprouver du chagrin.