Auteur : Ariani Lee

Bêtalecture : Ariani Lee, Lunastrelle, Plume d'Eau

Collaboration: Ecrit à quatre mains sous forme de RP sur Google Docs avec Plume d'Eau.

Disclaimer : Même chose que dans Random Strangers - Axel.

Joyeux AkuRoku Day 2016, en retard. C'est le projet que Plume d'Eau et moi comptions poster à cette occasion, et je précise que c'est de ma faute si ça n'a pas été prêt à temps.

Random Strangers - MERGING

Over and over I look in your eyes

You are all I desire, you have captured me

I want to hold you I want to be close to you

I never want to let go

I wish that this night would never end

I need to know…

Could I hold you for a lifetime ?

Could I look into your eyes ?

Could I have this night to share ?

This night together ?

Could I hold you close beside me ?

Could I hold you for all time ?

Could I have this kiss forever ?

Enrique Iglesias & Whitney Houston (RIP)

Le cœur aussi léger que s'il avait passé la matinée à sniffer de l'hélium, Axel avance vers le milieu de la pièce. Il a l'impression de ne même pas toucher le sol, et ses pas ne font aucun bruit sur la moquette. Il ignore la caméra qui est posée sur un pied métallique et s'arrête pile devant, sur une des croix qui marque l'emplacement des deux partenaires. Il regarde son partenaire.

Petit et compact, blond et l'air de s'être mis les cheveux dans le tuyau de l'aspirateur, et des yeux d'un bleu de porcelaine. Il est parfait, Axel le sait maintenant qu'il le voit. Ces pommettes discrètes, ces cils d'un noir surprenant sous l'or du sourcil, ces mèches révoltées, ce menton pointu – c'est comme s'il avait toujours recherché ce visage et qu'il ne le réalisait qu'à présent qu'il l'a sous les yeux. Pourtant, quand il vient se placer en face de lui, c'est définitivement de l'appréhension qu'Axel peut lire dans son regard. Il se tient raide comme une planche et on dirait qu'il serre les dents.

Axel se demande si le premier contact physique à initier doit forcément être le baiser, mais il ne se souvient pas avoir entendu ou lu quoi que ce soit à ce sujet. Il décide donc qu'il s'en fiche, et prend les mains de son partenaire. La peau sous ses doigts est glacée.

Roxas manque de sursauter lorsque ce grand roux en face de lui glisse ses mains dans les siennes. Il est brûlant. Il sent son estomac faire cabriole sur cabriole, ses nerfs aligner les nœuds comme un métier à tisser qui aurait perdu un boulon.

La gorge serrée, il laisse son regard remonter le long des bras, notant sa silhouette longiligne, presque fragile, son immense taille – ça va pas poser problème au niveau de la logistique, ça ? s'enquiert une partie de son cerveau qu'il fait taire presque automatiquement – et son cou gracile. Il avale le peu de salive qui lui reste en arrivant aux traits fins du visage, qu'il dévisage en fronçant les sourcils. Lorsque ses yeux croisent un regard vert acide, il sent un frisson remonter le long de sa colonne vertébrale, une chaleur bizarre lui nouer les tripes. Il n'en est pas certain, mais c'est comme…

… comme une impression de déjà-vu. Comme quand on rêve que l'on rêve, qu'on pense qu'il reste encore une marche en montant les escaliers, et que notre talon ne rencontre que le vide. Qu'on a la sensation, une seconde, de flotter dans l'infini avant de reprendre pied.

Se secouant mentalement, le blond se rend compte que c'est très certainement à lui de faire un pas dans la direction de l'autre, s'il veut que l'expérience fonctionne. Fronçant les sourcils une seconde, il se gratte la gorge, puis lance d'une voix moins assurée que ce qu'il aurait souhaitée :

- Salut.

Axel est surpris d'entendre parler le blond – c'est autorisé, ça ? Puis il se dit que si les gens qui organisent cette expérience n'ont pas donné de directives précises quant au déroulement de celle-ci, c'est sans doute pour laisser les candidats suffisamment libres pour rester spontanés. Il aime le son de la voix du blond en dépit de la tension qui s'y entend distinctement, mais il est content aussi qu'il s'en soit tenu à un seul mot – parler davantage risquerait, lui semble-t-il, de ruiner la magie de ce moment.

- Salut, répond-il de sa voix la plus suave.

Il serre les mains froides dans les siennes. Il voudrait l'étreindre, l'envelopper pour le réchauffer et lui communiquer toute l'intensité improbable de ce qu'il ressent à son contact. Comment l'embrasser pourrait-il suffire ?

Mais il faut bien commencer quelque part, et Axel n'a pas l'intention de précipiter les choses. Quand ils se seront embrassés, l'expérience sera finie, alors il compte bien en profiter au maximum. Enfin, si Numéro 13 – en attendant mieux – est aussi disposé à prolonger ce moment. Leur moment rien qu'à eux, en dépit du fait qu'ils sont filmés. Il n'a pas oublié mais il s'en moque, ce qui est en train de se passer est trop important pour se soucier des détails.

Axel regarde son partenaire droit dans les yeux, à la recherche d'un signe d'approbation, réclamant en silence sa permission et, pour appuyer sa demande muette, relâche une de ses mains pour poser la sienne sur la taille du blond. Son cœur s'est mis à jouer des percussions et c'est tout l'orchestre qui y passe – tambour, cymbales, castagnettes et maracas, et même la batterie. L'étrange certitude qu'il ressent se retrouve soudain confrontée à une timidité qu'il ne se connait pas.

Roxas sent un très long frisson remonter le long de sa colonne vertébrale, sa peau picotant sous la main de l'inconnu. Sa chaleur se propage à travers le pull, et il a tout à coup l'impression que son ventre pourrait s'enflammer. Que son être tout entier pourrait prendre feu. Il hésite quelques secondes à continuer de respirer, incertain de ce qu'il pourrait alors se passer. Mais le besoin d'oxygène finit par se faire ressentir, et il prend une profonde inspiration.

Ses narines s'emplissent de l'odeur un peu musquée, masculine, de son vis-à-vis. Et tout à coup, sans vraiment comprendre pourquoi, tous ses muscles se détendent. Comme si son corps savait déjà quelque chose qu'il ignore. Roxas ferme les yeux un instant, un sourire frémissant sur ses lèvres. De toute façon, il est pour de bon dans cette expérimentation.. Alors autant jouer pleinement le jeu, ça ne pourra que mieux se passer.

Les yeux toujours fermés, il laisse sa main venir se poser sur le bras de son inconnu puis remonter lentement par-dessus le tissu un peu mouillé – il a dû prendre la pluie, souffle une partie inintéressante de son cerveau. Il caresse du doigt l'avant-bras, sent l'angle pointu du coude, s'arrête juste avant d'atteindre l'épaule.

Les nerfs soudain bien plus déliés, il ouvre les yeux pour venir les planter dans le regard acide du Numéro 8. Un autre frisson l'envahit, mais celui-ci est bien, bien plus agréable.

Lentement, le sourire de Roxas gagne en assurance.

Axel a toujours cette sensation tremblante au creux du ventre, même quand Numéro 13 le touche à son tour. Mais quand il le voit lui sourire, l'hésitation disparaît. Elle éclate comme une nuée de papillons qui le rend pétillant de la tête aux pieds. C'est vraiment en train de se produire. C'est dans le sourire de son vis-à-vis, dans l'azur de son regard qui soutient maintenant le sien avec assurance, dans sa main posée sur le bras d'Axel. Il le touche aussi, il lui sourit et se tait. Ils s'observent, et ils pensent à la même chose. Axel en a la conviction ; c'est la permission qu'il attendait. Il lâche la main qu'il tient encore, souriant lui aussi, et prend son partenaire par la taille. Il le fait lentement, très lentement – il veut profiter à fond de chaque seconde, et le laisser se dérober s'il le souhaite, mais Numéro 13 n'a pas vraiment l'air de tenir à ce qu'Axel garde ses mains chez lui. Il les laisse donc descendre sur les hanches du blond, les serrant doucement entre ses doigts. Il a de nouveau l'estomac en vrac, qu'est-ce qui est en train de se passer, Bon Dieu ? C'est aussi flippant qu'enivrant.

Axel se lèche les lèvres pour ne pas se les mordre – et puis, il a la bouche si sèche... – et après une seconde d'hésitation, s'approche de son partenaire jusqu'à ce qu'ils se touchent presque. Pas tout à fait, à un souffle de lui, le cœur battant trop fort. Ce dernier pas qui reste suspendu entre eux est infime et énorme, il ne le franchira pas lui-même. Il se demande s'il sera capable de seulement le lâcher quand ce sera terminé, il ne veut pas y penser. Il veut se consacrer totalement à ce qui est en train de se passer. Ils ne se sont pas quitté des yeux. Une fois encore, Axel tente d'exprimer à travers son regard ce qu'il ne veut pas dire à haute voix.

Toi, viens.

Perdu quelque part entre le regard brûlant de son partenaire et les mains qui serrent doucement ses hanches, Roxas a besoin de plusieurs secondes pour rappeler à son cerveau comment ce dernier est censé fonctionner.

Sa main droite toujours agrippée à l'épaule du roux – loin, si loin de lui encore –, il prend soudainement conscience de la gauche qui pend à présent dans le vide. Et du fait que ce n'est pas une bonne chose – du tout. Alors, la gorge hésitant à se serrer tout à fait, il la laisse remonter le long du dos de son vis-à-vis, jusqu'à se poser sur son omoplate. Jusqu'à froisser doucement du tissu entre ses doigts. Jusqu'à s'y accrocher pour se rapprocher encore plus.

Ses yeux n'ont toujours pas quitté l'océan de verdure radioactive en face de lui. Il n'en est plus capable – pris au piège comme un papillon découvrant une lampe pour la première fois. Ils ne sont plus qu'à un instant, qu'à un souffle l'un de l'autre. L'ultime distance, entre l'aube et le crépuscule, entre l'infini et l'éternité. Et Roxas sent bien que l'autre veut qu'il franchisse le dernier pas. Ce sera son choix – sa liberté. Quelque part, une partie de lui est comme en harmonie avec tout ça. Comme si c'était exactement comme ça que tout devait se dérouler.

Il ferme les yeux un instant et, ignorant la pointe de crainte qui tiraille son ventre, il avance d'un pas – le premier, le dernier. Il sent son corps rencontrer la chaleur presque brûlante mais agréable de Numéro 8, son souffle se mélanger au sien. Et quand il rouvre les yeux, il a l'impression de plonger dans ce regard comme on rentre chez soi – avec sérénité.

Le blond frotte presque délicatement son nez contre celui de l'autre, plus long et aquilin. Il sait bien qu'ils sont ici pour une expérience – une partie de son esprit n'a pas oublié, n'oubliera pas la caméra à la limite de son champ de vision. Mais il sait aussi que cette dernière se finira sitôt leur baiser achevé. Et il ne veut pas.

Aussi usera-t-il de tous les moyens qu'il a pour faire durer encore un peu cet instant.

Axel sait seulement qu'il ne veut pas que ça se termine. Quand Numéro Treize ose cette première Caresse, ce toucher joueur et enfantin, pourtant, il doit mobiliser tout son self-control pour ne pas l'embrasser. Son visage, sa bouche sont si proches… mais il arrive à simplement répondre à la taquinerie par la taquinerie. Axel sourit, amusé, ému. C'est un petit jeu entre eux même si paradoxalement, c'est beaucoup plus que ça.

Puis un mouvement derrière Roxas attire son attention. La porte s'est ouverte en silence et un homme apparait, la mine renfrognée. Croisant le regard d'Axel, il articulemuettement quelque chose. Axel saisit le message – qu'est-ce que vous glandez ?! – se demande brièvement depuis combien de temps ils sont là puis se désintéresse totalement de la question, ramenant son regard sur son partenaire dont les yeux clos sont comme une invitation. L'homme referme la porte aussi discrètement qu'il l'a ouverteet Axel, le cœur battant, regrettant amèrement de ne pas se trouver dans une maison abandonnée ou en pleine toundra – peu importe, oh si seulement ils pouvaient être seuls ! – pose ses mains sur les joues de Numéro Treize.Il les laisse descendre lentement sur sa gorge, sur sa peau chaude, divine sous ses doigts, se demande fugitivement comment ce serait de pouvoir le touchercomme ça partout mais il ne devrait pas y penser. Il repousse cette idée comme il encercle de ses mains le cou de son partenaire, les amenant sur sa nuque.

Je pourrais l'embrasser là maintenant on est là pour ça j'aurais qu'un seul petit geste à faire même pas non un demi-geste je pourrais mais

avant de les glisser dans ses cheveux d'or qui lui chatouillent si délicieusement les doigts que ses mains deviennent des oiseaux, prêtes à s'envoler. Mais les oiseaux restent là, dans le merveilleux nid, c'est là qu'ils veulent nicher pour toujours et Axel ne bouge plus. Il n'y a plus de marge, plus d'écart, plus davantage de temps à gagner. Il est penché sur les lèvres offertes, trop proche pour faire un mouvement sans les toucher.

Derrière le voile de ses paupières, Roxas sent – ressent – le moindre souffle, la moindre caresse, les mains à l'arrière de son crâne. Des mains posées mais qui n'imposent rien, qui ne font aucune pression, aucune exigence – juste une demande. Une demande qui a une telle portée qu'il se sent presque pousser des ailes à l'idée d'être seulement capable de la comprendre – et d'y répondre. Une demande qu'il ne pensait pas lui-même avoir besoin de combler.

Loin loin loin, au coin de son esprit, de ses oreilles et de la pièce, il entend une porte s'ouvrir, puis se fermer. Il sent l'attention de l'autre être un instant détournée de ce qu'ils partagent, puis y revenir sans mot dire. Il choisit d'ignorer purement et simplement ce que ça pourrait être – ce qu'on pourrait le vouloir. D'ignorer tout ce qui n'est pas eux.

Les mains se sont fait patience, attente et espoir. Il sent que l'autre ne bougera pas – pas tout de suite. Qu'il lui laisse l'occasion de le faire lui, de décider de se jeter le premier à l'eau.

Si tu ne bouges pas, c'est moi qui vais le faire, tu le sais ?

Roxas sent un sourire fleurir à nouveau sur ses lèvres, sa respiration se faire taquine. Il le sait – et il aime jouer de ça, comme on excite un chat près à vous bondir dessus, pour le simple plaisir du danger.

Mais l'heure n'est plus au jeu. Il le comprend dans sa peau qui frissonne, dans son cœur qui bat, dans son sang qui se fait bouillonnant. S'il attend encore, il en perdra la raison.

Alors, sans desceller son regard, laissant son instinct guider son cœur, il fait pression de sa main droite sur la nuque de son partenaire. Une seconde d'éternité, et ses lèvres en rencontrent d'autres – plus douces et infiniment plus chaudes.

Axel est surpris. Surpris d'être surpris, déjà, et stupéfié par la violence de sa propre réaction. Au contact, son éléctrocardiorchestre a enclenché la grosse caisse qui résonne en lui omme une onde de choc et faire trembler tous ses os. Un son lui a échappé sans qu'il ait pu le sentir venir ou essayer de le contenir. Dans une autre vie il aurait crevé de honte à l'idée d'avoir poussé ce petit gémissement plaintif devant une caméra, mais comment s'en soucier quand il est en train d'embrasser Roxas ? Une puissante envolée de cuivres et de cordess'ajoute au tempo enfiévré que frappe son cœur, lui donnant le vertige.

La bouche contre la sienne est chaude et souple, amoureuse et impossiblement familière – il a l'impression que c'est le premier baiser de sa vie en même que d'avoir déjà embrassé ces lèvres, déjà senti cette chevelure chatouiller son visage, déjà étreint cette taille étroite.

Il serre son partenaire dans ses bras. Il serait incapable de s'en empêcher ; il le serre contre lui sans se soucier le moins du monde d'un éventuel râteau, parce qu'il a besoin de ce contact, de cette pression entre leurs corps. Il a attendu ça toute sa vie, même s'il ne le savait pas en se levant ce matin-là. Il ne va plus jamais le lâcher.

Non, iI ne va plus jamais le lâcher. Roxas fixe cette pensée dans son esprit, la grave dans la roche de son entêtement tandis qu'il se presse dans ces bras chauds. Sa main s'est faite possessive sur la nuque qu'il tenait, ses lèvres clamant leur appartenance. S'il lui restait encore une once de savoir-vivre et de conscience des autres, il aurait pu s'étonner, s'indigner d'en être réduit à ça – à se couler contre le corps de son parfait inconnu comme s'ils n'étaient que deux pièces d'un même moule. Mais dès l'instant où leurs bouches ont fusionné, il a senti son cerveau se désactiver.

Maintenant, il ne peut plus penser qu'à ça – le corps, les mains, les lèvres d'Axel, pressées contre lui à l'en faire gémir. Son poing gauche s'est refermé contre le t-shirt mouillé de son partenaire pour se rapprocher encore plus, si c'est seulement possible. Il a l'impression qu'il vient à peine de poser ses lèvres sur les siennes, mais que leur baiser dure depuis déjà des milliers d'années. Toute notion du temps s'est perdue – distordue.

Et elle prend une nouvelle dimension lorsqu'il sent, au-dessus de lui, les lèvres de son vis-à-vis s'ouvrir.

Axel ne réfléchit plus du tout. L'illustre inconnu a fondu dans ses bras, lui a rendu étreinte pour étreinte, pression pour pression, c'est l'assentiment qu'il espérait, c'est plus qu'assez. Il a faim de lui, il est affamé comme il ne l'a jamais été, et il approfondit le baiser. Quand il ouvre lentement la bouche, son partenaire réagit comme s'il avait lui aussi attendu ça pendant des siècles de vies entières. Axel voudrait le serrer plus fort mais plus que ça, ça lui ferait sans doute mal alors à la place, il l'embrasse la bouche ouverte, aspirant ses lèvres et les mouillant entre les siennes. Il le mord très doucement, tendrement, parce que son cœur est en train d'interpréter la plus amoureuse, la plus magnifique des symphonies et que ce moment, précieux entre tous, pourrait bien rester le seul et il veut lui faire éprouver ce qu'il ressent. Quand la langue de son partenaire vient audacieusement chercher la sienne, quand elle la trouve et la touche (elle n'a pas besoin de chercher bien longtemps), c'est comme si Axel se branchait sur un puissant courant électrique. Au début, on dirait que son corps ne va pas pouvoir le supporter, puis il s'adapte. C'est extraordinaire.

Roxas se sent gémir malgré lui lorsque sa langue en rencontre une autre, chaude et aventureuse. Il a conscience, quelque part, de souhaiter pouvoir encore plus fermer les yeux, pour se laisser couler dans ces sensations qui embrasent son sang comme de l'essence. Comme si ses sens ne suffisaient pas pour savourer l'étendue de ce qui lui est présenté, là, maintenant. Sa main, toujours possessivement accrochée à la nuque de l'autre, fait pression pour lui offrir le meilleur angle. Sa langue câline sa compagne, découvre avec curiosité les lèvres, les dents – la bouche prolongeant la sienne. Lorsqu'il lèche le palais de l'autre, il sourit en le sentant frissonner.

C'est officiel – il ne le lâchera plus jamais. Que les gens, l'expérience en cours, le monde et l'univers aillent tous se faire foutre. Il a trouvé l'endroit où il désirait vivre, et ne le quitterait plus. Roxas scelle mentalement cette promesse à lui-même en mordant doucement l'une des lèvres de son parfait inconnu.

Inconnu qui frissonne – non, gigote ? – sous ses doigts, le poussant à raffermir son étreinte, comme un oiseau se débattant donnerait envie à un chat de jouer encore plus. Il n'est cependant plus totalement concentré sur ses lèvres contre les siennes, et fronce les sourcils lorsque l'autre bouge une deuxième fois, comme un sursaut. Qu'est-ce que... ?

Roxas n'a pas le temps de s'interroger qu'il se sent repoussé. Son cœur rate un – douloureux – battement, et il plonge un regard incertain dans les pupilles vert acide en face de lui. Une seconde flotte entre eux avant que l'autre ne se dérobe à ses yeux pour –

- AAAARRRR-TCHHHHAAAAAA !

… éternuer.

Roxas lâche l'un des bras tenantencore ses épaules pour venir se frotter doucement le tympan droit – qu'il n'est plus sûr de sentir tout à fait. Il avait déjà entendu des gens éternuer, bien sûr, mais… mais ça ? C'est pas éternuer, c'est tenter de réveiller les morts ! On dirait que trois générations de ses ancêtres en ont profité pour le rejoindre dans l'action, au passage.

Abasourdi, clignantdes yeux sous la surprise, il hausse un sourcil circonspect.

- ... À tes souhaits ?

Axel voudrait rentrer dans un trou. Putain de rhume des foins, putain d'antihistaminiques qui fonctionnent qu'à moitié ! C'est même pas comme s'il y avait des fleurs dans la pièce, merde ! Et son partenaire qui le regarde, perplexe. Merde, merde, merde, c'est pas comme ça qu'il voulait que ça se finisse! Il voyait plutôt une lente séparation avec soupirs et œillades langoureuses...

Il se demande s'il ne pourrait pas encore rattraper le coup, après tout le blond ne s'est pas plus éloigné que ça et il a l'air déçu lui aussi. Mais alors qu'Axel ouvre la bouche pour remercier et s'excuser (au nom de son patrimoine génétique – ses éternuements sont de la petite bière à côté de ce dont sa mère est capable), la porte s'ouvre aussi et un homme et une femme entrent.

- La vache, vous avez pris votre temps, dit l'homme en les regardant avec des yeux comme des soucoupes.

- Ben quoi ? répond stupidement Axel, pas encore complètement rematerialisé dans le monde réel.

- Vous êtes restés là plus d'une demi-heure, notifie la femme.

- Euh… oups? Propose Axel.

- Ouais, ouais, oups, reprit l'homme. Par contre, il faudrait que vous débarrassiez le plancher, on a encore cinq autres couples de participants qui attendent leur tour.

Ni Roxas ni son éternueur intempestif n'ont le temps de dire un mot qu'ils se retrouvent poussés hors du champ de la caméra et oubliés. Ce qui peut être compréhensible, réfléchit le blond, s'ils n'ont qu'une seule journée pour tout tourner – dans ce genre de cas, le temps doit être sacrément compté. Ou alors c'est simplement qu'ils sont stressés et…

Il secoue la tête, retient un soupir. Là, c'est surtout lui qui est stressé, et tente malgré lui de relâcher la pression en pensant à tout et n'importe quoi. Jetant un regard au grand roux à côté de lui, il attache fermement à une laisse de volonté toute envie de le toucher à nouveau et indique de la tête la porte derrière eux.

- On sort ?

L'autre a à peine hoché du chef que Roxas a déjà tourné les talons et s'est engouffré dans le couloir. Au bout de ce dernier, une autre salle d'attente – vide – et une porte, qui les mène à l'arrière du bâtiment. Il pleut toujours, des trombes et des trombes d'eau déversées du ciel comme si quelque cherchait à éteindre l'enfer depuis les nuages. Avec un soupir, Roxas se laisse tomber sur les marches et sort son portable. Avec tout ça, il en a presque oublié Sora – Dieu seul sait où cet idiot a bien pu encore aller se fourrer, après sa propre expérience.

Expérience.

Le mot le ramène à la réalité, en même temps que la grande silhouette qui se plie pour venir s'asseoir près de lui. Tout à coup, le blond sent sa gorge s'assécher.

- Je suis désolé, dit aussitôt Axel, espérant que s'excuser calme un peu la brûlure de la honte – il se demande s'il va jamais s'en remettre, si celui qui a été son partenaire dans cette étrange expérience ne va pas simplement lui souhaiter bonne continuation puis se lever et partir.

La pensée qu'il ait pu imaginer des choses et qu'il ait été le seul à ressentir des sentiments aussi puissants et surprenants lui donne mal au ventre. Il espère qu'il ne s'est pas trompé. Il se demande si maintenant qu'ils sont sortis, ils ne pourraient pas cesser d'être de parfaits étrangers. Il regarde le blond, qui lui regarde la pluie tomber et agiter le trottoir devant eux de vaguelettes. Ça lui rappelle qu'il doit encore attendre Demyx un petit moment et qu'il a tout intérêt à mettre ce temps à profit pour s'assurer que les choses ne s'arrêtent pas ici et maintenant.

- Axel, dit-il simplement.

Il ne tend pas la main. On ne serre pas la main de quelqu'un avec qui on s'est roulé la pelle du siècle. Mais dans le même contexte, il est curieux d'avoir à se présenter. De toute façon, Axel n'a pas envie d'une poignée de main. Il a envie de l'embrasser encore.

Roxas retient un sursaut – mais pas le frisson qui court dans son dos – lorsqu'il entend à nouveau la voix de l'inconnu. Non, d'Axel. Les excuses qu'il a lancées juste avant l'avaient fait sourire intérieurement, mais ça… Il ne sait pas pourquoi, mais il sent que c'est différent. Il y a comme un sentiment, une impression confuse lorsqu'il prononce son nom, qui retourne complètement le cœur du blond. Comme si quelque chose venait de se mettre en place, sans qu'il ne comprenne vraiment quoi.

Hésitant sur la conduite à tenir, il tourne le regard et décide de faire ce qu'on fait dans ces cas-là. Il plonge ses yeux dans l'acide en face de lui, et répond :

- Roxas.

Et c'est tout. Et c'est à la fois beaucoup – presque trop ? – et pas assez. Il a l'impression qu'il vient de résumer toute sa vie, et en particulier les dernières minutes, avec ce simple mot. Et que pourtant, que ça ne suffit pas. Qu'il manque quelque chose, une chose si importante que même en ne sachant pas ce qu'elle est, il ressent le besoin de combler ce vide.

Les yeux en face de lui sont si intenses, qu'il finit par détourner le regard avant de se mettre à rougir comme une pucelle – quoique, peut-être est-ce même déjà trop tard. Il se gratte la gorge, ses pupilles océan perdues dans les eaux tombant du ciel. Et puis finalement, décide que si cette chose est vraiment importante – il ne peut pas la laisser s'enfuir. Alors autant agir.

- Tu… tu restes encore ici un moment, toi ?

- Oui, répond Axel qui n'en croit pas sa chance. Il y a un pote à moi qui attend son tour.

Il ne relève pas le fait qu'ils sont seuls sur ce perron, ce qui signifie probablement qu'ils ne sont pas à la sortie qu'on a fait emprunter aux autres participants et que donc, ils risquent de rester seuls longtemps. Ça ne le dérange pas.

Roxas. Roxas. Son prénom est aussi étonnamment familier que ses lèvres. Sa voix aussi. Mais pourtant, il est sûr qu'il s'en souviendrait s'ils s'étaient déjà rencontrés.

- Toi aussi ?

- Non, l'ami avec qui je suis venu est passé avant nous.

Son ton lui parait trop tranché, trop définitif. Comme si, en donnant cette réponse, il devait maintenant s'éloigner, partir sans se retourner sous la pluie torrentielle et tout oublier. Sauf qu'il ne le veut pas. Alors pour une fois, tant pis, il ne suivra pas ce que la vie lui dicte.

Et puis, souffle une terrible petite voix dans le fond de son esprit, Sora est grand, il pourra bien se débrouiller tout seul. Alors, il ajoute, la gorge un peu serrée d'oser prononcer ça :

- Mais je n'ai pas envie de partir.

Incertain, il tourne très légèrement la tête pour jeter un regard à Axel, jauger sa réaction. A-t-il eu raison de dire ça, où est-il le seul à ressentir cette étrange attraction qui le pousse à vouloir rester là jusqu'à la fin des temps, qui ne lui donne qu'une envie, goûter encore à cette présence ?

Le cœur d'Axel se remet à jouer cette symphonie inconnue et familière – une vague impression de déjà-vu. Sa mémoire ne s'en souvient pas, pourtant ils se sont déjà trouvés dans cette situation, au bord de la séparation, et Roxas était parti. Mais cette fois-ci, il veut rester. Axel est tellement heureux de le lui entendre dire qu'il en oublie toute la réserve qu'il devrait avoir. Il pose une main sur le genou de Roxas pour attirer son attention et qu'il le regarde quand il lui répond.

- Moi non plus. Je crois que je veux habiter sur ces marches avec toi pour toujours.

Roxas se demande s'il ne va pas finir par devoir consulter un médecin, tant son cœur rate des battements. Et le sentir maintenant s'emballer comme une voiture sur une autoroute allemande ne le rassure pas beaucoup non plus. Il n'est pas très friand de ce genre de déclarations dégoulinantes à l'eau de rose d'habitude – pourtant, là, il a l'impression qu'il va exploser de bonheur.

Piégé au sein de ce regard comme un papillon de nuit par la lumière, il se sent avancer, comme magnétisé, sans en avoir vraiment conscience. Leurs visages ne sont plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre quand il décide de lancer une dernière sonde, juste pour voir comment l'autre va réagir.

- Si je t'embrasse… tu vas encore éternuer ?

Axel est à deux doigts de se marrer, et pense par-devers lui que si Roxas l'embrasse il va peut-être tout simplement mourir de bonheur sur ces marches de béton humide. Mais puisqu'il se permet de le vanner – ce qui n'est pas très charitable de sa part – Axel s'autorise un sourire un coin.

- Peut-être. Ou peut-être pas. On saura jamais si t'essayes pas.

Le blond sent un nuage de papillons le cueillir au creux de l'estomac lorsque le souffle d'Axel caresse ses lèvres. Il rit – rire caresse, rire chuchotis – à la réponse de son partenaire et décide que c'est bon, ça y est, il habitera sur ce porche, lui aussi, tant que le roux ne le quitte pas. Scellant son regard dans les émeraudes en face de lui, il laisse sa main effleurer le galbe d'une joue, et caresse de ses lèvres la bouche de l'autre.

Enfin, crie une voix, tout près de son cœur.

Axel selaisseembrasser, se sentant timide parce qu'il est bien plus habitué à être celui qui embrasse. C'est différent, et pas seulement parce que ce n'est pas lui qui mène la danse. Il n'a jamais rien éprouvé de pareil avec personne. Sauf évidemment cet écho purement physique qui résonne en lui et lui dit qu'il a déjà connu ça, et que c'était déjà Roxas. Roxas qui ne part pas, cette fois, Roxas qui reste et qui l'embrasse en prenant tout son temps et comme Axel n'est plus à une mièvrerie ou à une absurdité près, contre les lèvres du Numéro XIII il murmure:

- Ça a toujours été toi.

Et oublie la pluie qui tombe, la pierre sur laquelle ils sont assis et l'expérience à laquelle ils ont participé.

Parce que d'une manière ou d'une autre et même si ça le dépasse… ils n'ont jamais été des étrangers l'un pour l'autre.

I'm going to take my time, I have all the tiime in the world

To make you mine, it is written in the stars above

In God's Decree, you'll be right here by my side

Right next to me !

You can run, but you cannot hide

Don't say you want me, don't say you need me

Don't say you love me, it's understood

Don't say you're happy out there without me

I know you can't be

Cause it's no good

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