Bêta : Mokonalex
Assistante/Elfe de Maison/Infirmière : Mirabelle 31
Note de l'auteur : Voila ! C'est terminé pour cette fic ! La prochaine ne sera pas publiée tout de suite. Ce sera une fic complexe et relativement longue, donc je tiens à avoir pas mal de chapitres d'avance avant de songer à vous la faire découvrir. Un SNARRY, bien évidemment, classé en Angst/Romance et avec des bashings inédits et d'autres moins. En attendant, bonne lecture à tous et merci d'avoir apprécié la Trilogie des Fêtes.
En face du numéro 4 Privet Drive, c'était le numéro 8 où vivaient Stuart Bentley et sa femme Frances, autrement connus dans le quartier comme Stu et Fran. Ils étaient bons amis avec les autres voisins, comme les Prentice, Wilson, Palmer ou encore les Chase ou les Evans. Curieusement, tous ces gens détestaient les Dursley ainsi que les Polkiss qui étaient leurs meilleurs amis.
Stuart n'aimait pas beaucoup bricoler, ni même jardiner. Il faisait donc le minimum syndical dans le jardin et la maison mais par contre, il avait un bon coup de main pour fabriquer des encadrements pour les aquarelles que peignait Fran tous les ans, pendant leurs vacances d'été ou d'hiver. Et pour l'heure, il était planté devant son établi flambant neuf, dans le garage dont la porte coulissante était au large ouverte. La voiture était garée sur la pelouse sous un arbre bien à l'ombre, chose qui avait offusqué Pétunia. Mais les Bentley se fichaient de leur pelouse comme de l'an quarante. Stu voulait la lumière du soleil dans son garage pour bricoler ses cadres, et Fran voulait une voiture fraîche pour aller en ville. Honnêtement, stationner sa voiture sous son arbre personnel, ça coûtait moins cher que l'option climatisation. Merci bien !
Pendant que Stuart encollait son châssis avec précaution, Fran triait son linge dans la panière d'osier qui se trouvait entre son lave-linge Hotpoint et son sèche-linge White Knight. Stu lança un regard vers la maison de l'autre côté, sur le trottoir d'en face. Là, il vit un adolescent maigrichon et mal vêtu, agenouillé devant la barrière des Dursley, un pinceau à main.
— Fran, je le crois pas ! s'exclama-t-il, surpris. Le môme Potter est encore en train de peindre la foutue barrière de ce gros crétin de Vernon. Attends, il fait peindre cette barrière au moins trois fois par an ! À l'automne dernier, il a utilisé un des employés de la Grunnings pour faire ça au noir.
— Forcément, s'amusa sa femme, Potter n'était pas dans le coin, mais soi-disant à Saint-Brutus ! Saint-Brutus… tu parles d'un menteur, toi !
Inconscient d'être plus ou moins la cible de l'intérêt des voisins d'en face, Harry barbouillait la barrière de peinture blanche, sous l'œil intrigué de Tenebrus qui n'avait encore jamais vu quiconque faire ce genre de chose. Les sorciers peignaient d'un geste de baguette, sauf bien entendu les artistes peintres du Ministère qui réalisaient les tableaux dont les sujets bougeaient dès la mort du modèle. À genoux sur les pavés protégés vaguement par une sérieuse épaisseur de journaux locaux, Harry peignait donc, sans se rendre compte du danger qui s'approchait. La porte de l'entrée venait de s'ouvrir sans un bruit, sur ses gonds bien huilés. Un tumbler[1] rempli à ras bord d'un certain liquide ambré alcoolisé, Miss Marjorie Dursley, accompagnée par son abominable Molaire, s'avançait en chaloupant vers sa victime choisie.
La grosse femme resta là, à le regarder de ses petits yeux porcins. Elle porta le verre à ses lèvres et en avala une grande gorgée. À ses pieds, Molaire qui venait de reconnaître Harry, se mit à grogner en montrant de puissants crocs. Ce bruit, connu et source de très mauvais souvenirs, fit sursauter et se retourner le jeune sorcier qui en resta figé, le pinceau à la main. Un inquiétant rictus orna brièvement le visage lunaire de Marge.
— BOSSE ! Sale pe… petite vermine inutile ! Gagne ton pain au lieu de profiter de la gé… réné… heuuuu… générosité de mon frère ! Il est bien trop bon avec un a… anormal comme toi. Tu finiras comme tes parents, alcoolique et drogué. Je suis sûre que c'est de ta faute, si Dudley a des problèmes de dro… heuuu… santé !
Marge avala encore une gorgée du Whisky de son frère et continua sur sa lancée.
— Je t'aurais mis à l'or… l'orphelinat, moi ! Si au moins Vernon m'avait é… écoutée ! Mais non… Pétunia pense qu'il est de son de… devoir de prendre soin d'un inutile tel que t… toi.
Pendant les insultes de la Tante Marge, Harry habitué, ne l'écoutait que d'une oreille distraite. Il fixait Molaire et ses mâchoires qui étaient bien plus inquiétantes et dangereuses que les paroles sans imagination de sa propriétaire. Marge balançait les mêmes invectives à Harry depuis sa 3ème année, il n'y avait vraiment rien de nouveau. Mais dans sa soûlographie, elle était bien capable de lancer son chien sur lui, elle l'avait déjà fait souvent par le passé.
Les éclats de voix de Marge avaient attirés les Bentley qui après avoir constaté que le jeune Potter faisait de la peinture, étaient retournés à leurs linge et encadrement. Fran, reconnaissant la femme, avait carrément abandonné son bidon orange de lessive Tide sur l'établi de Stu et était sortie du garage pour suivre les évènements.
— La sœur de Vernon est là, fit-elle à mi-voix afin de ne pas être entendue de quiconque autre que son mari. Tu as vu comme elle titube, et le verre qu'elle a la main ? Elle est soûle comme un cochon et il est à peine quatorze heures.
— Famille d'alcoolos, murmura Stu qui était sorti à sa suite. Allez viens, ne restons pas là, si elle nous repère à la regarder, elle est capable de raconter à ce gros lard de Dursley qu'on espionne ce qui se passe chez lui.
— Espionner ? Ça ne serait que justice, d'habitude c'est Pétunia qui espionne tous les voisins.
— Allez… Vous vous êtes bien vengées, avec cette histoire de lessive pas très ordinaire sur sa corde à linge.
À ce souvenir, Frances se mit à pouffer de rire, la main sur la bouche, les épaules secouées d'éclats de rire étouffés. Stuart poussa son épouse dans le garage, d'une main ferme sur l'épaule. Lui aussi avait envie de rire en se souvenant de la fameuse soirée barbecue chez les Wilson. La légendaire lessive de Pétunia avait fait le tour de la petite ville en moins de vingt-quatre heures et la tante d'Harry était – sans le savoir – la risée du coin.
Pour Harry, les choses ne s'arrangeaient pas. Il s'était retourné vers la barrière et s'efforçait de continuer ses travaux forcés tout en faisant abstraction des insultes souvent éculées de la grosse ivrognesse. Ce n'était pas encore Marge qui l'inquiétait, bien que ses paroles blessantes l'agaçaient, mais plutôt la bave qui coulait de la gueule du chien, ainsi que les crocs puissants et bien pointus que ses babines retroussées dévoilaient, lorsque son regard croisait celui du garçon.
Un hurlement inattendu fit sursauter Harry.
— TU ÉCOUTES QUAND ON TE PA… PARLE ? SALE PETIT MÉ…MÉCRÉANT ! VERMINE I… INUTILE ! PARASITE ! F… FILS DE DÉ… RÉ… DÉGÉNÉRÉS ! TU AURAIS DÛ… DÛ MOURIR AVEC TA PUTE DE MÈRE AU… AU LIEU DE VENIR MANGER LE PAIN D'HO… HONNÊTES GENS !
Cette tirade balancée d'une voix de stentor fit également tourner la tête des Bentley vers la source de nuisance. Les sourcils froncés, ils n'eurent même pas le temps de faire un commentaire, la scène se poursuivit et le drame arriva devant eux.
Agacée prodigieusement par l'absence de réaction d'Harry qui s'efforçait d'utiliser ses maigres compétences en Occlumancie – très maigre, selon Severus – pour garder un visage stoïque, Marge se résolut à employer les grands moyens, comme autrefois. En effet, lorsque Harry était tout petit, elle avait la triste habitude de jeter son chien sur lui, afin qu'il le course et le morde. Depuis l'âge de quatre ans, Harry avait ainsi été mordu régulièrement par Molaire dont il semblait être la victime favorite. Jamais le chien n'avait fait quoique ce soit à Dudley ou même à quelqu'un d'autre. Non, seul Harry semblait avoir le profond déplaisir de goûter aux crocs du sale cabot. Ce que le garçon ignorait, c'est que Marge avait dressé son chien à attaquer Harry et seulement Harry…
Apeuré par les possibles conséquences des actes de sa sœur, Vernon, poussé par Pétunia, avait recommandé à Marge de ne plus laisser Molaire mordre Harry. Selon le cachalot échoué, il avait eu des soucis avec les services sociaux de l'école de son neveu, Saint-Brutus pour ne pas la nommer, à cause des trop nombreuses traces de morsures de chien sur les quatre membres du gamin. Donc, depuis qu'il avait atteint onze ans et qu'il était entré à Poudlard, Harry n'avait pas été mordu une seule fois par Molaire. La dernière fois qu'il avait vu le sac à puces et son odieuse maîtresse, c'était l'été précédent son entrée en 3ème année et à cette occasion, il avait gonflé sa tante comme une montgolfière et une brigade d'Oubliators avait dû intervenir pour la percer et modifier sa mémoire. Cet été là, c'est Vernon qui avait été cruellement mordu par le chien et il avait, en représailles, refusé de recevoir sa sœur avec son chien pendant plusieurs années, sous le prétexte de protéger Dudley et Pétunia.
L'ordre lancé par Marge claqua comme un fouet et figea Harry dans un étau de glace.
— ATTAQUE, MOLAIRE !
Aussitôt, le chien qui n'attendait que cet ordre, obéit à sa maîtresse et se jeta sur le jeune sorcier qui poussa malgré lui, un cri effrayé. Alors que les mâchoires puissantes du molosse se refermaient sur son mollet gauche, il lâcha le pinceau qui gorgé de peinture alla s'écraser sur les pavés en laissant une trace blanche qu'on ne manquerait pas – en plus – de lui reprocher.
Au cri de douleur poussé par Harry, les Bentley avaient de nouveau tourné la tête et alertés, avaient abandonné leurs activités respectives pour aller voir ce qui se passait. Ils virent Marge, son verre vide à la main qui haranguait son chien et l'excitait à mordre encore plus fort l'ado qui criait de douleur. Le molosse secouait sa tête dans tous les sens, espérant sans doute arracher un morceau de la jambe qu'il tenait. Tenebrus, avec un cri agressif, quitta la gouttière, dès les premiers hurlements d'Harry et plongea en vol plané sur le chien, toutes serres dehors. Il s'agrippa à la tête du canidé et de son bec acéré tenta de lui crever les yeux. Devant cette attaque caractérisée de son petit chéri, Marge poussa un hurlement de rage et tenta de tuer l'oiseau en jetant sur lui le lourd tumbler en cristal de plomb de Pétunia. Le récipient s'écrasa au sol avec un tintement de verre brisé et les éclats s'éparpillèrent sur les pavés de l'allée menant au garage.
À présent, Marge, de ses grosses mains, essayait d'attraper le maudit volatile et de lui tordre le cou. Mais Tenebrus était bien trop malin pour elle.
Sous son déguisement, Severus Rogue était fou furieux. Il était à deux doigts de reprendre forme humaine, malgré les deux voisins d'en face qui, il le savait, regardaient la scène. Harry lui avait bien dit que cette Marge était un monstre. Il lui avait donné des détails et l'homme n'avait pas vraiment voulu le croire. Et pourtant, Harry n'avait visiblement pas exagéré. Il était même plutôt en dessous de la vérité. Si Severus ne craignait pas le Ministère et son programme de protection des Moldus et également le Code International du Secret Magique, il se serait immédiatement transformé et aurait lancé quelques impardonnables bien sentis à la virago.
En face, Stuart et Frances s'étaient figés de stupeur. La grosse foldingue de sœur de Vernon avait lancé son chien sur Harry et l'excitait à mordre le gamin tandis que le corbeau apprivoisé qui suivait l'ado partout depuis son arrivée, tentait de le défendre. Stu songea un instant que la fidélité des animaux les plus inattendus était parfois admirable, si un simple corbeau songeait à défendre son maître ainsi.
— FRAN ! Appelle la Police ! ordonna le quadragénaire en se précipitant vers la vieille armoire où il rangeait le fusil de son arrière-grand-père.
Stuart ne chassait pas et ne faisait pas non plus de tir sportif. Mais il possédait un vieux fusil Tower Enfield de 1870 dont il avait hérité à la mort de son père. Cette antiquité se transmettait de père en fils depuis plusieurs générations et si le vieux Bentley le faisait parfois fonctionner, Stuart n'en avait jamais eu l'envie ni l'occasion. Il savait que l'arme était chargée de cartouches de grenailles fabriquées maison par son père qui s'en servait pour effrayer les oiseaux menaçant son potager. Alors que Fran se précipitait dans la cuisine pour appeler le commissariat local, Stu se saisit de l'antiquité et se précipita dans la rue. En plein milieu de Privet Drive, il visa le chien qui venait à présent de s'accrocher par les mâchoires à la cheville du gamin et tira. La charge de petits plombs atteignit le train arrière de l'animal, mais visiblement, la distance de tir pour ce genre de munitions était courte, Stuart se trouvait un peu trop loin et le chien ne fut pas gravement blessé. Il poussa un piaillement aigu, lâcha sa victime et s'enfuit en couinant à travers Privet Drive tandis que sa maîtresse tentait encore d'attraper le corbeau d'Harry.
Lorsqu'elle vit que son chien avait reçu un coup de fusil, Marge poussa un hurlement de rage. Les yeux exorbités, les mains en avant comme des serres, elle voulut se jeter sur Stu pour se venger. Le voisin, choqué par les évènements, resta quelque peu figé au milieu de la rue, stupéfait par son audace : il avait tiré au fusil !
Le défenseur d'Harry ne vit pas que l'ado venait de sortir de la poche de son jean trop grand, une sorte de bâton fin en bois et qu'une étrange lueur en sortait après que celui-ci ait marmonné quelque chose de bizarre dans une langue incompréhensible. Stuart ne put donc faire la relation avec l'effondrement de Marge au beau milieu de l'allée, comme si quelqu'un lui avait fait un croche-pied. Le jeune sorcier venait de lancer un maléfice de Jambencoton à son abominable tante. Comme celle-ci était ivre, les tremblements qui agitaient à présent ses jambes et l'empêchaient de se relever passèrent inaperçus.
Sans se soucier d'une éventuelle violation de domicile, Stu entra dans le jardin des Dursley en contournant l'ivrognesse qui gisait sur le sol en vociférant des insultes, vautrée près d'éclats de verre. Il se précipita vers Harry et s'agenouilla.
— Tu es blessé, petit ? demanda-t-il en posant son vieux fusil près de lui.
Harry, livide, tenait sa jambe gauche à deux mains et un léger gémissement sortit de ses lèvres. Pourtant ce ne fut pas pour ses morsures que le jeune homme s'inquiéta.
— Te… Tenebrus… Où est mon corbeau ?
Un « Praaaak » furieux se fit alors entendre et l'animagus se posa sur l'épaule d'Harry comme pour défier le voisin charitable de faire quoique ce soit au garçon.
— Fran est en train d'appeler la Police. Elle a dû tout voir par la fenêtre et les secours vont arriver. C'est la première fois que je vois un corbeau défendre un humain, ceci dit. Comment va ta jambe ? s'inquiéta l'homme en regardant avec appréhension le jean copieusement déchiré à travers lequel le sang coulait jusque dans la vieille chaussure percée.
Stuart savait depuis longtemps, comme tout le quartier, que le gamin Potter était mal habillé, mais il n'avait jamais remarqué que ses vêtements et ses souliers étaient aussi usés. Les Dursley ne doutaient vraiment de rien ! Ils faisaient bosser leur neveu comme un esclave, ne lui donnait pas à manger comme il fallait, et le gamin était vêtu de haillons qui auraient fait honte à un sans domicile fixe.
Les hurlements des sirènes de Police interrompirent son examen. Il reprit son fusil et se releva. Marge vociférait et appelait Molaire à corps et à cris, sans se soucier du garçon blessé. Une Vauxhall blanche à damiers bleus et jaunes s'arrêta devant le numéro 4 dans un crissement de pneus. Un Ford Transit assorti, gyrophare bleu et sirène également allumés, s'arrêta derrière elle. Une escouade de policiers en casquettes, gilets pare-balles et fusils d'assaut au poing, accompagnés de Bobbies, sortit des véhicules. Devant ce déploiement de force, Stu resta bouche bée. Le Superintendant Hyde qui le connaissait se précipita vers lui et lui prit son fusil des mains avec un petit sifflement admiratif.
— Mazette ! Stu ! Tu m'avais parlé du fusil dont tu avais hérité mais j'ignorais que c'était une si belle pièce ! Malheureusement, je vais devoir l'emporter. Je sens que notre armurier va baver en le voyant.
— Il… il n'était chargé que de grenaille… balbutia le tireur, tout tremblant de son audace. Mais tu comprends, Jay, je ne pouvais pas laisser ce chien continuer à mordre le garçon. Surtout que sa maîtresse l'y incitait.
Jason Hyde leva un sourcil intrigué et lança un regard peu amène à Marge qui gueulait toujours, maudissant Harry, Stuart et les policiers qui venaient d'envahir la propriété. Une femme constable s'était agenouillée auprès d'Harry et jetait un coup d'œil sur ses blessures. Elle grimaça, regarda d'un air craintif le corbeau toujours perché sur l'épaule du jeune sorcier et soupira.
— Les secours arrivent. Ne t'en fais pas… Comment tu t'appelles ? Tu vis ici ?
— Harry Potter… et oui, je vis ici…. Répondit Harry d'une voix où perçait la lassitude.
— Tu peux me dire ce qu'il s'est passé ? Nous avons reçu un appel nous signalant qu'un adolescent était attaqué par un chien méchant. Tu connaissais ce chien ? Tu l'as provoqué ?
Harry vit l'occasion de se venger de la Tante Marge et malgré la douleur, il esquissa un rictus sournois.
— C'est le chien de Tante Marge, annonça-t-il en désignant d'un mouvement la femme ivre que deux policiers tentaient de relever et surtout de faire taire. Elle est venue rendre visite à l'Oncle Vernon pour le week-end de Pâques. Elle me déteste et lance souvent son chien sur moi.
— Tu veux dire que ce n'est pas la première fois ?
— Non, loin de là. J'ai assez de cicatrices de morsures sur les jambes et les bras pour le prouver.
La Constable pinça les lèvres et fit signe à ses deux collègues Bobbies d'emmener la femme.
— Elle est ivre tous les jours, murmura Harry à l'intention de la policière. Et elle passe son temps à m'insulter et à insulter la mémoire de mes défunts parents. Je peignais la barrière comme Oncle Vernon me l'a demandé avant d'aller avec Tante Pétunia à l'hôpital rendre visite à mon cousin Dudley. Et elle était là, derrière moi avec son verre, en train de m'insulter. Et puis, elle a lancé son chien sur moi en lui disant d'attaquer.
Stuart et Jason Hyde qui se tenaient tout près avaient bien évidemment entendu les déclarations d'Harry. Le Superintendant donna alors l'ordre de menotter Marge qui tentait de gifler un des Bobbies, puis de la conduire au poste et de la mettre en cellule de dégrisement.
— Et envoyez la brigade cynophile parcourir les rues de la ville à la recherche du chien ! C'est quelle race de chien d'ailleurs ? demanda Hyde en se tournant vers Harry.
— Un gros bouledogue, elle en fait l'élevage. Celui là s'appelle Molaire et il est très agressif.
— Nous allons nous en occuper ! Il ne mordra plus personne et cette femme n'aura plus l'autorisation d'élever de chiens, si c'est l'usage qu'elle en fait ! Foi de Hyde !
Une ambulance, certainement appelée par la Police, s'arrêta devant le numéro 4. À présent, tous les voisins étaient sur le pas de leurs portes ou dans leurs jardins et regardaient la scène. Inutile de dire que les commentaires allaient bon train. Fran avait rejoint Stuart qui était à présent assis à l'arrière d'une voiture à la porte grande ouverte et faisait une déposition à un policier en tenue d'assaut muni d'un gros bloc note. Son arme de collection passait de main en main et les amateurs s'extasiaient devant l'antique pétoire.
Harry poussa Tenebrus de la main pour lui faire quitter son épaule.
— Va dans un arbre, Tenebrus, tu y seras mieux. Ne t'inquiète pas pour moi, ça va aller.
Les policiers furent surpris de la façon dont le gamin parlait au corbeau qui visiblement était apprivoisé et son animal de compagnie. Le volatile poussa un petit « couac » et frotta son bec contre les mèches noires d'Harry. Puis il s'envola et se posa comme précédemment sur le rebord de la gouttière afin d'observer ce qui se passait autour de lui. Certains représentants des forces de l'ordre, amusés, sourirent du comportement de l'oiseau qu'ils jugeaient incroyable et inhabituel.
Dans le jardin d'à côté, chez les Wilson au numéro 6, Paula et Alfred étaient outrés et ne se gênaient pas pour le dire et le montrer. Ils avaient entendu le coup de feu de Stuart, bien entendu, et affolés, avaient dévalé l'escalier de leur maison et s'étaient terrés dans leur salon en croyant à une quelconque attaque terroriste dans le quartier. Lorsque les sirènes des véhicules de police avaient retenti, ils avaient mis le nez à la fenêtre en tremblant et étaient ensuite sortis dans leur jardin en constatant que tout était sous contrôle et que le problème venait de chez les Dursley. Fran venait de les rejoindre et leur racontait ce qu'elle savait.
— Tu as vu ce qu'il s'est passé, Fran ? demanda Alfie pressé d'apprendre les nouvelles. Qu'est-ce que cet idiot de Vernon a encore inventé ? Qu'est-ce qu'il a fait au gosse Potter ?
— Pour une fois, ce n'est pas Vernon. Il semblerait que lui et Pétunia soient actuellement au Whinging Memorial pour rendre visite à leur fils.
— Ce petit con est à l'hôpital ? s'enquit alors Paula avec une mine avide.
— Et bien, d'après ce que Potter a dit aux flics, oui, répondit Fran, la mine pâle. Figurez-vous que la sœur de Vernon a lancé sa saleté de cabot sur le môme pour qu'il soit mordu. Elle est bourrée comme une huître, tout juste si elle tient debout.
Paula se mit à ricaner.
— Ça, c'est pas nouveau… Et le coup de feu ?
— Stu a tiré sur le chien avec le vieux fusil de son arrière-grand-père, pour qu'il lâche le gamin. Il n'a pas dû lui faire grand-mal, il n'était chargé que de grenaille et il a tiré d'assez loin quand même. Le cabot s'est enfui et je crois que les flics sont après lui. Il faudrait pas qu'il morde encore quelqu'un !
— C'est toi qui a appelé la police ? demanda alors Alfred dont le regard était fixé sur les policiers qui déambulaient dans le jardin des voisins.
— Oui, c'est moi. On a entendu les cris du gosse. Si Stu n'avait pas tiré, le môme n'aurait plus eu de jambe ou pire, il aurait peut-être été égorgé à coups de dents. Ce chien est une vraie plaie ! Pétunia s'en lamente assez à chaque fois que sa belle-sœur leur rend visite. Elle a même dit à Kate une fois qu'elle avait peur qu'il morde Dudley.
— C'est vrai qu'il a du gras, y a de quoi bouffer, fit Paula, fielleuse. Le môme est esquinté ?
— Un peu ouais, je crois. Il a été mordu à plusieurs endroits. Ben, tenez… voila l'ambulance. Comme quoi, ça doit finalement être sérieux. J'espère que cette grosse vache de sœur de Vernon va avoir des ennuis. Elle a une sale tronche et elle toise tout le monde comme de la crotte à chaque fois qu'elle est là. Je suis certaine que Pétunia ne peut pas la voir en peinture. À chaque fois que sa belle-sœur vient, elle tire une de ces têtes, je ne vous dis que ça.
— Stu va avoir des ennuis ? s'inquiéta Paula les sourcils froncés.
— Je pense pas. En tout cas, j'en ai pas l'impression, Jason n'a rien laissé entendre à ce sujet. Et le Constable qui l'interroge en ce moment n'a rien dit du tout non plus. On lui a juste pris le fusil et rien d'autre. Pas de menottes, rien. Après tout, c'est comme qui dirait, de la légitime défense.
— Stu n'aurait rien fait, ça aurait été de la non-assistance à Personne en Danger, affirma Alfie sûr de lui.
Les regards de ce petit groupe de commères se tournèrent alors vers l'ambulance qui venait de s'arrêter et d'ouvrir ses portes. En silence, ils regardèrent quatre hommes vêtus de blouses blanches en sortir avec une civière à roulettes et se précipiter vers Harry Potter. Celui-ci protesta et affirma qu'il ne voulait pas se rendre à l'hôpital, que ce n'était pas si grave que ça et qu'il avait l'habitude d'être mordu. Cette déclaration outra le médecin qui exigea de l'examiner sur-le-champ dans l'ambulance, avant de prendre une quelconque décision.
— Il n'est absolument pas question que tu restes sans soins, mon garçon, fit l'homme de l'art en faisant signe aux ambulanciers qui l'accompagnaient de soulever le blessé et de le coucher sur le brancard.
Harry soupira et rendit les armes. Il ne pouvait décemment pas révéler aux forces de l'ordre ni à l'équipe médicale présentes qu'un sortilège basique de soin et une potion suffiraient à faire disparaître toute trace de l'agression. Et puis, il fallait être honnête, tout ce qui allait mettre cette charogne de Marge dans l'embarras était bon à prendre. Depuis l'âge de quatre ans, il rêvait de se venger et de clouer le bec à la harpie ainsi qu'à mettre Molaire hors d'état de nuire. Harry lança un regard interrogatif vers Tenebrus qui lui fit un signe de tête depuis son perchoir improvisé.
Le brancard fut donc roulé jusqu'à la grosse ambulance et les portes se refermèrent sur le médecin et son patient. La jambe tâchée de sang du pantalon fut prestement découpée comme pour en faire un short et le médecin pesta devant l'étendue des dégâts.
Harry avait une plaie importante au mollet et une autre sur la cheville, mais ce furent surtout les cicatrices blanchâtres qui parsemaient l'entièreté du membre qui firent gronder l'urgentiste.
C'est quoi, ces cicatrices ? gronda l'homme en blouse blanche qui enfilait à présent des gants de latex.
— Des vieilles morsures…
— Tu veux dire que tu as déjà été mordu plusieurs fois ? Est-ce par le même chien ?
— Oui, répondit sobrement Harry.
— Comment ça se fait qu'il n'y ait jamais eu de signalement à la police ?
— Parce que je n'ai jamais reçu de soins médicaux pour aucune de ces morsures.
Le médecin et les deux ambulanciers qui l'avaient rejoint dans le véhicule échangèrent un regard lourd et l'un des aides sortit aussitôt, certainement pour aller révéler ces détails au Superintendant qui attendait dehors.
Le docteur, pris d'une soudaine inspiration, souleva prestement la jambe droite du pantalon trop grand hérité de Dudley et découvrit des cicatrices similaires sur le membre opposé. D'instinct, son regard se leva sur les bras maigres dévoilés par le tee-shirt usé et décoloré que le gamin portait.
— C'est quoi, ça ? demanda-t-il en pointant du doigt la trace circulaire et dénivelée qu'Harry avait sur l'avant-bras droit depuis sa seconde année.
En rougissant, Harry répondit à mi-voix que c'était une morsure. Il ne précisa pas, bien entendu, que c'était la trace laissé par le croc d'un basilic géant. L'homme leva un sourcil et soupira, puis il désigna la longue balafre qui se trouvait juste dessous.
— Et ça ?
— Un… un coup de couteau. J'ai… j'ai été agressé, il y a trois ans, murmura Harry, rouge de honte.
— Tu as été soigné ?
— Oui, à l'école, quand je suis arrivé.
Le médecin fit un signe de tête à l'ambulancier qui était resté là, l'autre n'étant pas revenu. L'assistant désigné se saisit alors d'un appareil-photo Polaroïd et fit de nombreux clichés des blessures récentes et anciennes.
— Tes vaccins sont à jour, petit ?
— Heuuuuu… rougit encore une fois Harry. Je… heuuuu… je n'ai jamais eu de vaccins…
— Ben voyons, soupira le médecin qui se promettait dans son for intérieur de faire un rapport salé sur cette famille et sur sa façon de traiter un enfant à sa charge.
Harry reçut donc plusieurs injections, au cas où Molaire aurait la rage ou autre maladie typique donnée par une morsure de chien. Ses plaies furent nettoyées et soigneusement recousues sous anesthésie locale. Il fut ensuite méticuleusement pansé et le médecin lui recommanda de se faire suivre par un praticien local, ou d'aller à l'hôpital pour la surveillance, les soins et le retrait futur des fils.
Le jeune sorcier promit tout ce que le médecin voulut, tout en sachant qu'il ne ferait jamais rien de tout ce qu'on venait de lui ordonner. Dès que les secours seraient partis, Severus prendrait le relais et soignerait définitivement les morsures.
— Tu as quel âge ?
— Bientôt dix-huit ans, révéla le garçon à lunettes rondes.
— Je suppose que tu n'as pas l'intention de rester plus longtemps ici ?
— Non, Monsieur, répondit Harry d'une voix lasse. Je vais aller vivre à Londres. J'ai hérité des biens de mon parrain et de mes parents et dès que je serai majeur, je pourrai toucher l'argent ainsi qu'avoir la maison de mon parrain.
Harry ne révéla pas, bien entendu, qu'il était déjà majeur dans son monde. Il voulait simplement qu'on lui fiche la paix. Après tout, il n'avait aucune intention de revenir chez les Dursley après ces vacances de Pâques.
— Repose-toi à présent, le temps que l'anesthésie locale s'estompe. N'hésite pas à me dire si tu souffres.
Le jeune Gryffondor doutait qu'après toutes les piqûres qu'on lui avait infligées, il sentirait quoi que ce soit, mais on ne savait jamais, après tout. Il n'avait pas l'habitude des soins moldus. À dire vrai, c'était même la première fois qu'il en recevait. De toute façon, il n'était pas douillet, c'était le moins qu'on puisse dire, et la malle de Severus regorgeait de ce que le Maître des cachots appelait « sa réserve de potions d'urgence ».
Les voisins s'étaient, bien entendu, attroupés devant le numéro 4. Pour une fois qu'il se passait quelque chose dans ce trou paumé, ils n'allaient pas laisser passer ça. Fran était la vedette du moment. Elle savait tout ce qui s'était passé et ne se privait pas de le répéter à qui voulait l'entendre. Stu, quant à lui, s'était retranché dans son garage dont il avait refermé la grande porte marron. Il n'était pas très enclin à être remarqué de tout le monde et une fois sa déposition faite aux forces de l'ordre, il avait laissé son épouse sous le feu des questions des riverains.
Edna Polkiss vivait au numéro 21, avec son époux Craig et leur abominable rejeton à tête de rat nommé Piers. Edna et Craig étaient les meilleurs amis des Dursley. Enfin… ils étaient surtout ceux de Vernon, tout comme Piers était LE meilleur copain de Dudley. Les Polkiss étaient imbus d'eux même, coincés, snobs et méprisants tout ce qu'il fallait pour être adoré par ce pachyderme en complet veston de Vernon Dursley. Leur fils Piers qui tenait son faciès particulier de sa mère, était un petit voyou détestable tout comme Dudley et les autres membres de leur bande.
Pétunia supportait Edna à contrecœur, n'appréciant pas du tout que la maigrichonne à face de rat du 21 se prétende meilleure cuisinière, ménagère et autre du quartier. Tout le monde savait que ce titre revenait à Pétunia ! Tout le monde au numéro 4… du moins.
La sœur de Lily Evans serrait donc les dents pour faire plaisir à Vernon et Dudley, mais une seule personne était digne d'être son amie fidèle, et c'était Yvonne ! Yvonne qui avait été en classe de secrétariat avec Pétunia Yvonne qui avait jeté son dévolu sur la blonde maigre à visage chevalin, et qui semblait l'admirer avec une dévotion sans borne… On se demandait bien pourquoi d'ailleurs, dans la famille d'Yvonne. Mais il fallait reconnaître que Pétunia se montrait gentille avec la brunette rondouillarde et empruntée, – adorable même – ce qui était particulièrement étonnant quand on connaissait la chère Pet dans l'intimité.
Peut-être le fait qu'Yvonne ait épousé Gérald Portington, proche du Maire, pesait lourd dans l'affaire…
Mais ne médisons pas, retournons plutôt voir ce qu'Edna essaie encore de manigancer…
La chipie locale était sortie de chez elle lorsqu'elle avait entendu le coup de feu de Stuart. Piers l'avait accompagnée, intrigué par la détonation. Les deux Polkiss avaient suivi le mouvement lorsque les voisins s'étaient précipités vers le numéro 4, dès que les secours étaient arrivés. Avant, tout le monde était resté à bonne distance. Après tout, personne ne savait ce qui se passait vraiment, ni ne voulait recevoir une balle ou une salve de chevrotine, merci bien !
Edna savait que Vernon et Pétunia étaient partis rendre visite à ce pauvre Dudley qui se morfondait au Whinging Memorial où on le soumettait à un régime draconien : ils s'étaient arrêtés au 21 pour annoncer la nouvelle. Piers avait voulu aller avec eux, mais curieusement, les Dursley avaient refusé, prétextant que la vue de son meilleur ami allait bouleverser ce pauvre Diddy. Edna avait senti qu'on ne lui disait pas tout et s'était promis qu'elle en aurait le cœur net. Ce n'était pas que Dudley Dursley n'eut pas besoin d'un régime draconien, bien au contraire, mais elle était persuadée qu'il y avait autre chose là-dessous. En effet, Big D comme le surnommait Piers, ne semblait pas dans son assiette depuis quelques jours, mais elle n'avait pas réussi à en savoir plus.
En voyant Pétunia remonter dans la voiture de Vernon, perchée sur ses nouveaux Stiletto Louboutin à 725 £ en solde, la jalousie avait serré le cœur de la femme au nez pointu et dents proéminentes. Elle avait passé le quart d'heure suivant à s'acharner avec une peau de chamois sur une coupe à biscuits en argent massif du XIXème siècle et n'avait cessé son ouvrage qu'après avoir entendu le fameux coup de feu.
Les deux Polkiss avaient donc entendu deux fois, Frances Bentley raconter sa petite histoire, tout en regardant les sourcils froncés, deux Bobbies emmener une Marge Dursley quasi ivre morte et menottée, alors que des ambulanciers et un médecin s'affairaient autour de ce petit voyou de Potter. Edna s'était alors un peu écartée de la foule et avait sorti son téléphone portable de la poche de son tablier. Elle avait fébrilement cherché le numéro de Vernon dans le répertoire et avait croisé les doigts pour que les Dursley n'aient pas coupé leur téléphone comme recommandé dans les hôpitaux.
Dès la troisième sonnerie, Vernon avait décroché, intrigué de voir « Edna P. » s'afficher sur son écran.
— Allo ? Vernon ? C'est Edna, je suis avec Piers devant chez toi ! Il faut que tu rentres immédiatement. La police est là.
— LA POLICE ? hurla presque le gros homme à moustache de phoque, le teint empourpré.
Edna entendit la voix de Pétunia qui pressait son mari de questions.
— Oui, Vernon, la police ! Ils ont arrêté ta sœur, et une ambulance a pris en charge ce petit vaurien de Potter. D'après Fran Bentley, Marge aurait lancé son chien sur Potter et il aurait été salement mordu à plusieurs endroits.
— T'es sûre ? pesta l'oncle d'Harry fortement contrarié.
Il avait posé son téléphone sur la petite table à roulettes de la chambre et mis le haut-parleur afin que Pétunia et leur précieux Diddy profitent des nouvelles.
— Écoute, je suis devant chez toi, y a un fourgon de policiers armés, des Bobbies partout, une voiture de patrouille et une énorme ambulance. Ton neveu vient d'être monté en civière dans l'ambulance. Marge a été emmenée avec les menottes, elle tenait à peine debout et vociférait, si tu vois ce que je veux dire. Entre nous, pas très élégant, mais bon… D'après ce que je sais, Stu a tiré sur le bouledogue de ta sœur afin de l'empêcher de tuer Potter ou de le blesser gravement. Il semblerait que Fran ait appelé les secours et voila l'affaire. Il vaudrait mieux que tu rentres tout de suite.
La surprise avait coupé le sifflet de l'obèse : bouche bée et les yeux écarquillés, des images de Marge menottée et hurlante lui passaient désagréablement devant les yeux.
Pétunia en profita pour interroger sa voisine. Elle s'approcha du combiné après avoir lancé un regard inquiet à Dudley qui la langue dehors, s'appliquait à démolir un quelconque vilain, Game Boy en main.
— Heuuuu… Edna ? C'est Pétunia… Tu dis que Stu a tiré sur le chien ? Est-il mort, blessé ? Cette pauvre Marge doit être bouleversée, ajouta-t-elle hypocritement, une arrière-pensée en tête.
La tante indigne d'Harry entendit Edna interroger rapidement Piers et reprendre le téléphone.
— Pet ? minauda la chipie. Le chien ne serait que blessé. D'après ce que Piers a entendu, la brigade cynophile sillonne les rues de Little Whinging afin de le ramasser car il s'est sauvé. Je ne veux pas mettre de l'huile sur le feu, mais ça m'étonnerait fort qu'il ne soit pas abattu. Après tout, il a mordu quelqu'un, il ne faudrait pas qu'il recommence.
— Certes, certes, répondit Pétunia, secrètement ravie. Nous rentrons immédiatement. À plus tard !
Elle appuya sur le bouton rouge mettant fin à l'appel et jeta presque le téléphone dans les mains de son mari.
— Vite, Vernon ! Il faut rentrer ! Ils vont me démolir mon beau jardin à le piétiner ! Et il faut que tu te renseignes pour Marge. Tu ne peux décemment pas la laisser avec la Police. Diddy, nous devons partir, mais nous reviendrons plus tard et nous te raconterons. À tout à l'heure !
Pétunia plaqua un baiser retentissant sur le front de son rejeton qui ne leva même pas les yeux et se contenta de protester, indifférent à la scène qui venait de se jouer.
— Méééééé, heuuuuuu ! M'man, tu fais rien qu'à me faire perdre !
Elle prit sa veste jaune et son sac à main à pampilles au pied du lit de Dudley et se dirigea vers la porte de la chambre en houspillant Vernon pour qu'il se dépêche.
La mégère souhaitait secrètement que l'infernal Molaire qui bavait partout, rongeait ses pieds de chaises et se soulageait contre les pots de fleurs de sa véranda, soit mis hors d'état de nuire. Marge faisait manger son chien à même son assiette, lui donnait de l'alcool à boire depuis son verre et, nom d'un bégonia fleuri, le service en porcelaine de Chine hérité de ses parents n'était pas destiné à servir de gamelle pour chien à haleine de bique ! Que le cabot morde l'anormal n'était pas une surprise, il l'avait fait à maintes occasions par le passé, à croire que Marge l'avait dressé pour ça !
Pétunia ignorait qu'elle avait deviné un des secrets les mieux gardés de sa belle-sœur. L'ivrognesse détestait Harry Potter. Elle l'avait détesté depuis son arrivée. Elle se serait fait tuer plutôt que de l'avouer, mais le petit Harry, même à quinze mois seulement, avait été bien plus gracieux, mignon et intelligent que le fils de Vernon. Rien que ce fait avait été intolérable. Pétunia lui avait bien raconté que sa sœur et son beau-frère étaient deux marginaux qui ne travaillaient pas et menaient une vie de débauche. La preuve en était qu'ils avaient perdu la vie dans un accident de voiture où Potter aîné qui conduisait, était complètement ivre. Pétunia avait laissé également entendre que sa sœur avait été une traînée qui avait collectionné les amants un véritable miracle que son gamin fut bien de son mari.
La sœur de Lily, tout en descendant l'escalier menant au rez-de-chaussée de l'hôpital, espérait que la fameuse brigade cynophile dont Edna avait parlée, allait ramasser l'affreux Molaire et enfin les en débarrasser. Qu'ils le piquent, une bonne fois pour toute, ça lui ferait des vacances ! Plus de sale cabot grimpant sur le couvre-lit de la chambre d'amis avec ses pattes boueuses, plus de bave sur son canapé en alcantara et de plus, Dudley n'aurait plus aucun risque d'être mordu. À chaque fois que son fils se plantait devant l'écran de télé, une barre chocolatée ou un gâteau à la main, Pétunia tremblait devant la mine avide du chien qui campait aux pieds de Diddy, espérant quelques miettes ou une maladresse qui verrait l'objet de ses délices tomber enfin à terre.
Et puis, si les flics pouvaient garder Marge, ça ne serait que bénéfice. Bien sûr, elle jouerait les éplorées, avec un art consommé, afin d'endormir la méfiance de Vernon. Mais secrètement, encore une fois, elle se féliciterait de ce coup du sort. Marge cesserait peut-être enfin de critiquer à tout va la famille Evans qu'elle n'avait jamais connue. Pétunia s'accommodait à peu près bien des insultes que sa belle-sœur destinait à Lily et James, mais elle n'admettait pas qu'on se permette de salir la mémoire de ses parents et grands-parents. Et malheureusement, Marge, cette vieille carne névrosée, se permettait ce genre de privautés.
Jamais Vernon ne saurait la satisfaction de Pétunia devant les terribles évènements de ce jour. Elle espérait que les forces de l'ordre ne mettent pas trop leurs nez dans leurs affaires. Tout comme elle espérait que ce petit vaurien de Potter ferme son sale clapet ou il allait lui en cuire.
Dans la voiture, Vernon ne fit que pester et maugréer, se demandant ce qui avait bien pu se passer pour la police en vienne à arrêter Marge. Pour lui, il ne faisait aucun doute que ce petit démon d'Harry Potter était responsable de ce fiasco. Par toutes les perceuses de l'Enfer, il allait se débarrasser de ce monstre et de sa saleté de bestiole emplumée.
Lorsque le Van Vauxhall Midi gris métallisé de Vernon s'arrêta devant le numéro 4, la foule s'écarta prudemment, connaissant le caractère explosif du phénomène. Les badauds avaient mille fois raison car le teint congestionné de l'homme donnait une petite indication sur son état mental du moment : Dursley était furieux et ça allait faire du spectacle.
— Garde ton sang-froid, Vernon, lui recommanda Pétunia en posant une main apaisante sur son avant-bras. Les voisins sont tous là à nous regarder et le Superintendant Hyde s'est déplacé en personne. Je le vois. Nous ne pouvons pas nous permettre de faire du scandale. Après tout, nous ne sommes pour rien dans ce qu'il s'est passé. Nous sommes des victimes, également.
— Tu crois que je ne sais pas ça ? pesta l'obèse en coupant le moteur, la mâchoire serrée et la moustache frémissante. Regarde-les, tous ces rapaces qui viennent pour assister à la mise à mort –
— Vernon ! S'il te plaît ! Fais un effort, pense à Dudley… et à ta réputation. Le prestige de la Grunnings… notre statut social…
Le cachalot pesta et grinça des dents, puis il s'efforça d'adopter une mine sobre de circonstance pour sortir de sa voiture qu'il avait garée devant chez les Chase, ne pouvant pas entrer chez lui à cause des véhicules de police. Vernon jeta un regard de mépris vers le pavillon des Bentley qui se trouvait juste en face du sien. De quoi s'étaient donc encore mêlés ces moins que rien au numéro erroné ?
Cette histoire de numéro erroné avait longtemps chagriné Vernon qui n'aimait rien tant que l'ordre et la discipline. Le pavillon des Bentley portait le numéro 8 et aurait donc dû, normalement, se trouver du côté pair de la rue. Or, à la suite d'une erreur de l'employé chargé de numéroter les maisons pour le promoteur immobilier, une plaque portant le numéro 8 avait été vissée au dessus de la porte d'entrée du pavillon juste à côté du numéro 7. Fran avait demandé que cette erreur ne soit pas réparée car, avait-elle dit, le numéro 8 était son chiffre fétiche porte-bonheur. Elle avait même franchement insisté et on lui avait accordé cette fantaisie avec un haussement d'épaules.
Évidemment, Vernon avait protesté et demandé que l'erreur soit réparée – encore une fois – mais pour lors, tout le monde s'y était habitué, les voisins comme le facteur et le livreur de lait, et aucune suite n'avait été donnée à sa demande, puisqu'en plus les propriétaires s'en fichaient comme de leur première trottinette.
Forcément, les nouveaux venus dans le quartier s'amusaient toujours un peu de voir une porte numéro 8 entre les numéros 9 et 7… Mais c'était quand même bien moins gênant au quotidien que le pavillon numéro 3 qui était vide et abandonné à son sort depuis des années. La propriétaire était décédée et ses héritiers installés à l'étranger et complètement indifférents à ce bien menaçant ruine. Là, Vernon aurait eu de quoi protester et avec raison, car la maison était envahie de chats sauvages nourris en cachette par Mrs Figg et le jardin tellement en friche que les mauvaises herbes bloquaient même l'accès à la porte et aux fenêtres. Mais non, Vernon était justement très ami avec l'un des héritiers et bien entendu, il n'était pas question de lui nuire de quelque manière que ce fut.
Ce petit épisode du numéro erroné avait été le tout premier qui avait provoqué la suspicion du voisinage. Ensuite, il y avait eu les plaintes répétées des Dursley pour le moindre bruit, qu'il émane de fêtes ou d'outils de jardinage, voire pour des odeurs de barbecue jusqu'à ce qu'ils en achètent un eux-mêmes. Et puis, il y avait eu les ragots répandus par Pétunia qui espionnait carrément aux jumelles, bien cachée derrière ses rideaux ou sa haie. Et ne parlons pas des exactions de Dudley qui tyrannisait tous les gamins du quartier avec Piers Polkiss et leur bande d'idiots dont le fils Dursley était le chef incontesté…
Tout ceci avait donné une certaine réputation détestable à cette famille qui ne s'en doutait pas le moins du monde. Le cas « Harry Potter » avait encore rajouté une couche à la méfiance environnante. Le jeune sorcier avait lui aussi mauvaise réputation : il était mal et même très mal vêtu et était censé être scolarisé à Saint-Brutus, endroit de perdition par excellence. Ce mensonge avait été la cerise sur le gâteau et Harry avait véritablement été la hantise du quartier pendant un bon moment, ce qui avait follement amusé Dudley et sa bande, et fait largement rire Vernon et Pétunia.
Nos deux anti héros ne remarquèrent pas les sourires narquois de nombre de leurs voisins, à cause d'une étrange histoire de lessive particulière, étendue récemment dans leur jardin de derrière et qui avait eu de nombreux témoins involontaires. Chose admirable, le ragot avait fait le tour de la ville, mais les Polkiss n'en avaient pas eu connaissance, ce qui avait empêché qu'il revienne jusqu'aux oreilles des intéressés.
Le Superintendant Hyde se dirigea spontanément vers les Dursley, lorsqu'il les vit entrer dans leur jardin, la mine inquiète. Il leur tendit une main polie qu'aucun des deux mécréants anti-magies ne voulut saisir.
— Qu'est-ce que vous faites chez nous ? aboya Vernon, oubliant les recommandations de Pétunia. On m'a dit que vous aviez arrêté ma sœur ? J'exige que vous la relâchiez immédiatement !
— Monsieur Dursley ! l'interrompit alors Hyde, agacé. Devant témoins, votre sœur Marge a, en état d'ébriété plus qu'avancé, jeté son chien sur votre neveu Harry Potter qui a été sévèrement mordu. Selon nos constatations et celles des services médicaux d'urgence, le garçon a été mordu très souvent par le passé, si on se réfère au nombre important de cicatrices qu'il a sur tous les membres.
— Qui vous dit que c'est le chien de Marge ? gronda Dursley, toujours empourpré et la moustache frémissante.
— Il nous l'a dit, et la largeur des traces de crocs actuels correspond parfaitement à bon nombre de vieilles traces, selon également les constatations de l'enquête. Inutile de chercher à excuser votre sœur, Dursley. Elle est venue narguer votre neveu, tandis qu'il peignait votre barrière…
À cette évocation, Vernon ne put s'empêcher de jeter un coup d'œil vers ladite barrière. Des journaux avaient été étalés par terre, il y avait un gros pot de peinture, un chiffon et du produit diluant, par contre le pinceau avait été balancé sans soin sur les beaux pavés autobloquants payés une fortune et y avait laissé une affreuse coulée de peinture blanche qui était en train de sécher sous le beau soleil pascal. Le sale petit monstre allait lui payer cet affront ! Et très chèrement !
— … elle avait d'ailleurs un verre d'alcool à la main. Verre qu'elle a laissé tomber par terre lorsque le corbeau apprivoisé du garçon a tenté de le défendre. Admirable chose d'ailleurs, venant d'un tel animal, rajouta Hyde sans songer que cette déclaration allait encore aggraver la haine de Vernon envers Harry. D'après ce que mes agents ont pu comprendre des paroles décousues de Miss Marjorie Dursley, elle l'a fait exprès et n'a aucun regret. Elle avoue même qu'elle recommencera à la première occasion et que s'il le faut, elle dressera un autre chien à cet effet.
Pétunia leva les yeux au ciel en entendant les bêtises que Marge avait bien pu sortir dans sa soûlographie, tandis que Vernon serrait les dents en tentant de trouver quelque chose pour minimiser les actes inconsidérés de sa sœur. Il aurait dû écouter Pétunia et renoncer à la visite de Marge en présence de l'anormal qu'elle ne supportait pas. Misère… Dudley à l'hôpital et Marge arrêtée et visiblement en passe d'avoir des tas d'ennuis, ce n'était pas ainsi qu'il avait espéré passer le week-end de Pâques. Non, normalement, ils auraient dû tous profiter des mets délectables cuisinés par Pétunia, des chocolats de Pâques qu'ils avaient achetés pour Dudley, des cigares et du whisky qu'il avait prévus pour les fêtes, ainsi que profiter de leur sortie traditionnelle à la kermesse pascale organisée par le Révérend Fitzpatrick et à laquelle il était de bon ton de se montrer sous son meilleur jour et ses plus beaux atours. Et surtout… surtout ! Harry Potter n'aurait jamais dû être présent. Il aurait dû rester dans son école de fous furieux et ne jamais revenir ici leur pourrir la vie, puisqu'il était majeur dans leur Monde de dégénérés.
— Comprenez bien, Superintendant, tenta Pétunia, un mouchoir à la main. Nous ne cautionnons pas du tout ce qu'il s'est passé, bien évidemment. Je frémis à la pensée que si mon Dudley n'avait pas été hospitalisé, il aurait pu être mordu lui aussi… C'est horriiiiiiible…
Pétunia plia son mouchoir en triangle et entreprit de faire semblant de sécher les coins de ses yeux, de larmes imaginaires qui ne trompèrent personne.
— L'enquête va suivre son cours, Dursley, et vous ne pourrez rien faire pour l'empêcher. Votre sœur va devoir répondre de ses actes devant un juge. Le chien va être abattu par le vétérinaire de la ville dès que la brigade cynophile aura mis la main sur lui. L'élevage de chiens de Miss Dursley sera fermé dès que j'aurai le mandat pour ça et les chiens euthanasiés ou confiés à des professionnels selon leur degré de dangerosité. Elle n'élèvera plus jamais de bouledogues ni aucun autre animal ! Pas même des canaris ! J'en fais le serment ! termina Hyde, l'œil glacé.
L'homme connaissait le duo infernal de réputation. Les ragots étaient parvenus jusqu'à lui et aussi certains commentaires bien plus dérangeants sur un « soi-disant pensionnaire à Saint-Brutus » qui en fait n'y avait jamais mis les pieds. Si ces deux là avait été capables de mentir pour ça pendant des années, alors qu'avaient-ils bien pu dissimuler d'autre ? Selon le médecin avec lequel il avait eu une petite discussion, un quart d'heure auparavant, le môme Potter était trop maigre, avait des signes évidents de malnutrition sévère, de nombreuses cicatrices – et encore il n'avait pas vu son torse – et pour couronner le tout, ses vêtements et chaussures étaient bons pour la poubelle. Il était bien plus petit que la normale, mais là il était difficile de se prononcer sans connaître la taille de ses deux parents. La vue de Pétunia, qui sur ses échasses Louboutin aux talons de douze centimètres atteignait bien le mètre quatre-vingt, confirma au policier qu'au moins la mère du gosse avait pu être relativement grande.
Il se passait quelque chose d'anormal dans cette maison, et maintenant que la machine était lancée, il n'était pas question qu'elle s'enraye. L'enquête allait se poursuivre… le rapport du médecin et les photographies prises allaient être envoyées au Service de Protection de l'Enfance du Surrey. Les Dursley allaient avouer leurs plus terribles secrets et arrêter de mettre tous les méfaits de leur fils sur le dos de Potter, comme une certaine Mrs Wilson venait de lui expliquer…
Les badauds s'étaient enfin éparpillés et les véhicules d'urgence avaient quitté les lieux. Il était l'heure du thé et Vernon venait à peine de revenir du poste de police local. Marge croupissait en cellule. Elle était en garde à vue et le Superintendant attendait simplement qu'elle dessoûle avant de l'interroger. Une prise de sang avait été réalisée et le taux d'alcool révélé avait fait Jason Hyde lever les yeux au plafond lorsqu'il avait ouvert la lettre du laboratoire. Miss Dursley, à quinze heures, en ce beau jour de vendredi de Pâques, affichait un insolent 4,95 grammes d'alcool par litre de sang, record local qui aurait normalement dû la plonger dans un coma éthylique. Visiblement, la grosse mégère était une habituée de la bouteille et devait lever le coude tous les jours pour encaisser aussi bien.
Vernon avait été mort de honte et en avait voulu à Marge de leur infliger ça. Il s'était battu pendant des années pour avoir la reconnaissance de ses pairs et un statut social digne de lui, et sa sœur venait de tout gâcher. Pire, en s'attaquant aussi imprudemment à Potter malgré les mises en garde qu'il lui avait faites depuis sa descente du train, elle avait provoqué une enquête sur les conditions de vie de l'anormal.
Ce petit con lui aurait décidément pourri la vie du premier à son dernier jour de présence au 4, Privet Drive !
— Marge n'est pas avec toi ?
— Non, Pétunia, soupira Vernon en s'effondrant dans son canapé coûteux. Elle est en garde à vue et dans les ennuis jusqu'au cou. D'après Hyde, elle aurait dressé Molaire à mordre Potter sur commande et exclusivement lui. Malheureusement, il a tenté de mordre un Bobby également et aussi le vétérinaire de Bluebell Lane. Il a donc été piqué, tu penses bien. Marge était hystérique en l'apprenant. Inconsolable…
— C'est de sa faute, Vernon. Tu lui as bien répété de ne pas provoquer Potter, et elle n'en a fait qu'à sa tête. Le garçon pourtant, je dois le reconnaître, se montrait particulièrement docile depuis son arrivée. Il a fait les corvées que je lui ai demandées, n'a pas fait de crasses ou de bruit et pas de… Tu-Sais-Quoi… Ça aurait dû bien se passer.
— Tu oublies Diddy, Pet'. Je ne suis pas certain que Potter soit innocent sur ce coup-là.
— Le Docteur Mitchell et le Docteur Weber ont pourtant dit que c'était parfaitement compatible avec les substances que Duddy a prises. Je pense que c'est le hasard, Vernon.
— Peut-être… En attendant où est cette petite sangsue inutile ?
— Dans le jardin. Il termine la peinture de la barrière. Et je lui ai fait nettoyer ses crasses sur les dalles. Il peut très bien peindre, assis par terre. Il n'a pas été mordu aux bras que je sache, répondit Pétunia d'un ton sec.
— Ah ? Curieux, en me garant je ne l'ai pas vu.
— Alors c'est qu'il a enfin terminé et est en train de tout ranger.
— Il peut marcher ? l'interrogea Vernon le front plissé.
Il n'avait pas vu son neveu sortir de l'ambulance avec les béquilles prêtées par l'hôpital et qu'il devrait rendre à sa guérison. Non, lorsque Harry était descendu du véhicule, aidé par un ambulancier, son oncle était déjà parti en ville pour tenter de faire libérer sa sœur, en vain comme les Dursley le savaient à présent.
Harry choisit justement de faire son entrée à cet instant. Appuyé sur une paire de béquilles bleu foncé, la jambe gauche lourdement bandée du pied au genou en suspension en l'air, le jeune sorcier se présenta dans l'encadrement de la porte du salon, son corbeau sur l'épaule.
Cette vue anodine provoqua l'ire de l'oncle Vernon qui avait atteint ses plus extrêmes limites depuis sa visite au commissariat. Tout était de la faute du petit monstre, quoi qu'en dise Pétunia ! Et il allait faire passer de vie à trépas ce misérable qui n'avait rien fait que ruiner la vie paisible d'une honnête famille depuis plus de seize ans. Mais là, c'était terminé !
Harry vit la lueur inquiétante et dangereuse dans les yeux de Vernon. C'était presque la même que celle qu'il avait vue dans les yeux de Bellatrix Lestrange ou ceux de Lucius Malefoy. C'étaient les yeux de quelqu'un qui s'apprêtait à tuer de sang-froid.
Visiblement, Tenebrus perçut lui aussi la menace, peut-être même avant Harry, à cause de son instinct animal sous cette forme et de ses dons de légilimens. Mais Vernon surprit tout le monde en quittant soudainement le canapé où il était avachi, avec une vitesse et une rapidité totalement inattendues pour quelqu'un de son poids et de son volume. Les deux mains en avant, un hideux rictus sur les lèvres et les yeux exorbités comme ceux d'un fou, il se jeta sur Harry Potter, le soi-disant monstre qui était responsable de tous leurs malheurs depuis une décennie et demie.
Ses doigts boudinés se refermèrent sur le cou menu de son neveu qui poussa un couac de surprise. Aussitôt, Harry laissa tomber ses béquilles et s'agrippa de toutes ses forces aux mains qui tentaient de l'étrangler.
Tenebrus avait quand même été surpris par l'attaque physique de l'obèse. Il avait pensé à des menaces, des insultes, voire à ce que Vernon décide de chasser Harry du numéro 4, faisant ainsi fi des désidératas de Dumbledore. Mais par tous les chaudrons percés du Monde Magique, la tentative de meurtre n'avait pas été prévue au programme. Le cri perçant poussé par Pétunia : « VERNON ! » lui fit prendre conscience qu'il fallait qu'il bouge immédiatement. Voleter au dessus de la tête de Dursley, au milieu d'une pièce moldue encombrée, avec une Pétunia qui – à demi-hystérique – s'accrochait au bras de son époux en le suppliant de ne pas faire cette folie, n'était pas une solution durable ni efficace.
Excédé, Severus Rogue choisit alors d'abandonner sa couverture et de se révéler sous sa forme humaine. Le sorcier apparut donc dans toute sa gloire, baguette à la main. Il se jeta sur l'oncle d'Harry et lui envoya un bon Repulso qui le fit voler et s'écraser contre le dossier de son canapé d'alcantara qui heurta le mur avec un bruit sinistre de bois cassé. Pétunia resta figée un instant au milieu de la pièce tandis qu'Harry, appuyé au mur, une main sur sa gorge meurtrie, tentait de reprendre son souffle. Les yeux écarquillés, Pétunia dévisagea le nouveau venu et lorsque son regard croisa celui glacé du Maître des Potions, elle reconnut l'intrus.
— SEVERUS ! s'exclama-t-elle, surprise. Mais... mais… qu'est-ce que tu fais là ? Que… qui…
— Inutile de gâcher ta salive, Pétunia. Je ne peux pas dire que je sois ravi de te revoir…
Les joues roses et les yeux brillants de la vipère indiquaient un peu trop, le plaisir qu'elle avait de se retrouver en présence du garçon qui avait – un peu – égayé son adolescence ingrate.
Oubliant momentanément Vernon, elle rougit, se dandina et se tapota la mise en plis sous l'œil incrédule d'Harry qui venait de se pencher pour ramasser ses béquilles. Incroyable ! Toutes ces années après, Pétunia semblait encore réceptive au charme de la Terreur des cachots. C'était bien vrai que l'homme était séduisant… bien plus que le gros lard qu'elle avait épousé mais quand même, Harry trouvait qu'elle abusait. Après tout, c'était son chéri à lui tout seul !
— QUE FAIT CET ANORMAL ICI ? hurla Vernon, dont la couleur pourpre actuelle indiquait son degré de fureur. ET COMMENT LE CONNAIS-TU ? rajouta-t-il à l'adresse de son épouse, dont il avait remarqué l'attitude suspecte.
— C'était le garçon qui jouait avec nous lorsque nous étions enfants, Lily et moi, répondit la blonde sans s'émotionner. Tu sais bien… le petit-ami de Lily.
La dernière réplique avait été rajoutée avec une certaine rancœur indiquant tout le « bien » que Pétunia pensait de cet état de chose. Contre toute attente, Severus Rogue éclata de rire.
— Ma pauvre Pétunia… Tu as toujours été à côté de la plaque. Et je vois que ça n'a pas changé. Les années ne t'ont fait aucune grâce, à ce que je constate.
— Grrrr ! Toujours aussi aimable, toi ! se renfrogna Pétunia. D'abord, qu'est-ce que tu fais là ? Et comment es-tu entré ? POTTER ! Où est ton corbeau ? Je te préviens, pas question qu'il me fasse des crasses partout !
Avec un large sourire et la baguette toujours brandie en direction de Vernon, Severus répondit de bonne grâce aux questions de la Moldue.
— Aaah ! Tu parles de Tenebrus ! Et bien… il est toujours là…
— Sev'… fit une petite voix hésitante. Tu devrais peut-être pas…
Harry craignait que l'ancien espion n'en révèle de trop. Si Pétunia et Vernon apprenait que Tenebrus et Severus ne faisaient qu'un, ils comprendraient rapidement que le sorcier était responsable de l'état de Dudley. Et franchement, Harry n'avait pas du tout envie que ça aille jusque là.
— Le corbeau est pour l'instant invisible, mais je vous rassure, il est toujours là. Comme vous, Moldus, vous ne pouvez pas le voir, il vous sera impossible de lui faire le moindre mal.
Harry soupira de soulagement. Severus avait trouvé une parade provisoire.
— Comment êtes-vous entré chez nous ? insista Vernon qui surveillait du coin de l'œil le mince bâton de bois noir sculpté que le sorcier agitait sous son nez. C'est une violation de domicile ! Je vais porter plainte ! Et faites partir ce maudit oiseau de chez nous ! Pas question qu'il reste ici à faire des crasses ! Un oiseau invisible ? Et puis quoi encore !
— TAISEZ-VOUS, DURSLEY ! gronda Severus, l'œil polaire et son habituel rictus terrifiant aux lèvres. Je sais comment vous avez traité Harry, toutes ces années. Je sais ce que vous lui avez fait à peine arrivé : vous lui avez brisé une vertèbre. Si je n'étais pas intervenu, il serait paralysé et peut-être même mort ! Vous lui avez refusé un coucher décent, la nourriture la plus indispensable, les toilettes, la douche et j'en passe… Ne croyez pas que je l'ignore, j'ai tout vu.
— C'ETAIT VOUS ! CET HOMME QUE DUDLEY AFFIRMAIT AVOIR VU DANS LA CHAMBRE DE L'ANORMAL ! Et ce petit con qui espérait me faire croire que mon Dudley avait des hallucinations !
Vernon toisa Harry avec deux yeux plein de haine et de fureur.
— Dudley a vraiment des hallucinations, Oncle Vernon, répondit Harry tranquillement, tout en continuant à se frotter le cou. Il a peut-être vu Severus, mais il me semble avoir entendu qu'il voyait des asticots partout et ça, je n'y suis pour rien.
Harry ne mentait pas vraiment, puisque ce n'était pas lui qui avait jeté le maléfice sur son abominable cousin.
— Pourquoi es-tu là, Severus ? minauda encore une fois la blonde à visage chevalin. Ne me dis pas que tu te soucies de Potter ! Si je me souviens bien, tu étais fâché avec Lily. Elle m'avait même dit que tu t'étais acoquiné avec ces bons à rien qui pratiquaient la Magie Noire. Ceux qui sont responsable de sa mort !
— Pour répondre à tes questions, Pétunia, bien que je n'y sois nullement obligé… Je suis là afin de veiller sur Harry et il me semble que ce n'est pas un luxe étant donné ses conditions scandaleuses de vie. Ne crois pas que Dumbledore n'en entendra pas parler… Et si j'étais bien fâché avec ta sœur, c'était à cause du crétin qu'elle avait épousé et de sa bande. Le même genre de bande que celle qui accompagne ta petite brute de fils. Ensuite, pour ton information, j'étais un espion dans les rangs du Seigneur des Ténèbres. La guerre est d'ailleurs terminée, grâce à Harry comme tu as dû l'apprendre par le Directeur. Harry et moi avons été décorés par le Ministre.
Un ricanement et un pouffement de Vernon firent comprendre aux deux sorciers tout le bien que l'obèse pensait des révélations de Severus. À entendre cet anormal qui venait d'apparaître en fraude dans sa demeure, Potter était un héros de guerre ! N'importe quoi ! Ce petit monstre n'était bon à rien d'autre qu'être un boulet et un fardeau pour eux, honnêtes citoyens de la couronne.
Pétunia ne quittait pas Severus des yeux. L'homme avait de la prestance, bien plus qu'à l'adolescence. Il avait été un chat écorché, maigre et efflanqué lorsqu'il était jeune. De plus, il avait toujours été fort mal vêtu, ridicule même, jusqu'à ce que Lily l'aide à choisir des vêtements adaptés parmi les dons d'habits reçus par l'église locale. Eileen Rogue avait eu tendance à prendre n'importe quoi, n'ayant aucune idée de la mode où même la plus élémentaire connaissance vestimentaire moldue. Pétunia se souvenait ainsi de voir le garçon aux cheveux noirs avec un chemisier de femme à smocks, un pantalon trop petit et un veston d'homme bien trop grand pour lui. Le gamin avait été absolument ridicule et à cette époque, la blonde avait catégoriquement refusé de jouer avec lui et sa sœur, de peur que ce ridicule ne rejaillisse sur elle et que ses amies ne l'accusent de jouer avec un romanichel.
Tandis que Pétunia se perdait momentanément dans ses souvenirs de jeunesse et admirait sous le nez de son époux la prestance de Severus, Vernon lui aussi toisait l'intrus, ses yeux plissés en deux fentes cruelles. L'obèse était un homme vil, foncièrement méchant et sournois, mais il n'était malheureusement pas complètement stupide. De ses petits yeux porcins, il détailla la chemise victorienne aux amples manches que portait le sorcier. Le vêtement de coton blanc immaculé aurait fait les beaux jours d'un musée du costume, tant il était démodé. Vernon se souvenait fort bien avoir vu ce genre de tenue dans les films d'époque dont Pétunia raffolait. Le sorcier portait sa chemise largement ouverte sur un torse pâle et glabre, son pantalon de drap noir était tout aussi vieillot que le reste et une ceinture drapée dissimulait la taille de l'individu. Ces anormaux n'avaient vraiment aucun sens de la mode ! Ils mettaient même une rangée de boutons aux bas des pantalons ! Si ça, ce n'était pas ridicule, il ne s'appelait plus Vernon Dursley !
Le regard de l'oncle indigne d'Harry s'attarda quelques secondes sur la paire de bottines en cuir de dragon du Maître des Potions. Il remarqua bien les écailles et songea brièvement que c'était certainement du lézard ou du crocodile. L'anormal qui était devant lui devait être riche. Il savait que certains étaient riches Potter, l'autre, le père du petit inutile, avait été soi-disant riche, selon les confidences de Lily à Pétunia. Vernon, lui, en avait toujours douté. James Potter n'avait jamais travaillé une journée de toute sa vie et ne possédait même pas de voiture. Non, pour lui, tout ça c'était du pipeau, d'ailleurs personne ne lui avait jamais parlé d'héritage qu'aurait pu toucher Harry à sa majorité. Si ce n'était pas une preuve, ça !
Et cet anormal au grand nez qui pérorait devant lui avec sa tenue d'un autre siècle ! Complètement ridicule ! Avait-on idée de se promener avec les cheveux aussi longs quand on était un homme décent ? Surtout que ce monstre approchait de la quarantaine. Il avait au moins ça, s'il avait été l'ami de Lily Evans… En voila une encore qui n'avait fait que des choix plus que douteux dans sa vie ! Et on savait où ça l'avait menée !
Vernon se félicita encore une fois d'être tombé sur Pétunia. La très normale Pétunia… Ménagère et cuisinière accomplie… mère exemplaire… Il n'avait eu qu'à se louer d'elle depuis qu'il l'avait rencontrée. Même Marge la trouvait très bien, c'était dire !
Le cachalot échoué fut tiré de sa contemplation par les paroles de Pétunia qui continuait à interroger le visiteur inattendu.
— Bon. Severus, tu as bien vu qu'Harry va bien et que nous ne sommes pas responsables de l'accident qui vient d'avoir lieu. Tu seras bien aimable de retourner d'où tu viens. D'ailleurs, j'ignorais que tu connaissais ce sale petit ingrat.
— Pas question ! J'ai bien l'intention de rester ici pour la durée des vacances.
— QUOI ? hurla le pachyderme, les yeux écarquillés d'horreur. Ah, mais non, mais non ! Pas question ! Ce n'est pas un hôtel ici !
— Ah ça, j'avais remarqué, ricana Severus les bras croisés devant lui dans une attitude hostile. Même dans les auberges les plus mal famées de l'Allée des Embrumes, le service est de meilleure qualité. Au moins, on a accès aux sanitaires et on est nourri !
— Tu… Tu veux rester ? s'étonna Pétunia, les joues roses et les yeux brillants.
La maigrichonne à faciès chevalin se voyait déjà séduire le ténébreux sorcier. Elle n'avait pas réussi, lorsqu'ils étaient ado. Lily lui avait soustrait le garçon, mais la rousse n'était plus là dorénavant pour faire de l'ombre à sa sœur aînée. Elle arriverait bien à se débarrasser de Vernon… Avec Marge arrêtée, Diddy à l'hôpital, Potter sur ses béquilles, ce serait bien le diable si elle ne pouvait pas expédier Vernon à droite ou à gauche pour quelques heures d'ici la fin du week-end. Le sale petit profiteur de Potter devait passer toutes les vacances de Pâques à Privet Drive, ce vieux fou de Dumbledore avait insisté. Il y avait cette histoire de membre de la famille royale qui était admis à Poudlard et la Reine allait visiter cet endroit de perdition. À cette pensée, le cœur de Pétunia enfla d'orgueil. Elle était une des seules personnes dans tout le Royaume Uni à être dans le secret des Dieux.
Enfin, on reconnaissait ses mérites !
— IL NE RESTERA PAS ! répondit Vernon à la place de Severus.
— Et c'est un Moldu comme vous qui va m'en empêcher ? ricana la Terreur des cachots qui faisait à présent virevolter sa baguette entre ses doigts comme une majorette son bâton.
Vernon fixa le fin morceau de bois noir avec méfiance et grimaça.
— Vernon a raison, tu ne peux pas rester, Severus, trancha Pétunia à regret. Nous n'avons pas de place pour toi. La seule chambre d'ami est occupée par Marge. Et de toute façon, je sais très bien que tu détestes les maisons comme la nôtre. Celles qui n'ont pas de magie. Si je me souviens bien, tu avais peur du lave-linge et de l'aspirateur quand nous étions enfants.
— Ne te fait pas plus bête que tu n'es, Pétunia, répondit vertement le professeur de potions. J'avais neuf ans et je n'avais jamais vu de telles machines. Si tu t'en souviens, je m'y suis bien habitué, ensuite. Après tout, je passais beaucoup de temps chez les Evans. Et Lily avait ce mange-disque que j'appréciais particulièrement…
— Heuuu… oui, oui, je me rappelle, du mange-disque. Tu passais ton temps à danser des slows avec Lily. Comment aurais-je pu oublier, fit la blonde avec rancœur.
— C'est bien gentil d'étaler tous ces souvenirs, mais il est temps que vous retourniez d'où vous venez, Monsieur ! ordonna Vernon, les poings serrés.
Dursley était agacé par l'attitude amicale de Pétunia. Enfin, franchement ! Un anormal de plus se trouvait dans leur maison sans y avoir été invité. À croire que c'était une habitude chez ces gens. On lui avait déjà collé Potter sur le dos, pas question qu'un intrus s'impose de même.
— Appelez-moi « Professeur », Dursley !
— Tu… Tu es professeur ? À Poudlard ? s'enquit Pétunia d'une petite voix.
Décidément, beaucoup de gens vivaient à Poudlard, et elle n'avait jamais eu le bonheur d'y mettre les pieds. Mais elle se serait fait écorcher vive plutôt que de l'admettre.
— Je suis le Maître des Potions de l'école et le Directeur de la Maison Serpentard.
— Serpentard, c'est là où tu étais. Je me souviens. Lily était à Gryffondor.
— Exact. Et Harry y est également, comme ses deux parents d'ailleurs. Pourtant, il a failli aller dans ma Maison, le choixpeau a hésité.
— Tu le savais ? Pourquoi tu ne m'as pas dit que tu savais ? s'étonna Harry toujours accroché à ses béquilles bleues.
Vernon ne laissa pas le temps à Severus de répondre. Il commençait à s'énerver sérieusement. Quand ce fichu sorcier allait-il donc bien déguerpir ?
— Parfait ! Maintenant que vous avez bien papoté, fit-il en lançant un coup d'œil plein de reproches à son épouse, il est plus que temps de nous laisser. La journée a été rude et cette maison n'est pas un hall de gare, ni un bureau de bienfaisance. Bonsoir chez vous, la porte est derrière vous !
— Vous ne comprenez donc rien à ce qu'on vous dit, pas vrai, Dursley ? Je n'ai aucune intention de partir. Je ne laisserai pas Harry seul avec vous dans cette maison ! Et vous ne pourrez rien faire pour m'en empêcher, je vous le dis tout de suite !
— Ecoutez voir, vous… tenta Vernon menaçant, l'index tendu vers l'intrus et le postillon généreux.
Aussitôt, la baguette de bouleau noir négligemment tenue par le sorcier se retrouva sous le nez de Dursley qui la regarda en louchant.
— Je vais rester ici, avec Harry. Vous ne nous verrez quasiment pas. Vous ne nous entendrez pas. Vous n'aurez aucun repas à nous fournir, je m'en occuperai…
— Pas question que vous squattiez la cuisine de Pétunia ! tenta encore Vernon.
— Je m'en voudrais d'y mettre les pieds. Nous avons d'autres moyens… répondit mystérieusement Severus.
Vernon, dans sa bêtise et son obstination, ne voyait pas qu'il marchait sur le fil d'un rasoir. Agacer un ancien Mangemort et héros de guerre n'était pas une bonne idée. Mais quand ce gros lard en avait-il eu une seule, de bonne idée ?
— Severus, tu ne peux pas rester avec Harry là-haut ! Il n'y a pas de place dans sa chambre. Impossible d'y mettre un second lit, même un lit de camp. Tu n'y serais pas bien.
Pétunia n'avait pas vraiment le choix, elle devait abonder dans le sens de son époux pour ne pas éveiller ses soupçons. Elle se doutait bien que le sorcier aurait une solution magique. Rien que cette pensée la faisait frissonner de peur, mais la fin valait bien les moyens, et si elle devait supporter quelques Hocus Pocus pour ça, et bien elle ferait contre mauvaise fortune bon cœur.
— Pétunia… s'amusa le Monstre des cachots de Poudlard. Nous n'avons pas besoin d'un autre lit. Je partagerai avec plaisir celui d'Harry.
Le Gryffondor qui était resté silencieux ou presque depuis le début de l'échange, ne put s'empêcher d'afficher soudain un large sourire ravi.
— Mais c'est d'une indécence totale, protesta la blonde, bouche bée.
Ah non, pas question ! Cette petite vermine inutile de Potter n'allait quand même pas lui mettre des bâtons dans les roues. D'abord Lily et maintenant lui ? JAMAIS !
— Des anormaux, je te le dis depuis années, Pet ! Aucune décence, aucun savoir vivre ! On s'impose chez les gens, on leur colle des gamins dont ils n'ont que faire à élever ! On agite des bouts de bois bizarres sous leur nez et on fait des Hocus Pocus ! Et maintenant, nous devrions supporter leurs dépravations ? PAS QUESTION !
— Déçue, Pétunia ? fit Severus avec un rictus amusé. Oh, je sais très bien à quoi tu penses, tu sais ?
— Mais quoi… mais pas du tout… de quoi tu parles ? le coupa la sœur de Lily, le teint soudain empourpré.
De quoi parlait donc Severus ? Elle n'avait rien dit à haute voix. Il ne pouvait pas savoir, c'était sûrement du bluff. Oui, sûrement… Un de leurs sales trucs… Lire dans les pensées, ça n'existait que dans les films de science-fiction, pas dans la vie. Et certainement que même eux ne pouvaient pas le faire. Elle le saurait, Lily lui aurait dit… Et elle n'avait jamais parlé de ça… Ils ne pouvaient pas, hein ?
— Si tu disais à Vernon ce que tu mijotes, Pétunia ? Je pense que je devrais me sentir flatté de ton intérêt, ô combien mal placé, mais voilà… Ça ne me fait ni chaud, ni froid.
— De quoi parle cet anormal, Pet ?
— Dis-lui, Pétunia… dis-lui que tu ne penses qu'à me coller dans tes draps dès qu'il aura le dos tourné… ricana Severus, un sourire hilare et terriblement inquiétant aux lèvres.
Harry ouvrit la bouche pour protester.
— Hééééé ! Mais pas question ! Non mais !
— QUOI ! beugla Vernon en se tournant vers Pétunia comme s'il était monté sur ressort.
— Ne l'écoute pas, Vernon ! protesta son épouse, furieuse. Comment peux-tu dire des choses pareilles, Severus ? Je ne suis pas Lily, moi ! Ça ne t'a donc pas suffit de coucher avec elle ? Il faut aussi que tu fasses croire des choses qui n'existent pas !
— T'as couché avec ma mère ?
— Ne dis donc pas de bêtises, chaton. Je n'ai jamais couché avec une seule femme de toute ma vie. Comme si tu ne le savais pas…
— Ah oui, c'est vrai… un instant, j'ai eu peur.
— Tu n'as jamais couché avec une seule femme ? pouffa Pétunia tandis que Vernon regardait le sorcier le plus âgé avec un sourire moqueur.
— Tu n'as jamais eu aucune chance avec moi, Tuney. Je n'ai jamais aimé les femmes et ta sœur le savait. Nous nous sommes bien amusés à te voir soupirer et baver après moi. Tu ne crois pas que si j'avais été intéressé par la gent féminine, c'est plutôt vers Lily que je me serais tourné ? Après tout, elle était largement la plus belle des filles Evans, la plus brillante aussi. Et surtout, elle était une sorcière extrêmement douée et puissante. Tout pour plaire. Pas étonnant que ce m'as-tu vu de Potter se soit laissé prendre.
— Héééé ! Ne critique pas mon père, d'abord !
— C'est juste une constatation, chaton. Et puis, je dois bien avouer maintenant, qu'il a eu une bonne idée. Sans cela, tu ne serais pas né et ça aurait été dommage pour moi.
— Qu… quoi ? balbutia Pétunia qui craignait avoir compris.
— Oh, mais tu as parfaitement saisi l'allusion, ma chère Tuney. Harry et moi sommes un couple. C'est pour cela que ça ne me posera aucun problème de cohabiter avec lui dans la misérable petite pièce que vous lui avez octroyée.
— DES ANORMAUX ! JE LE SAVAIS ! POTTER ! TU N'ES QU'UN SALE PETIT MONSTRE ! hurla Vernon furieux. Je savais bien que mon Diddy avait vu des choses anormales ! Tu étais avec lui et tu faisais tes saloperies. Mais pas sous mon toit, pas question ! Tu fais tes bagages, Potter, et….
La baguette précédemment tendue sous le nez de Vernon retrouva sa place. Severus eut même l'audace de la pousser en avant et le fin morceau de bois retroussa l'appendice nasal de l'odieux personnage qui poussa un petit cri de terreur.
— Harry va rester ici. Ordre de Dumbledore et ordre du Ministre de la Magie. Nous allons tous les deux rester ici pour la durée des vacances et vous nous ficherez une paix… royale. N'est-ce pas, Pétunia ? Sinon, Sa Très Gracieuse Majesté pourrait bien être mise au courant des difficultés que nous avons rencontrées et surtout du traitement odieux que vous avez fait subir à Harry et au corbeau du Professeur Dumbledore. Nous sommes tous deux en odeur de sainteté au 10 Downing Street, savez-vous ? Et je sais que tu es très soucieuse de ce que pourrait penser la Reine si elle apprenait ton existence par un fait-divers fâcheux, n'est-ce pas, Tuney ?
— Co… comment le sais-tu ? bredouilla Pétunia, livide.
— C'est dans tes pensées. Je sais exactement tout ce à quoi tu penses, ma chère. Je l'ai toujours su. Même lorsque nous étions ado… J'ai toujours su que tu voulais me séduire, déjà à cette époque. Mais est-ce que ton cher Vernon sait que tu projettes de te débarrasser de lui à la première occasion afin d'avoir l'opportunité de faire de moi ton amant ?
— Elle devra passer sur mon cadavre ! pesta Harry furieux.
Le jeune Sauveur toisa sa tante avec haine. Il n'était pas question qu'elle tente quoi que ce soit pour lui voler son Severus. Elle lui avait pourri toute sa vie et elle voulait en plus lui prendre son chéri ? Et puis quoi encore ?
— C'EST FAUX ! beugla Pétunia vexée d'avoir été découverte.
— Severus ne ment jamais, Tante Pétunia. Et s'il dit qu'il a lu tes pensées alors c'est vrai. Ça s'appelle de la Légilimancie et seuls Dumbledore et lui peuvent le faire. L'autre qui pouvait, je l'ai tué, rajouta Harry en reniflant dédaigneusement au souvenir du Mage Noir.
— Tué ? Petit assassin ! persifla Pétunia les yeux plissés.
La tête de Vernon tournait alternativement de Pétunia à Severus comme s'il assistait à un match de tennis à Wimbledon. Les rouages tournaient dans son cerveau survolté. Potter avait admis sans honte être un petit pédé, comme Duddy l'avait annoncé précédemment. L'autre anormal aussi… et il avait même rajouté qu'il n'avait jamais connu de femme. Pourtant Pétunia lui avait affirmé quelques jours auparavant qu'il avait été le petit-ami de sa sœur pendant des années. Et maintenant, ce soi-disant professeur annonçait qu'il pouvait lire dans les pensées, et que sa fidèle épouse envisageait de…
— PÉTUNIA ! Qu'est-ce que cet anormal veut dire ? Explique-toi, tout de suite ! Nom d'un chien ! Tu veux te débarrasser de moi pour courir après lui ! Un… un MONSTRE ? Mais comment oses-tu ! MESSALINE ! JÉZABEL ! Honte à toi !
— Ne l'écoute pas, Vernon ! Il ment, je te jure !
— Ah oui ? Et qu'est-ce qui me prouve que tu ne me trompes pas depuis des années, hein ? Dis-moi… quand tu vas passer la journée chez Yvonne, tu es vraiment avec elle ou elle te sert de couverture ?
— Mais ça ne va pas ? Comment oses-tu me dire ça ! Je te préviens si-
Severus enlaça Harry qui regardait la scène avec des yeux ronds et un certain plaisir pervers. Le jeune Gryffondor aurait bien aimé connaître la fin de la phrase de sa tante, mais il n'avait pas entendu, Severus les ayant faits transplaner dans la petite chambre misérable. Ils perçurent encore le bruit de la dispute violente qui se poursuivait au rez-de-chaussée. Harry entendit les mots « avocat » et « divorce » ainsi que « Marge » et « alcoolique ». Le bruit d'une claque leur parvint, suivit d'un petit cri aigu et d'un bruit de vaisselle cassée environ dix secondes plus tard.
— Waouhhh ! Tu as fait fort, Sev' ! Jamais je n'ai vu Oncle Vernon et Tante Pétunia se disputer ainsi ! Tu as remarqué, ils n'ont pas fait trop d'histoire quand ils ont su que j'étais gay, et pourtant, je peux te dire qu'ils sont homophobes.
— Je leur ai jeté un plus gros os, ça les a distraits… Pose-tes béquilles, tu n'en as plus besoin, je vais te soigner ça immédiatement. Je pense que nous serons dorénavant tranquilles. Marge est en prison, ton cousin à l'hôpital, Vernon et Tuney ne vont penser qu'à se battre et pendant ce temps, ils ne s'occuperont pas de nous. Ils n'ont d'ailleurs pas intérêt. Il va sans dire que Tenebrus va rester invisible. Mais d'abord, un petit aménagement supplémentaire…
Harry vit le Serpentard agiter sa baguette autour de la porte de la chambre et du mur qui donnait sur le couloir.
— Que fais-tu, Sev' ?
— J'ai mis une barrière magique sur le mur et la porte. Ton oncle et ta tante ne pourront pas y toucher. Non seulement ils ne pourront plus refermer les verrous ou toucher la poignée sans recevoir une bonne décharge magique, mais si l'envie leur prenait de casser le mur pour nous déloger, ils recevraient également cette décharge. Et crois-moi, elle ne sera pas agréable. Ah oui, j'oubliais, la chatière est dorénavant condamnée. Nous réinstalleront la porte provisoire pour aller à la salle de bain. Mon petit doigt me dit que cette Marge ne reviendra pas de tout notre séjour…
— Tu sais que je t'adore, toi ? gloussa Harry un sourire hilare sur le visage.
Sa jambe lui faisait bien un peu mal, mais ça valait vraiment le coup. Au moins, il avait eu une bonne petite vengeance. Un cri plus aigu de Pétunia lui fit tourner la tête vers la porte et un hurlement de rage de Vernon suivit. Le jeune sorcier ne voulait même pas savoir ce qu'il se passait en bas. Il dirigea son regard vers le Maître des Potions qui concentré, fouillait dans sa réserve de fioles afin de trouver – encore une fois – de quoi le soigner.
Une douce chaleur se répandit en lui, partant de son cœur. C'était ça, le bonheur. Tant que Severus serait là pour veiller sur lui, tout irait pour le mieux.
Au final, ce n'était plus si important que ça qu'ils soient tous deux enfermés à Privet Drive...
FIN
[1] Verre d'une contenance de 25 cl, destiné à servir des cocktails de type Long Drink. La hauteur du verre permet de le remplir de glace et de rafraîchir totalement une boisson de 15 cl. Inutile de préciser que Marge n'a pas mis de glace et que le verre n'est rempli que d'alcool jusqu'en haut…