Disclaimer : Allez je le fais bien ce coup-ci. Les personnages sont à JKR. La fic elle-même est à Hannah-1888.
12. Décembre.
Jeudi 1er Décembre
11:00 — Salle des professeurs. Récréation matinale.
Cela fait maintenant trois jours que Granger a répondu à mon appel à l'aide peu judicieux concernant mon futur dans les engins à moteur. Je viens seulement de trouver la force d'ouvrir sa lettre.
Elle a fait exactement ce à quoi je m'attendais. Elle suggère que nous nous rencontrions pour discuter la manière dont je souhaite procéder pour obtenir mon permis. Il semblerait qu'elle n'ait rien remarqué... d'inhabituel concernant ma lettre... Mais pourquoi ai-je cette image persistante dans la tête de moi signant la lettre d'une manière...
Oh, c'est trop embarrassant ! Et elle est probablement trop polie pour attirer l'attention sur la chose. A moins qu'elle n'attende d'être face à face pour aborder le sujet ? Aargh !
Il me semble que je ferais mieux de l'ignorer. De prétendre que son hibou s'est perdu ou quelque chose de ce genre. J'ai creusé ma propre tombe, ceci dit, n'est-ce pas ? Je peux difficilement refuser maintenant alors que c'est moi qui ai initialement lancé le projet.
Ugh.
Oh bon sang :
Double Potions avec les première année.
Bah.
Dimanche 4 Décembre
11:00 — Bureau.
Nous y voilà ! Ai répondu pour dire que je me trouverais au Chaudron baveur samedi après-midi.
Suis visiblement un lâche, puisque je me suis donné une semaine pour me préparer à un désastre potentiel.
Oh Merlin.
Quel cauchemar. Pourquoi est-ce que je me fais subir de telles choses ? Weasley avait raison ; on pourrait croire que j'aurais appris ma leçon, depuis le temps.
Mardi 6 Décembre
23:20 — Donjons; légèrement éméché.
Cela ne fait qu'un mois à peine que j'enseigne à nouveau et, pourtant, il me semble que cela fait beaucoup plus longtemps. J'ai perdu l'habitude de voir les journées défiler si vite, il me semble.
Minerva avait raison. Je peux enseigner les Potions les yeux bandés. Je pourrais facilement retomber dans cette vieille routine, et cela résoudrait tous mes problèmes concernant ma situation professionnelle. Je suis sûr qu'Horace me céderait la place de bonne grâce si je décidais de rester de façon permanente.
Car Poudlard n'est définitivement plus l'endroit dont je me rappelle. Il semblerait qu'il y ait un vrai changement dans l'air. Je n'arrive pas vraiment à le situer ; je ne suis pas certain de son origine. Est-ce le produit d'une influence extérieure ? Est-ce le résultat de la mort de Voldemort ? Cela a-t-il à voir avec le fait que Minerva dirige l'école ? Serait-ce simplement cette nouvelle génération d'enfants ?
Ou cela a-t-il à voir avec moi ? Est-ce moi qui ai changé ?
Quelle idée terrifiante.
Je ne suis pas sûr qu'il y ait jamais eu un moment, auparavant, où je me sois présenté en classe avec rien d'autre à l'esprit que l'endroit où j'avais posé ma plume, ou ce qu'il y aurait pour le déjeuner dans la Grande Salle.
L'ironie que je puisse trouver un moment de répit dans cet endroit entre tous ne m'échappe pas. Et à dire vrai, j'ai le sentiment de m'être prouvé à moi-même que je pouvais revenir ici et, faute d'un meilleur mot, m'y plaire.
Ceci ne constitue évidemment pas une sorte d'épiphanie concernant mon appartenance éternelle à Poudlard, ou même la découverte d'un amour profond pour l'enseignement. Ce n'est pas cela du tout.
Seulement... je me souviens de comment j'étais durant ces... années Potter. La conclusion en est, je crois, que malgré ces derniers mois — et le sentiment constant d'être inutile et sans espoir dans de nombreux domaines — ma vie s'est améliorée. En comparaison avec ce qu'elle était autrefois, en tout cas.
Suis parfaitement prêt à accepter le fait que je serais toujours fondamentalement sans espoir. La vie m'a fait ainsi et il est sûrement trop tard pour changer maintenant. Mais peut-être n'est-ce pas grave. J'ai pris le temps de relire quelques passages de ce journal infernal, que je tiens depuis presque douze mois. Ce qui en ressort c'est que je suis disposé à faire un effort, bon sang de bonsoir !
J'ai fait un effort ! Quand, auparavant, m'avait-on vu faire cela ? J'ose dire que j'ai même cru en mes capacités. Certes, cette désillusion s'est vite effondrée avec pertes et fracas mais...
Au moins je me suis mis dans la position d'avoir des désillusions. C'est ce qu'il faut retenir, à mon avis.
Mon Dieu. Ce compte-rendu me paraît suspicieusement positif... J'ai dû attraper quelque chose...
Jeudi 8 Décembre
19:00 — Salle des professeurs.
Plus qu'un jour avant que je doive rencontrer Granger au Chaudron baveur. Je me sens un peu nauséeux rien que d'y penser.
Minerva a eu l'idée ridicule d'organiser une grande fête de Noël dans la Grande Salle une fois que la grande majorité des enfants seront rentrés chez eux. Qu'y a-t-il de mal à faire la fête aux Trois Balais ?
Cela nous suffisait bien durant les seize années où j'ai été professeur.
Merlin. Ai-je vraiment été professeur pendant seize ans ? Pas étonnant que je ne puisse pas me défaire de cette habitude...
Samedi 10 Décembre
21:00 — Salle des professeurs. Enervé à l'extrême.
Je ne suis pas certain de pouvoir dire si ce fut une bonne ou une mauvaise journée. J'ai des raisons de penser que les deux sont applicables. Si je devais vraiment choisir, cependant, je pencherais tout de même pour très mauvaise.
C'était le milieu de l'après-midi et j'étais assis dans la salle des professeurs, corrigeant des copies, essayant de me calmer l'esprit avant mon rendez-vous au Chaudron. C'était un moment de paix et de tranquilité. Filius lisait ; Pomona était également occuper à corriger des copies ; même Sibylle avait arrêté de parler toute seule...
Et soudain l'illusion se brisa. En mille morceaux.
Minerva entra dans la pièce, s'éclaircit la gorge et annonça, perplexe : 'Er, Severus ? Hermione Granger m'a demandé de vous dire d'oublier le Chaudron baveur, et que... elle vous attend dehors... avec la voiture...'
Je me figeai, incertain d'avoir correctement entendu. Dehors ? Elle était dehors ?
Je me forçai à bouger, rangeant mes copies et fermant mon encrier avec ostentation, déterminé à ignorer les regards qui suivaient chacun de mes mouvements.
'Bien,' dis-je froidement en me levant avant de me diriger vers la porte en prenant bien garde à ne regarder personne.
Ce n'est que lorsque je fus dans le couloir que je m'autorisai à réaliser l'ampleur de la situation.
A quoi jouait-elle en amenant la voiture ici ? Je n'étais pas prêt pour une leçon ! Je n'en voulais pas ! Ce n'était qu'une excuse ! Une excuse stupide et alcoolisée pour couvrir un tout autre motif !
Et j'avais en grande partie oublié ce que j'avais appris durant mes premières tentatives de conduite. Quelle sournoise petite je-sais-tout ; m'attirer dans une situation et faire brusquement volte-face lorsque je m'y attends le moins !
Je trouvai mon chemin jusqu'à la sortie, priant pour que le mauvais temps pour lequel cette partie du pays était célèbre serait au rendez-vous et que la cour serait, subséquemment, vidée des élèves.
Il faisait soleil.
Et Granger avait déjà attiré un groupe de curieux. Les événements jouent-ils jamais en ma faveur ?
Heureusement, quelques regards acérés de ma part suffirent à faire s'éparpiller les élèves.
'Désolée... J'espère que ça ne vous dérange pas que j'arrive sans prévenir,' dit-elle tandis que je fermais les grilles derrière moi.
Sagement, je ne dis rien.
Elle monta dans la voiture, prenant le siège du conducteur (merci mon Dieu), et je me glissai avec une appréhension certaine dan le siège du passager. Note pour moi-même : les robes de sorcier sont tout sauf pratiques lorsque l'on s'aventure à monter à l'intérieur d'une voiture — les miennes se prirent dans la portière. Deux fois.
'Je vais nous conduire à l'extérieur de Pré-au-Lard, dans un endroit un peu plus calme.'
Charmant.
Il était difficile de manquer les regards horrifiés que nous reçûmes durant la traversée de Pré-au-Lard. 'Félicitations, Granger, vous avez réussi la prouesse d'offenser tout un village à la fois.'
'Oops,' répondit-elle, l'air tout sauf désolée, d'après mon opinion.
Un rendez-vous. Un rendez-vous dans un pub ; c'est à cela que je m'étais préparé. Pas une balade en voiture dans la montagne. Cependant, il devint très vite évident que ma participation à la conversation n'était pas obligatoire, tant elle semblait parfaitement heureuse de bavarder sans interruption au sujet de la conduite. L'on m'apprit, d'un ton savant, que nous nous trouvions sur une "route de campagne à voie unique" où la limitation de vitesse était de quatre-vingt kilomètres par heure, ce que nous savions car "les panneaux sont là pour nous l'enseigner."
"Les panneaux sont très importants, car ils nous mettent en garde, nous conseillent, ou nous donnent des ordres..."
"J'utilise toujours mes rétroviseurs blah, blah, blah..."
Je hochai la tête à intervalles réguliers pour montrer que j'écoutais, mais j'étais à deux doigts de lui lancer un Silencio.
Je me demande si elle se rend compte qu'elle a manqué sa vocation ?
Heureusement, après un certain temps, elle rangea la voiture sur le bas-côté, achevant ainsi son discours.
'Est-ce que vous possédez un acte de naissance Moldu ?' demanda-t-elle allègrement, sortant une liasse de papiers.
'Oui...' Je doute fortement qu'il soit toujours en ma possession, cependant.
'Bien. Vous en aurez besoin pour remplir ce formulaire de demande de permis.'
Elle me tendit sa paperasse et je la pris, sachant que je ne la remplirais pas. Pas à moins d'être vraiment désespéré, en tout cas.
'Alors, y a-t-il une raison particulière pour laquelle vous avez décidé d'aller jusqu'au bout ?'
Ha. Je me demande quelle réaction elle aurait eu si je lui avais dit la vérité ? La terreur, peut-être ? Peut-être le sait-elle déjà ? Je n'arrive toujours pas à me souvenir ce que j'ai écrit dans cette lettre. A défaut de m'en rappeler, je préférai détourner par tous les moyens son attention de l'idée qu'elle ait pu en être la raison.
'C'est une compétence utile, n'est-ce pas ? Et... ah, c'était la seule chose que mon père aurait voulu m'avoir enseignée, mais il n'en a jamais eu l'occasion...'
'Oh, je vois.' Elle sourit avec gentillesse et hocha la tête.
Oh Seigneur. Si je n'étais pas déjà destiné aux feux de l'enfer, je suis à présent certain de m'y rendre tout droit.
'Eh bien, échangeons nos places dans ce cas.'
'Magnifique,' réussis-je à dire, avec seulement un léger malaise, pressentant que je m'engageais dans une direction où je ne souhaitais pas me trouver. Je sortis de la voiture avec une seule pensée tourbillonnant dans ma tête : pourquoi ne puis-je pas être une personne normale ?
Pourquoi ?
J'étais coincé derrière le volant d'une voiture, sans réelle envie de me trouver là, sans savoir exactement ce que je faisais, et tout cela parce que je... je cours après quelque chose de stupide.
En y repensant, je suis plutôt content d'avoir eu quelque chose de pratique sur laquelle me concentrer. Me concentrer sur l'idée de ne pas nous tuer tous les deux m'empêchait de perdre mon temps et mon énergie à me demander ce qu'elle pourrait faire ou penser. Ugh.
La voiture fit une embardée lorsque je la démarrai.
'Vous avez lâché l'embrayage un peu trop tôt,' déclara-t-elle très obligeamment.
Je sus à ce moment précis que cela n'allait jamais marcher. Qu'elle se mette dans la tête de me dire ce que je devais faire... ne pouvait que se terminer dans les larmes. J'étais résolu à ne pas lui donner de raisons supplémentaires de me corriger. Nous allions lentement, ce qui me paraissait très bien si l'on considère que la route était déserte et le resterait probablement.
Tout allait bien, jusqu'à ce qu'elle dise : 'On pourrait peut-être essayer d'aller un peu plus vite ? Ecoutez ce que la voiture essaye de vous dire.'
Je me mordis la langue ; fort.
Malheureusement, un bruit alarmant s'échappa de la voiture lorsque je changeai de vitesse.
'Non, non, c'est la cinquième, pas la troisième !'
Merlin ! Merlin !
Et ensuite, une fois cette crise évitée, elle n'a pas trouvé mieux que de se pencher et d'attraper le volant !
'Que —?'
'Il vaut mieux rester de notre côté de la route.'
C'est pourtant elle qui avait affirmé que c'était une foutue voie unique !
Cela ne fonctionnait pas. C'était presque pire que d'avoir mon père dans la voiture avec moi. Mais au moins pouvais-je passer mon irritation sur lui. Je n'imagine pas que Granger serait enchantée si je commençais à m'en prendre à elle. Je me demandais comment j'allais faire pour contenir ma contrariété lorsqu'elle réussit à l'annihiler en une seule innocente question.
'Allez-vous passer Noël à Poudlard ?' demanda-t-elle brusquement.
Je fus un peu pris de court par cette question venue de nulle part. 'Vous voulez dire, vais-je m'éterniser pour assister à ce déploiement nauséeux de gaieté et de frivolité ?' Certainement pas. Je déteste Noël... bleurgh…
'Eh bien, nous avons tous reçu une invitation de la part de Minerva pour assister à la fête qu'elle donne dans la Grande Salle...'
Oh Merlin. Je n'avais pas réalisé que Minerva avait invité des gens en dehors de Poudlard ! 'Er, je suppose que je serais obligé de me montrer...'
Quand suis-je devenu si pathétique ? Ou plus pathétique encore, devrais-je dire ; j'ai toujours montré une certaine faiblesse concernant les affaires de coeur, après tout.
'Si vous ne voulez pas venir...'
Je sentis qu'elle haussait les épaules, et je lui lançai un regard rapide. L'expression sur son visage me rappelait celle qu'elle arborait il y a plusieurs mois, à l'époque où elle semblait désapprouver tout ce que je faisais et disais.
'Personne ne va vous y forcer,' commenta-t-elle, très raide. 'Ralentissez un peu ; vous êtes à quatre-vingt quinze.'
Je suppose que je m'étais montré assez peu enthousiaste. Parfait. Je me suis présenté à elle comme un vieux ronchon.
Eh bien, puisque c'est fait...
'Ai-je l'air de quelqu'un qui aime faire la fête ?' Autant être honnête avec elle. Par ailleurs, il suffit de me regarder pour se rendre compte que je ne suis pas le gros fêtard type.
Elle parut me le concéder. 'Pas même lorsque ça implique des substances chimiques ?'
'Je peux effectivement, dans de telles conditions, me montrer légèrement plus... malléable, dirons-nous ?'
'Malléable ? J'ai du mal à imaginer que vous puissiez être malléable.'
Eh bien, c'était gentil de sa part de le dire, mais malheureusement, j'ai effectivement la capacité d'être particulièrement malléable et, parfois, l'alcool n'est même pas un facteur (ce n'est pas que j'en sois fier, au contraire).
Désireux d'abandonner toute discussion concernant ma potentielle flexibilité, je fouillais mon esprit, à la recherche d'un autre sujet de conversation, lorsque, à ma grande horreur, quelque chose apparut devant nous sur la route.
Nous dirons simplement que le freinage d'urgence n'a aucun secret pour moi.
Lorsque je réalisai que c'était le Patronus de Potter — cet exaspérant Patronus qui ne manquait pas d'engendrer des connotations pour le moins inconfortables — que je fixais à travers le pare-brise, je souhaitai lui avoir roulé dessus, m'être arrêté, et lui être repassé dessus en marche arrière pour faire bonne mesure.
La... chose s'approcha directement du côté de la voiture occupé par Granger, qui baissa la vitre. Mon sang me parut soudain si froid dans mes veines que j'entendis à peine la voix de Potter qui disait : 'Hermione ! Ron a eu un accident pendant un match de Quidditch, et il est gravement blessé ! Viens nous rejoindre à Ste Mangouste dès que tu peux !'
Elle couvrit sa bouche avec sa main, avant de se débattre avec la portière. 'Mon Dieu... Désolée, Severus, um, je vais devoir y aller... Ca ne vous dérange pas de devoir Transplaner pour rentrer ?'
A ce moment-là, je me suis contenté d'acquiescer, légèrement secoué. Maintenant que j'y pense, bien sûr que j'étais foutrement capable de Transplaner ! Pour qui me prend-elle ? Me croit-elle né de la dernière pluie ?
Je sortis de la voiture et elle lança un sort pour la faire rétrécir, la glissant dans sa poche, avant de lâcher un rapide 'Désolée' et de disparaître. Je me tins au milieu de la route, souhaitant avoir un mur de brique à disposition dans lequel je pourrais me cogner la tête encore et encore.
Cela fait un point pour Weasley, je suppose.
Je parie que l'enfoiré savait que Granger venait me voir aujourd'hui et qu'il s'est jeté de son balai à dessein.
Ce n'est pas une mauvais idée, en fait. Cela vaudrait le coup d'y laisser quelques os si elle arrivait en courant, inquiète, soucieuse, et prête à oublier toutes les horreurs passées simplement parce qu'elle a eu peur qu'il se tue.
C'est très rusé. Bien joué, Weasley ; foutrement bien joué.
Enfoiré.
Lundi 12 Décembre
10:23 — Potions.
J'ai lu le Prophète ce matin et ils affirment que l'état de Weasley est en fait loin d'être aussi sérieux que cela. Une mauvaise chute, avec pour résultat des os brisés et une commotion cérébrale — c'est tout.
Hmm...
Je parie qu'il en rajoute. Le salopard.
Mercredi 14 Décembre
23:20 — Lit.
J'ai beaucoup pensé à Granger (ma plume a fait un trou dans le parchemin tant ma main était réticente à écrire cette phrase !).
C'est bien ma chance : le premier sentiment de toute sorte que je développe pour quelqu'un, et il faut que ce quelqu'un ait l'âge d'être ma fille. Pire encore, qu'elle ait été mon élève.
Quelle poisse. Je pourrais lister d'autres complications encore — la liste serait longue — mais les deux que j'ai déjà mentionnées sont les principales. Pourquoi n'ai-je pas pu être attiré par Lucinda à la place ?
Pourquoi ? Parce que ç'aurait été foutrement trop simple et je suis incapable d'opter pour la facilité.
Je me montre complètement réaliste et pragmatique en disant que l'idée que mes sentiments pourraient être réciproque est simplement... risible. En fait, j'en ris d'avance.
L'ironie de la chose, bien sûr, est que j'avais décidé que je serais incapable de dépasser ma nature profonde suffisamment pour m'intéresser à quelqu'un. J'avais décidé que je ne serais jamais capable d'en révéler assez à mon sujet.
Mais il semblerait que je l'aie fait sans m'en rendre compte.
Quel imbécile.
Que faire ? Je devrais probablement m'éloigner d'elle, avant de me retrouver dans une situation encore plus précaire.
Et pourtant... Je n'arrive pas à croire que je puisse ne serais-je qu'envisager cette possibilité, parce que je sais qu'elle est condamnée à connaître un échec spectaculaire...
La possibilité étant de la poursuivre de mes assiduités.
Je ne connais rien à l'art de faire la cour aux femmes, aussi le résultat de cette entreprise ne ressemblera probablement en rien à une cour... Et comme je l'ai dit, l'idée que ce projet puisse être couronné de succès est risible. Mais pas, comme me le susurre une petite voix dans mon esprit, impossible.
Et qu'ai-je à y perdre de toute manière ?
Ma dignité ? Il y a longtemps que j'ai tiré un trait là-dessus ; un déshonneur de plus ne va pas me tuer. Ma fierté ? En voilà une bonne blague ; ma fierté est suffisamment mal en point pour ne pas se formaliser d'un coup de marteau de plus.
Conclusion, je n'ai rien à perdre. Et si cette entreprise est un échec spectaculaire — avec à la clé la plus cuisante des humiliations — je n'aurais qu'à émigrer dans un pays lointain. Ou à me lancer un Sortilège d'Amnésie.
Tout ceci est bien joli, évidemment. Mais lorsqu'il s'agira de passer de la théorie à la pratique, je sais que mon courage m'abandonnera probablement et que je renoncerais avant d'avoir eu la chance d'essayer. C'est mon manque de confiance en soi qui frappe à nouveau.
Donnez-moi la recette d'une obscure potion et je ne cillerais même pas.
Mais dès que cela devient personnel... Ugh.
La fête de Noël servira un test. Je ne trouverais pas de meilleure opportunité pour voir où je me situe.
Enfin... qu'est-ce qu'on parie que quelques os cassés l'ont déjà réconciliée avec Weasley ?
00:05
Peut-être devrais-je me jeter du haut d'un balai, ou sous une horde d'Hippogriffes, pour voir qui se trouvera à mon chevet ?
00:10
Il ne vaut mieux pas — je préfère éviter de me réveiller pour trouver la chambre vide.
Vendredi 16 Décembre
1:30
Pas moyen de dormir.
Humph.
Lundi 19 Décembre
Les cours sont pratiquement terminés, tout comme mon court retour à l'enseignement. J'ignore si Horace sera suffisamment en forme pour se remettre au travail en Janvier mais, bon, ce n'est pas mon problème.
Minerva m'a demandé si j'avais l'intention de rester pour la fête de vendredi et pour les festivités en général. Malgré le fait que j'avais déjà pris la décision de rester, il m'a fallu lui dire que non. Il m'a fallu lui dire que je préférais encore passer une semaine à Azkaban que de rester au château pour Noël, car une autre réponse aurait semblé suspecte venant de moi.
Je ne voudrais pas qu'elle s'inquiète.
C'était un jeu dangereux, car je comptais sur la prévisibilité de Minerva et la très forte chance qu'elle essaierait de me persuader de rester. Mais, durant un terrifiant instant, j'ai cru qu'elle allait se contenter d'accepter ma maussaderie et me laisser là, exemple parfait s'il en est de l'arroseur arrosé.
Heureusement, elle n'a pas tardé à se lancer dans une tirade sur mon "ingratitude et mon impolitesse insondable," ajoutant qu'elle souhaitait que pour une fois dans ma vie je me contente de "faire ce qu'on me dit," et que sinon, l'année suivante elle n'allait pas perdre son temps à s'occuper de moi et que je pourrais passer Noël à faire "ce que les autres vieux grincheux font pour se distraire."
Je n'en ai pas été offensé. C'est la même tirade qu'elle me sert chaque année.
"Oh, calmez-vous donc !" me suis-je exclamé. "Vous useriez la patience d'un saint ! Je viendrais à votre fête minable si cela vous fait taire !"
Ha!
Et maintenant elle va aller raconter à qui veut l'entendre à quel point je suis difficile à vivre et comment il lui a fallu crier pour me faire entendre raison.
Cela n'aurait pas pu mieux tourner, vraiment.
19:00
Je parie qu'après tout ça Granger ne se montrera même pas. Et si elle le fait, ce sera avec Weasley pendu à son bras comme un horrible parasite.
Ugh.
Mercredi 21 Décembre
03:30
Gah ! Pas moyen de dormir ! A nouveau !
Qu'est-ce qui cloche chez moi ?
Finalement, je préfère ne pas le savoir.
Vendredi 23 Décembre (Le Jour Tant Redouté)
20:30 — Salle des Professeurs. Essaye d'échapper à la fête dans la Grande Salle.
Eh bien, voilà. Je laisse officiellement tomber et rien ne pourra jamais me convaincre de changer d'avis. Ceci doit être l'un des très nombreux horribles jours de ma misérable vie.
Peut-être devrais-je convaincre Minerva de m'offrir un travail permanent ici. De cette façon, je pourrais vivre pour le reste de mes jours dans ce château sans jamais avoir besoin d'autre chose. Autant m'enterrer dans ces donjons jusqu'au jour où ils m'en sortiront dans un cercueil.
Quoi qu'il en soit, je me suis réfugié dans la salle des professeurs pour échapper aux rires et à la gaieté répugnante de la Grande Salle. Et surtout, pour noyer mes malheurs non négligeables. J'ai passé seulement deux heures en bas avant que tout ne bascule. Typique.
Je me doutais que cette soirée n'allait pas être formidable, mais elle s'est transformée en cauchemar dès l'instant où j'ai décidé de sortir prendre l'air. Et qui donc ai-je rencontré alors que je me tenais en haut des marches ? Granger. Elle se tenait à quelques mètres, plongée dans une discussion avec la femme de Potter, et toutes deux me tournaient le dos.
Rien de spécialement remarquable dans cette scène, si ce n'est que, après un moment, j'ai fini par réalisé qu'elles parlaient de moi.
'Je n'ai pas passé mon temps à l'observer,' sifflait Granger avec agacement.
'Si.'
'Tu te trompes. Je l'ai à peine remarqué, en fait.'
'Oh, tu parles !' s'exclama la femme de Potter. 'Est-ce que tu te souviens de la première chose que tu as dite en entrant dans la Grande Salle ce soir ?'
'Ce n'était rien ! Une simple observation !' contra Granger avec défi.
Naturellement, la nature de cette "simple observation" m'intrigua.
'Et si on parlait de la crise d'apoplexie que tu as faite quand McGonagall est venue demander notre aide pour trouver une "parfaite épouse pour Severus" !'
Je vais étrangler Minerva à mains nus. Quel besoin a cette femme de toujours interférer ?
Cependant, je suis prêt à penser que Ginerva se trompait, simplement parce que j'ai à peine aperçu Granger de toute la soirée. Visiblement, elle est venue, tout comme Weasley, mais cela m'a réchauffé le coeur de constater qu'ils n'étaient pas arrivés ensemble.. Ce qui ne m'a pas réchauffé le coeur, en revanche, c'est que ma tête n'était pas la seule qu'elle ait fait tourner lorsqu'elle est arrivée ainsi... vêtue. Si moi, un homme apparemment incapable de ressentir quoique ce soit (même seulement en pensée), j'ai pu la regarder et sentir mille et un adjectifs me venir à l'esprit, Dieu seul sait ce que les autres ont pu en penser.
Bah.
Elle a plaisanté et dansé avec de nombreuses personnes, mais pas une fois ne s'est-elle tournée dans ma direction. Ce qui est triste, c'est que je crois que j'aurais accepté de danser avec elle. Ce qui est vraiment triste, c'est que j'aurais probablement accepté de danser un foutu tango, ou une valse, ou une rumba, ou n'importe quelle danse. Et je ne sais même pas ce qu'est une rumba, mais j'aurais fait de mon mieux, si elle me l'avait demandé (j'exagère un peu, bien sûr, mais le sentiment est le même).
'Personnellement, je pense que tu as tes chances, tu sais,' continuait Ginevra, imperturbable. 'Est-ce que je t'ai dit que je l'ai surpris en train de bousculer Ron pendant la fête d'Al ? Cela en dit beaucoup, quand on y pense. Peut-être que tu pourrais avoir une ouverture, si c'est —'
Je ne peux pas dire que cela ne m'a pas choqué. Je n'étais pas le seul, d'ailleurs — Granger paraissait consternée.
'Gin ! Tu es obligée de parler comme ça ? Je ne veux pas d'ouverture avec le Professeur Snape ! Il est assez vieux pour être mon père !'
Je me suis à moitié étouffé.
Ils étaient là ; les mots que j'avais tant redoutés. Je ne peux pas dire que j'étais vraiment surpris de les entendre. Ce n'est pas comme si je n'y avais pas pensé, avec toute cette discussion au sujet de Potter et des figures du père. J'espérais juste qu'elle...
Oh Merlin.
Suis-je un parent de substitution pour deux enfants ?
Mais Granger a déjà un père, pas vrai ? Mon Dieu, faites que Granger ait un père...
Eh bien, au moins suis-je le seul à connaître mon humiliation. La femme de Potter m'a fait une faveur, dans le sens où je sais maintenant que je n'ai rien à gagner à poursuivre Granger de mes assiduités. Elle m'a sauvé de la possibilité de passer pour le plus pathétique des idiots. Il n'y a que moi qui saurais à quel point je suis stupide — combien je suis devenu le type d'homme que je suis prompt à mépriser : faible, pathétique et ridicule.
Qu'est-il arrivé au peu de bon sens qu'il me restait ?
Ugh ; peut-être Granger a-t-elle raison de voir en moi un vieux dinosaure lubrique. Elle a toujours été perspicace.
J'abandonne. Je lève les mains au ciel et j'abandonne.
21:30 — Donjons. Si seulement je pouvais être quelqu'un d'autre.
Oh Seigneur.
Oh Seigneur.
Qu'ai-je fait ? Qu'a-t-elle fait ?
En l'espace d'une heure, les choses se sont détériorées à une allure alarmante !
Pour reprendre là où j'ai laissé le compte-rendu précédent, il semblerait qu'une combinaison de déprime, d'alcool, de la tranquillité de la salle des professeurs et de mes récentes insomnies ait conspiré pour me précipiter dans le sommeil ! Et ainsi, après un laps de temps indéterminé, j'ai senti mes yeux s'ouvrir, pour retrouver ma tête posée sur mes bras, eux-mêmes posés sur la table. Et comme si cela ne suffisait pas, j'ai senti instinctivement que je n'étais plus seul dans la pièce.
Je me suis immédiatement assis, me raidissant intérieurement lorsque j'ai vu qui au juste était assis près de moi, à me regarder calmement. C'était elle ; Granger.
Cependant, avant que j'aie pu dire quoi que ce soit, mes yeux se sont posés sur la table et mon coeur s'est serré de terreur lorsque j'ai vu que j'avais laissé mon journal, ce journal, ouvert ! Il était ouvert à la dernière page sur laquelle j'avais écrite ! Ouvert pour être lu par quiconque passerait par là ! Ouvert tandis que j'oubliais des années passées à protéger des secrets en m'endormant dans un endroit public !
J'ai cru que j'allais avoir une crise cardiaque. La possibilité d'une infraction lorsque l'on tient un journal tel que celui-ci ne doit pas être ignorée, mais je n'aurais jamais cru déchoir un jour à ce point-là. L'idée que quiconque puisse lire ce que j'ai écrit... Je ne crois pas me montrer mélodramatique en disant que cela pourrait bien réussir à me tuer pour de bon.
J'ignore combien de temps je suis resté là à fixer le livre ouvert, le coeur battant de terreur. Je me suis forcé à regarder de son côté, et son expression exceptionnellement sérieuse ne me permettait que d'imaginer le pire scénario possible.
'Avez-vous... lu ceci ?' ai-je demandé d'une voix rauque, désignant mon journal du menton.
Comme j'ai redouté sa réponse ! Plus que cela, j'ai craint ce que je serais capable de faire si elle répondait par l'affirmative.
Elle remua. 'Non… Je—'
J'ai tendu la main pour récupérer mon journal, et l'ai fermé d'un mouvement brusque, l'agrippant si fermement que mes ongles se sont enfoncés dans la couverture.
'Dites-moi la vérité !' ai-je sifflé, le sang battant dans mes tempes.
Personne ne peut imaginer la douleur et l'embarras qui m'ont envahi lorsque je l'ai vu se pencher dans ce qui m'a semblé être un geste coupable, implorant.
'Ecoutez, je suis désolée, j'ai juste lu ce qui se trouvait à la page restée ouverte, mais —'
Je me levai d'un bond, une voix désincarnée hurlant sans fin dans ma tête 'Merde ! Merde ! Merde !'
Elle s'était permis de lire des informations strictement confidentielles !
Je me demandai ce que je pourrais bien faire pour me sortir de cette panade. Me croirait-elle si j'affirmais être soumis à un Imperium ? La victime d'un Sortilège de Confusion ? L'involontaire destinataire d'un Philtre d'Embrouille ? Pouvais-je lui dire que j'avais passé la journée à préparer des potions et que mon cerveau avait été temporairement embrouillé par des fumées nocives ?
Toutes ces excuses et beaucoup d'autres me traversèrent l'esprit, l'une après l'autre, mais je savais qu'elles étaient toutes futiles.
'Je vous jure que c'était juste la page qui était ouverte,' s'empressa-t-elle d'ajouter. 'C'était un accident, vraiment, je ne savais pas ce que c'était —'
'Un accident ?' crachai-je. Et pourquoi croyait-elle que ce n'était pas grave d'avoir vu seulement une page ? Cette page était une des pires de tout le foutu bouquin !
'Puis-je vous rappeler que ce n'est pas moi qui ai laissé ce livre ouvert, à la vue de tous ceux qui pourraient passer par là ?'
Oh, elle était sur la défensive, à présent. Oui ; tout était de ma faute. Que faisait-elle dans la salle des professeur, de toute façon. La dernière fois que j'avais vérifié, elle était juriste, pas professeur. Elle n'avait aucun droit de se promener dans le château comme elle l'entendait !
Je contemplais la possibilité de la soumettre à un léger Sortilège d'Amnésie lorsqu'elle m'a brusquement ordonné de "m'asseoir."
Comme si j'allais "m'asseoir" sur ses ordres après ce qu'elle venait de découvrir à mon sujet ! Je n'allais jamais plus être capable de la regarder dans les yeux !
A la place, je me suis dirigé vers la porte.
Elle s'est levée d'un bond en s'exclamant : 'Non ! Attendez ! Je veux vous dire quelque chose !'
'Eh bien, je n'ai aucune envie de l'entendre !'
'Vous n'êtes pas pathétique et ridicule,' déclara-t-elle tout bas.
Je marquai une pause, positivement ébahi par le fait qu'elle osait citer des bouts de mon journal contre moi ! Qui eût cru qu'elle serait aussi sans coeur ?
'Et je ne pense pas non plus que vous soyez un dinosaure, um... lubrique.'
Seigneur Dieu ! Espérait-elle qu'une dose suffisante d'embarras et d'humiliation finirait par m'achever ? J'ai ouvert la port, aveuglé par la honte et la confusion.
'Je n'ai pas non plus été complètement honnête avec Ginny tout à l'heure, quand vous nous avez surprises !'
Cela retint mon attention et j'hésitai. Elle profita de mon indécision pour me rattraper et refermer la porte. Elle ne me regarda que très brièvement avant de s'éloigner pour boire une gorgée d'un verre de vin qu'elle avait apparemment amené avec elle. J'étais jaloux de cette gorgée ; à ce moment là j'aurais pu avaler la bouteille entière... et plus.
'Je n'ai pas été complètement honnête avec Ginny,' répéta-t-elle avec sérieux, me regardant comme si elle s'apprêtait à prononcer une exécution. 'En fait, je me suis montrée injuste avec elle, parce que globalement elle avait... raison.'
Oh Merlin. C'était pire que ce que j'avais cru. Elle m'appréciait, mais elle avait trop honte pour l'avouer !
'J'étais un peu embarrassée, vous voyez...'
! ! ! !
Aargh! Voilà! Elle l'admettait !
'Oh, c'est parfait, Granger. Merci beaucoup. Pourquoi ne pas vous en aller, vous et votre honte, dans ce cas, hein ? Et je prendrais ce qui reste de mon égo éternellement en lambeaux et nous en resterons là !'
Son expression s'assombrit considérablement. 'Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire ! J'étais embarrassée parce que je me sentais ridicule ! Tout ne tourne pas autour de vous, vous savez. Je ne pourrais pas me sentir pathétique, pas vrai ? Oh non ; seuls les hommes imbus d'eux-mêmes avec leur précieux et fragile ego sont autorisés à douter d'eux !'
Eh bien, elle m'avait réduit au silence, n'est-ce pas ? Je commençais à penser que j'avais commis une terrible erreur de jugement. C'était la seconde fois que je la voyais se lancer dans une diatribe à l'égard des hommes.
'Votre misandrie devrait-elle m'inquiéter, Granger ?'
Un sourire penaud apparut sur son visage. 'Je ne déteste pas les hommes.'
'C'est bien imité,' marmonnai-je, revenant sur mes pas pour m'asseoir dans l'un des fauteuils. Je me rendais compte que les choses n'étaient pas exactement telles que je les imaginais ; je pouvais voir que mon embarras n'était peut-être pas si visible, et cette pensée me détendit légèrement.
J'étais toujours foutrement tendu, tout de même.
'Cela paraissait improbable... Comment étais-je sensée savoir que vous étiez... intéressé ?' demanda-t-elle brusquement.
J'eus un petit rire, ce qui était une erreur, car je vis du coin de l'oeil qu'elle se raidissait. Mais si même Weasley pouvait deviner ce qui se passait, Hermione "le Cerveau" Granger était bien capable de s'en rendre compte, non ? "Quand diable croyez-vous que je vais avoir besoin d'une voiture ?" avais-je envie de lui crier.
Les choses ne se passaient pas comme je l'avais imaginé. Et, bien sûr, j'avais secrètement imaginé comment les choses pourraient se résoudre, mais transcrire ces pensées en mots serait aller trop loin pour moi.
Je pense que tout cela me perturbait, vraiment. Je crois, en y repensant, que j'aurais peut-être préféré continuer à me sentir misérable, car au moins cette sensation m'était familière. Plus que cela, une petite voix dans ma tête me soufflait que tout ceci était ridicule.
Même elle ne semblait pas particulièrement ravie.
'Peut-être ferions-nous mieux d'oublier tout cela,' me surpris-je à dire.
'Pourquoi ?'
'Je suis assez vieux pour être votre père, l'avez-vous oublié ?' Oublié ses propres conclusions !
Elle ferma les yeux, mais ne put répondre car, à ce moment-là, la porte s'ouvrit sur Pomona, qui se raidit en nous voyant.
'Oh, pardon,' dit-elle. Je venais seulement chercher mon —'
'Ne vous excusez pas. Je partais.'
Et aussi vite que je l'avais dit, je me levai et partis. Aargh ! Je suis un imbécile ! Je retournai aux donjons comme si rien ne s'était passé. Lorsque j'atteignis mes quartiers, cependant, je tombai en morceaux.
Enfin, pas exactement. Ce qui s'est vraiment passé c'est que je me suis effondré sur une chaise et ai invoqué mon whisky Pur Feu. Je sais que la situation est désespérée lorsque je ne prends même pas la peine d'utiliser un verre.
J'ai arrêté de boire avant d'être irrémédiablement soûl, car je voulais écrire ceci. Je voulais qu'il soit écrit que je me suis volontairement transformé en martyr. J'ai scié la branche sur laquelle j'étais assis.
Pourquoi est-ce que je fais cela ?
Je suis masochiste. Je dois l'être.
Pour l'amour du Ciel, elle m'a pratiquement dit qu'elle a... des sentiments pour moi. N'est-ce pas ce que je voulais ?
Non. Je crois que j'appréciais presque l'idée d'avoir des sentiments non-partagés pour elle. J'aimais me croire pathétique et sans espoir. Toute autre possibilité me précipiterait en territoire inconnu. Toute autre possibilité ne ferait que me rappeler que je ne sais même pas qui je suis — que je ne sais pas comment les autres me perçoivent.
Et c'est cela qui me rend insuffisant, plutôt que de voir les autres échouer à me connaître je me persuade que c'est moi qui ai échoué. Je me suis haï pendant si longtemps que je ne peux faire autrement que chercher partout des preuves que j'ai eu raison.
Que fait-elle maintenant ? Elle n'a probablement plus rien à faire de moi. Elle pense sûrement, 'Qu'il aille au diable ; je mérite mieux que cette loque humaine !'
Et elle aurait raison.
Peut-être aura-t-elle une révélation lorsqu'elle retournera dans la Grande Salle et verra Weasley...
Oh Merlin. Peut-être se jettera-t-elle dans ses bras pour oublier que je l'ai abandonnée comme une vieille chaussette ? Je sais que Weasley n'aurait pas besoin d'être persuadé.
Cela ne peut pas arriver. Elle me plaît. C'est un fait. Je ne veux pas qu'elle retourne vers Weasley, ou vers qui que ce soit d'autre en fait. Cela aussi, est un fait.
Qu'est-il arrivé à ma confiance en soi ? Je suis sûr qu'il m'en reste un peu quelque part...
Avoir peur mais y aller quand même ! N'est-ce pas ce que ces livres de développement personnel enseignent ? J'en suis capable. Je l'ai déjà fait de nombreuses fois dans le passé. Ce n'est qu'Hermione Granger. Elle pourrait bien avoir lu mon journal en entier, et je suis encore debout !
Moi, Severus Tobias Snape, vais me tenir devant le miroir et affirmer sans faiblir que j'aime qui je suis.
…
Non. Je ne peux pas. Je ne peux pas le dire. Oh tant pis, je ne peux rien y faire pour l'instant. Il va me falloir chercher ailleurs pour augmenter ma confiance en moi.
Et personne n'est mieux placé pour ce travail que ce vieux Ogden, d'après moi.
Si je ne retourne pas là-bas pour l'arracher de Weasley et lui dire que, même si je suis un imbécile, j'aimerais qu'elle me donne une chance, je le regretterais pour le reste de ma misérable vie. Une chance est tout ce que je demanderais ; cela me semble raisonnable.
J'y vais.
Attendez... Le doute m'assaille déjà...
Non. J'irais.
00:40 — Donjons.
Aussi y suis-je allé.
La fête battait toujours son plein lorsque je suis revenu dans la Grande Salle. Je parcourus la pièce du regard, cherchant la masse de cheveux roux de Weasley et, par extension, la crinière broussailleuse de Granger. Ma main tenait fermement ma baguette, j'étais ainsi parfaitement prêt à me lancer dans un duel, au cas où Weasley désirerait en venir à une telle extrémité. Une partie de moi espérait que ce serait le cas ; il y a des siècles que j'ai eu l'occasion de faire un vrai duel.
Sauf que... je repérai Weasley et elle ne se trouvait pas avec lui. En fait, je ne la voyais nulle part. Bon sang.
Ma première pensée fut qu'elle était rentrée chez elle.
Cependant, il semblerait que ma chance commençait à tourner légèrement. Weasley, réalisai-je, clopinait avec ses béquilles en direction de sa soeur, lui demandant d'une voix forte, 'Dis, Gin ! C'est Hermione que je viens de voir partir ? Elle avait l'air fâchée.'
Je m'approchai aussi près de Ginevra que possible, afin d'écouter aux portes.
'Elle a juste dit qu'elle voulait rester seule pendant un moment.'
Weasley fronça les sourcils. 'Mais où est-ce qu'elle est allée ?'
'Elle est toujours quelque part dans le château. Je crois, euh... Tu te souviens de l'endroit où elle allait pour lire quand on était encore à l'école ? Essaye là-bas.'
Weasley hocha la tête. 'Ah oui, je me souviens.'
On aurait dit qu'ils savaient que j'écoutais, parce que, honnêtement, auraient-ils pu être encore plus vagues ? C'était frustrant, surtout que j'aurais facilement pu atteindre l'endroit où elle se cachait bien avant Weasley, qui jouait les héros de guerre blessés.
Ce n'était pas dans les cartes. A la place, il me faudrait user de toute mon habileté à passer inaperçu pour suivre Weasley jusqu'à une destination inconnue.
Aussi est-ce ce que j'ai fait.
Les couloirs étaient faiblement éclairés et il était assez facile pour moi de rester dans l'ombre en suivant l'imbécile qui marchait devant moi. Le bruit de ses béquilles l'empêchait de m'entendre. Mais Merlin, qu'il marchait lentement. J'abandonnai presque lorsqu'il entreprit d'escalader le Grand escalier, craignant que nous n'atteignions pas Granger avant Noël prochain. Heureusement, il ne monta qu'au premier étage, et je continuai donc à le suivre.
Lorsque nous atteignîmes le couloir de métamorphoses, je crus deviner l'endroit où nous nous rendions. Surtout lorsque Weasley, qui me précédait, ajusta ses béquilles et continua à marcher avec une vigueur visiblement renouvelée (et seulement un léger halètement).
Il se dirigeait forcément vers la cour de métamorphoses. Il n'en était qu'à quelques pas lorsque je sortis ma baguette et... eh bien, lui lançai un Petrificus Totalus.
Son corps émit un léger bruit en touchant le sol et j'utilisai ma baguette pour étouffer le bruit de ses béquilles tombant par terre. Je me dépêchai de le tirer hors du chemin pour le laisser sur le côté, lui tapotant brièvement l'épaule.
'Merci bien, Branleur — je veux dire Weasley.'
Je pourrais toujours m'inquiéter des conséquences plus tard.
Je n'étais qu'un homme qui voulait avoir sa chance — qui me blâmerait pour cela ?
Avec un peu de chance, pas Granger.
Aussi pénétrai-je dans la cour et, effectivement, elle était là. Il pleuvait légèrement et je fronçai les sourcils. Elle aurait quand même pu choisir un autre endroit pour ce moment décisif. Je m'éclaircis la voix, sachant que cela serait sans doute ma seule et unique opportunité. Je n'atteindrais probablement plus jamais ce parfait équilibre entre sobriété et ébriété.
'Eh bien... j'ai réfléchi,' commençai-je, 'et ce qui me paraît être le plus important ici est que je ne suis pas... votre père ; je n'ai jamais été votre père ; et, euh, je ne serais jamais... votre père.'
Elle se retourna, me regardant d'un air qui m'indiqua qu'elle était légèrement fâchée. Je pense qu'elle avait raison, à vrai dire. Le fait que je ne suis pas son père peut difficilement être considéré comme la plus romantique des raisons pour me donner une chance, n'est-ce pas ?
Elle m'examina durant un moment, avant de froncer les sourcils. 'Ecoutez, si la différence d'âge doit vous poser un tel problème, peut-être vaut-il mieux oublier tout ça. J'ai eu assez de problèmes avec les hommes pour me durer toute une vie.'
Pas exactement ce que je voulais entendre !
'Je ne veux pas que d'ici six mois vous ayez une crise d'identité typiquement masculine parce que vous fréquentez une femme plus jeune et que vous vous sauviez à cause d'une sorte de complexe d'infériorité—'
'Vous haïssez vraiment les hommes.'
Peut-être devrait-elle considérer la possibilité de changer d'orientation si les hommes l'énervent à ce point. J'ai bien failli le lui suggérer, mais j'ai réussi à réprimer cette envie, craignant que, avec ma chance, elle puisse trouver cette idée formidable.
Cependant, elle eut un petit rire. 'Je ne hais pas les hommes,' répéta-t-elle. 'Mon expérience m'a laissée un peu sur la défensive, je suppose.'
Un peu ?
'Je suis certain de pouvoir m'occuper de vous mieux que Weasley ne l'a jamais fait.'
Arrivera-t-il un jour où je ne serais pas épouvanté à l'idée de dire ou faire quoi que ce soit de sentimental ? Car, Merlin, j'aurais voulu me recroqueviller et mourir lorsque ces mots sont sortis de ma bouche.
C'étaient des mots osés, et ils étaient plus ou moins vrais. Enfin, en quelque sorte ; je ne suis pas aussi confiant. Et vu mes plans d'avenir du moment, elle pourrait bien avoir à s'occuper de moi.
'Qu'est-ce qui vous fait croire que j'ai besoin qu'on s'occupe de moi ?'
Elle arborait un sourire sec, et c'est pour cela que j'ai répondu de ma voix la plus détestable : 'N'est-ce pas ce que veulent toutes les femmes ?' Oh mon... ! Son expression était si outragée ! Ha !
'Êtes-vous toujours aussi chauvin ?'
'Seulement lorsque vous vous montrez aussi misandre.'
Un sourire se dessina sur sa bouche et elle parut considérer ma réponse durant un instant. 'Bonne réponse... Dans ce cas, je ne vois pas d'objection à ce que nous dînions ensemble la semaine prochaine.' Elle eut un sourire provoquant, comme si elle me mettait au défi d'objecter. Pourquoi aurais-je voulu objecter ? C'est elle qui pourrait probablement trouver mieux.
Elle me tapota le bras au passage alors qu'elle s'apprêtait à rentrer à l'intérieur, la pluie tombant désormais copieusement. Que la pluie aille au diable. Je me dépêchai de la rattraper, principalement pour éviter qu'elle ne tombe tout de suite sur le corps pétrifié de Weasley. 'Er, un dîner, oui, eh bien, je suis pressé d'y être.'
Je ne pense pas être très impatient, à vrai dire. J'ai le sentiment que je vais trouver le moyen de tout ruiner et que nous passerons une soirée épouvantable qu'elle préférera oublier. D'ailleurs, lorsqu'elle trouvera Weasley, elle pourrait bien vouloir tout annuler pour le principe. J'ai découvert qu'elle peut se montrer assez à cheval sur la bienséance, quand elle le veut.
'En fait, je crois que j'aurais du mal à attendre aussi longtemps.'
S'il y a bien une fois dans ma vie où j'ai trouvé les mots justes...!
Elle arrêta de marcher et rougit légèrement. 'Oh,' dit-elle soudain, timidement, incapable de me regarder dans les yeux.
Je profitai de cette opportunité pour réfléchir à une sortie qui nous éviterait de tomber sur Weasley, mais il n'y avait pas d'autre alternative plausible. Si j'entreprenais de la mener jusqu'à la Grande Salle à travers les couloirs sombres et les escaliers, et prenant en compte ce que je venais de lui dire, elle serait probablement perturbée quant à mes intentions.
Même si mes intentions sont toujours honorables...
Soudain, sans prévenir, ses lèvres étaient sur ma joue et je reculai presque instinctivement, mais je réussis (à peine) à me maîtriser et ma surprise passa inaperçue.
Il va falloir qu'elle réalise que cela risque de prendre du temps avant que je n'aie plus besoin de me préparer pour... faire face à des mouvements soudains de sa part.
'Voilà qui devrait rendre l'attente supportable,' commenta-t-elle, radieuse.
Et, à ma grande consternation, elle se remit à marcher, annonçant que nous devrions repartir avant de finir trempés. Je crus que j'allais réussir à m'en tirer. Je crus qu'elle ne verrait même pas Weasley allongé dans l'ombre. Je crus...
Mais hélas... la maladroite se prit les pieds dans l'une de ses béquilles.
'Ron ? Qu'est-ce que... ?' Elle lança un Lumos et me regarda, choquée. 'Qui ferait une chose...? Oh Merlin ! C'était vous, pas vrai ?'
Il m'a fallu en appeler à chaque gramme de ce qui peut passer chez moi pour du charme. Ce n'était pas simple, laissez-moi vous le dire.
'Gr... Hermione,' commençai-je. J'avais pris une décision — comment pouvais-je laisser quelqu'un se mettre sur mon chemin ?' Je tentais de lui lancer un regard de braise mais, bien entendu, je n'ai aucune idée de comment lancer ce genre de regard. Heureusement, je crois que la lumière tamisée a joué en ma faveur.
'Est-ce que c'est ce que tu aurais voulu ?' demandai-je calmement, tendant la main pour repousser ses cheveux derrière son épaule.
! ! ! !
Je commence à penser que j'ai des talents cachés !
Je fus ravi de la voir légèrement prise de court, et le 'Non' qu'elle prononça était exactement comme il le fallait — le parfait équilibre entre réluctance et sincérité. Cela contribua grandement à effacer tout narcissisme que j'aurais pu ressentir face au succès de mes machinations, en tout cas.
Elle libéra Weasley, qui se remit sur pieds, plus furieux que jamais.
'Espèce de salaud !' hurla-t-il, la voix tremblante d'indignation. 'A quoi vous jouez ?' Il me fusilla du regard durant un moment. 'Tu sais quoi, Hermione ? Cet imbécile est amoureux de toi, et —'
Je posai ma main sur l'épaule de Granger. 'Sans rancune, hein, Weasley ?'
La colère de Weasley se dégonfla comme un ballon pour être remplacée par un immense choc. Sa bouche s'ouvrit et se ferma plusieurs fois sans qu'il n'en sorte aucun son.
'Laisse tomber, Ron,' dit Granger avec diplomatie, et je la suivis alors qu'elle s'éloignait, m'attendant à moitié à ce que Weasley me lance un sort dans le dos, mais cela n'arriva pas. C'est une honte, vraiment ; j'avais une volée de sorts sur le bout de la langue qui n'attendaient que cela.
Nous marchâmes en silence durant un moment, jusqu'à ce qu'elle dise : 'J'ai une requête ; pourrais-tu s'il te plaît arrêter d'ensorceler mon ex-mari ?'
Ha ! Compte là-dessus !
Je fronçai les sourcils. 'Ce n'est pas comme si je l'avais blessé — cette fois-ci, ou la précédente.' Je trouve que j'ai fait preuve d'une retenue exemplaire en comparaison de ce que j'aurais pu lui infliger. Quoiqu'il en soit, c'est de sa faute si elle a un ex-mari. Je déteste encore plus le fait que ce soit Weasley.
'Je peux accepter de ne pas lui lancer de sort s'il ne m'a pas provoqué. Cela ira ?'
'Intéressant ; je suppose que je peux vivre avec. Pour l'instant.'
Son sourire démentait le ton de sa voix, et j'ai presque souri en retour ! (presque).
Une chose plus urgente me dérangeait, cependant. Je commençais seulement à réaliser que j'avais accepté une invitation à dîner avec elle. Oh Merlin. Suis-je sorti victorieux ? Le suis-je ? Pour la première fois de ma vie ? Quelle pensée affreuse ! Que vais-je bien pouvoir faire maintenant ?
J'utilisai toutes mes capacités pour bloquer ces pensées et les placer dans une boîte nommée "Choses dont je m'occuperais plus tard" !
Nous retournâmes dans la Grande Salle, où les choses continuaient de suivre leur cours et, je dois l'avouer, j'étais un peu perdu. Etais-je censé rester avec elle ? Voulait-elle que je parte de mon côté maintenant que nous avions un rendez-vous de prévu ? Qu'étais-je censé faire ?
Et ce qu'il y a de pire, c'est que je sais que ce genre de questions vont me tourmenter encore plus à mesure que les choses progresseront (si elles progressent).
'Si on dansait ?' proposa-t-elle soudain, se tournant vers moi, dans l'expectative, tandis que je grognais intérieurement. 'Il me semble me souvenir que tu étais prêt à tout essayer si je te le demandais...' Elle se mit à rire (probablement à cause de mon expression horrifiée). 'Voyons,' continua-t-elle. 'Un fox-trot, peut-être ?'
'Ha ha. Je ne danse pas.'
Combien de temps encore compte-t-elle me taquiner au sujet de mon journal ? C'est un sujet extrêmement sensible que je ne suis pas certain de pouvoir prendre à la légère !
Je croisai les bras et laissai mon regard errer. Aucun signe d'un retour de Weasley. Ginevra, remarquai-je, nous espionnait de façon pas-si-subtile, cependant. Sale fouineuse.
'Je crois me souvenir,' continua Granger,' je crois me souvenir très précisément, en fait, que tu as dansé avec ta... réceptionniste.'
Ouch. Ma réceptionniste ? Ses griffes ne sont jamais très loin, apparemment.
'Et alors ?'
Elle se rapprocha. 'Comment suis-je censée prendre le fait que tu acceptes de danser avec elle, mais pas avec moi ?'
J'avais une remarque acide toute prête, mais malheureusement, elle choisit ce moment-là pour me prendre la main, ce qui eut pour effet de faire dérailler toute pensée cohérente. Merlin ! On aurait dit que sa main était en feu !
'Je suppose, ah, je suppose que cela ne serait pas très galant de ma part.'
'C'est exactement ce que je pensais ! Par ailleurs, tu dois avoir suffisamment d'alcool dans le sang pour le supporter.'
Non ; définitivement pas assez...
Malgré tout, je me retrouvai au milieu de la foule avant d'avoir pu fuir, avec une main dans la sienne et l'autre autour de sa taille (je ne suis pas certain de comment elle s'est retrouvée là, pour être honnête. Je ne l'y ai pas mise ; de cela, je suis certain). Comparé à la dernière fois où je m'étais trouvé dans cette position, et malgré le fait que je détestais me donner en spectacle, mon coeur me semblait ridiculement léger. Je ne me sentais pas détaché de la situation cette fois, mais au contraire pris dans chaque petit soupir et bruit et toucher et...
…
01:15
(J'ai fait une petite pause dans mon compte-rendu car ma grammaire était en danger de devenir effroyablement extravagante. Tout va bien à présent.)
J'étais bien. Voilà. C'est suffisamment prosaïque et c'est aussi tout ce que je dirais sur le sujet.
Sauf que... il n'y avait rien de prosaïque dans cette expérience... Même la musique était bizarrement inspirante —
Oh malédiction. Reprends-toi, Snape. Nous tournions en rond, c'est tout !
Elle a eu l'air d'aimer que je la fasse tourner, ceci dit ; ne mentionnons pas qu'elle a trébuché sur mes pieds pendant qu'elle virevoltait. Elle a éclaté de rire. En y repensant, je me dis qu'elle était un peu soûle, pour être honnête. Quelque chose lui était monté à la tête, en tout cas.
'Je suis incapable de danser comme il faut, moi aussi !' a-t-elle dit, ravie.
J'étais offensé par ce qu'elle suggérait. Je trouvais que je m'en sortais bien, mais apparemment pas.
'Je n'ai donc pas besoin de m'inquiéter au sujet d'un futur tango, dans ce cas,' marmonnai-je sèchement, en regardant un couple de l'autre côté de la piste qui se démenait comme s'ils étaient sur une scène et non à une simple fête de Noël.
A ma grande surprise, son rire mourut et elle cessa de y avait un air contemplatif sur son visage, et malheureusement, je crois savoir ce à quoi elle pensait — ce fichu journal. Elle était probablement désolée pour moi et mes moments d'apitoiement.
Soit cela, soit elle allait faire comme Pomona et me demander ce que j'avais écrit sur elle. Peut-être allait-elle même devenir paranoïaque à ce sujet... Je sais qu'elle peut se montrer curieuse, à l'extrême parfois.
'Non,' dit-elle calmement, souriante. 'Pas de tango. Le monde n'est pas encore prêt ; tu ne crois pas ?'
Il ne le sera jamais, en fait, si j'ai mon mot à dire.
Je me contentai de hocher la tête, m'inquiétant soudain au sujet de ce dîner que nous devions partager. Où irons-nous ? De quoi parlerons-nous ? Qu'attendra-t-on de moi ? Gah!
La 'danse' paraissait être morte de sa belle mort à ce moment-là, et nous nous contentions de nous tenir face à face. Mais tandis que je combattais une attaque de panique et contemplais l'idée d'invoquer un whisky, ses pensées étaient apparemment centrées sur autre chose.
'Ne crois pas que je ne t'ai pas vu, ah... embrasser ta réceptionniste, aussi.'
! ! ! !
'Tu m'as espionné ?' Ne me demandez pas à quel point j'ai dû prendre sur moi pour retrouver ma voix — elle s'était cachée dans mes bottes, ou quelque chose comme ça.
J'appréciai le préavis cette fois, cependant, car j'étais suffisamment préparé lorsque, ah... lorsqu'elle m'embrassa. Sur les lèvres cette fois. C'était très agréable. C'était très, um... oui, agréable... En fait, je commençais à y prendre goût, lorsque —
'Er... par le caleçon de Merlin, qu'est-ce qui se passe ici ?'
Aargh ! C'était Potter ! Foutu rabat-joie !
Il se trouvait là, nous regardant avec une expression scandalisée. 'Ron vient de... Hermione... qu'est-ce que tu fabriques ?' demanda-t-il, sous le choc.
Je réalise que Granger et moi ne sommes pas le couple le plus orthodoxe qui soit, mais je crois que j'étais vexé que Potter, après tout son esbroufe récent, puisse changer son fusil d'épaule et se mettre à me désapprouver. Je suppose que je ne devrais pas être surpris qu'il n'ait jamais une totale confiance en moi.
'Que croyez-vous qu'elle fabrique ?' crachai-je avec humeur.
Il regarda par terre et passa une main dans ses cheveux. 'Um... Mais... Mais pourquoi ?'
Merlin !
Granger s'éloigna de moi et toucha le bras de son ami. 'Nous sommes, um, eh bien, ensemble, Harry, d'une certaine façon—'
'Ensemble ? Depuis quand ?' s'exclama-t-il, consterné. 'Je ne savais même pas que vous vous connaissiez bien. Tu as même dit une fois que tu ne pouvais pas le sentir, Hermione !'
Pas me sentir, hein ? Charmant !
Elle rougit. 'C'était un jugement un peu hâtif... Et Harry, je suis désolé de ne te l'avoir jamais dit, mais Severus et moi sommes devenus amis ces derniers mois...'
'Amis ?' répéta Potter d'une voix blanche et, à ma grande horreur et consternation, il me regarda comme si... comme si je l'avais trahi.
Quel est son problème ?
'Eh bien, je... je suppose que je suis heureux pour vous...' Il eut un sourire maladroit. 'Um... Je suis sous le choc, c'est tout. Je, euh... Oh, Ginny a besoin de moi.' Il s'éloigna pour rejoindre sa femme, qui voulait visiblement connaître les détails croustillants, mais Potter resta là sans un mot comme un automate.
'Ne t'inquiète pas...' dit vivement Granger, qui le regardait elle aussi.
(Est-elle aveugle ? Inquiet ? Je me dépêchai de préciser que je n'étais certainement pas inquiet, ni même près de l'être !)
'... Il est juste en colère parce qu'il n'est plus ton préféré à présent.'
Oh mon Dieu ! Oh mon Dieu !
Cela ne peut pas être vrai ! Potter est déséquilibré — détraqué. Des années de maltraitance et de tourments et d'expériences de mort imminente ont eu raison de sa santé mentale.
Il n'y a aucune autre explication. Aucune.
Quel taré.
Jeudi 29 Décembre
14:50 — A la Maison.
J'ai quitté Poudlard pour retourner chez moi, maintenant que Noël est fini, car, naturellement, rien ne peut rester secret dans ce château, et ce malgré les plus grands efforts. Je suis fatigué de voir Minerva secouer la tête et marmonner d'un air hébété 'Hermione Granger" dans sa barbe chaque fois qu'elle me voit.
Et si j'entends 'Je n'arrive vraiment pas à m'y faire' encore une fois, je vais me mettre à hurler. Elle n'arrive pas à s'y faire ? Parce qu'elle croit que je m'y fait, moi ? Et c'est moi qui vais dîner avec Granger demain soir !
Merlin !
Certaines personnes sont si imbues d'elles-mêmes.
Vendredi 30 Décembre
16:30 — Espère me calmer les nerfs grâce à l'écriture tout en sachant que j'échouerais misérablement.
Eh bien, il s'avère que ceci sera le dernier compte-rendu que j'écrirais dans ce journal. Il le faut car il se termine après décembre et qu'il me me reste que deux pages et demi. Seigneur ; j'ai réussi à remplir un bouquin entier rien qu'avec les méandres de mes pensées.
J'ai considéré l'idée d'acheter un nouveau journal pour la nouvelle année, mais... à présent je ne suis pas sûr de vouloir continuer cet exercice.
Pour être honnête, cette peur que m'a faite Granger a douché mon enthousiasme. Je ne suis pas certain de vouloir prendre le risque que quelqu'un d'autre mette la main sur mes pensées les plus intimes. Cette possibilité est devenue un peu trop réelle, et j'envisage même de brûler les preuves de cette dernière année. Il y a des choses trop sensibles pour être mises entre d'autres mains, et je dormirais mieux en sachant que ce journal intime n'a aucune chance de tomber dans les mauvaises.
Et pourtant... Je ne suis pas sûr de réussir à le détruire. Pas pour l'instant, en tout cas. Je sais que c'est une nouvelle année et un nouveau départ et toutes ces sornettes, mais je crois qu'il serait trop hâtif de ma part d'oublier ce qui m'est arrivé ces douze derniers mois.
Je suppose que je pourrais laisser mes sorts de protection en place — voire le mettre dans mon coffre à Gringotts, sous une autre apparence, jusqu'à ce que je sois prêt à le détruire complètement.
J'ai passé une bonne partie de la journée à relire ce que j'ai écrit, et tout ce que je peux dire c'est Merlin soit loué que je n'aie pas gardé un journal pendant la guerre. Je tremble d'imaginer ce à quoi il aurait pu ressembler, si celui-ci est une quelconque indication.
Il y a presque douze mois j'étais un ancien Mangemort, ancien espion, ancien Maître de Potions, ancien Professeur de Défense Contre les Forces du Mal, et fonctionnaire-laissé-pour-compte de peu d'importance de quarante-cinq ans. Suis à présent un ancien Mangemort, ancien espion, ancien Maître de Potions, ancien Professeur de Défense Contre les Forces du Mal, ancien fonctionnaire-laissé-pour-compte de peu d'importance de presque quarante six ans, actuellement vivant de ses rentes et dans une relation avec une femme de la moitié de son âge !
Si ce n'est pas le démon de midi, je ne sais pas ce que c'est. Mais je me trouve quand même en progrès.
Il semblerait qu'à la même période l'année dernière, j'ai écrit une liste de résolutions à accomplir durant l'année. Il me paraît approprié d'en évaluer à présent les résultats.
1. Boire moins.
Eh bien, je crois pouvoir dire sans me tromper que celle-là n'est pas une réussite. Oops.
2. Me lancer dans une nouvelle carrière et trouver un emploi a) qui me plaise; b) pour lequel je ne suis pas sur-qualifié ; et c) dans lequel on m'apprécierait à ma juste valeur.
Oh bon sang.
3. Trouver une femme.
Un succès ! Ha ha ! Qui l'eût cru ? Evidemment, cette résolution pourrait bien revenir l'an prochain (elle pourrait même revenir demain) si je réussis à tout gâcher, ce qui, il faut le dire, est fort possible.
Néanmoins, c'est toujours un point pour moi et rien pour Weasley, pour l'instant, et j'en serais toujours reconnaissant !
4. Penserais positif.
Ai-je vraiment écrit cela ? Eh bien, je me faisais vraiment des illusions, n'est-ce pas ?
Une sur quatre, tout de même. Je crois que cela mérite tout de même des applaudissements. Bravo à moi.
Demain est un nouveau jour, et pratiquement une nouvelle année. Suis heureux de pouvoir dire que je commencerais cette nouvelle année en meilleure condition que l'année précédente. Je pourrais même avoir hâte de fêter mon anniversaire imminent !
Ou pas, finalement. Je n'ai pas besoin que l'on me rappelle mon grand âge... Je ne dirais peut-être rien à Granger... Hermione... quel que soit le nom qu'elle préfère... à ce sujet. Peut-être ne se réalise-t-elle pas à quel point la différence d'âge est énorme... Même si je me doute qu'elle a les moyens de déduire ce qu'il en est sans que je lui donne les détails... Bon sang. Moi qui comptais me rajeunir de cinq ans...
Je n'ai toujours pas de travail, mais ce n'est pas grave. Si je finis par être vraiment désespéré, je n'aurais qu'à sortir mon chaudron ; je suis sûr de pouvoir gagner quelques gallions grâce à lui. Il y a toujours des gens dans l'Allée des Embrumes qui sont prêts à acheter des potions dans la rue...
De façon plus pressante, il ne me reste plus que deux petites heures avant de Transplaner dans le Chemin de Traverse pour rejoindre Granger pour notre dîner. J'ai déjà bu deux (trois) verres afin de me préparer. Je m'abstiendrais d'en boire plus, car je ne tiens pas à arriver là-bas en ayant l'air d'avoir passé la journée dans une distillerie (quelle belle image, cependant).
Il est temps de faire un effort, à nouveau... Ugh... Il va falloir que je ressorte ma cravate bleu marine... Je devrais sans doute me brosser les cheveux également, je suppose... Oh Merlin ; quel cirque ! Et pourquoi ? Ce sera probablement un désastre et je reviendrais à la maison avec l'envie d'en finir une fois pour toutes.
Oh eh bien... il ne me reste que quelques lignes, aussi finirais-je ce journal avec ce vote de confiance que j'ai entendu de la part de la très sage Rolanda Bibine, sur l'incident qu'est ma relation naissante avec Hermione Granger.
'Oh, ça ne durera pas ; elle se remet à peine de son divorce, et lui, eh bien... il essaye de se remettre depuis vingt-cinq ans ou plus !'
Parfait ; vraiment parfait.
Fin.
Et voilà, sur cette note d'espoir livrée pour vous par Rolanda Bibine, c'est fini ! Déçus ? Pas déçus ? Je suis aussi nerveuse d'avoir vos avis que si c'était moi qui avais écrit la fic !
Merci à Yakibaru (et pardon, je viens seulement de réaliser que j'avais pas répondu), Lilas, HBP, Shadock et keemala :)
Et puis bien sûr comme d'hab merci aux autres gens qui veulent bien se donner la peine de me lire.
Pardon aussi, pour les fautes éventuelles qui sont peut-être cachées dans ce chapitre, ou dans un autre. Je relis, et je fais relire, mais on n'est jamais à l'abri...
Je ne sais pas du tout quand je commencerais la deuxième partie. Ca peut être ce week-end comme dans trois semaines. C'est mon gros problème, plus je prévois de faire un truc vite plus ça me prend du temps pour m'y mettre. C'est une malédiction !