Disclaimer : je les aurais un jour... Mais en attendant, ils sont à Masami Kurumada et Shiori Teshirogi. L'histoire est de moi, (mal)heureusement pour nos chers Spectres...
Merci à Camhyoga pour sa correction :)
NdA : cette fic est la suite de Mauvais Rhume, Cadeau de Noël et Micmac Airport, mieux vaut les lire en premier. Après avoir reçu de super commentaires me demandant s'il y aurait une suite aux (mes)aventures de Rune et Minos, la voilà enfin ! :D Dédicace à ma zumelle, ces deux-là sont tout à toi. ;)
Un mot à propos du titre : Ballade à la Lune est une comptine pour enfants et j'ai trouvé le titre très poétique et approprié à la situation... ^^ Enjoy !
1 – Une surprise de taille
Lorsque Rune se réveilla ce matin-là, il se sentait d'humeur pensive. En effet, cela ferait bientôt un an que Minos et lui étaient en couple, après leur désastreuse tentative de partir en vacances en Norvège. Ils y étaient finalement parvenus et ce voyage restait l'un de ses plus beaux souvenirs. Peut-être pourraient-ils prendre quelques jours rien qu'à eux pour l'occasion ? Avec un sourire, le Balrog décida d'en parler à son amant dès que celui-ci aurait quelques minutes de libre.
Car ils étaient tous débordés depuis qu'une délégation divine, menée par la déesse Aphrodite elle-même, avait décidé que les Enfers feraient une destination de vacances formidable. Et depuis près de deux semaines, tous les Spectres étaient réduits à l'état de larbin pour les divins squatteurs. Dès le jour où ils étaient arrivés, la bouche en cœur et s'extasiant du décor, Rune s'était courageusement cloîtré dans sa bibliothèque ou son bureau pour ne pas avoir à subir la voix aigüe d'Aphrodite et de ses suivantes. Deux semaines donc qu'il n'avait presque pas vu Minos –ou même l'un des autres Juges, harcelés par la déesse et ses dames pour leur tenir compagnie. De fait, rester enfermé était une solution tout à fait valable pour ne pas piquer une crise de jalousie devant tout le monde. Après tout, Kanon en avait profité pour rendre visite à son frère et Kagaho avait disparu on ne savait où pour fuir ces folles dévergondées.
Oui, des vacances seraient réellement les bienvenues.
Rune se leva avec un soupir, fit une toilette rapide et s'habilla avant de sortir de ses appartements avec discrétion. Il avait pris le parti de se lever à l'aurore pour ne croiser personne dans les couloirs, afin de rejoindre ses livres et ses papiers pour y faire un brin de rangement. Personne ne l'avait encore dérangé et il espérait bien que ça continuerait jusqu'à ce que la divine farce soit terminée et que tout ce petit monde reparte fissa sur l'Olympe.
Mais alors qu'il entrait dans la bibliothèque, une espèce de gazouillis misérable attira son attention. Le Balrog resta figé, espérant ne pas trouver un chaton. Celui d'Eaque et Kagaho suffisait largement à faire gagatiser tout le monde, lui inclus. Que ferait-il s'il devait s'occuper d'un animal aussi fragile ? Rune secoua la tête et tendit l'oreille, tandis que le pépiement recommençait. Intrigué malgré lui, il se mit à la recherche de l'origine de la gêne auditive qui s'était installée dans sa bibliothèque.
Il aperçut soudain quelque chose bouger sous une table. Le jeune homme se pencha et écarquilla les yeux d'horreur, avant de tomber littéralement par terre et de reculer avec effroi. Par Hadès et tous les Enfers, ce n'était pas possible.
Sous la table, les yeux à moitié clos, un bébé se mordillait le pied avec délectation.
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Rune s'était finalement relevé, mais n'avait toujours pas esquissé le moindre geste vers le bébé toujours par terre. Le Balrog prit une brusque inspiration et tendit la main vers le bambin, qui arrêta son exploration de ses doigts de pied pour le regarder. Le Norvégien eut un moment d'hésitation puis saisit le linge dans lequel l'enfant était enveloppé, pour le poser sur la table. Le marmot fit un petit cri ravi et secoua les bras, décontenançant totalement le Spectre. Dire qu'il avait été comme ça lui aussi…
Rune poussa un soupir résigné et s'installa sur une chaise sans quitter le bébé des yeux. Il fallait qu'il prévienne quelqu'un, n'importe qui. Refiler cette chose au premier venu, même. Quoique, il aurait des scrupules à le confier à Zélos… Mais s'en débarrasser, coûte que coûte. Et d'abord, demander conseil à Minos.
Un peu rasséréné d'avoir un but, le Balrog se releva et quitta la pièce, fermant soigneusement la porte derrière lui et priant que le bébé ne se mette pas à pleurer. Il ne manquerait que ça pour faire de sa journée la pire de toute son existence. Le Spectre se mit à courir dans les couloirs, faisant peu cas qu'on puisse l'apercevoir. Il avait d'autres priorités que ce qu'on pouvait penser de lui. Il s'élança ainsi jusqu'à la chambre de Minos, où il toqua comme un forcené. N'obtenant aucune réponse, il rejoignit celle d'Eaque, mais là non plus il n'y avait personne. Se doutant que Rhadamanthe serait aussi absent, il fila vers les appartements de Kagaho.
En effet, aussi surprenant que cela puisse paraître, les deux Spectres s'entendaient plutôt bien. Ils n'aimaient pas la foule, appréciaient le calme et aimaient un Juge des Enfers, ce qui n'était pas toujours très simple. Ils avaient fini par s'apprécier et de temps en temps on pouvait les voir compléter des dossiers ensemble. C'est pourquoi Rune n'hésita pas à se tourner vers lui, certain que l'Egyptien ne le renverrait pas comme un malpropre sans avoir au moins écouté ce qu'il avait à dire.
Et la chance lui sourit : Kagaho ouvrit la porte après avoir reconnu le cosmos de son collègue, dans un état de quasi panique comparé à son stoïcisme habituel. Rune se faufila dans les appartements du Bénou qui referma la porte derrière lui, avant de souffler :
« Je dois absolument trouver Minos. Tu sais où sont les Juges ?
-Ils ont été convoqués dans la salle de réception, répondit Kagaho en rejoignant le Norvégien. Ils ne ressortiront pas avant le déjeuner, à mon avis. Et encore, ils vont être pris d'assaut par nos chers invités… »
Rune ferma les yeux et se massa les temps, se sentant d'un seul coup très fatigué. Indécis, l'Egyptien marmonna :
« Tu vas bien ?
-Repose-moi la question plus tard, soupira le Balrog. Tu as eu un frère n'est-ce pas ? » demanda-t-il soudain.
Kagaho fronça les sourcils et acquiesça sans dire un mot. Il n'aimait pas parler de son frère cadet, même après tout ce temps. Mais si Rune abordait ce terrain, il devait avoir une bonne raison.
« Quand tu t'en es occupé, est-ce qu'il était déjà… grand ? tenta le Norvégien, soudain mal à l'aise.
-J'ai veillé sur lui à partir de sa naissance, marmonna le Bénou en croisant les bras sur sa poitrine.
-Tant mieux ! Je veux dire que tu as dû être un très bon grand frère, se reprit Rune en se traitant mentalement de tous les noms
-Dis-moi ce que tu veux Rune, soupira Kagaho. Je ne pense pas que changer les couches d'un bébé t'intéresse, alors pourquoi es-tu là ?
-Justement, parle m'en. »
L'Egyptien écarquilla les yeux, avant de demander :
« Tu es sûr que tout va bien ? Tu ne veux pas que j'aille chercher Minos ?
-Tu vas te faire incendier si tu les déranges.
-Peut-être mais ton état m'inquiète. Depuis quand tu veux savoir changer des couches ? Pourquoi tu ne regardes pas dans ta bibliothèque ?
-Je garde l'histoire de l'humanité, pas n'importe quels livres » fit Rune avec un air offusqué avant de s'interrompre.
Les livres. Le bébé. Dans la bibliothèque. Le Norvégien pâlit, se demandant quelles horreurs l'enfant pourrait faire subir aux ouvrages ancestraux. Il eut une vision d'hécatombe, imaginant le bébé baver allègrement sur le parchemin. Il poussa un gémissement et s'élança hors de l'appartement, tandis que Kagaho secouait la tête sans comprendre.
Le Balrog arriva dans la grande pièce en nage, priant toutes les divinités olympiennes –même Aphrodite- que ses livres soient intacts. Il crut que son cœur s'arrêtait lorsqu'il vit que le bambin avait tout bonnement disparu de la table.
« Oh non, oh non, répéta le Norvégien en sentant la panique le gagner. Bébé où es-tu ? Petit, petit… »
Se mettant à genoux pour regarder sous le mobilier, Rune avança à quatre pattes, espérant que personne n'ait l'idée de venir à la bibliothèque à ce moment précis. Il aperçut le linge qui enrubannait l'enfant et s'y dirigea, grommelant des paroles inintelligibles. Malheureusement, le bébé n'était pas dedans.
« Par Hadès, mais où est-ce qu'il est ? » siffla le Norvégien en regardant autour de lui.
Comme en réponse, le piaillement reprit. Le Balrog se redressa d'un coup, oubliant qu'il était sous une table à laquelle il s'assomma à moitié. Une main sur la tête et des jurons plein l'esprit, il suivit le bruit de ce qu'il considérait comme la pire chose qui lui soit jamais arrivée. Il découvrit le bambin installé sur sa chaise, un doigt dans la bouche.
« Toi, rugit Rune en attrapant le bébé. La prochaine fois que tu fais ça, je te donne à manger à Cerbère, compris ? »
Surpris par la colère du Balrog, l'enfant commença à hoqueter, sous les yeux affolés du Norvégien qui ne savait pas quoi faire.
« Non, pitié du calme, supplia-t-il. Ne pleure pas ! »
Peine perdue : un vagissement sonore éclata. Rune grimaça et ferma les yeux sous la douleur, recevant de plein fouet le cri du bébé. La porte s'ouvrit à cet instant précis. Le Balrog sentit qu'on lui retirait son paquet des mains et qu'on le secouait avec inquiétude.
« Rune ? Rune, regarde-moi ! »
Le jeune homme reconnut alors le cosmos de Minos et obtempéra avec soulagement. Son amant portait fermement l'enfant sous les fesses et l'avait plaqué contre lui tout en le berçant, tandis que de l'autre main il tenait le Balrog. Rune s'affala sur sa chaise et contempla le Griffon calmer le bébé.
« Comment tu as fais ça ? murmura-t-il lorsque plus un pleur ne se fit entendre.
-J'ai été père de famille autrefois, répondit le Juge en s'asseyant à son tour. Kagaho est venu me prévenir, j'ai bien fait de le suivre. Tu peux m'expliquer ce qu'un bébé fait dans la bibliothèque des Enfers ?
-Si je le savais… répliqua Rune amèrement. Je l'ai trouvé tout à l'heure, par terre.
-Par terre ? répéta Minos avec scepticisme. Comme ça, sans un mot, sans rien ?
-Juste ce tissu, compléta son second en tendant le linge. Rien d'autre à part de la bave. »
Le Griffon fronça les sourcils, intrigué, tout en berçant l'enfant qui finit par s'endormir contre lui. Finalement, il soupira :
« On ne peut rien faire pour le moment, et je dois retourner au conseil. Il va falloir que tu t'en occupes d'ici à ce que je revienne.
-Pardon ? se récria le Balrog. Par Hadès, je n'ai qu'une envie et c'est de le jeter par la fenêtre ! Je ne sais pas m'occuper des enfants, Minos, et l'expérience de tout à l'heure l'a démontré !
-Ce n'est que jusqu'au déjeuner, tenta son amant.
-C'est dans trois heures, Minos ! Trois heures ! Je ne tiendrais jamais !
-Il le faudra, rétorqua le Juge en se levant. C'est un ordre, Rune. Est-ce que tu comprends que cet enfant est vivant ?
-J'avais remarqué, merci.
-Un être vivant aux Enfers, Rune ! reprit Minos avec sévérité. C'est interdit. »
Le Balrog resta silencieux, saisissant les implications que sa découverte soulevait. Le Griffon continua, plus calmement :
« Quelqu'un a outrepassé la loi des Enfers en amenant cet enfant ici. Je dois mettre notre Seigneur au courant, puis il faudra que nous retrouvions le fautif. En attendant, quelqu'un doit s'en occuper et nous sommes les seuls au courant. Je préfèrerais que ça ne s'ébruite pas, en tout cas pas avant que notre Seigneur le sache. Tu comprends ?
-Evidemment, soupira Rune. Très bien, je vais essayer. Mais seulement jusqu'à ce midi ! prévint-il.
-Merci mon amour » chuchota Minos en déposant un baiser sur les lèvres de son compagnon.
Le Griffon décolla le bébé de sa chemise, à laquelle il était fermement accroché, et le tendit à son amant. Rune s'en saisit avec réticence et le cala tant bien que mal dans ses bras. Minos esquissa un sourire puis ajouta :
« Je ferais le plus vite possible. Bon courage. »
Il quitta la bibliothèque avant que son second n'ait pu dire quoi que ce soit. Rune poussa un soupir et regarda le bébé endormi, se préparant mentalement aux heures qui le séparaient du déjeuner. Elles lui parurent soudain très, très longues.