Résumé: Hiver: Voldemort règne en Angleterre. Printemps: opération "Grand Massacre". Été: Moldus et Sangs-de-bourbes sont parqués à Azkaban. Automne: début d'une sombre quête. Hiver: avènement du célèbre Drago Malefoy et capture d'une certaine Hermione Granger…

Parole de l'auteur: hello, me revoici avec une nouvelle histoire sans prétention, qui m'est venue à l'esprit lors d'une balade en forêt. Je pensais au début en faire un one-shot mais comme souvent, je me suis retrouvée dépassée par la taille de la bête. XD Toutefois je peux déjà vous assurer qu'il n'y aura pas plus d'une dizaine de chapitres et j'aime autant vous prévenir à l'avance qu'il y aura nettement moins d'actions que dans Cas de Peste. Voilà, j'espère que cela vous plaira.

_.•'°'•._.•'°'•._.•'°'•._

Quatre saisons

_.•'°'•._.•'°'•._.•'°'•._

Prologue : l'hiver

L'Épiphanie

Épuisée, Hermione ne sut où elle puisa la force de relever la tête. Bien qu'on fût au cœur de l'hiver, il n'était pas tombé une seule fois de la neige. Ce soir-là une pluie fine et glacée commençait à recouvrir silencieusement le parc de Poudlard. La jeune fille pouvait sentir les gouttes froides piquer sa peau, puis se mêler aux larmes qui sillonnaient ses joues avant de retomber dans la noirceur de la terre glacée

Une odeur âcre et répugnante agressait ses narines, une odeur de sang et de corps en décomposition que même le froid ne parvenait à réduire, ni le vent à dissiper. Machinalement, elle parcourut le paysage des yeux. L'aube approchant, une lueur blême commençait à ramper au loin dans le ciel encore sombre et lourd du poids des morts tombés cette nuit.
Il était impossible de ne pas distinguer les corps qui jonchaient le parc, les quelques misérables qui serpentaient ici et là, à la recherche d'éventuels proches parmi les cadavres, silhouettes hagardes comme des fantômes.

Fantomatique, la fille qui se tenait là, l'était presque davantage que les morts qui l'entouraient. Immobile depuis un bon moment, son regard avait cessé de revenir sur le corps à moitié calciné de Parvati Patil, celui ignoblement massacré de Ginny Weasley. Ses yeux avaient fini par ne plus s'attacher à Neville Londubat, mort sous ses yeux impuissants, pas plus qu'au professeur MacGonagall dont les hurlements de souffrances résonneraient encore longtemps dans ses oreilles. Enfin, elle put s'arracher à la contemplation de ses deux meilleurs amis, ses frères, son âme, qui étaient étendus l'un à côté de l'autre, les yeux clos et le teint blanc.

À présent, ils dormaient du sommeil éternel… comme toute une jeune génération fauchée à la fleur de l'âge.

Brusquement, des éclats de voix retentirent et Hermione aperçut au loin une dizaine de Mangemorts qui approchaient, tendant leurs doigts dans sa direction et paraissant se disputer entre eux. Intriguée, la Griffondor plissa les yeux, tentant d'apercevoir s'ils l'avaient reconnue, elle, dans un aussi triste état : échevelée, boueuse, les vêtements dégouttant et le visage maculé de sang. Soudain, ils coururent vers l'endroit où elle se trouvait, la baguette en avant et l'air férocement déterminé. Ils l'avaient donc bien reconnue et venaient pour la capturer.

En un éclair, Hermione comprit qu'elle ne leur échapperait pas.

Vite, très vite, elle s'activa, faisant la chose qu'il lui restait à faire désormais. D'un mouvement souple de la baguette, elle retourna d'un seul coup une motte de terre, laissant un trou grossièrement creusé. Ce n'était pas très profond, mais cela suffirait. Ensuite, sans traîner, elle fit basculer le corps de Ron, puis celui de Harry – sans oublier de les munir de leur baguette – dans la tombe sommaire qu'elle commença à recouvrir prestement. Relevant la tête, elle vit que ses ennemis se rapprochaient dangereusement. Mais il n'y avait pas encore assez de terre.

Elle accéléra donc la cadence, se contentant au final de recouvrir le strict nécessaire. Il en manquerait un peu… tant pis ! Elle se redressa et jeta sur l'endroit l'enchantement du gardien du secret afin que nul ne puisse jamais violer la pauvre sépulture des deux garçons.

Profitant des quelques secondes qu'il lui restait, elle masqua le tout en faisant rouler d'autres cadavres sur le cratère fraîchement formé. À peine eût-elle achevé sa pénible besogne qu'un sort l'atteignit en plein dos et elle s'écroula à son tour, vaincue mais soulagée.

Du fait de l'obscurité, aucun Mangemort n'avait pu voir toute cette agitation, ni en comprendre le sens. En outre, tous étaient bien trop fiers d'avoir mis la main sur Hermione Granger pour vérifier si le corps du Survivant était toujours présent. Pour l'heure, ils ne songeaient qu'à la grasse récompense qui les attendait.

Avec le soleil, un vent glacial s'était levé, chassant en même temps les ténèbres et la pluie. Mais bien que le ciel fût clair, on ne voyait ni roi mage, ni étoile. Dieu semblait avoir abandonné les hommes.

_.•'°'•._.•'°'•._.•'°'•._

La Chandeleur

Un an après la défaite des sorciers contre le Seigneur des Ténèbres, la société en Angleterre avait bien changé.

Tout d'abord, les moldus avait été mis au courant de l'existence du monde sorcier, puis le Grand Massacre commença : il fut ordonné de tuer tous les moldus du pays, depuis les plus augustes vieillards jusqu'aux enfants à la mamelle. Ce fut période horrible qui dura deux long mois, avant que les sorciers, agacés par leur trop grand nombre, décidèrent de les emprisonner plutôt que de transformer le pays en un dépotoir de cadavres. Ceux qui tentaient de s'échapper vers d'autres cieux plus cléments étaient vite rattrapés et impitoyablement taillés en pièces. Il y en avait cependant toujours quelques uns plus malins que d'autres, qui réussissaient tout de même à passer entre les mailles du filet.

Et c'étaient ces gens-là qui représentaient le véritable danger.

Car Voldemort, dans sa folie et sa haine des moldus, ne pouvait comprendre qu'en agissant de cette façon, il œuvrait lui-même pour sa propre perte et celle du monde sorcier. Les personnes suffisamment nombreuses qui parvenaient à se sauver, une fois arrivées en terre d'asile, se mettaient alors à parler, à raconter ce qu'ils avaient vu, révélant à d'autres moldus l'existence du monde sorcier.

Une nouvelle guerre, plus sombre et plus cruelle commençait à sourdre parmi les populations terrifiées.

Mais pour l'heure, on en était encore loin et Voldemort ne souciait absolument pas de la poignée de rescapés qui pouvait causer tant de ravages. Non, le Seigneur des Ténèbres avait présentement un autre problème qui lui tenait à cœur. Installé sur le trône dans ce qui avait été la salle de banquet du palais de Whitehall, une ancienne demeure royale, profondément transformée elle aussi, l'homme fulminait. Pire, il écumait de rage, d'autant plus forte qu'il s'efforçait de se contenir en public.

Devant lui, la masse des Mangemort était pour ainsi dire, quasiment ratatinée sur elle-même, sentant parfaitement, malgré son air savamment placide, que leur maître bouillait de l'intérieur. La raison de cette fureur noir se trouvait tout devant, à quelques pas de l'estrade.

Trois Mangemort agenouillés qui transpiraient littéralement de peur.

« Donc, reprit Voldemort après que les trois pauvres êtres eussent fini leur rapport, vous me dîtes que vous avez eu beau remuer ciel et terre, fouiller dans chaque masure de ce pays, retourner le moindre caillou sur votre chemin, le corps du garçon demeure introuvable.

Personne ne se fia à sa voix apparemment neutre. Tous savaient qu'il ni s'agissait que du calme avant l'apocalypse… qui ne tarda pas à détoner.

-Endoloris !

Les trois pauvres créatures se tordirent sur le sol en hurlant de tous leurs poumons. Sans leur prêter davantage d'attention, le Lord poursuivit :

-Bien, je pense que vous avez bien compris ma réponse à vos excuses pitoyables et votre incompétence notoire. Maintenant que la réunion est terminée, sortez tous et retournez à vos occupations. Allez ! Tout le monde sauf toi, Severus, j'ai à te parler en particulier. »

Prestement, les moutons s'exécutèrent. Seul l'ex-professeur des potions resta, vaguement inquiet de ce qui l'attendait en voyant que son maître ne décolérait pas. Il décida d'adopter le parti le plus sage dans ces cas-là : il baissa la tête et resta parfaitement immobile et silencieux comme une bûche. Une fois qu'ils furent seuls, le Seigneur des Ténèbres s'approcha de son serviteur. Arrivé tout près de lui, il le questionna de tout go :

« À ton avis Severus, où peut-il se trouver ?

-Et bien, commença l'autre prudemment. Potter est tombé à Poudlard. Au moment où cela s'est produit, il y avait des milliers de témoins encore debout, personne ne l'a vu se relever, et on n'a vu personne transporter son corps. Donc à mon sens c'est à Poudlard qu'il faut chercher.

-J'ai démoli ce château pouce par pouce Severus, et rien n'a été trouvé.

-Et dans le parc ?

-Idem. Nous avons creusé et retourné la terre, de quoi enterrer au moins dix géants, en vain.

Le maîtres ès potions tenta de le raisonner :

-Mais au fond, Potter est mort de votre baguette. Tout le monde l'a vu s'écrouler à côté de son ami le rouquin. Alors qu'est-ce que ça change qu'on possède le corps ou pas ?

Son maître lui jeta un regard méprisant avant de cracher d'un ton rageur :

-Mais ça change tout Severus ! Cela change tout le sens de ma victoire. Car tant qu'on ne détient pas son cadavre, rien ne prouve qu'il est vraiment mort. Car bien que cela me coûte de l'admettre, Harry Potter, ce n'était pas un simple ennemi dressé contre moi depuis sa naissance, c'est un symbole, un symbole d'autant plus puissant qu'on ne sait absolument pas ce qu'il est devenu à la suite de la bataille finale.

Severus ne trouva rien à répondre à cela et Voldemort se mit à faire les cent pas tout en continuant :

-Tant que le corps du garçon n'aura pas été ramené, mon pouvoir ne sera qu'illusoire. Tant que le peuple sorcier n'aura pas vu en personne la dépouille du Survivant vaincu, il y aura toujours une résistance menée contre moi. C'est ainsi, il nous faut son cadavre.

-Mais il y a un autre problème Seigneur, contra prudemment le serviteur.

-Merci Severus mais je ne suis pas stupide : je sais très bien qu'au bout d'un an il ne doit rester plus grand-chose de son corps.

Ce dernier n'osa pas acquiescer, d'ailleurs Voldemort se chargea de répondre à sa place à ce problème :

-Qu'à cela ne tienne, il existe d'excellents sorts de traçage qui permette de retrouver les radiations de magie emprisonnées sous terre, laissées par des sorciers parfois morts il y a plus cent ans. Pour le reste, nous reconstituerons une effigie avec ce qu'on trouvera.

Rogue hocha la tête. Puis il réfléchit et demanda :

-A-t-on interrogé le personnes proches de Potter au moment de sa mort. Eux devraient le savoir.

-Ce serait une bonne idée en effet, si les personnes en questions n'étaient pas toutes mortes et enterrées depuis longtemps, ironisa le Lord.

-Non pas toutes, objecta alors doucement le serviteur. Elles ne sont pas toutes mortes. »

Voldemort lui jeta aussitôt un regard où se mêlaient la surprise et l'intérêt.

_.•'°'•._.•'°'•._.•'°'•._

S'il y avait bien quelque chose qui n'avait pas changé dans le monde sorcier, c'était la prison d'Azkaban. L'imposante masse siégeait toujours sur son îlot sempiternel, îlot qui n'était ni plus ni moins qu'un méchant bout de caillou planté au large dans l'océan et battu constamment par les vents. En hiver, le soleil se faisait rare dans ces contrées inhospitalières, pluvieuses et désolées.

En fait, la seule chose qui avait changé dans ces murs, c'étaient les prisonniers.

Autrefois, les cellules étaient remplies de Mangemort et de quelques délinquants. Aujourd'hui, elles étaient pleines à craquer de moldus, de résistants et de Sang-de-bourbe. Les Sang-mêlés, eux, avaient pu conserver un statut plus que précaire au sein du monde sorcier. Il y avait là de tout : des hommes, des femmes et même des enfants des familles entières, éclatées parfois en ayant été réparties indifféremment dans plusieurs geôles séparées.

Il allait sans dire que les Détraqueurs étaient plus que ravis de cette situation, n'ayant jamais autant prospéré de toute leur existence.

Mais pour les moldus, que rien n'avait préparés à supporter un jour une telle infamie, ce fut une épreuve particulièrement horrible pour eux. Beaucoup étaient devenus fous en à peine quelques jours et pour les autres, le spectacle d'un des leurs qui se tordait sur le sol en tenant sa tête les mains, en hurlant, pleurant et suppliant ses invisibles bourreaux, était atroce à soutenir.

Il y en eut même qui se suicidèrent, dans les larmes et dans le sang.

Heureusement, grâce à la présence de quelques sorciers dans les cellules, tout le monde finit par comprendre le « fonctionnement » des Détraqueurs et dès lors, il devint plus facile de résister à l'infâme pouvoir de ces créatures démoniaques. Une forme de résistance s'installa, mais c'était un combat inégal, se soldant trop souvent par de cruels échecs.

Jusqu'à ce qu'un miracle se produit.

Cela arriva complètement par hasard. Une petite fille, à laquelle personne ne prêtait attention, avait été retrouvée au fond de son cachot, morte de faiblesse, mais serrant dans son petit poing un chapelet de perles nacrées au bout duquel pendait une petite croix en argent : un chapelet de prière. Ironie du sort, ce fut un prêtre qui la retrouva. Et ce qui le marqua le plus, ce ne fut pas tant l'effroyable maigreur de la petite prisonnière, mais l'expression de paix et de sérénité qu'on lisait sur son visage. Des sentiments que plus personne n'avait éprouvés depuis longtemps.

Ce fut l'élément déclencheur.

Rapidement, la nouvelle circula et il s'organisa bientôt des petits groupes de prières dans chaque geôle. On ne regardait pas, ou à peine les convictions des autres. Ce qui ressortait, c'était que la ferveur et la concentration étaient des armes redoutablement efficaces contre la tyrannie des Détraqueurs. Peu importait le dieu auquel on croyait et au fond à quelques mots près, c'était quasiment les mêmes croyance, les mêmes messages et les mêmes prières.
Ceux qui n'étaient pas croyants méditaient ou bien entamaient des débats philosophiques auxquels se joignaient souvent volontiers les fidèles. Quant aux enfants, on les invitait vivement à prendre part, à donner leurs avis ou à lancer entre eux leurs propres débats.

Et comme ces exercices spirituels n'étaient pas des souvenirs agréables à proprement parler, les Détraqueurs ne pouvaient les leur voler.

Ainsi la vie poursuivit-elle son cours, jusqu'au jour de la Chandeleur.

Par chance, beaucoup avaient conservé leur montre au poignet, ce qui leur permettaient de ne pas trop perdre la notion du temps. Ce jour-là, installé au fond de sa cellule, David expliquait à Simon, son fils âgé de huit ans, la signification de cette fête chez les chrétiens et les païens :

« Autrefois, avant que les missionnaires n'arrivent en Europe pour convertir les peuples au christianisme, il existait une fête qu'on appelait la Chandeleur ou la fête des lumières.

-C'est quoi cette fête ? Gazouilla la voix du petit garçon.

-Et bien traditionnellement, à minuit, les gens allumaient des chandelles pour éclairer toute la maison et préparaient des crêpes. C'était un rituel de purification.

-J'aimerais bien manger des crêpes, soupira-t-il en posant sa tête contre les genoux de son père.

L'homme sentit alors une pointe de tristesse l'envahir à l'écoute de ce vœu si simple et en même temps irréalisable. Tout cela à cause la folie de quelques hommes. Vaillamment, il poursuivit tout de même :

-Mais après chez les chrétiens, les prêtre ont substitué à cette fête une autre cérémonie religieuse.

-Quelle cérémonie ?

-La présentation de Jésus au temple de Jérusalem.

-Et chez les Juifs ? Demanda le petit garçon avec candeur.

-Ah ça, je ne sais pas, avoua son père avec un léger sourire. Mais pourquoi n'irais-tu pas demander à Naomi qui se trouve là-bas ? Je suis sûr qu'elle doit le savoir. »

Ni une ni deux, le garçonnet bondit comme un farfadet et se dirigea vers son amie pour laquelle il avait un petit faible. Il l'aperçut aussitôt avec joie : elle se trouvait avec ses parents. Le père sourit mais, sentant les effets des Détraqueurs, toujours présents, s'infiltrer en lui, il inspira profondément, s'agenouilla, et se mit à prier pour l'âme de Judith, sa petite fille morte il y a un mois.

De son côté, le garçon s'était assis à côté de son amie qui lui sourit, visiblement ravie elle aussi de le voir. Si lui n'était pas spécialement avenant avec ses cheveux roux, sa peau blafarde et ses yeux verts protubérants, elle, était une adorable fillette de neuf ans plein de feu, petite et agile, aux cheveux noirs et aux yeux bleu foncé. Elle avait un sourire étincelant dévoilant des dents comme une rangée de petites perles. Incapable de maîtriser son rougissement, le garçon oublia ce qu'il voulait lui dire, et à la place balbutia :

« Euh… salut.

-Bonjour Simon, le salua gaiement Naomi. Tu voulais me demander quelque chose ?

-Et bien… »

Il ne put achever sa phrase.

BANG !

La porte s'ouvrit brutalement avec fracas, brisant d'un seul coup l'ambiance tranquille et bon enfant dans le cachot.

Tous les regards se dirigèrent vers le seuil où se tenait un homme qui inspira aussitôt la méfiance et la crainte : un Mangemort. Vêtu d'une robe ample, d'une cape et d'une cagoule noires, on ne pouvait ni distinguer son visage, ni le reconnaître. Toutefois les moldus avaient appris à redouter et même détester ces personnages qui leur avaient fait tant de mal.

Sans réfléchir, le petit Simon se rapprocha de sa compagne qui s'était mise à trembler, et se plaça devant elle dans une attitude protectrice. Il ne remarqua pas le regard étonné que lui jetèrent les parents de son amie, ni celui à la fois fier et inquiet que son père lui envoyait, ni enfin celui éperdu que lui adressait Naomi elle-même.

Mais l'homme ne s'intéressa nullement à eux. Son regard balaya l'ensemble de l'espace et un éclat de stupeur passa à devant ses yeux. La quantité de gens était positivement impressionnante.

Du fait de la chute brutale de la mortalité parmi les prisonniers, il y avait de moins en moins de place dans les cellules, au grand étonnement des Mangemort qui ne comprenaient pas ce phénomène.

Comment auraient-ils pu soupçonner une telle résistance à la fois intellectuelle et physique de la part de ces pauvres êtres décharnés et crasseux ? Comment pouvaient-ils également imaginer qu'un seul de ces moldus ayant atteint le pire état de la déchéance humaine, possédait désormais bien plus d'esprit et de sagesse que Voldemort et ses Mangemort réunis ?

Mais pour l'heure, le Mangemort présent n'était pas venu pour cela.

Sans se soucier des prisonniers autour de lui, l'inconnu s'avança, la baguette en avant, vers le fond de la pièce. Tout le monde s'écarta prudemment de lui comme d'un serpent venimeux et à la fin, il ne resta qu'une forme, assise contre les pierres.

Un personnage comme tous les autres, maigre et affublé de guenilles. Des cheveux emmêlés, démesurément longs, couverts de crasse, et sans doute grouillant de vermine, pendaient misérablement autour de son visage émacié.

Du fait qu'elle tenait la tête baissée, on ne pouvait distinguer ses traits mais on supposait que c'était une fille, à cause de certains gestes machinaux qu'elle avait parfois et qui n'avaient rien de masculin. Et puis tout le monde savait que les filles étaient plus résistantes que les garçons, or cela faisait un bon bout de temps que celle-là croupissait à Azkaban, murmurait-on dans les cellules avoisinantes. Qui était-elle ? Nul ne le savait, elle ne parlait pour ainsi dire jamais et demeurait éternellement perdue dans des songes inaccessibles qu'à elle-même. On avait fini par la croire muette.

Avec le temps, on avait fini par s'habituer à sa présence effacée et son silence de pierre.

C'est pourquoi ce fut avec un étonnement mêlé de scepticisme qu'ils virent le colosse s'approcher d'elle avec une certaine déférence comme s'il en avait peur.

Remarquant le changement d'atmosphère autour d'elle, la fille releva la tête et toisa sans crainte l'homme qui se trouvait en face d'elle. Elle en revanche n'était pas effrayée. Elle paraissait au contraire très calme et même légèrement hautaine, comme si la menace qui se trouvait juste sous son nez l'ennuyait.

Elle n'était sans doute pas humaine.

Pour la première fois depuis longtemps, elle ouvrit la bouche et parla d'une voix rocailleuse mais dont on ne pouvait ignorer la pointe railleuse qui perçait derrière :

« Et bien mon garçon, que veux-tu ? Que puis-je pour toi ?

Le Mangemort frémit, puis répliqua d'une voix agressive :

-C'est toi Hermione Granger ?

La prisonnière haussa un sourcil, puis répliqua avec un sourire étrange :

-Et si c'était moi ? »

Tous les regards étaient vissés sur eux, les prisonniers se sentaient avides d'en connaître un peu plus sur ce « spectre » qui avait hanté si longtemps leur cellule. Inconsciemment, ils avaient déjà compris que cette fille de si piteuse allure devait être un personnage-clé pour les Mangemort… si ce n'était pour le monde sorcier d'Angleterre.

« Est-ce que c'est toi, Hermione Granger ? Répéta le Mangemort d'un ton plus impatient.

-Qui est Hermione Granger ? Demanda-t-elle soudain. Si c'est la Sang-de-bourbe, la fausse sorcière, la traîtresse, la criminelle et la hors-la-loi, alors je ne suis pas Hermione Granger.

Désarçonné, le Mangemort s'emporta :

-C'est toi, hein ? Tu vas me le dire, sale petite Sang-de-bourbe ! Endoloris ! »

Alors, sous les yeux horrifiés des moldus, la jeune fille s'affala sur le sol et se mit à convulser. Plus effrayant encore, son teint cadavérique, tranchant sur ses lèvre écarlates dont on devinait qu'elle les mordait pour contenir ses cris. Rassasié, le bourreau fit cesser la torture et questionna d'une voix cruelle pour la troisième fois :

« Alors pauvre idiote, es-tu bien Hermione Granger ?

Celle-ci, avec un courage insoupçonné, trouva la force de se relever et de se dresser devant le Mangemort, droite comme un i. Puis d'une voix doucereuse, elle répondit :

-Tu l'as dit. »

Cette saillie non sans ressemblance avec un certain passage de la Bible, ne manqua de faire sursauter une poignée de moldus, et d'en faire sourire quelques autres. Pour une prétendue « muette », cette petite ne manquait pas de répartie. Ni de mordant semblait-il.

Mais la brute qui se tenait toujours là, n'avait pas assez de finesse, ni de culture pour comprendre ce trait. Aussi, se contenta-t-il d'ordonner d'un ton bourru :

« Très bien Sang-de-bourbe. Tu as parfaitement compris où était ta place. À présent suis-moi. »

À la surprise des miséreux, doublée d'une légère déception, la jeune fille obéit sans répliquer, sachant d'expérience que toute résistance était inutile dans ce genre de cas. Elle marcha lentement derrière son bourreau et sitôt qu'elle eût passé le seuil, la porte se referma aussi violemment qu'elle s'était ouverte et on ne la vit plus.

Des murmures commencèrent à bruisser parmi les adultes. Chacun commentait sa vision de l'événement et apportait une explication. Les hypothèses les plus farfelues sur l'identité de la jeune fille courraient d'un bout à l'autre de la cellule, allant de l'agent secret infiltré jusqu'à la criminelle d'état, en passant on ne sait trop comment par l'héritière cachée de Lord Voldemort.

Simon ne se posait pas toutes ces question, trop occupé à rassurer Naomi qui tremblait toujours et qui avait commencé à pleurer :

« N'aies pas peur. Ils sont partis maintenant.

Mais elle sanglotait toujours silencieusement, alors il lui répéta :

-Tu n'as pas à avoir peur, je te dis. Je te protégerai toujours. Je laisserai jamais personne te faire du mal, jura-t-il solennellement.

Surprise, elle releva la tête et leurs yeux se croisèrent l'espace d'un instant. À nouveau, le petit garçon rosit et détourna le regard le premier. Émue, Naomi chuchota :

-Tu es gentil. Merci.

Timidement, il lui sourit et elle le trouva adorable avec sa grâce de chaton maladroit, animé par la flamme de la détermination. D'une voix douce, elle reprit :

-Mais tu sais, c'est pas pour ça que je pleurais. J'ai bien peur, mais pas pour moi, avoua-t-elle tout bas.

-Alors pourquoi ? S'enquit-il.

-J'ai peur pour la princesse, répondit-elle en reniflant.

-La princesse ? Répéta-t-il sans comprendre.

-Mais oui, la princesse qu'ils ont enlevée, gémit-elle tout à coup. Qu'est-ce qu'ils vont lui faire ? »

Simon comprit enfin qu'elle parlait de la jeune fille qui venait de sortir derrière les Mangemort, et se sentit soudain angoissé lui aussi. Comme la plupart des enfants, il n'arrivait pas à comprendre pourquoi ces gens en noir leur voulait tant de mal. Et il frissonna de terreur en pensant à la pauvre princesse et à la peur qu'elle devait éprouver. À son tour, il faillit se mettre à pleurer, mais se retint bravement. « Je suis un garçon, pensa-t-il férocement naïf. Et les vrais garçons ne pleurent pas ! »

À la place, il préféra se rapprocher de son amie et lui murmura des mots d'enfant pour la consoler :

« Ne t'inquiète pas… elle s'en sortira. Les princesses s'en sortent toujours… Et lorsqu'elle sera sauvée, elle viendra nous délivrer des Mangemort et elle nous sortira du cachot. »

Cette nuit-là fut plus agitée que les autres, mais malgré l'excitation due aux événements du matin même, tous trouvèrent le sommeil. Pensive, Naomi contemplait machinalement les barreaux de la fenêtre qui s'ouvrait au ciel noir d'encre et que perçait furtivement un coin lumineux de la lune. L'éclat était si vif qu'on voyait très clair dehors.

Soudain, la petite fille se redressa, les yeux ronds comme des soucoupes. Vivement, elle secoua son compagnon à l'épaule tout en l'appelant :

« Simon ! Simon réveille-toi !

-Mmh ! Grommela-t-il à moitié ensommeillé.

-Allez, debout ! Insista-t-elle avec impatience. Viens voir, ça vaut vraiment le coup ! Allez. »

Comprenant qu'il n'y avait aucun espoir qu'elle le laisse en paix, il se leva en ronchonnant. La fillette le prit aussitôt par la main et l'entraîna vers le soupira qui était assez bas pour eux, heureusement. L'air surexcité, Naomi lui montra alors du doigt ce pourquoi elle l'avait réveillé si brusquement.

Cette nuit-là curieuse coïncidence, c'était la pleine lune. De là où ils étaient, ils pouvaient presque voir l'astre en entier. La nuit était claire et la mer étonnamment calme pour la saison, et ce fut grâce à cela que Simon put voir ce qui avait attirée son amie. Au début, il resta incrédule, se frottant les yeux, puis il s'agrippa des deux mains aux barreaux d'un geste irrépressible en comprenant bel et bien qu'il ne rêvait pas.

Dehors, il neigeait à gros flocons. La première neige de l'année.

Une fine pellicule blanche satinée, étincelant sous la lumière opaline du disque d'argent, recouvrait déjà la faible distance qui séparait les murs de la prison à la mer. Sous cette couverture parsemée d'éclats de diamants, les durs rochers de l'île nue, prenaient l'aspect moelleux de doux coussins de velours.

Et les yeux étonnés des enfants ne se lassaient pas de voir, d'admirer et de s'émerveiller devant un si merveilleux spectacle. Même la mer, d'habitude tellement violente et indomptable, devenait amicale. On ne voyait d'elle qu'une simple étendue paisible, se mirant parfois aux rayons de la lune ou bien aux clins d'œil des étoiles. Reflets blancs, furtifs, qui accentuaient la lumière nocturne, et qui achevait de rendre cette nuit aussi lumineuse que le jour.

Et pour la première fois depuis longtemps, ils se sentirent heureux, mais vraiment heureux, comme ils ne l'avaient plus été depuis longtemps. Regardant encore une fois la lune, Naomi eut même l'esprit de s'exclamer d'un ton espiègle, il lança :

« Oh ! Simon ! Regarde un peu la lune…

Curieuse et intriguée, son ami s'exécuta, puis demanda :

-Et bien quoi ? Qu'est-ce qu'elle a la lune ? Fit-il vaguement intrigué.

-Tu ne trouves pas qu'elle ressemble à une flamme de bougie ?

Le garçonnet pencha la tête d'un côté pour évaluer la comparaison, puis répliqua d'une voix assurée :

-Mais non, voyons ! Elle est toute ronde, ça ne peut pas être une bougie.

-Alors qu'est-ce que c'est d'après toi, puisque tu es si malin ? Jeta-t-elle un peu vexée.

Simon pencha de nouveau la tête de l'autre côté, puis il parut soudain illuminé par une révélation. Se redressant l'air triomphant, il s'exclama :

-Je sais ! Elle est ronde, blanche et elle a plein de cratères : c'est une crêpe à la menthe et à la chantilly ! »

La fillette éclata aussitôt de rire, suivie spontanément par son compagnon. Mais aucun d'eux ne se posa la question de savoir comment cela pouvait être possible, aucun ne s'interrogea sur l'absence des terribles effets des Détraqueurs, car aucun ne pouvait se douter des bouleversements qui les attendaient le lendemain.

_.•'°'•._.•'°'•._.•'°'•._

Carême

Le deuxième dimanche du mois de mars, dans la nouvelle rue qui avait remplacé les ruines fumantes du Chemin de Traverse, une jeune femme ravissante aux cheveux blond cendré et aux yeux noirs, drapée dans une élégante robe rouge sombre, marchait tranquillement droit devant elle sans trop regarder le désolant spectacle autour d'elle.

L'endroit autrefois joyeux, animé et bondé de monde comme une ruche bourdonnant d'activité, était désormais quasiment désert, sombre, et bordé de boutiques sinistres tenues par des sorciers peu accueillants. On n'avait reconstruit dans la hâte que le strict nécessaire pour ne pas se retrouver complètement démuni. Le résultat était une rangée de bâtiments à l'architecture médiocre, tous unis, gris et massifs comme des gardiens de prison.

Cependant, Deborah s'était depuis longtemps habituée à ce paysage déprimant, et ce avec d'autant moins de difficulté qu'elle le fréquentait rarement, préférant envoyer des esclaves accomplir le travail à sa place. Seulement là, il s'agissait d'une affaire assez spéciale et délicate, voilà pourquoi elle se trouvait obligée de se déplacer en personne.

Comme elle atteignait la boutique d'apothicaire, elle aperçut soudain son amie, Abigaël Nott qui, visiblement elle aussi, avait des courses à faire dans cette morne avenue. Elles se saluèrent de loin et se rapprochèrent, ravies de se revoir. Abigaël, une jeune femme dynamique à la chevelure roux foncé entama d'un ton joyeux :

« Ma chère Deborah, que je suis enchantée de vous voir.

-Moi de même, répondit l'autre avec un gracieux sourire. Comment vous portez-vous ?

-Bien merci, fit-elle d'une voix un peu fatiguée. Je me sens moins faible et me remets tout doucement de mes couches.

-Comment est le bébé ?

-En pleine forme. Je lui ai choisie une nourrice saine et forte : ce sera un costaud, un bon et un vrai petit sang pur.

-Oui j'imagine, sourit la jeune femme. Et sinon qu'aviez-vous à faire ici ?

-Oh ! Presque rien : quelques achats pour mon fils aîné, demain c'est son anniversaire alors pour ses quatre, nous lui offrirons sa première baguette.

-Excellent, applaudit Deborah.

-Et puis vous alors ?

-Oh, moi, soupira-t-elle l'air soudain las. J'ai… besoin d'une nouvelle mudain*.

Le visage précédemment enjoué de Abigaël se décomposa à l'entente de ses paroles. Atrocement gênée, elle ne put que murmurer :

-Ah…

-Oui, fit l'autre rapidement en évitant de la regarder. Je sais. C'est au moins la troisième fois ce mois-ci mais… vous le connaissez. Il les abîme plus vite qu'il n'a le temps d'en profiter pleinement.

-Ne pourrait-il s'en attacher à aucun ? Se hasarda timidement la jeune mère.

-Je ne sais pas ma chère, répondit Déborah en toute sincérité. Je l'ignore complètement. Bon, il faut que j'y aille. »

Et elle la salua brièvement avant de prendre congé, sous le regard compatissant de son amie. Si Deborah s'était sauvée aussi vite, c'était parce qu'elle ne voulait se retrouver obligée d'avouer que son mari était devenu tellement exigent pour les mudains qu'elle n'avait pas eu d'autre choix que de s'y rendre elle-même pour choisir. C'était déjà suffisamment humiliant comme cela.

Elle parcourut ainsi seule la longue allée avant d'arriver à la destination qu'elle cherchait : un petit magasin, dont le seul élément qui le distinguait de tous les autres était son enseigne :« Chez Barjow, vente, achat et échange de mudains ». Soupirant une dernière fois, Deborah prit son courage à deux mains et se résigna à pousser la porte de la miteuse petite boutique. Une cloche tinta à son arrivée, elle attendit au pas de l'entrée.

La salle dans laquelle elle venait de pénétrer était de taille moyenne, meublée seulement d'un comptoir et d'une table sur laquelle était posé quelque chose qui ressemblait vaguement à un catalogue, ainsi qu'une foule de prospectus en tous genres. Une plante à moitié fanée trônait misérablement au centre de la pièce aux murs nus et au sol en dalles de pierre.

Une voix onctueuse arracha soudain la jeune femme de sa contemplation :

« Mrs Malefoy. C'est un honneur. Comment allez-vous ?

-Bien merci, répondit celle-ci un peu sèchement, peu désireuse de s'attarder dans cet entrepôt misérable. Avez-vous reçu mon hibou ce matin ?

-Certainement, certainement, s'empressa d'acquiescer le petit vendeur à la panse rebondie. Et je viens justement de recevoir justement un colis il y a une heure. Un morceau de choix, qualité remarquable, sans parler de son parcours exceptionnel ! Je l'ai réservée spécialement à votre attention et je peux vous d'ores et déjà vous assurer que cela correspond exactement à vos critères.

-Puis-je voir cette pièce ?

Le ton qu'elle avait employé n'était pas celui d'une humble prière. Barjow s'en rendit compte. Embarrassé, il se plia en balbutiant :

-Euh… m-mais certainement. »

Il l'invita à le suivre, et ils s'engagèrent dans un petit couloir menant à une seconde salle de la taille d'un hangar, et remplie d'une multitude d'autres « mudains » auxquels Déborah n'accorda pas un regard. Le vendeur bedonnant l'entraîna au fond de la pièce et lui montra enfin un objet de grand volume, recouvert entièrement d'une nappe pourpre. D'un geste théâtral, l'homme ôta le tissus cramoisi qui s'envola comme une aile d'oiseau rouge avant de retomber sur le sol d'un bruit feutré.

Nerveusement, il ne retint pas Deborah quand celle-ci s'avança vers l'objet ainsi découvert l'observa avec le plus grand soin. Presque aussitôt après, un air dubitatif se peignit sur son visage et elle s'exclama, peu convaincue :

« Ça ? Mais vous vous moquez de moi ! Vous avez vu dans quel état elle est ? Il est hors de question que je paie le prix fort pour cette épave.

Barjow s'attendait à ces récriminations, aussi il sut quoi répondre :

-Oui bon, elle est un peu abîmée j'en conviens, mais avant de la condamner, laissez-moi au moins vous expliquer son histoire. Elle vient des mains même du Seigneur des Ténèbres. On raconte qu'elle fut même une des plus grande résistante parmi ses ennemis, qu'elle a subi des tortures inimaginables pour lui arracher un secret – dont je vous avoue ignorer la nature mais peu me chaut – ce qui importe, c'est qu'elle y a résisté, s'anima l'homme répugnant. Malgré tous les trésors d'imagination qu'ont développé les Mangemort les plus sadiques pour la faire parler, elle n'a pas cédé ! Vous vous rendez compte ?

-J'entends bien, le coupa la jeune femme. Mais ce que je vois là n'a plus grand chose d'héroïque ni de prestigieux. Personnellement, je ne vois qu'une pauvre carcasse en loques, plus morte que vive et sans doute abrutie irrémédiablement par toutes les vicissitudes qu'elle a dû endurer.

-Non, non, protesta le commerçant. Je vous l'assure, elle n'a rien perdu de sa combativité, je l'ai vu dans ses yeux dès le premier instant son arrivée au magasin, juste avant qu'elle ne sombre dans la léthargie. De plus, ses blessures ne sont pas mortelles, je pense pouvoir vous la remettre sur pieds d'ici soixante-dix jours.

-Soixante-dix jours ! S'étrangla soudain Deborah. Mais il me la faut absolument pour le mois prochain ! Vous êtes sûr que vous n'avez rien d'autre sinon ? Rien qui pourrait convenir à ce que je cherche ?

Le vendeur se dandina sur place nerveusement avant de répondre du bout des lèvres :

-Vous savez Mrs Malefoy, la beauté, la grâce et la jeunesse, vous trouverez toujours du mudain qui sera tout cela en même temps, quelque soit le magasin où vous vous adressez. Mais pour ce qui est des autres exigences que vous avez établies, c'est-à-dire la force, la vitalité et le courage… c'est beaucoup plus rare, surtout en ces temps peu propices pour leur existence. Ce que vous avez devant vous est un morceau unique que vous ne trouverez sans doute nulle part ailleurs.

-D'accord, d'accord, concéda-t-elle un peu troublée. Mais il y a dans cette pièce une quantité considérable de mudains. N'y en aurait-il vraiment aucune qui possède un minimum de force de caractère ?

-Ce sont des moldus, précisa l'homme d'un ton bas. Ils sont été retirés de Azkaban parce qu'ils devenaient apparemment trop nombreux là-bas, et ont été mis à la vente. Désormais, ils possèdent le même rang que les elfes de maisons ainsi ils pourront enfin servir à quelque chose ! Mais du fait de la nature de leur race et de leur vulnérabilité exacerbée à la magie, il n'y en a aucun qui tiendrait longtemps face… aux assauts normaux d'un sorcier, conclut-il légèrement embarrassé.

Ses arguments ébranlèrent Deborah Malefoy. Voyant qu'elle demeurait toujours indécise, le commerçant poussa à son avantage :

-Écoutez : si vous voulez, je peux faire venir les meilleurs médicomages pour la soigner et vous la rafistoler en deux mois. Seulement, cela vous coûtera plus cher bien sûr.

La dame lui jeta un regard noir qu'il préféra éviter en baissant humblement les yeux. Enfin, elle soupira, sortit une bourse remplie qu'elle lui tendit, avant de siffler à son intention :

-Très bien, prenez cela acompte. Bien entendu je ne saurai trop vous recommander de vous garder de la gaspiller. Débrouillez-vous comme vous l'entendez, peu importe la façon dont vous vous y emploierez, mais dans un mois, vous me la remettrez comme neuve, remplumée comme il faut, et sans aucune trace de son séjour entre les mains des Mangemorts.

-Un… un mois risque de faire un peu juste, même avec des soins intensifs, bredouilla l'homme. Il nous en faudrait au minimum un mois et demi, ou alors…

-Vous avez quarante jours ! » Décréta sèchement Deborah.

Puis sans rien ajouter d'autre, elle tourna les talons et sortit du magasin. Stressé, Barjow se tourna vers la victime qu'on venait tout juste de marchander comme du vulgaire mobilier. À ce moment, il poussa un énorme soupir. Il allait avoir du pain sur la planche…

Plus tard, le premier médicomage qui vint l'examiner, décréta qu'en raison de l'état de faiblesse extrême de la mudain, dû en grande partie au manque de nourriture, il allait falloir ne surtout pas lui faire manger de viande pendant un bon moment.

_.•'°'•._.•'°'•._.•'°'•._

Équinoxe de printemps :

Gris et noir.

Voilà quelles étaient les premières couleurs qui parvenait à l'œil mi-clos de la jeune fille blessée. Gris les murs austères qui l'entouraient. Grises les fenêtres qui ne rendaient presque pas de lumière. Noires les quelques ombres qu'elle voyait se mouvoir autour d'elle confusément.

Combien de temps était-elle restée dans l'inconscience ? Elle ne savait plus… Son esprit errant encore à mi-chemin entre la réalité et l'inconscience, elle sentait une vague agitation autour d'elle, des voix qui marmonnaient tout bas entre elles et dont elle ne comprenait pas le sens des paroles. Elle ne sentait même pas son propre corps, et donc ne pouvait sentir non plus tous les traitements qu'on lui appliquait. Étrange sensation ! C'était comme flotter entre deux monde, sans appartenir à aucun.
Les fantômes devaient sans doute ressentir la même chose : morts parmi les vivants, condamnés pour l'éternité à ne jamais trouver leur place ni chez les uns, ni chez les autres.

Elle ne savait plus comment elle s'était retrouvée là. À peine se souvenait-elle encore de sa propre identité, du monde qui l'environnait, et des importants événements qui avaient marqué – ou plutôt ruiné – sa vie : la guerre, la défaite, le Grand Massacre, et enfin sa capture.

Petit à petit, elle fit défiler sa vie devant ses yeux : ses souvenirs commençaient lentement à refaire surface.

Elle revit sa capture le jour où elle avait enterré ses amis, ensuite le moment où elle parvint miraculeusement à s'échapper, puis sa fuite sans fin vers l'inconnu les quelques mois qui suivirent, un peu troubles dans sa mémoire où, traquée pire qu'un loup-garou, elle avait vécu comme un animal sauvage, luttant férocement pour sa survie et courant droit devant elle sans jamais s'arrêter pour échapper à ses poursuivants sa seconde capture par des Traqueurs, qui heureusement ne l'avaient pas reconnue, et enfin la longue et morne période d'emprisonnement derrière les barreaux de la cellule d'Azkaban. Elle revit tout, jusqu'à une certaine confrontation…

Après cela, c'était un brouillard obscur qui lui tenait lieu de mémoire.

_.•'°'•._.•'°'•._.•'°'•._

Le soir même du vingt Mars, un des médicomages qui s'occupait de soigner le futur bien de Mrs Malefoy écrivit dans son carnet de bord : « 15 h 30, le vendredi 20 Mars 19… : sujet a repris conscience pendant : 47 secondes. En bonne voie de guérison. »

Ce fut le début de sa guérison qui devait marquer le tournant décisif de la vie de Hermione Granger.

_.•'°'•._.•'°'•._.•'°'•._

*mudain : contraction de mud, qui veut dire « boue » en anglais, et de putain. Mais ce terme peut désigner à la fois les hommes et les femmes.

Pourquoi j'écris une nouvelle fic qui rivalise de noirceur avec la première ? Euh… je crois que c'est à cause du morceau final Lac des Cygnes de Tchaïkovski que je suis en train d'écouter là, en ce moment alors que j'écris. Ajoutez à cela Black Swan que j'ai vu récemment et qui m'a vraiment marqué, et je pense que vous comprendrez mieux la raison de cette humeur morose qui règne dans ce premier chapitre.

Bon, je vous souhaite une bonne semaine. Bisous !