Note de l'auteur (07/07/2015): pour ceux qui préfèrent lire leurs fanfictions sur liseuse ou simplement sur leur pc, La Porte du Chaos ainsi que sa suite, Les Cavaliers de l'Apocalypse, sont disponibles en format pdf, epub et mobi !Grâce à un autre membre du site, Zeidra (qui est l'auteur de l'excellente fanfic Entre les mondes dans l'univers d'Harry Potter), qui a passé du temps à convertir les deux fanfictions aux bons formats, vous pouvez les télécharger via des liens affichés sur mon profil. Il vous suffit donc de cliquer sur mon pseudonyme, de vous rendre sur ma page de profil et de suivre les liens pour obtenir le format de votre choix. Bonne lecture à tous !
Et voilà le premier chapitre de la suite de "La Porte du Chaos", j'espère qu'il vous plaira !
Il est plus long, mieux préparé et plus travaillé que ceux de la PDC, comme promis.
Et je remercie toutes les personnes qui m'ont mis plein de sympathiques reviews pour "La Porte du Chaos": Akina_Bazooka, Indochine Ramera, Syanateha, Emy, Misstinguette, Lena, Iom, Noxae, Ellanta, Marie, Ombre d'un reve, Mumz3l-Neskouiik-Bura, Ena'Arkness, Emichlo, Allison26 et Myrtille-Mumu !
Bonne lecture !
Les Cavaliers de l'Apocalypse
1. Harryo Ombrall
Certitudes qui frissonnent
Cœurs qui résonnent
Curiosité
Ellundril Chariakin, chevaucheuse de brume
Pierre Bottero, Les Mondes d'Ewilan, tome 3, Les Tentacules du Mal, page 207
Dans l'obscurité épaisse, un éclat de lumière rouge traversa le ciel sombre et les cris de ses compagnons retentirent dans le silence grave de Gwendalavir, comme un coup de griffe sur le voile noir de la nuit. Sayanel leva les yeux vers la lune claire, blanche, comme un mince sourire, alors qu'une ombre apparaissait à l'est, une silhouette drapée de furtivité. A pas de loup, tel un souffle sur la plaine, tel un fantôme, le Cavalier pâle s'exposa au monde. Quand ses yeux croisèrent ceux de Sayanel, le Marchombre ne put retenir un tressaillement. Effrayé ? Confus ? Méfiant ? Soulagé ? Lui-même n'aurait su dire la provenance de cet imperceptible tremblement qui agitait son ossature et troublait les battements de son cœur.
- Sayanel, mon vieil ami... Lâcha Jilano dans un souffle.
- Jilano...
De la surprise, l'expression du Marchombre passa à l'enthousiasme. Il éclata d'un rire franc.
- Ma parole, tu n'as pas pris une ride !
- Toi par contre... !
Les deux amis, après s'être longuement détaillés, rirent à l'unisson. Ils s'approchèrent l'un de l'autre et se retrouvèrent dans une forte et franche étreinte. Après quelques secondes de retrouvailles, ils s'écartèrent et s'observèrent.
- Tu as reçu ma lettre, tu connais ma situation, commença Jilano, soudain plus grave.
Le Marchombre acquiesça.
- Cependant, je ne pouvais pas tout te révéler par écrit, on me soupçonne déjà de trahison. Je n'ai pas non plus le temps de te conter quel miracle ou désastre m'a renvoyé dans ce monde. Je risque de me faire tuer en te contactant, alors je serai bref.
Au loin, les compagnons reprenaient leurs esprits après la brutale apparition des deux Cavaliers. L'un fuyant, l'autre traquant. La confusion était grande et les questions nombreuses, pourtant, après quelques investigations, quelques mots échangés, ils regagnèrent tous le campement.
Sayanel vit le regard du Cavalier pâle s'adoucir quand ses yeux tombèrent sur son élève. Il savait l'inquiétude qui couvait dans son cœur, l'inquiétude qu'il n'avait pas le droit d'exprimer vis-à-vis d'une Marchombre telle qu'Ellana. Il aurait voulu lui offrir rien qu'un mot de réconfort, rien qu'une parole pour l'accompagner, pour illuminer son univers d'obscurité. Mais aucun mot n'aurait suffit : « Elle est parfaite », « Elle va bien », « Elle est incroyable », « Elle est est éblouissante », ... ? Non, Sayanel ne prononça pas un mot. Se contentant de sourire, il mit dans l'éclat de ses yeux la combinaison de toutes ces paroles. En retour, il perçut la fierté dans ceux du revenant.
- Dis-moi, Sayanel, l'élève a-t-elle dépassé le maître ?
- Ca ne tardera pas, si ce n'est pas déjà fait.
- Bien, je te remercie. Tu sais qu'elle est ma plus grand fierté.
Le Cavalier pâle inclina la tête et ferma les yeux.
- Nous vivons une période sombre. La Reine d'Helwaren, cet autre monde, cherche à conclure un pacte avec l'Empire. Cependant, les Mercenaires du Chaos lui font obstacle. En se montrant trop hostile, elle sait que les négociations seront impossibles. Elle va nous envoyer, nous, ses quatre Cavaliers, dans le but d'affaiblir les Mercenaires.
Jilano fronça les sourcils.
- Je ne peux m'attarder.
- Attend ! Le retint Sayanel. Que doit-on faire ? Doit-on conclure cette alliance avec les Mercenaires du Chaos ? La Reine d'Helwaren est-elle dangereuse ?
Les questions se bousculaient dans l'esprit du Marchombre, mais son ami semblait pressé de partir.
- Conclure un pacte avec eux vous mettrait la Reine à dos. Elle n'hésiterait pas, dans ce cas, à devenir agressive et à conquérir Gwendalavir. Heureusement, malgré sa toute puissance, elle n'a pas encore trouvé le moyen de déplacer ses troupes dans ce monde. Il vous faut refuser l'alliance à tout prix.
- Bien.
Jilano acquiesça. Dans les bois proches, il prit sa monture par la bride, une jument grande et fine à la robe aubère, et l'enfourcha sans daigner utiliser l'étrier.
- Il est temps pour moi de repartir dans l'ombre. Si nos chemins ne venaient à se croiser qu'une fois emportés par la mort, mon frère, sache que je t'ai toujours porté dans mon cœur et que je me battrai pour ce monde que nous chérissons.
- Nous nous reverrons, mon frère, dans ce monde ou dans un autre. Il ne peut en être autrement.
Le Cavalier posa sa paume sur son cœur en souriant et, à contrecœur, talonna sa monture. Sayanel, l'âme en peine, observa son ami dévaler la colline au grand galop, sa silhouette familière penchée sur l'encolure de son cheval. Et, lentement, il contempla l'horizon, le Cavalier se faisant de plus en plus petit au loin, s'évaporant dans la nuit.
Et alors même que Jilano l'avait quitté depuis de longues minutes, le Marchombres avait gardé les yeux fixés dans la direction où son ami s'en était allé, dans un autre monde. Quand enfin il se décida à retourner au campement, une larme solitaire, comme une perle, émergea du coin de sa paupière, effleurant à peine sa joue avant de se perdre dans l'herbe comme une goutte de rosée.
Ellana mit sa main en visière et aperçut, au-delà des collines de Taj, la lisière de la Forêt de Baraïl, terre des Faëls. La plaine se déroulait devant elle comme une mer verte, ondoyant sous la caresse de la brise. Hauts dans le ciel moutonnaient quelques épais nuages cotonneux et le soleil répandait sa lumière sur cette calme fin de journée. De là où elle se tenait, la jeune femme ne voyait aucun autre voyageur, si ce n'était un convoi anonyme, si loin qu'il disparut après quelques secondes derrière une colline.
Elle avait quitté Al-Jeit une semaine plus tôt et, voyageant seule, chevauchant Nuit d'Hiver, le grand étalon gris sombre d'Edwin, elle avait progressé en un temps record. La Marchombre avait dû insister pour partir seule. Malgré les avertissements de ses compagnons à propos des Blancs et de toutes sortes de dangers qui pourraient apparaître suite à l'ouverture de cette porte sur un autre monde, elle s'était mise en route.
Et là, seule face à l'immensité, elle respirait. Seule. Ellana avait toujours apprécié la solitude mais, aujourd'hui, des sentiments divergents se bousculaient dans son esprit. A cet instant exact, elle rêvait d'être entourée, de confier tous ses doutes et toutes ses peurs à quelqu'un. Cependant, c'était une de ces rares fois où, même auprès de ses compagnons, elle se sentait incomprise.
Son cœur se balançait entre la certitude qu'Edwin était toujours en vie, la pensée affreuse que des choses terribles se préparaient et aussi le pressentiment que l'un d'eux, ou peut-être tous deux, n'en sortiraient, cette fois, pas vivants. Elle ne savait que faire, que penser. Aussi s'était-elle raccrochée au seul élément tangible et accessible qui la ferait avancer. Il lui était impératif d'en apprendre plus sur Harryo Ombrall.
Au cours du voyage de retour vers Al-Jeit, Siam lui avait confié que cette femme était née de parents faël et frontalier et que, après avoir dû quitter Illuin, elle avait passé la majorité de sa vie à la Citadelle. C'était à cet endroit qu'elle avait rencontré Edwin. Ensuite, Siam lui avait expliqué que, par peur de voir une étrangère devenir reine et de voir le lignage des Til'Illan « corrompu » par un métissage, des familles frontalières très anciennes avaient décidé de faire éliminer la jeune femme. A cet époque, Edwin n'allait pas tarder à se mettre en route pour Al-Jeit et à devenir maître d'armes du futur Empereur, Sil'Afian. Harryo avait donc décidé de fuir, le temps que Hander mette les choses au point avec ce que Siam appelait le clan. Malheureusement, la nouvelle de la mort d'Harryo, assassinée par des Mercenaires du Chaos, se répandit rapidement. Siam lui avait raconté qu'elle s'était présentée à la Citadelle, cherchant Edwin, quelques temps avant que celui-ci ne se mette en route pour la forteresse des Mercenaires, d'où il n'était pas revenu.
C'était à partir de cette partie de l'histoire que se tarissaient les informations d'Ellana. Harryo Ombrall, jeune et superbe Faëlle, apeurée par les menaces de mort du clan, s'était enfuie et avait été déclarée morte, puis elle était soudainement réapparue, des années plus tard, forte et magnifique, pour livrer un message à Edwin, avant de s'évaporer à nouveau dans la nature.
Et la nuit où elle et ses compagnons revenaient des négociations avec les Mercenaires du Chaos, elle les avait vus, tous deux, livrant bataille, la rage dans le regard. Un éclair de lumière rouge avait momentanément illuminé leurs visages avant de les emporter. Ellana ne cessait de ressasser cet instant, figé dans la lueur écarlate, où elle l'avait vu, en vie. Quelques fois, elle se demandait encore si elle avait rêvé cette image. Mais elle s'imposait à elle à chaque fois qu'elle fermait les paupières, toujours aussi réelle.
Comme s'il avait deviné ses pensées, Nuit d'Hiver se remit en route, au pas, descendant lentement la haute colline où Ellana s'était arrêtée. La jeune femme se pencha et flatta l'encolure du grand étalon sombre. Le force tranquille qui émanait de l'animal calmait ses pensées fiévreuses.
La chaleur qui l'avait frappée durant toute la journée se faisait sentir. Lentement, par à-coups discrets, la fatigue nouait ses muscles et l'empêchait de penser efficacement. La Marchombre décida pourtant de continuer sa route encore quelques heures. Les collines pouvaient sembler calmes, elle savait cependant qu'elles étaient le terrain de chasse de redoutables tigres des prairies dont elle ne tenait pas à faire la connaissance. Aussi préféra-t-elle progresser le plus rapidement possible. Pour cette raison, mais également car elle était pressée.
Les rênes longues, elle laissa à Nuit d'Hiver tout le loisir de choisir son allure. L'animal, discipliné, à la différence de la plupart des chevaux, sentant son cavalier lui donner plus de liberté, ne s'arrêtait pas pour brouter l'herbe grasse mais continuait à marcher au pas le long du sentier de terre qu'ils suivaient.
Quand enfin le soleil, devenu un disque orange vif, déclina derrière le galbe des collines, Ellana mit pied à terre près d'un bosquet et, tout endolorie, dessella sa monture. Avant de se coucher, elle but quelques longues gorgées d'eau et grignota à peine un peu de viande de siffleur séchée. Allongée sur le dos, les yeux rivés sur les étoiles, elle laissait son esprit dériver vers d'autres pensées, d'autres lieux, des souvenirs lointains...
Elle s'assoupit.
Le lendemain matin, la douce et chaude lueur du soleil sur ses paupières réveilla Ellana. Elle cligna quelques fois des yeux, bailla et, finalement, joignit ses mains au-dessus de sa tête et s'étira tout en longueur.
Le soleil était levé. Elle avait dormi une nuit complète et, pourtant, elle sentait sa tête lourde et ses muscles faibles. Trop de tracas obnubilaient son esprit.
Sans déjeuner, elle sella Nuit d'Hiver. Dans quelques heures, lorsqu'elle serait sous le couvert des arbres, elle ferait un brin de toilette. En attendant, en selle, elle but quelques gorgées à son outre d'eau et grignota la viande de siffleur séchée qu'il lui restait d'hier.
La tête vide, ou plutôt trop pleine, elle se laissait porter par sa monture tout comme par ses pensées mélancoliques. Le sentier qu'ils empruntaient n'était généralement pas utilisé par les convois. Trop étroit, il passait également par des endroits inaccessibles aux chariots. Cependant, il rejoignait la route principale et Ellana dut s'enfoncer dans les hautes herbes pour continuer son chemin vers la forêt de Baraïl.
Arrivée à la lisière de la forêt, elle mit pied à terre et dirigea Nuit d'Hiver par la bride. Edwin lui avait un jour parlé d'une vieille route, utilisée par les voyageurs occasionnels, qui serpentait dans la forêt jusqu'à Illiun. Abandonner son cheval ici était impensable, aussi se mit elle en quête de ladite route en s'enfonçant dans les bois.
Après maints détours pour pouvoir passer avec Nuit d'Hiver, Ellana trouva enfin le chemin mentionné par Edwin. Illuin, la cité faëlle, n'était plus très loin désormais.
D'immenses arbres bordaient la route, et de nombreux taillis abritaient des oiseaux piailleurs. La forêt n'était pas très dense, mais s'y déplacer à cheval n'était pas aisé, aussi était-elle soulagée d'avoir découvert ce sentier.
Au détour d'un épais hallier apparut un pin géant. Ellana sourit en découvrant des silhouettes sombres et fines perchées sur ses branches. La jeune femme leur fit un signe de la main.
- Bonjour !
Les Faëls lancèrent des mots dans leur langue. Elle crut cependant entendre parmi les cris un « bonjour ».
Juchée sur Nuit d'Hiver, elle s'approcha de l'arbre d'où elle put mieux les voir. Comme Chiam et Erylis, les seuls Faëls qu'elle ait rencontrés, ils étaient vêtus de peaux de bêtes, souvent aux couleurs vives, et de plumes colorées. Tous portaient évidemment un arc et un carquois, mais, à cet instant, leurs armes étaient simplement pendues dans leur dos. Leur peau sombre semblait s'enflammer au contact des rayons de soleil qui perçaient les frondaisons et, de là où elle se tenait, elle pouvait voir leurs visages hilares, fendus de larges sourires.
Ellana mit pied à terre et murmura au grand étalon de rester là. L'animal lui répondit d'un doux hennissement.
Sans plus lever les yeux vers les Faëls, la Marchombre posa la main sur une branche basse et s'y hissa. Elle commença son ascension. Une poignée de secondes plus tard, elle les rejoignait en haut de l'arbre. Ne connaissant pas la coutume faëlle pour saluer, elle posa une main sur son cœur et sourit.
- Mon nom est Ellana Caldin et je dois me rendre à Illuin.
Les Faëls s'entre-regardèrent, échangèrent quelques mots. Ellana commençait à se dire qu'elle aurait du quémander l'aide d'un traducteur quand une femme qui avait environ son âge, vêtue d'une peau soyeuse et claire et arborant une magnifique crinière auburn s'approcha d'elle. Avec un fort accent Faël, elle s'adressa à Ellana en français.
- Mon nom est Awurama. Mes frères, sœurs et moi, nous nous demandons la raison de ton voyage, Ellana.
Le tutoiement venait naturellement.
- Je cherche des informations sur une femme faëlle qui... qui aurait un rapport avec... eh... la disparition de mon compagnon.
Awurama traduit en faël et des rires fusèrent. Les yeux de la Faëlle, d'un bleu profond étonnant, brillèrent malicieusement et elle laissa échapper un rire mutin.
- Mes amis disent que, malgré ta grande beauté, tu dois te méfier des charmes des femmes faëlles.
Ellana rit jaune. Avant de reprendre la parole, elle se racla la gorge.
- Sa disparition n'est pas une affaire amoureuse, mais plutôt... politique. Mon compagnon est une personne importante pour l'Empire et cette femme serait impliquée dans une sorte de complot.
- Oh, je vois...
Son interlocutrice traduit rapidement.
- Et quel est le nom de cette personne ? Peut-être saurons-nous t'aider. Tu n'auras pas besoin d'aller à Illuin qui est encore à deux jours de marche.
- Elle se nomme Harryo Ombrall.
- Harryo Ombrall ? ...
Awurama plissa les yeux. Elle semblait étudier Ellana. Derrière elle, les autres Faëls échangèrent des paroles vives. Son interlocutrice secoua la tête, faisant onduler ses longs cheveux qui brillaient comme du bronze poli.
- Ah, Harryo Ombrall... Oui, je connais cette personne. Cela fait bien longtemps qu'elle a quitté la forêt de son peuple et qu'elle s'est égarée au loin, dit Awurama d'une voix basse et profonde dont les sonorités donnèrent des frissons à la Marchombre.
- Que pouvez-vous me dire d'elle exactement ?
- Oh, beaucoup de choses, Ellana ! S'exclama la Faëlle avec tristesse. Harryo est ma demi-sœur.
Ellana ne put s'empêcher d'écarquiller les yeux. La demi-sœur d'Harryo en personne, elle n'aurait pas pu tomber mieux.
Awurama échangea quelques mots avec les autres Faëls, puis tous s'assirent sur les branches épaisses du pin géant.
- Que sais-tu sur ma demi-sœur ? Raconte-moi, Ellana.
La Marchombre prit une profonde inspiration et lui rapporta tout ce qu'elle avait appris grâce à Siam. Acquiesçant, la Faëlle commença son propre récit.
Awurama était de deux ans la cadette d'Harryo. Toutes deux étaient nées de la même mère, mais le père d'Harryo était un Frontalier, alors que celui d'Awurama était un Faël.
Petite, Harryo ne se différenciait en rien des autres. Cependant, les années venant, elle gagnait en taille, alors que les Faëls étaient habituellement de taille assez petite, et ses traits se faisaient de moins en moins réguliers pour un femme faëlle. C'est donc d'abord sur des rapports physiques que la discrimination commença. Ensuite, le caractère de la jeune fille n'aidant pas, cela servit à justifier l'animosité à son égard. Awurama, d'une voix peinée, lui racontait comment les anciens percevaient en Harryo ce qu'ils appelaient une flamme sombre. Pour se protéger, elle s'était construite une armure d'agressivité qui effrayait même les adultes.
Lorsqu'elle fut adolescente, les problèmes atteignirent leur point culminant. Pour se venger des méchancetés dont elle était l'objet, elle créait des conflits, volait puis en accusait d'autres, empoisonnait des adolescents qui l'avaient blessée, ... Un jour, un enfant en mourut. C'était un accident. Pourtant, les parents de l'enfant, dévastés, demandèrent l'exil pour celle qu'ils nommaient déjà « l'étrangère ».
Laissant Awurama aux soins d'une de ses tantes, sa mère et Harryo partirent pour un long voyage. La mère et la fille traversèrent Gwendalavir. Dans les Marches du Nord, la mère confia Harryo à son père, lui expliquant la situation, et reparti en pays faël, déchirée.
Une fois de plus, la situation faillit empirer, mais Harryo tomba amoureuse d'un prince frontalier, irrémédiablement, et trouva dans l'amour que lui rendait le jeune homme la force de s'intégrer. Ainsi, malgré ses origines, Harryo devint une Frontalière à part entière.
Harryo la superbe, Harryo la guerrière, Harryo la douce et généreuse.
Puis la disparition, subite, violente. Awurama pensait sa demi-sœur morte, assassinée par les Mercenaires du Chaos au terme d'un conflit d'ordre politique.
Après son départ pour les Marches du Nord, Harryo n'était jamais revenue en pays faël, jamais elle n'avait pu revoir sa jeune soeur Awurama et, dans le regard peiné de la Faëlle à la superbe crinière auburn, Ellana contemplait la peine infinie de la perte d'un être cher.
- Et toi, Ellana, tu dis avoir aperçu ma Harryo, i peine quelques jours, en vie ?
La Marchombre, face au visage si plein d'espoir d'Awurama, hésita à répondre.
- C'est exact... Siam Til'Illan, la jeune soeur d'Edwin, l'a reconnue avec certitude.
Un mince sourire apparut sur le visage d'Awurama.
- Ma soeur n'est pas une mauvaise personne, elle n'a pas reçu assez d'amour, c'est tout. J'ai écouté ce que tu m'as raconté, Ellana, et je crains qu'elle ne se soit égarée, une fois de plus, sur la mauvaise voie.
- Et... Elle s'accroche à Edwin, car il est la première personne à lui avoir témoigné de l'amour...
La Faëlle acquiesça.
- Qui sait, peut-être n'accepte-t-elle pas qu'il t'aime, alors qu'elle-même est incapable d'en aimer un autre que lui.
Ellana sentit son cœur s'alourdir.
- Ne sois pas triste, mon amie, dit Awurama en posant sa main sur la sienne. Tu aimes cet homme, et il t'aime en retour. L'histoire de ma demi-sœur est triste, certes, mais elle doit comprendre que les gens changent. C'est ta vie, c'est ton amour, plus le sien.
La main de la Faëlle serra la sienne un peu plus fort.
- Je vois en toi une grande force, Ellana. Je sais que tu surmonteras cette épreuve. Et, je t'en prie, pardonne Harryo. Sa vie a été un enfer. Elle ne méritait pourtant pas de souffrir.
Ellana plongea son regard dans les iris de saphir d'Awurama. Tout bas, elle lui murmura :
- Merci, Awurama, je comprend maintenant Harryo, et je lui pardonne.
Quand elle quitta les Faëls, Ellana sentit quelque chose en elle se déchirer. Elle connaissait désormais tout le tumultueux passé d'Harryo Ombrall et ses découvertes avaient fait naître en elle une peine qu'elle n'aurait jamais soupçonnée.
Mais de nouvelles questions avaient également fait leur apparition. De quel côté était la Faëlle ? Avait-elle aussi été, comme Edwin, engloutie par la Porte du Chaos ? Dans ce cas, depuis quand ? Les Mercenaires du Chaos l'avaient pourchassée et, entre cet événement et son apparition, des jours auparavant et en compagnie d'Edwin, que lui était-il arrivé ? Et ces traces de combat dans les hautes herbes, que signifiaient-elles ?
Son nouvel objectif s'imposa à son esprit avec une évidence effrayante. Les pièces manquant à son enquête, elle ne pourrait les trouver qu'auprès des Mercenaires du Chaos. Grâce aux négociations en cours entre l'Empire et les Mercenaires, elle pourrait approcher leur forteresse et demander une entrevue. Mais elle devrait sans aucun doute faire face à Essindra. Et à Nillem.
Alors, qu'en pensez-vous ? Ai-je réussi à tenir mes promesses au niveau de la qualité ? :-)